JTA 1996
Reperméabilisation tubaire sous
clioscopie : amélioration
J.-M. Barbeault, J.-L. Alliez et H. Manhès
Depuis quelques années, les succès de la Fécondation
In Vitro, ont relégué au second plan la réalisation
des reperméabilisations tubaires. Après avoir connu
la grande microchirurgie, sa lourdeur d'installation et sa lenteur
d'exécution, nous avons glissé progressivement vers
une chirurgie microlaparotomique assistée par clioscopie.
Le premier temps était celui de l'évaluation clioscopique
de faisabilité, le deuxième temps celui de la micro
laparotomie permettant de présenter à la peau alternativement
une corne utérine puis l'autre, leur cathétérisation
et leur suture, le troisième temps celui de la toilette
clioscopique et de l'évaluation fonctionnelle. Entre
1987 et 1992 inclus, 21 patientes ont eu une déligature
selon cette technique mixte. 5 ont été perdues de
vue ou n'ont pas donné de réponse. 8 grossesses
ont été obtenues dont une fausse-couche soit 47
%. Les progrès de la coeliochirurgie nous ont amenés
depuis 3 ans à nous intéresser à la reperméabilisation
tubaire sous clioscopie exclusive.
Cette technique était confrontée d'emblée
à deux sortes de difficultés :
- le cathétérisme tubaire servant de tuteur et notamment
le cathétérisme de la partie distale de la trompe
;- la suture de l'anastomose qui devait se faire par points intra-péritonéaux
avec des fils de très petits diamètres (entre 7
et 8/0).
MATéRIEL ET MéTHODE
Dix-sept patientes ont été opérées
par clioscopie. Toutes avaient eu une stérilisation
tubaire chirurgicale (anneau de Yoon), section entre deux ligatures
ou mise en place de clips de Filschie et nous n'avons accepté
dans cette étude que les ligatures isthmo-isthmiques vraies.
Les patientes ont un âge moyen de 39 ans avec des extrêmes
allant de 36 à 42 ans, leur fonction ovarienne avait été
vérifiée, une hystérosalpingographie préalable
avait pu montrer la cavité de leur utérus et la
présence d'au moins un moignon proximal perméable,
enfin le spermogramme du conjoint était toujours dans les
limites de la normale. Le recul maximum ne dépasse pas
un an.
Deux contingents comparatifs ont été ainsi traités
à un détail technique près :
- 12 patientes ont été opérées par
les Dr J.M. Barbeault et J.L. Alliez à la clinique Wulfran-Puget
- 13008 Marseille. Elles ont bénéficié d'une
suture tubo-tubaire par fils
- 5 patientes par le Dr H. Manhès, clinique La Pergola
- 03200 Vichy, ont fait l'objet d'une approximation tubo-tubaire
à la colle de fibrine.
Après anesthésie générale et toilette
classique du vagin et de la paroi, la patiente est installée
en position gynécologique, jambes modérément
relevées et écartées. La clioscopie
est faite selon la technique habituelle et trois orifices opératoires
de 5,5 mm sont créés, un sus-pubien médian,
les deux autres 2 cm en dedans des épines iliaques antéro-supérieures.
Nous avons mis au point un set complet de microchirurgie par clioscopie
comprenant 2 micro pinces, un porte aiguille et son tournefil,
un micro ciseau et une micro bipolaire (Karl Storz GBMH). Les
cathéters sont de deux types : Oliver Set MK2 (CCD) ou
Janssen Anderson (Cook).
L'intervention peut être schématisée en quatre
temps.
Le premier temps consiste en la mise à jour de la lumière
tubaire.
Par voie basse, nous mettons en place dans la cavité utérine
une sonde de Pezzer n° 14 gonflée avec 3 cc de sérum
pour réaliser l'épreuve au bleu de méthylène
à faible pression.
Par voie clioscopique, nous réalisons l'ablation
du matériel de stérilisation puis la dissection
et l'isolement des moignons tubaires. Les extrémités
tubaires proximales sont saisies à l'aide de la pince microgrip
et sectionnées aux ciseaux froids jusqu'à l'obtention
d'un passage massif du bleu de méthylène.
L'anastomose sera tentée si au moins l'un des deux moignons
est perméable au bleu de méthylène.
Nous réalisons alors la section de deux moignons tubaires
distaux jusqu'à la vision de la muqueuse de la lumière
tubaire.
Un des grands principes de cette intervention est l'absence d'hémostase
pour les différents segments tubaires. En effet toute lésion
ischémique, aussi minime soit-elle, est susceptible de
retarder la régénération tissulaire. Donc
pas de section au bistouri monopolaire, pas de coagulation bipolaire
mais l'on profite pleinement de la barohémostase du pneumopéritoine
et de la thermohémostase en irriguant abondamment au sérum
physiologique chaud (42°).Le deuxième temps consiste
au cathétérisme des moignons tubaires proximaux
et pour ceci nous utilisons soit l'Oliver Set MK2 (CCD) ou le
Janssen Anderson (Cook). Le temps bas consiste à enlever
tout d'abord la sonde de Pezzer intra-utérine, puis après
mise en place d'une pince de Pozzi sur le col en sa traction pour
verticaliser l'utérus et introduire le porte cathéter
à mémoire qui viendra se mettre en regard du premier
ostium tubaire. Le cathéter et son guide d'un diamètre
inférieur au millimètre est introduit dans la trompe
et apparaît à l'orifice du moignon tubaire proximal.
La voie haute consiste à saisir ce guide par une pince
opératoire et à le diriger vers l'orifice du moignon
tubaire distal homo-latéral.
