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Titre: Induction de l'ovulation par le citrate de clomiphene
Année: 2000
Auteurs: - Dewailly D.
Spécialité: Infertilité
Theme: induction de l’ovulation

Induction de l’ovulation par le citrate de clomifène

D. DEWAILLY

Service d'Endocrinologie et de Diabétologie, CHRU de Lille, Clinique Marc Linquette,

6 Rue du Professeur Laguesse 59037 LILLE cedex

Le citrate de clomifène (CC) est l’inducteur de l’ovulation le plus simple à manier, le plus économique et le plus sûr. Toutefois, en matière d’anovulation " eugonadique ", à savoir le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) et ses nombreuses variantes, terrain d'éléction du CC, il convient de rappeler que la toute première mesure est l’intervention nutritionnelle qui s’avère bien souvent nécessaire (et parfois suffisante) (1) dans une situation où le poids est volontiers excessif.

L’argumentation qui sera développée ici au sujet du CC ne reprendra pas les données statistiques issues des nombreuses évaluations cliniques, aisément disponibles dans la littérature (2). Elle s’appuiera délibérément sur un raisonnement physiopathologique, éclairé d’un certain nombre de données récentes.

MODE D’ACTION DU CC: RESTAURATION DE LA PHASE INTERCYCLIQUE.

Le CC agit de façon quasi physiologique en initiant artificiellement la séquence des événements hormonaux qui se succèdent au cours de la phase intercyclique.

Chez les femmes ovulant régulièrement, cette période débute en fin de phase lutéale par la chute des sécrétions d’oestradiol (E2), de progestérone (P) et d’inhibine A. Ces produits sécrétés par le corps jaune interviennent tous trois dans le feed-back négatif excercé par l’ovaire sur l’hypothalamo-hypophyse pendant la phase lutéale. La diminution de la sécrétion de P libère la sécrétion pulsatile de GnRH, dont la fréquence s’accélère. Grâce à la diminution de l’E2, et à un moindre degré de l’inhibine A, cet effet sur la GnRH induit une reprise préférentielle de la sécrétion de FSH, tandis que celle de LH n'est pas modifiée (3). Celà permet aux follicules les plus mûrs d’avancer dans leur maturation et de former la cohorte de follicules "sélectionnables", dont sera issu le follicule dominant. En stimulant la production d’inhibine B par les follicules de la cohorte, l’élévation inter-cyclique de la FSH provoque de façon différée sa propre extinction, car l’inhibine B est un puissant agent de rétrocontrôle négatif sur la sécrétion hypophysaire de FSH. A la fin de la période intercyclique, la FSH va donc ainsi céder progressivement la place à la LH, dont le rôle sera de déterminer la sélection du follicule dominant et de le conduire jusqu’à son stade pré-ovulatoire (Figure 1).

Cette séquence intercyclique permet le "rebond" d’un cycle à l’autre, qui ne se produit plus chez les femmes souffrant d’une anovulation. Le CC est un excellent moyen de relancer ce phénomène, selon des mécanismes qui ne sont pas tous compris. En tant qu’antioestrogène, l’effet classique du CC est d’inhiber le rétro-contrôle négatif qu’excerce l’E2 sur la sécrétion de FSH, et donc d'imiter les effets physiologiques de sa chute en fin de phase lutéale (cf supra). Celà suppose d'une part l'accélération de la pulsatilité de la GnRH (via des mécanismes encore incertains) et d'autre part un effet direct sur l’hypohyse, dont l'existence est soupçonnée par des expériences sur cultures hypophysaires. L’administration de CC initie une élévation rapide des taux de FSH, telle qu’elle se produit au cours d’une période intercyclique naturelle, suivie d'une montée des taux d'inhibine B. Dès lors, les taux de FSH vont ensuite diminuer, avant même la fin de la séquence thérapeutique qui dure habituellement 5 jours. Cependant, le mimétisme avec la phase intercyclique naturelle n’est pas parfait, car le CC induit de façon concomitante une élévation de la sécrétion de LH, pouvant parfois être délétère sur la maturation folliculaire et ovocytaire, car elle se prolonge volontiers au-delà de la séquence thérapeutique (in 2).

BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES INDICATIONS DU CC.

Les principaux mécanismes d’action du CC qui viennent d’être rappelés aident à comprendre les bonnes et les mauvaises indications du CC. En effet, le CC ne peut rétablir un dialogue efficace entre l'hypothalamo-hypophyse et les ovaires si l'un et/ou l'autre système(s) ne peut(peuvent) s’exprimer.

L’hypothalamo-hypophyse doit être intacte d’un point de vue morphologique et fonctionnel. Ce n’est pas le cas dans l’hyperprolactinémie, responsable d’une inhibition fonctionnelle de l’hypothalamus gonadotrope, et encore moins dans les hypogonadismes hypogonadotropes organiques, les anovulations hypothalamiques sévères ou les séquelles lésionnelles, en particulier après traitement pour macroadénome hypophysaire ou craniopharyngiome. Dans tous ces cas, l’hypothalamo-hypophyse ne peut dialoguer correctement avec l’ovaire, les réponses de FSH et de LH au CC n’étant pas adaptées. De plus, du côté ovarien, il doit exister des follicules prêts à devenir sélectionnables, ce qui n’est pas le cas dans les états de carence importante et chronique en gonadotrophines. C’est typiquement le cas de l'anovulation hypothalamique fonctionnelle sévère, où les taux de LH et FSH sont effondrés. Dans les insuffisances ovariennes primitives débutantes, où, pour des raisons physiopathologiques diverses, la cohorte est soit absente, soit insuffisante, le CC ne peut rétablir le dialogue de celle-ci avec l’hypothalamo-hyphophyse. En clair, avant tout essai avec le CC, il convient d'écarter auparavant ces étiologies d’anovulation, en particulier une insuffisance ovarienne primitive débutante (dosage de la FSH à J3) ou une hyperprolactinémie (dosage de la prolactinémie dans des conditions de recueil rigoureuses). Parallèlement, il convient de bien définir le contexte de l'anovulation: hypo- ou eugonadique?

-l'anovulation eugonadique se traduit cliniquement par des cycles normaux ou plus souvent par une oligospanioménorrhée ou une aménorrhée reversible sous progestatifs.

-l'anovulation hypogonadique se traduit cliniquement par une aménorrhée avec test au progestatif négatif. C'est dans cette catégorie que l'on trouvera le plus souvent les causes organiques d'anovulation.

En fait, les résultats du test au progestatif sont souvent pris en défaut pour l'utilisation de cette classification en pratique. De même, la mesure de l'estradiolémie basale n'est pas informative et doit être déconseillée. En effet, les dosages de 17b estradiol plasmatique actuellement disponibles ne sont pas assez sensibles dans cette gamme de concentrations inférieures à 50 pg/ml. De plus en plus, on préfère à ces deux examens la mesure échographique de l'épaisseur endométriale, inférieure à 5 mm (pour les 2 feuillets) en cas d'anovulation hypogonadique. Celà amène à proposer le recours précoce à l'échographie pelvienne pour le bilan d'une aménorrhée. Outre l'intérêt de l'étude endométriale, cet examen permet de s'orienter vers une anomalie de la filière génitale (en cas d'aménorrhée non reversible après progestatif) ou vers une pathologie ovarienne micro- ou macro-folliculaire, en cas d'anovulation eugonadique. Toutefois, un minimum d'investigation hormonale reste de rigueur, pour ne pas s'exposer aux erreurs dues aux faux-positifs de l'échographie ou à l'association d'un désordre ovarien fonctionnel à une pathologie organique hypophysaire (par exemple, ovaires polymicrokystiques et prolactinome).

