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Titre: L'incontinence anale neurogene du post-partum. Diagnostic et traitement
Année: 1998
Auteurs: - Amarenco G.
Spécialité: Périnéologie
Theme: Incontinence

L'INCONTINENCE ANALE NEUROGENE DU POST-PARTUM.

DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT

G. AMARENCO

Laboratoire d'Urodynamique et de Neurophysiologie

Service de Rééducation Neurologique, Centre Hospitalier Robert Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois

 

RESUME :

Fréquente, l’incontinence anale du post-partum réponds à plusieurs mécanismes physiopathologiques volontiers intriqués. Les causes neurologiques sont dominées par la neuropathie périnéale d’étirement, les atteintes plexiques et radiculo-médullaires étant infiniment plus rares. Les causes méacaniques avec rupture plus ou moins complète de l’anneau sphinctérien, bien mises en évidence par l’échographie endo-anale, sont souvent associées. Les investigations neurophysiologiques périnéales permettent l'analyse des différents éléments neuro-musculaires impliqués dans la régulation et le contrôle ano-rectal. Elles complètent les autres méthodes d'évaluation morphologiques (défécographie, endoscopie, échographie) et fonctionnelle (manométrie) de la motricité ano-rectale. Elles permettent de mettre en évidence une atteinte neurologique et d'en préciser le niveau.

Le traitement repose, outre sur la prévention des facteurs de risque (accouchement prolongé, forceps, ...) sur la rééducation périnéale par bio-feedback, éventuellement complétée par le traitement chirurgical de la rupture sphinctérienne.

 

1. EPIDEMIOLOGIE ET PREVALENCE DE L’INCONTINENCE ANALE DU POST-PARTUM

La fréquence de l’incontinence fécale du post-partum est diversement appréciée puisque 5 à 40% des femmes selon les séries, souffriraient au décours de leur accouchement d’une incontinence fécale aux solides, aux liquides ou encore d’une hypocontinence aux gaz. Dans tous les cas, iI existe une étroite corrélation entre la fréquence de l’incontinence et le nombre de grossesses (25,26,10).

La fréquence de la neuropathie périnéale d’étirement est encore plus élevée : 53% des primipares accouchant sans délivrance instrumentale ont en post partum une augmentation des latences distales du nerf pudendal (37).

La fréquence de la rupture sphinctérienne (composante mécanique potentielle de l’incontinence fécale du post partum), est aussi variable selon les études. Ainsi sur une cohorte de 202 patientes,13% des 79 primipares et 23% des 48 multipares ayant accouché par voie basse ont une incontinence anale et/ou une impériosité fécale. 35 % des primipares et 40% des multipares ont un défect sphinctérien, ce dernier n’étant pas retrouvé en cas de césarienne (23/23) et à l’inverse noté chez 8 des 10 femmes ayant accouché par forceps (33).

D’autres études retrouvent un chiffre moins important (2,4% de rupture après accouchement par voie basse sur une étude prospective de 82 femmes, dont 40 % sont incontinentes (qu’il y est ou non rupture) (10).

2. LES MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE L’INCONTINENCE ANALE NEUROLOGIQUE DU POST-PARTUM

Les causes neurologiques de l’incontinence anale du post partum sont diverses, qu'ils s'agissent habituellement d’atteintes très distales du système nerveux périphérique, ou, beaucoup plus rarement, d’atteintes radiculo-médullaire proximale ou plexique.

