JTA 1996
retzius plastie par clioscopie
nouvelle approche chirurgicale de l'incontinence urinaire d'effort
H. Manhès
Retzius plastie comporte deux termes qui ont chacun leur importance :
- Retzius, c'est le nom de l'espace au travers duquel s'effectuent, à
l'heure actuelle, les meilleures cures chirurgicales classiques de l'incontinence urinaire
;
- plastie parce qu'il s'agit de la chirurgie réparatrice d'un défaut
fonctionnel.
Cette intervention se démarque nettement des quelque trois cents
techniques déjà décrites de la chirurgie classique. Elle fait appel aux facultés
propres de réparation de l'organisme.
Principes
L'espace de Retzius est l'interface entre un plan fixe antérieur, le bloc
musculo-aponévrotique et osseux et un plan postérieur mobile, le bloc viscéral
urétro-vagino-vésical. C'est un espace anatomique vrai comblé par un feutrage
fibro-conjonctif pratiquement avasculaire. De cette définition se dégagent les trois
temps de la Retzius plastie.
- Ouverture de l'espace de Retzius en utilisant les moyens de
l'endoscopie.
- Mobilisation de cet espace de façon à amener le sphincter
vésico-urétral à devenir continent. Cette mobilisation va donc chercher à surélever
le plan mobile viscéral par rapport au plan fixe. Elle fait appel pour ce faire à une
prothèse originale positionnée dans le vagin.
- Fixation de l'espace de Retzius ainsi déplacé. Cette technique
intéresse la totalité de la surface de cet espace et se différencie donc
fondamentalement de la technique classique transfixiante de suspension par fils. De plus
elle fait appel au génie réparateur de l'organisme en déclenchant et canalisant une
réaction fibroblastique réalisant un nouveau comblement fibro-conjonctif.
Matériel
Vingt sept patientes ont été sélectionnées à ce jour essentiellement
sur des critères cliniques : incontinence urinaire à l'effort banal non ou très peu
modifiée par une rééducation périnéale d'au moins 15 séances. Lors de l'examen,
outre le bilan lésionnel, a été réalisé un test de Bonney en position debout. Sont
exclues les hystérocèles de stade 2, les cystocèles supérieures au stade 2, ainsi que
tous les prolapsus complexes qui sont du ressort de la chirurgie traditionnelle.
L'étude urodynamique avant et après intervention ne nous a apport é
aucune aide à la décision ni à la surveillance postopératoire. Elle garde tout son
intérêt pour éliminer une insuffisance sphinctérienne. Toutes ces patientes ont été
informées du principe de cette intervention et de son caractère " novateur ".
Méthode
La coelioscopie dans cette série est transombilicale et
trans-péritonéale car elle permet un bilan abdomino-pelvien complet. Elle peut aussi
bien être réalisée par voie prépéritonéale avec l'avantage de pas avoir à refermer
le péritoine. L'instrumentation n'est pas spécifique à ce type d'intervention mais
dépend surtout de l'équipement et des habitudes de chacun. En revanche, les fils ont
disparus de la panoplie et sont remplacés par :
- de la colle de fibrine, 2 cc avec set de vaporisation
- treillis en vicryl composite type 9 : 60 % résorbable et 40 % non
résorbable
- prothèse vaginale originale, gonflable : PRP (prothèse pour Retzius
plastie de Manhès) * PETERS S.A.
Cette prothèse comporte un anneau classique de pessaire de trois
dimensions 6, 7 et 8 cm. La partie centrale de cet anneau est comblée par une double
membrane, rigide d'un côté, expansible de l'autre et reliée par un tuyau muni d'une
valve antiretour facilitant son gonflage. Le dôme ainsi produit vient appliquer la paroi
antérieure du vagin contre la symphyse pubienne refoulant la jonction urétro-vésicale
en haut et en avant.
Les patientes sont installées en position gynécologique avec relèvement
modéré des jambes.
Deux orifices opératoires de 5,5 mm sont faits à 2 cm en dedans des
épines iliaques antéro-supérieures.
Ouverture du Retzius
Le péritoine est saisi à l'aide d'une grip pince au niveau
de l'ouraque, à équidistance entre l'ombilic et le dôme vésical, et
attiré vers le bas. L'incision faite avec l'aiguille monopolaire du palpateur armé, est
transversale, sectionne l'ouraque, va d'une artère ombilicale à l'autre et pénètre en
profondeur jusqu'à la face profonde de l'aponévrose des muscles droits de l'abdomen, là
précisément où se trouve le bon plan de clivage. Le Retzius est disséqué au palpateur
mousse jusqu'au bord inférieur du pubis mettant ainsi à jour la vessie en haut et les
deux joues du vagin latéralement. Cette dissection est facilitée par la pression
positive du pneumopéritoine et doit être complètement exsangue.
Mise en place de la prothèse vaginale
Celle-ci est positionnée dans le vagin prenant appui en arrière dans le
cul-de-sac vaginal postérieur et en avant derrière la symphyse pubienne, le tuyau de
gonflage sort au niveau de la fourchette vulvaire.
Encollage du Retzius
Le treillis préalablement découpé à la forme et à la dimension de
l'espace est étalé pour recouvrir la totalité du Retzius. Puis on applique par
vaporisation une couche de colle de fibrine sur ce treillis mais également dans tout
l'espace de Retzius.