Le terrain idéal pour le CC est celui de l’anovulation " eugonadique ", à savoir le SOPMK et ses nombreuses variantes. Il n’est pas nécessaire de requérir une définition précise du SOPMK pour poser l’indication d’un traitement par CC. L'essentiel est avant tout d’éviter de se trouver dans une situation d'échec au CC hautement prévisible (FSH ou PRL élevée, LH abaissée, anovulation hypogonadique, cf supra). Dans les autres cas, l'échographie pelvienne permettra de s'orienter vers un SOPMK, une anovulation hypothalamique peu sévère ou une anovulation idiopathique, a priori toutes trois sensibles au CC. Dans ces cas d’anovulation eugonadique, de loin les plus fréquents, la folliculogénèse est normale, voire augmentée, jusqu’au stade des follicules de classe V (2 à 5 mm), dits "immédiatement sélectionnables". A l'état basal, ces follicules semblent résistants à la FSH, ce qui nuit à leur maturation, à l’organisation et à la préparation de la dominance, ce qui entraine l'anovulation. Toutefois, il suffit d’augmenter légèrement le taux plasmatique de FSH pour que, dans la majorité des cas, cette résistance soit vaincue. En utilisant l’hypothalamo-hypophyse comme relais, le CC permet cette élévation subtile de la FSH, et surtout, laisse l’ovaire moduler en retour cette réponse, via l’inhibine B. Ainsi, l'élévation de la FSH induite par le CC n'outrepasse pas sa mission et permet une maturation presque toujours mono-folliculaire.

Le seuil de concentration plasmatique de FSH permettant de vaincre la résistance de la cohorte est variable d’une patiente à l’autre. L’excès pondéral et l’hyperinsulinisme sont des facteurs d’élévation de ce seuil, mais ils ne sont pas les seuls. Les autres sont encore méconnus mais ils rendent compte des authentiques cas de résistance au CC chez un faible pourcentage de femmes de poids normal. On évoque une altération qualitative des follicules de la cohorte, dont l'environnement endocrine, et/ou paracrine, et/ou autocrine est défavorable. A l’opposé, certaines patientes sont très sensibles à l’augmentation de la FSH induite par la posologie initiale de CC qui est habituellement de 50 mg/jour et peuvent, à cette dose, présenter une hyperstimulation ovarienne. Quoiqu'il en soit, la variabilité du seuil de réponse au CC est à la base de sa principale règle d’utilisation, à savoir l'augmentation graduelle des doses cycle après cycle, tant qu’il ne s’est pas produit une ovulation, ce qu’il importe de rechercher non pas tant par le ménotherme que par le dosage systématique de la P au 24ème jour du cycle. Il faut savoir que ce seuil de réponse à la FSH n'est pas immuable chez une même patiente et qu'il existe un certain nombre de mesures permettant de diminuer le pourcentage d’échec au CC et/ou de raccourcir son temps d’utilisation et/ou de limiter des effets secondaires ou ses risques potentiels. Parmi ces mesures, il convient d'insister une fois encore sur le bénéfice de la réduction pondérale (1).

EN PRATIQUE

Le CC s’utilise sous la forme d’une brève séquence de 5 jours. Il n’y a aucun avantage à débuter tardivement cette séquence (J5), elle peut être initiée dès J1 ou J2. La posologie de départ est de 50 mg (1 comprimé par jour), au besoin augmentée de 50 mg par jour cycle après cycle, jusqu’à obtention de la dose permettant l’ovulation. Certains considèrent qu’il est inutile d’aller au-délà de 150 mg par jour en cas d’échec. D’autres rapportent des résultats intéressants à 200 voire à 250 mg par jour. L’intérêt de prolonger la séquence au-delà de 5 jours est encore plus controversé (in 2). Enfin, dans de rares cas, il peut se produire une hyperstimulation dès le premier cycle de traitement, imposant le recours à la posologie d’1/2 comprimé par jour le cycle suivant.

Pour être optimal, le traitement par CC doit être entouré d’un minimum de monitorage, incluant une échographie pelvienne à J12, au moins le premier cycle de traitement, avec mesure du diamètre du (ou des) follicule(s) dominant(s) et mesure de l’épaisseur endométriale. Le dosage de la progestérone (P) plasmatique à J24-J26 doit impérativement compléter l’information fournie par le ménotherme, à savoir obtention d’une ovulation ou non. Cela permettra de fixer la dose de CC pour le cycle suivant (cf supra). Il est recommandé de prescrire une brève séquence progestative de façon à ne pas trop différer l’hémorragie de privation, et de ne pas retarder un nouvel essai si le cycle en cours n’est pas ovulatoire. Cette séquence ne doit cependant pas être prescrite avant J20, pour ne pas induire un effet progestatif sur la glaire en cas de période préovulatoire un peu tardive.