2.1. Incontinence fécale et neuropathie périnéale d'étirement

De nombreux travaux ont démontrés ces dernières années, l'existence d'une dénervation périnéale au cours de l'incontinence fécale idiopathique et des périnés descendants (2,11, 13,17,20). Le mécanisme incriminé est un étirement répété, traumatisant des nerfs du petit bassin par faiblesse et ptôse du diaphragme pelvien. Cette hypothèse a pu être vérifiée par Swash grâce à l'analyse électromyographique des muscles pelviens et à l'étude des conductions distales des branches motrices terminales du nerf honteux interne (34,35). Le mécanisme de cette élongation nerveuse est le plus souvent un périnée descendant. Les dyschésies anorectales prolongées par les efforts de poussée qu'elles nécessitent, peuvent induire de telles lésions neurogènes (responsable à terme d'une insuffisance sphinctérienne anale responsable d'une incontinence fécale) (14,16,23,28,40). Le même mécanisme de traction peut être mis en évidence au cours de diverses anomalies anatomiques telles les prolapsus. Les interventions pelviennes et tout particulièrement les colposuspensions, par la traction indispensable qu'elles nécessitent, peuvent être à l'origine de telles lésions.

Mais le facteur principal de cette neuropathie périnéale distale d’élongation est sans nul doute la grossesse et l’accouchement, ce d'autant que ce dernier s'avère dystocique (expression manuelle, forceps, nouveau-né de poids élevé) ou répétés (multiparité) (29,30,31,32).

Ainsi, en post-partum, les latences terminales du nerf pudendal les plus allongées (témoin direct de l’importance de la neuropathie), sont statistiquement associées à un accouchement difficile effectué à l’aide d’une ventouse (36).

Ces neuropathies distales du nerf pudendal sont essentiellement motrices. Rarement, elles déterminent un trouble sensitif exprimé par une sensation diminuée du passage des selles dans le canal anal (7). Ce dernier signe est plutôt l'apanage des lésions du cône terminal dépistées par l'augmentation de la latence du réflexe bulbo-anal. La dénervation du plancher pelvien détermine une diminution des performances mécaniques du sphincter anal, dont la force, la puissance et l'endurance de la contraction diminue. Ceci génère souvent une impériosité fécale par déficit du recrutement volontaire strié d'urgence. En cas d'atteinte plus importante avec dénervation massive du sphincter anal, l'incontinence fécale apparaît d'abord aux gaz puis aux liquides et enfin aux solides. Cette dénervation n'est en fait que rarement isolée et s'accompagne souvent de lésions purement mécaniques du sphincter strié anal ou du sphincter lisse. Ces défects sphinctériens traumatiques peuvent être certes suggérés par un tracé électromyographique pauvre dans un des quadrants du sphincter anal lors de la cartographique sphinctérienne, mais sont en fait au mieux explorés et évalués par l'échographie endo-anale, aussi performante et moins douloureuse (6,9,18). Cependant cette dernière ne peut préjuger d'une dénervation associée, à fortiori la quantifier et apporter des éléments de pronostic, données importantes sur le plan thérapeutique notamment chirurgical (27,41).

Le pronostic de la neuropathie périnéale est variable et dépends du mode d’accouchement : elle disparait en règle en trois mois après un accouchement non instrumental chez les primipares (37).

2.2. Les autres étiologies neurologiques de l’incontinence fécale du post partum

La neuropathie d'étirement du nerf honteux n'est pas la seule à pouvoir être incriminée dans la génèse de l’incontinence anale neurogène du post-partum. Des lésions plus proximales, plexiques notamment, doivent être évoqués lors de certains accouchements difficiles effectués à l’aide de forceps. Des lésions médullaires sont aussi possibles (hématome péridural après anesthésie péridurale, décompensation d'une lésion du cône terminal congénitale ou acquise), mais tout à fait exceptionnelles. La distribution du déficit EMG, la comparaison des latences sacrées, des latences terminales et des potentiels corticaux permettent d'évoquer voire d'affirmer ces diagnostics.

3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE DE L’INCONTINENCE ANALE DU POST-PARTUM

Diverses méthodes d'évaluation ont été proposées pour appréhender le fonctionnement normal et pathologique de la motricité ano-rectale. A côté des explorations morphologiques (défécographie, endoscopie, échographie) et fonctionnelle (manométrie), les investigations neurophysiologiques périnéales permettent l'analyse des différents éléments neuro-musculaires impliqués dans la régulation et le contrôle ano-rectal.