Déplacement du Retzius
La prothèse est alors gonflée avec 80 à 120 cc d'air sous contrôle
coelioscopique refoulant la paroi antérieure du vagin contre l'ogive pubienne et
remontant ainsi le sphincter urétral. Il est intéressant de noter que la vessie ne
participe pas à cet encollage et reste donc libre de ses mouvements de
réplétion-déplétion. Aucune suture péritonéale n'est effectuée. La brèche se ferme
spontanément par accolement des deux feuillets du péritoine sous l'effet combiné de la
colle de fibrine, du remplissage de la vessie en fin d'intervention (300 à 500 cc) et de
l'exsufflation du pneumopéritoine. Cette réplétion est maintenue 20 min puis drainée
en salle de réveil. La sonde vésicale sera maintenue en place 24 h. La durée de
l'intervention n'a jamais excédé, dans notre expérience, 30 min. La sortie est
autorisée à 48 h.
La prothèse vaginale sera portée 15 jours. En raison de la porosité du
matériau (50 % de perte tous les trois jours), la patiente regonfle elle même celle-ci
tous les trois jours avec 50 cc d'air. Les patientes sont revues au 15e jour
postopératoire pour l'ablation définitive de la prothèse vaginale puis à 3 mois, 6
mois et un an.
Résultats préliminaires
La première Retzius plastie remonte à 20 mois et le recul médian est de
8 mois, si bien qu'il serait présomptueux de parler de résultats définitifs.
Ce que l'on peut constater tout d'abord, c'est la remarquable qualité des
suites opératoires immédiates, en particulier l'absence de dysurie ou de rétention. La
tolérance à la prothèse a été bonne. Lors de son ablation à 15 jours, on peut avoir
l'impression d'un échec anatomique total. Lors du contrôle du troisième mois, l'examen
apporte des constatations rassurantes qui se confortent à 6 mois et 1 an.
27 patientes à ce jour ont bénéficié d'une RP comme ci-dessus
décrite. L'âge moyen est de 54 années, extrêmes 44, 70.
Les 10 dernières patientes ont été exclues car le recul est inférieur
à 3 mois. 17 dossiers entrent donc dans le cadre de ces résultats préliminaires.
L'amélioration de l'incontinence est constante pour 16 d'entre elles, une seule signale
l'impossibilité d'arrêter son urination avec des besoins impérieux persistants. Par
ailleurs, et c'est peut-être là l'apport nouveau de cette technique, la cystocèle est
réduite de façon constante d'un degré.
Discussion
La meilleure méthode reconnue pour traiter l'incontinence urinaire est
certainement l'intervention de Burch par laparotomie
1. Il semble que la suspension par fils alliée à une" pollution
" certaine de l'espace de Retzius apporte une fixation durable dans 60 à 80 % des
cas
2. Lorsque l'on veut entreprendre la même procédure par coelioscopie et
c'est maintenant possible 3 4 5 6 7 8 9, les résultats que l'on obtient sont dans le
temps décevants. Une série personnelle ayant précédé la Retzius Plastie a donné
ainsi entre nos mains 60 % d'échecs à 1 an. C'est peut-être en raison de la faible
" pollution " qu'apporte la coelioscopie. Il semble donc nécessaire non
seulement de déplacer cet espace mais également " proposer " à l'organisme de
réaliser un nouvel accolement fibroconjonctif durable. Sur le premier point, le vagin
constitue un support idéal pour réaliser ce déplacement. La prothèse gonflable répond
à cet objectif en apportant non plus une suspension ponctuelle mais un repositionnement
de toute la surface du Retzius et c'est certainement l'élément le plus important en
faveur de la solidité. Pour le deuxième point, celui de la constitution d'un nouvel
accolement, l'organisme possède cette aptitude par ces cellules de comblement que sont
les fibroblastes. Mais comment mobiliser ces fibroblastes ? La colle de fibrine est le
médium de première intention. La concentration du produit submerge pour un temps (3
semaines) les capacités fibrinolytiques naturelles si bien que les fibroblastes
colonisent le réseau de fibrine. Ces éléments conjonctifs une fois sur place sont
intéressés à la résorption du vicryl (90 jours) et finissent par s'organiser dans les
mailles du matériau non résorbable. L'encollage de l'espace de Retzius avec la seule
colle de fibrine 10 est à notre sens insuffisant à produire un nouvel espace
fibro-conjonctif solide et durable. Deux questions se posent dès lors. Elles ne seront
résolues qu'avec un recul plus important. La première est celle de la longévité et la
solidité de cet accolement. Une partie de la solution pourrait être apportée par la
stabilité, la solidité et la parfaite tolérance des plaques fermant les hernies ou
éventrations de paroi et pour lesquelles le recul est maintenant supérieur à 5 ans. La
deuxième question porte sur les possibilités chirurgicales de pénétration de cet
espace en cas d'échec. La réponse ici ne peut être que théorique ou fondée sur
l'analyse d'un nombre encore trop restreint de cas. Dans la mesure où il s'agit d'une
chirurgie moins traumatisante, la réaction conjonctive qui en résulte est moins
sclérogène. L'effet recherché est celui d'une réaction fibreuse limitée, canalisée
et non extensive car induite par des supports définis anatomiquement avec pour objectif
la possibilité d'une nouvelle dissection en cas d'échec. De plus la présence du
treillis en place renforce les possibilités de la réparation par Burch laparotomique ou
coelioscopique.
Conclusion
Cette méthode originale s'appuie sur une " philosophie chirurgicale
" directement inspirée de l'endoscopie, c'est-à-dire sur le moindre traumatisme,
l'exploitation rationnelle des plans de clivage et l'utilisation des facultés de
réparation spontanée des tissus. Elle ouvre des perspectives thérapeutiques innovantes
non seulement pour l'incontinence urinaire d'effort mais aussi pour toute la chirurgie de
réparation des lésions de la statique pelvienne.
Bibliographie
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