Le développement du foetus, la minéralisation de son squelette, la
constitution, en fin de grossesse, de réserves suffisantes en vitamine D et en
25-hydroxy-vitamine D (25(OH)D) se font aux dépens de l'organisme maternel et
nécessitent des échanges actifs au bénéfice de l'enfant (1).
Au terme normal de la grossesse, le foetus a accumulé en moyenne 30
grammes de calcium, pour l'essentiel durant le 3e trimestre, ce qui représente une
accrétion calcique d'au moins 200 mg par jour (2). Le transfert materno-foetal du calcium
et du phosphore se fait de façon active, contre un gradient de concentration, les valeurs
de la calcémie (calcium et calcium ionisé) et de la phosphorémie du foetus étant
supérieures aux valeurs maternelles. Le transfert placentaire actif semble stimulé par
l'action d'une protéine sécrétée localement (3) ayant une action similaire à la
parathormone (PTH related protein : PTH-RP) et par le dérivé activé de la vitamine D,
la 1,25-(OH)2 D (2) dont le placenta pourvu de l'activité 1-a hydroxylase, peut assurer
la synthèse à partir de la 25(OH)D d'origine maternelle. Le transfert materno-foetal de
la vitamine D et surtout de son dérivé 25-hydroxylé sont aujourd'hui bien démontrés
(4) ; il existe une étroite corrélation entre les taux de 25(OH)D dans le sang de la
mère et celui du cordon (4-8). Contrairement au calcium et au phosphore, les taux de
25(OH)D sont plus élevés chez la mère que chez le foetus, surtout lorsque les taux
maternels sont normaux ou élevés (7). Lorsque les taux maternels de 25(OH)D s'abaissent,
les taux du foetus se rapprochent des taux maternels. Ceci suggère que, là encore, le
placenta joue un rôle de régulation dans le transfert materno-foetal de la 25(OH) D (7).
En dépit de quelques travaux discordants (4), il est admis, à l'inverse, qu'il n'existe
pas de corrélation entre les taux de 1,25-(OH)2D dans le sang maternel et dans celui du
cordon. La 1,25-(OH)2D ne semble pas, ou mal, franchir la barrière placentaire et la
régulation de sa synthèse paraît être propre à l'unité foeto-placentaire. De la
même façon, la parathormone et la calcitonine ne traversent pas le placenta.
La satisfaction des besoins du foetus en calcium, en phosphore et en
25(OH) D se fait aux dépens de l'organisme maternel. Pour maintenir une balance calcique
maternelle satisfaisante, tenant compte des besoins du foetus, l'apport calcique
alimentaire devrait être de 1,5 g par jour durant toute la grossesse (2). Cet apport est
au-dessus de l'apport officiellement recommandé qui est de 1,2 g par jour (9). LAMKE et
coll (10) font état d'une perte d'os trabéculaire à l'extrémité distale de
l'avant-bras de 4,2 %, en moyenne, au cours du dernier trimestre de la grossesse,
DRINKWATER et coll (11) d'une perte de 2,4 % au niveau du col fémoral. Pour limiter cette
déminéralisation maternelle, une augmentation de l'absorption intestinale du calcium et
du phosphore se produit durant la gestation, et ceci dès son premier trimestre (12).
Cette adaptation est, pour l'essentiel, le fait de la vitamine D et de son dérivé
activé la 1,25-(OH)2D, comme en témoignent l'augmentation de cette hormone qui commence
dès le début de la gestation et atteindra son maximum en fin de grossesse (8,13) et la
diminution relative des 24,25-(OH)2D et 25,26-(OH)2D (13). Cette élévation de la 1,25
(OH)2D pourrait être d'origine placentaire, WEISMAN et coll ayant montré que les
cellules déciduales du côté maternel étaient capables d'hydroxyler la 25 (OH) D en
1,25 (OH)2 D in vitro (14).
En l'absence d'une augmentation des apports alimentaires, ou de la
photosynthèse cutanée, les réserves maternelles en vitamine D et en 25 (OH)D du tissu
adipeux et du plasma vont en s'appauvrissant au cours de la grossesse ; dans les 10
dernières semaines de celle-ci, les taux de 25-(OH) D s'abaissent de façon significative
peut-être du fait de sa consommation foetale (15).
Le rôle essentiel joué par la vitamine D dans l'absorption digestive du
calcium et du phosphore par la mère, dans les échanges phosphocalciques au niveau du
squelette maternel et dans le statut phosphocalcique du nouveau-né doivent conduire à
être attentifs au statut vitaminique D materno-foetal durant la grossesse.
Il apparaît donc indispensable d'assurer aux femmes enceintes un meilleur
statut vitaminique D ; même si de nombreuses études ont démontré le rôle essentiel de
l'ensoleillement (18,32), les conditions éminemment variables de vie, de climat, de
latitude, de pollution atmosphérique, interdisent de faire reposer la prophylaxie de
cette carence sur la seule exposition aux U.V. solaires.
Les apports recommandés (9,33) durant la grossesse ont été fixés à
400 UI./24 heures, bien que la photosynthèse cutanée, très variable, rende difficile
l'estimation des besoins. L'étude de MARKESTAD et coll (13) montre que cet apport semble
effectivement suffisant dans un pays à l'ensoleillement aussi limité que la Norvège ;
l'étude d'ALA HOUHALA en Finlande, avec une supplémentation quotidienne de 500 UI de
vitamine D3/24 heures, montre aussi des résultats satisfaisants (8). Certaines études
montrent, en outre, qu'à l'augmentation de la 25 (OH)D s'associe une limitation de la
baisse de la calcémie néonatale au 6e jour (29,34). Si la supplémentation est limitée
au deuxième et troisième (8,29), ou au troisième trimestre de la grossesse, cette
posologie n'est plus suffisante. Lorsque la supplémentation est limitée au troisième
trimestre de la gestation, des doses de 1000 UI/24 heures (19,24,34) permettent d'obtenir
des taux normaux de 25-OH,D chez la mère et au sang du cordon et diminuent fortement le
risque d'hypocalcémie néonatale. Les mêmes résultats peuvent être obtenus par une
dose de charge unique de 200 000 U.I. administrée au début du 7e mois de grossesse (35)
; cette supplémentation maternelle permet de réduire la fréquence des hypocalcémies
néonatales de 5,11 à 1,93 % et cette réduction est encore plus marquée en période
d'hiver où la fréquence de l'hypocalcémie néonatale chute de 7,72 à 2,43 %. Selon
ZEGHOUD et coll (20), cette dose de charge pourrait être ramenée à 100 000 UI, mais
inversement, il faut exclure les doses de charge plus élevées en raison de leur
toxicité possible (36-38).
Une modalité préventive élégante serait d'assurer les apports
officiellement recommandés (400 UI/24 h) en utilisant des laits, voire des laitages
supplémentés à raison de 100 à 120 UI pour 100 Kcal. Les laits aujourd'hui proposés
en France, comme spécifiquement destinés aux femmes enceintes devraient donc être
supplémentés en vitamine D.
Malheureusement, il faut constater que malgré la multiplicité des
travaux scientifiques qui démontrent l'importance d'un statut vitaminique D satisfaisant
durant la grossesse, particulièrement durant le troisième trimestre et les mois en
"r", une supplémentation efficace n'est que trop rarement réalisée. Même
dans des revues générales de grande diffusion et de caractère didactique, cette
nécessité est parfois oubliée (39).
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