3.1. L’EXPLORATION CLINIQUE

Le mode d'expression de l'atteinte neurogène périphérique périnéale sera différent suivant la sélectivité éventuelle de l'atteinte et son caractère complet ou non. Une lésion associée des voies sensitives distales peut déterminer des troubles génito-sexuels (hypo ou anorgasmie, dyspareunie, hypo ou dysesthésie de la région vulvo-vaginale), une discrète modification de la perception du passage urétral des urines ou du passage des selles dans le canal anal. L'atteinte motrice induit une diminution des résistances du sphincter urétral, responsable d'une incontinence urinaire et parallèlement un trouble de la commande sur le sphincter anal responsable d'une impériosité fécale par déficit de recrutement strié d'urgence, puis une incontinence fécale par incompétence sphinctérienne. Cliniquement, la présence de petits troubles sensitifs en territoire sacré, la diminution voire la disparition des réflexes du cône médullaire, la constatation d’une hypotonie anale au retrait du doigt intra rectal, sont autant d’argument en faveur d’une pathologie neurogène.

3.2. LES EXPLORATIONS MANOMETRIQUES

La manométrie ano-rectale n’est pas très contributive pour le diagnostic étiologique (et topographique) de l’incontinence anale neurogène du post partum.

Dans une étude effectuée chez 94 patientes ayant en post partum une rupture sphinctérienne, les données de la manométrie sont identiques que la femme soit ou non incontinente (diminution des pressions dans le canal anal), seule l’exploration électrophysiologique étant perturbée chez les femmes avec incontinence anale (38). La neuropathie d’étirement constitue ainsi un facteur de risque d’incontinence chez les femmes avec rupture sphinctérienne. A l’inverse, et comme cela a été démontré lors d’une étude prospective portant sur 1372 patientes, l’accouchement par voie basse fait diminuer, contrairement aux accouchements par césarienne, les pressions du canal anal (43).

3.3. LES EXPLORATIONS ELECTROPHYSIOLOGIQUES

Les explorations électriques investiguant les différentes voies neurologiques végétatives et somatiques, motrices et sensitives, proximales et distales, impliquées dans le contrôle ano-rectal, sont d'un appoint important dans la mise en évidence d'une atteinte neurologique. Outre cet intérêt diagnostique, elles permettent parfois de préjuger du pronostic de la lésion causale, d'appréhender les mécanismes physiopathologiques des troubles et de quantifier certain type de fonctionnement normal ou pathologique.

3.3.1. L'exploration électromyographique

C'est l'examen le plus ancien et le plus simple (1,3,4,22,24,35,42). Il permet grâce à l'insertion d'une aiguille dans le sphincter anal, l'étude des unités motrices. Prolongement de l'indispensable examen clinique, il permet d'affirmer le caractère neurogène périphérique de l'atteinte et d'en apprécier sa répartition (distribution tronculaire, radiculaire, plexique, atteinte multinévritique, polyneuropathie, neuronopathie, polyradiculonévrite). Cette exploration, conjointement à l'analyse des vitesses de conduction, précise la nature du processus causal (atteinte motrice ou sensitive, atteinte neuronale, axonale ou démyélinisante), son degré de sévérité et son évolutivité lors des bilans successifs. L'unité motrice représente l'ensemble anatomo-fonctionnel constitué par le motoneurone situé dans la corne antérieure de la moelle, son prolongement axonal et toutes les fibres musculaires innervées par lui. Le potentiel d'unité motrice recueilli par l'EMG représente la sommation des variations de potentiels élémentaires traduisant l'activation synchrone de toutes les fibres musculaires appartenant à la même unité motrice. L'électrode aiguille utilisée est généralement de type concentrique monopolaire, les autres types (électrode monopolaire, électrode concentrique bifilaire) explorant un territoire musculaire plus réduit. La technique d'exploration du sphincter anal est simple. La patiente est le plus souvent en décubitus dorsal, jambes fléchies éventuellement soutenues latéralement pour obtenir l'état de relâchement le plus complet. L'aiguille est directement insérée dans les différents quadrants du sphincter anal (quadrants antérieur droit et gauche, quadrants postérieurs droit et gauche). L'activité électrique est retrouvée à quelques millimètres de profondeur. Souvent, il est plus facile d'insérer l'aiguille plus profondément (1 centimètre par exemple), puis de retirer lentement l'électrode et voir ainsi apparaître les unité motrices à l'écran et leur bruit caractéristique au haut parleur. Les releveurs peuvent être aussi être étudiés : l'électrode est alors insérée à la partie postérieure du sphincter anal, et dirigée franchement en haut et en dehors, l'activité des releveurs étant obtenue à 3 ou 4 cm de profondeur.