Jusqu'à ce jour, la difficulté majeure que nous
rencontrions était le cathétérisme de la
partie tubaire distale. Cette opération pouvait dans certaines
conditions être impossible. Nous avons résolu ce
problème en opérant de la manière suivante
: par le trocart homo-latéral à la trompe cathétérisée,
nous introduisons une pince d'hystéroscopie semi-rigide
modifiée que nous appelons pince " tuile " (KARL
STORZ GBMH).Dans le même temps, par le trocart sus-pubien
contro-latéral et par un trocart médian, nous appréhendons
les deux extrémités de la partie distale tubaire
qui est mise en tension. La pince à biopsie semi-rigide
est alors introduite par l'ostium pavillonnaire et poussée
jusqu'à ce qu'elle apparaisse au niveau de la partie isthmique
distale. Il suffit alors de saisir avec la pince " tuile "
le cathéter introduit par voie basse puis tracté
jusqu'à le faire dépasser de l'ostium pavillonnaire.
Le troisième temps est celui de la salpingoplastie per-clioscopique
et c'est là la justification de nos deux séries
parallèles.
- La première, certes la plus importante, est réalisée
par 2 points de prolène 7 à 8/0. Ces points sont
placés, un au niveau du mésosalpinx, l'autre antimésial,
prenant en charge séreuse et musculeuse en même temps.
Les fils sont noués en se servant de la micropince tournefil.
Cette solution impose une certaine dextérité et
du temps : en moyenne 90 mn.- La deuxième fait appel à
la colle de fibrine. Une goutte de produit est déposée
à l'aide du cathéter spécial livré
en kit et l'approximation est assurée par la microgrip
en prenant soin de maintenir en contact les deux bouts tubaires
pendant deux ou trois minutes. Une pince spéciale est en
cours de fabrication pour faciliter cette approximation (KARL
STORZ GBMH). Les temps d'intervention sont ici plus courts pouvant
faire économiser entre 20 et 40 mn d'anesthésie.
La fixation des cathéters tubaires, laissés en place
2 jours, est assurée grâce à un point simple
sur le col utérin.
Le quatrième temps : deux jours après l'intervention,
les tuteurs sont retirés sans aucune difficulté.
Aucune antibiothérapie systématique n'a été
donnée. L'hospitalisation est de deux jours. La reprise
des rapports sexuels est autorisée dès le cycle
qui suit l'intervention.
RESULTATS
Le résultat anatomique est remarquable. Il tient en grande
partie au centrage parfait de la lumière tubaire par le
cathétérisme. En un an et demi, dix-sept personnes
ont donc été opérées. Six sont devenues
enceintes.
Huit ne l'étant pas encore, voient leur perméabilité
tubaire confirmée par la réalisation d'une hystérosalpingographie.
Les trois dernières très récentes ne sont
ni enceintes ni contrôlées. Parmi les douze patientes
dont les sutures ont été réalisées
au prolène 7 à 8/0, quatre sont enceintes.
Dans la série des cinq patientes dont l'appoximation tubaire
a été réalisée à la colle de
fibrine, deux sont actuellement enceintes.
Toutes les grossesses observées à ce jour sont intra-utérines.
DISCUSSION
Si les premiers résultats sont tout à fait encourageants
et la technique légère par rapport à la microchirurgie
traditionnelle, notre série est trop courte pour nous permettre
de tirer des conclusions et a fortiori pour exprimer nos résultats
en termes de pourcentage. Les éléments essentiels
de discussion pourraient porter sur les points suivants :- nous
avons sélectionné des cas simples d'anastomoses
tubo-tubaires isthmiques purs en écartant tout problème
d'incongruance. L'idéal est la stérilisation clioscopique
par clips de Filshie ou de Hulka ou par électrocoagulation
bipolaire et section, placée à 2 cm de la corne
utérine. L'anneau de Yoon reproduisant le Pomeroy emporte
en moyenne 15 mm de trompe et place souvent l'anastomose en pleine
incongruance ;
- l'indication de reperméabilisation ne doit être
tentée que dans les cas favorables : contrôle de
la qualité du sperme, de la cavité utérine
et de l'absence de pathologies périphériques (endométriose,
infection, adhérences) ;
- l'effet délétère d'un cathéter laissé
en place dans la lumière tubaire a été démontré
(Khoo et Mac Kay chez la lapine). La compression de ce dernier
entraînerait une irritation voire une réaction scléreuse.
Toutefois ces effets sont observés lorsque le cathéter
est laissé en place pendant une longue période (une
semaine). En ce qui nous concerne, son rôle est d'assurer
un parfait affrontement et pendant un très court temps
(24 h) insuffisant pour apporter des lésions irréversibles
;- bien que souvent discuté l'effet délétère
de la colle de fibrine n'a pas été prouvé.
Le seul risque semble être la formation d'un caillot de
fibrine dans la lumière tubaire. L'utilisation per-opératoire
du cathéter évite la contamination endo-luminale
par la colle de fibrine ;
- il ne semble pas que le mode de solidarisation tubo-tubaire
ait une incidence sur le taux de grossesse. Bien au contraire,
et forts de l'expérience que nous avons de la cicatrisation
des salpingotomies lors du traitement conservateur de la GEU,
nous pensons qu'il ouvre une perspective innovante et réduit
considérablement le temps d'intervention ; enfin les demandes
de reperméabilisation ne doivent plus être éludées
au profit de la FIV. L'impact économique est à notre
sens à l'avantage de la déstérilisation.
CONCLUSION
Cette procédure de déligature n'est pas une nouveauté.
De nombreuses équipes dans le monde se sont essayées
avec plus ou moins de bonheur à cet exercice. L'originalité
que nous apportons est celle d'une simplification des gestes associée
à une confiance accrue dans les propres capacités
de l'organisme à assurer sa propre réparation.
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