Ainsi manié, le CC permet d’obtenir un taux cumulatif de grossesses d’environ 60 à 80 % à 6 mois (in 2). Les échecs peuvent être de deux ordres :

- les faux échecs, par recul insuffisant, par défaut d’adaptation posologique, par mauvaise définition de la résistance au CC.

- les vrais échecs, du fait d’une intolérance, d’avortements répétés, d’un défaut de conception malgré des cycles ovulatoires, d’un défaut d’ovulation, malgré l’adaptation posologique.

On considère qu’un taux d’ovulation inférieur à 50 % par cycle est un échec au CC et caractérise la résistance au CC, qui demeure un concept mal défini et mal expliqué. Cette résistance n’est pas liée à un défaut de réponse hypothalamo-hypophysaire. Il est en partie dépendant de la composante métabolique du SOPMK. En effet, la dose efficace de CC est corrélée au poids. Cependant, d’autres facteurs interviennent, encore méconnus, aggravés par l’excès pondéral. La résistance au CC peut donc s’observer chez des patientes de poids normal, n’ayant pas toutes des stigmates biologiques d’hyperinsulinisme.

En cas de résistance, certains ont proposé quelques moyens d’optimisation, dont les résultats sont mitigés: freinage de l’hyperandrogénie surrénalienne par petites doses de Déxaméthasone, injection ovulante d’HCG, relais par HMG en deuxième partie de phase folliculaire... Ces méthodes d’appoint sont critiquables par leur absence d’efficacité bien démontrée, par la complication et les effets secondaires qu’elles apportent au traitement, et par le fait qu’elles diffèrent le constat d’échec du traitement par CC et le prolongent inutilement (in 2). Enfin, même si cela n’a pas été confirmé, on ne peut que se sentir concerné par les travaux suggérant une augmentation du risque de cancer de l’ovaire chez les patientes soumises antérieurement à un long traitement par CC. Il parait dès lors raisonnable de déconseiller l’utilisation du CC au-delà de 12 mois (4).

De toutes façons, passé un délai de 6 à 9 mois, si la grossesse n'est pas obtenue, il est alors temps d'envisager le recours aux gonadotrophines exogènes (voir les autres articles de ce numéro).

CONCLUSION

S'il a un déterminisme physiopathologique commun, le trouble de la folliculogénèse du SOPMK se singularise néanmoins par une grande variabilité de son expression et de sa sévérité, difficilement prévisibles. Le CC représente la meilleure façon de "tâter" ce terrain délicat. Il est clair qu'il doit toujours demeurer l'inducteur de première intention dans l’anovulation eugonadique. Si simple qu'elle soit, son utilisation requiert une évaluation des résultats cycle après cycle, afin d'adapter et d'optimiser ce précieux traitement.

REFERENCES

1- GALTIER-DEREURE F., PUJOL P., DEWAILLY D., BRINGER J. Choice of stimulation in PCOS: influence of obesity. Hum Reprod, 1997, 12, 88-96.

2- MESSINIS I.E., MILINGOS S.D. Current and future status of ovulation induction in polycystic ovary syndrome. Human Reproduction Update 1997, 3, 3, 235-53

3- WELT C.K., MARTIN K.A., TAYLOR A.E., LAMBERT-MESSERLIAN G.M., CROWLEY W.F., SMITH J.A., SCHOENFELD D.A., HALL J.E. Frequency modulation of Follicle-Stimulating Hormone (FSH) during the luteal-follicular transition: evidence for FSH control of Inhibin B in normal women. J. Clin. Endocrinol. Metab., 1997, 82:2645-52.

4- BISTOW RE, KARLAN BY. Ovulation induction, infertility and ovarian cancer risk. Fertil Steril 1996, 66: 499-507