Les électrodes de surface ne permettent pas un bonne analyse du tracé électrique. Leur seul intérêt est une approche quantitative de la contraction musculaire. Peuvent être ainsi utilisées des électrodes diabolo, directement positionnées dans le sphincter anal, voire des électrodes de contact (gel colloïde, électrode à dépression) appliquées à la périphérie du sphincter anal. D'autres muscles du plancher périnéal peuvent être examinés au cours du bilan des troubles ano-rectaux. Chez la femme, le muscle bulbo-caverneux est très fin (5 à 10 mm d'épaisseur) et se situe en dedans des grandes lèvres. L'aiguille est insérée sur une ligne horizontale située à la jonction du tiers inférieur et des deux tiers supérieurs de la vulve, à 3 cm de la ligne médiane, en dedans des grandes lèvres, dirigée selon un axe de 45° en dehors, à 2 ou 3 cm de profondeur. La contraction préalable (lorsqu'elle s'avère possible), permet un repérage plus aisé du muscle lors du palper digital. Le sphincter strié urétral est étudié par voie périnéale, l'aiguille est introduite à 2 ou 3 mm au dessus du méat, parallèlement à l'axe urétral, selon une inclinaison de 30 degrés; le sphincter strié est retrouvé à un ou deux centimètres de profondeur. D'autres muscles du périnée peuvent être étudiés selon les cas (transverse du périnée, muscle ischio-caverneux). L'intérêt d'une étude des autres muscles du plancher pelvien réside en la recherche d'une diffusion de l'atteinte neurogène, pas forcément limitée au contingent anal du nerf pudendal. L'existence de signes neurogènes dans l'ensemble des muscles périnéaux est en faveur d'une atteinte globale du nerf pudendal (atteinte des branches anales et périnéales) ou d'une atteinte très proximale de ce nerf, voire d'une atteinte plexique ou multiradiculaire.

L'interprétation du tracé portera comme toujours, sur les caractéristiques élémentaires (phases, durée, amplitude) et le nombre de potentiels recueillis au repos et en fonction de l'effort accompli. Au repos, le sphincter anal, contrairement au sphincter urétral, est silencieux et dépourvu d'activité électrique en dehors d'une activité d'insertion brève (< 300 msec) occasionnée par la stimulation mécanique des fibres musculaires et des potentiels de plaque motrice, potentiels spontanés à faible fréquence (5-50 Hz) peu amples (50 à 300 µV), brefs (3 à 5 msec de durée) provenant de fibres musculaires irritées par l'aiguille. A l'état pathologique, l'activité d'insertion peut être prolongée, des potentiels de fibrillation brefs (< 5 msec), de faible amplitude (120 à 200 µV), réguliers, peuvent être observés de même que des potentiels lents de dénervation . Les salves pseudo-myotoniques sont très fréquentes dans le sphincter anal au cours des atteintes neurogènes chroniques, mais moins que dans le sphincter strié urétral.

Plusieurs recueils sont en général nécessaires pour étudier au cours de la contraction, la morphologie des potentiels d'unités motrices et leur recrutement spatial et temporel. Cette contraction est parfois difficile à faire réaliser par la patiente en raison d'un trouble de la commande pas forcément d'origine neurologique. L'étude de l'activité musculaire au cours d'activités réflexes est alors utile (toux, stimulus nociceptif, réflexe bulbo-anal déclenché mécaniquement par le pincement de la région clitoridienne). La mise en oeuvre de synergies musculaires (adduction-flexion des membres inférieurs en décubitus par exemple) permet souvent le réveil d'une contraction musculaire sphinctérienne et partant l'analyse des potentiels d'unité motrice. L'existence de défects sphinctériens peut perturber l'analyse précise du tracé, en raréfiant l'activité électromyographique. Une véritable cartographie du sphincter anal est ainsi réalisée permettant de typer la dénervation, son importance et sa répartition. Les différents cadrans du sphincter anal sont examinés (antérieurs droit et gauche, postérieurs droit et gauche). L'étude de la contraction volontaire permet de noter l'enrichissement du tracé, et d'apprécier quantitativement et qualitativement la motricité volontaire analytique, son caractère dissocié , son endurance. La dénervation ou l'insuffisance de commande ne peut siéger que dans un seul des cadrans. A l'effort le recrutement spatial correspond à la décharge de nouvelles unités motrices tandis que celles qui sont déjà activées augmentent leur fréquence de décharge (recrutement temporel). Le recrutement varie selon le nombre d'unité capables de décharger. Il est d'environ 15 Hz pour une contraction modérée. Lors de l'augmentation de la contraction volontaire, les potentiels d'unité motrice (PUM) accroissent leur fréquence de décharge et lorsqu'ils atteignent 8 à 12 Hz, un deuxième PUM est recruté. Si la contraction augmente, d'autres PUM sont recrutés déterminant un tracé de pleine interférence. S'il existe une perte en PUM, leur fréquence de décharge sera plus grande. On définit ainsi les différents types de tracé comme intermédiaire riche, pauvre ou simple selon la richesse en PUM. La sommation spatiale (déterminant un tracé trop riche pour l'effort fourni) évoque une lésion myogène et la sommation temporelle (avec augmentation de la fréquence des PUM) une lésion neurogène. La morphologie des PUM est aussi étudiée. Des PUM de courte durée sont notés au cours des réinnervations précoces après lésion nerveuse sévère, des dystrophies musculaires, des polymyosites, des myopathies toxiques et congénitales, des atrophies neurogènes au stade tardif. Les potentiels de longue durée s'observent au cours des maladies du neurone moteur, dans les axonopathies avec réinnervation, les radiculopathies chroniques, les séquelles de neuropathies, les mononeuropathies chroniques. Les potentiels polyphasiques se retrouvent aussi bien au cours des myopathies que des atrophies neurogènes.

D'autres techniques de détection font l'objet d'indications particulières, moyennant un appareillage spécial : enregistrement de fibres uniques; macroélectromyographie permettant l'étude du nombre et des caractéristiques morphologiques des unités motrices au sein du sphincter anal (21). Enfin, différentes techniques automatisées de quantification des Potentiels d'Unités Motrices et du tracé à l'effort restent encore peu utilisées.

3.3.2. L'étude des latences sacrées

L'étude des latences sacrées est effectuée par stimulation de l'afférent sensitif par électrodes externes (nerf clitoridien) avec recueil par électrode de contact (électrode diabolo) dans le sphincter anal (1,5,12,34,39). Une électrode mousse est aussi efficace, permet de mieux filtrer le bruit de fond et est de plus mieux tolérée. Le recueil à l'aiguille est possible dans l'un des autres muscles du plancher périnéal (muscle bulbo-caverneux par exemple) mais moins spécifique. La latence sacrée permet de juger de l'intégrité de l'arc réflexe nerf honteux interne-métamères S2S3S4, circuit totalement impliqué dans le contrôle neurologique du système ano-rectal. La fréquence de stimulation est faible (1 hertz ) afin de ne pas noyer dans une hyperactivité constante (réflexe nociceptif) le potentiel moteur. Le moyennage (50 à 100 passages) est indispensable pour extraire la réponse évoquée. La latence moyenne est de 35 ms. Il n'y a pas de valeur minimale bien que l'on puisse retrouver un raccourcissement significatif de la latence réflexe lors de lésions suprasacrées ou en cas de moelle fixée attachée basse. Tout allongement (> 44 ms.) ou le non recueil de la réponse, témoignent d'une perturbation sur l'arc réflexe nerf honteux interne - métamères sacrés S2 S3 S4. L'intérêt de cette technique est grand dans le diagnostic des troubles ano-rectaux secondaires aux rares atteintes proximales constatées en post-partum : cône terminal (traumatique et vasculaire après anesthésie péridurale), racines sacrées (syndromes de la queue de cheval), système nerveux périphérique (polyneuropathies décompensées).

3.3.3. Les potentiels évoqués corticaux du nerf pudendal

Les potentiels évoqués somesthésiques corticaux du nerf honteux interne permettent l'étude de l'ensemble des voies somesthésiques : branche sensitive terminale du nerf honteux interne, cordons postérieurs médullaires, voies lemniscales du tronc cérébral, thalamus jusqu'au cortex pariétal. La stimulation peut se réaliser soit classiquement par des électrodes feutres paraclitoridienne chez la femme; soit d'une manière plus spécifique dans l'exploration des troubles ano-rectaux à l'aide d'une électrode diabolo placée au contact du sphincter anal (1,34,35). Une stimulation endorectale du tronc nerveux ou de la muqueuse rectale est aussi possible grâce à l'utilisation de l'électrode du St Marks Hospital. 100 à 200 stimulations sont nécessaires pour extraire la réponse évoquée du bruit de fond cortical grâce à un moyenneur. Les micro-électrodes de recueil sont implantées sur le scalp (électrode active négative en Cz-2, électrode positive de référence en Fz). La courbe obtenue à la forme d'un "W" . Seule est prise en compte la latence de la P40 , c'est-à-dire de la première onde positive. Cette latence est toujours inférieure à 44 millisecondes. Malgré un moyennage répété, la courbe peut être totalement désorganisée, déstructurée, d'amplitude réduite avec allongement de la P 40 voire mal reproductible ou impossible à obtenir. Une telle altération témoigne d'une lésion à un point quelconque du trajet des voies lemniscales: lésions neurogènes périphériques, ou centrales (médullaires supra-sacrées, tronc cérébral, encéphaliques). Si ces altérations signent toujours une atteinte neurologique, et permettent donc de rattacher les troubles ano-rectaux à une étiologie neurogène, le diagnostic topographique de la lésion causale va nécessiter la confrontation du potentiel cortical aux autres investigations électrophysiologiques (potentiels évoqués médullaires étagés, potentiels évoqués moteurs, etc....). D'autres stimulations encore plus spécifiques peuvent être réalisées par une distension par ballonnet de l'ampoule rectale (19). La latence moyenne est toujours de 44 millisecondes, suggérant ainsi l'intervention des voies myélinisées lors de la distension mécanique rectale.

3.3.4. Les potentiels évoqués moteurs

Une stimulation trans-corticale par champ magnétique est appliquée sur le cortex, induisant un champ électrique se transmettant par les voies motrices pyramidales volontaires jusqu'au sphincter anal ou est recueillie l'activité électromyographique par électrode aiguille ou de contact. Cette exploration permet ainsi d'apprécier le versant moteur des voies neurologiques impliquées dans le contrôle ano-rectal. Suivant le site de stimulation choisi (cortical, médullaire cervical, cône terminal) et en calculant les différences de latence, les temps de conduction centraux, médullaires et périphériques peuvent être déterminés (34,35). Toute augmentation de latence témoigne d'une lésion sur les voies motrices du contrôle ano-rectal. Les différents lieux de stimulation (moelle cervicale en C6 et cône terminal en L2) permettent d'affiner le diagnostic topographique : une latence spinale normale associée à une latence corticale perturbée témoigne d'une altération cortico-sous-corticale des voies motrices ; une latence du cône terminal normale associée à une latence cervicale allongée est en faveur d'une atteinte médullaire supra-sacrée. Ce test est d’intéret modeste dans l’exploration des incontinences fécales du post partum.

3.3.5.. La latence distale motrice du nerf pudendal

Cette technique est d'un grand intérêt dans le bilan de l’ incontinence anale du post partum. Elle permet l'appréciation objective des branches terminales du nerf honteux interne (1,12,15,34,35). Cette étude des latences distales motrices du nerf honteux interne (LDNHI) peut être réalisée sur les deux branches terminales (nerf périnéal : LDPNHI, et nerf anal : LDANHI). L'électrode de stimulation autocollante se trouve en regard de la pulpe de l'index et l'électrode de recueil en regard de la face palmaire de l'articulation métacarpo-phalangienne. La stimulation se fait en appliquant l'index recourbé sur la face postéro-latérale du rectum (stimulation de la branche distale du nerf honteux interne, près de l'épine ischiatique) la base du doigt étant au contact du sphincter anal, recueillant le potentiel évoqué. Pour obtenir la LDPNHI, après une seule et unique stimulation, le potentiel moteur est recueilli par une aiguille insérée dans le muscle bulbo-caverneux. La LDANHI est obtenue par la même stimulation endorectale du nerf pudendal mais avec recueil dans le sphincter anal grâce à l'électrode de contact apposée à la base du doigt. Toute augmentation de la latence (supérieure à 5 millisecondes) ou le non recueil du potentiel, témoigne d'une perturbation sur la branche terminale du nerf honteux interne (nerf anal ou nerf périnéal suivant les cas). Cette étude des latences distales motrices du nerf honteux interne permet de mettre en évidence une atteinte terminale de ce nerf.

3.3.6. La latence distale sensitive du nerf pudendal

Cette technique permet l'étude des branches sensitives distales du nerf honteux interne. Une stimulation est effectué par voie endorectale sur le nerf honteux lui-même près de l'épine ischiatique, avec recueil de surface près des grandes lèvres chez la femme. La latence sensitive normale est de l'ordre de 3 millisecondes. Tout allongement signifie une lésion des branches sensitives distales du nerf honteux observées notamment au cours des neuropathies périnéales d'étirement.

3.3.7. Les potentiels cutanés sympathiques

Les potentiels évoqués cutanés sympathiques (qui sont le fait d'une variation de résistance des tissus cutanés induite par la stimulation des glandes sudoripares, secondaire à l'activation des fibres non myélinisées de type C des nerfs sympathiques efférents qui innervent ces glandes) sont moins étudiés dans l'expertise des troubles ano-rectaux du post partum. La technique est pourtant simple, avec stimulation électrique du nerf médian, et recueil par électrode de en dehors des grandes lèvres chez la femme.

4. TRAITEMENT DE L’INCONTINENCE ANALE DU POST-PARTUM

 

Le traitement médicamenteux de l’incontinence anale du post partum est très réduit.

Les oestrogènes locaux, efficaces dans l’incontinence anale idiopathique de la femme ménopausée (8), n’ont pas été testés dans le post partum. De même, les alphastimulants, modérément efficaces dans l’incontinence urinaire à l’effort, n’ont pas fait l’objet d’étude controlée prospective. Enfin, le traitement à visée supposée étiopathogénique constitué par la vitaminothérapie B1B6, est une éventuelle habitude de prescription mais sans fondement statistiquement démontré. La rééducation périnéale par biofeedback est en fait le traitement de choix. En cas de rupture sphinctérienne, la réparation chirurgicale est systématiquement discutée en fonction de l’existence éventuelle d’une neuropathie associée.

REFERENCES

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