ENDOSCOPIE
EN NEONATOLOGIE
endoscopie haute au cours des premiers jours de vie :
les lésions oesophagiennes et gastriques spécifiques à
cet âge de la vie
C. DUPONT et P.-H. BENHAMOU*
* Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674
Paris Cedex 14.
L'endoscopie digestive est une technique désormais utilisée en routine
en gastroentérologie pédiatrique. Elle représente un moyen diagnostique sûr, à la
double condition qu'elle soit réalisée par un endoscopiste habitué à l'enfant et que
le matériel soit adapté c'est-à-dire de calibre pédiatrique [1]. L'endoscopie
digestive permet également des actes thérapeutiques qui tendent à se développer mais
doivent rester réservés aux opérateurs expérimentés [2].
Technique endoscopique
Les appareils les plus utilisés sont les fibroscopes pédiatriques
(OLYMPUS GIF-XP 20 ou équivalents) dont le diamètre est 7,80 mm et les néonatoscopes
(OLYMPUS N20 ou équivalents), dont le diamètre est 5,5 mm. Les vidéoendoscopes
pédiatriques n'étant pour l'instant pas disponibles, ces appareils sont des endoscopes
à fibres optiques et à vision directe. Ils sont munis d'un canal pouvant insuffler de
l'air ou injecter de l'eau et permettant le passage d'une pince à biopsie ou à corps
étranger. Les endoscopes pédiatriques sont bien adaptés aux nourrissons et peuvent
être utilisés chez le nouveau-né, il est cependant préférable d'utiliser un
néonatoscope à cet âge.
Avant l'endoscopie, l'estomac doit être vide et le patient doit
respecter un jeûne de 4 à 6 heures avant l'examen. Chez le nouveau-né, toutefois, nous
recommandons l'administration à volonté d'eau sucrée jusqu'à une heure avant l'examen,
qui ne gêne pas l'exploration et prévient tout malaise de type hypoglycémique.
La sédation n'est pas indispensable. L'enfant doit être maintenu en
décubitus latéral gauche par un aide qui vérifie à tout instant la tolérance de
l'examen. Dans ce but, il est inutile, voire néfaste, de réaliser l'endoscopie dans une
pièce obscure.
Le franchissement de la bouche oesophagienne chez le tout-petit
s'accompagne d'une sensation de résistance élastique dont on apprend à apprécier le
degré. Le passage de la bouche oesophagienne par l'endoscope peut entraîner une
compression trachéale ce qui impose de vérifier à tout instant la respiration de
l'enfant. La moitié supérieure de l'oesophage est presque toujours franchie à
l'aveugle. Toute sensation de résistance doit faire arrêter la progression et vérifier
l'absence de sténose. La progression se fait ensuite sous contrôle de la vue, les parois
de l'oesophage étant écartées par une insufflation légère. Le franchissement du
cardia et l'exploration de la partie haute du fundus sont aisés. Le fibroscope est
ensuite poussé doucement le long de la grande courbure qu'il épouse pour se mettre en
face de la région pylorique qui apparaît parfois décalée par rapport à l'axe de
l'antre. Après franchissement du pylore et du bulbe, un béquillage, parfois associé à
des manoeuvres de retrait, permet d'explorer le 2e et le 3e duodénum.
L'oesophage
En période néo-natale, la découverte d'une oesophagite volontiers
sévère, pseudo-membraneuse, doit faire rechercher la coexistence d'une gastrite voire
d'une duodénite, l'ensemble s'intégrant dans le cadre d'une oesophago-gastro-duodénite
néo-natale, d'étiologie indéterminée et guérissant spontanément en quelques jours ou
quelques semaines [3, 4].
La véritable oesophagite peptique semble exceptionnelle chez le
nouveau-né. Les 5 stades de gravité habituellement retenus, basés sur des observations
réalisées chez l'adulte, sont totalement inadaptés au nouveau-né. Le stade dit 0
désignant l'aspect congestif du bas de l'oesophage, est considéré comme une
variante de la normale, traduisant notamment la visibilité de la vascularisation sous une
muqueuse fine. Le stade 1 individualise des macules érythémateuses plates ou ovalaires
sus-vestibulaires. Le stade 2 désigne des érosions exsudatives
confluantes et non circonférencielles et le stade 3 des érosions exsudatives
confluantes et circonférencielles. Le caractère circonférentiel ou non de lésions est
typiquement un caractère non pédiatrique. Ceci est encore plus vrai chez le nouveau-né
dont les lésions sont toujours circonférencielles, parfois limitées à la partie basse
de l'oesophage, mais souvent s'étendant à tout l' organe. Le stade 4 ,
ulcère peptique est en revanche très fréquent au cours des oeso-gastrites sévères
[5].
L'ascension du cardia muqueux est difficile à authentifier. Une
véritable hernie hiatale est exceptionnelle à cet âge de la vie. Les malpositions
cardio-tubérositaires, formes mineures de hernies hiatales par glissement, s'accompagnent
le plus souvent díune béance du cardia. L'ascension complète de l'estomac dans le
thorax au travers de l'orifice hiatal est une malformation exceptionnelle, d'autant plus
difficile à reconnaître en endoscopie que la progression du fibroscope réintègre
temporairement l'estomac dans l'abdomen. Les hernies par roulement ne sont jamais
observées. Les hernies par la fente de Larray peuvent être diagnostiquées chez le
prématuré.
Il n'est pas rare d'observer à cet âge une sténose congénitale de
l'oesophage. Ces sténoses sont le plus souvent membraneuses, elles sont incomplètes et
d'évolution spontanément favorable. Les sténoses peptiques de l'oesophage, secondaires
à un authentique reflux de la période néo-natale sont aussi du domaine de
l'exceptionnel.
Estomac
Une gastrite accompagne volontiers l'oesophagite néo-natale. Il s'agit
alors díune oesogastrite néo-natale, dont le mécanisme physiopathologique n'est pas
sous la dépendance d'un reflux gastro-oesophagien mais plus probablement d'un processus
inflammatoire global, intéressant la totalité du tube digestif haut. L'endoscopie met en
évidence des lésions pétéchiales ou purpuriques de la muqueuse gastrique, des
érosions superficielles, parfois des lésions ulcéro-nécrotiques, volontiers multiples,
localisées ou étendues à tout l'estomac voire au duodénum, avec souvent une congestion
diffuse de la muqueuse.
Une infection néo-natale à Hélicobacter pylori a été décrite au 6e
jour de vie [6]. Cette éventualité reste cependant exceptionnelle. La découverte de
lésions endoscopiques de faible intensité, de type nodulaire, traduisant en réalité
une hyperplasie nodulaire lymphoide de la muqueuse, est pathognomoque de l'infection à
cet âge de la vie. Elle invite à la réalisation d'une biopsie antrale, à la recherche
du germe , dont la mise en évidence fait appel à des techniques bactériologiques
spécifiques et impose un traitement antibiotique par macrolide, amoxycilline
éventuellement associé au tinidazole.
L'ulcère gastrique isolé peut s'inscrire dans le cadre d'une
souffrance foetale aiguë, comme après un stress aigu chez l'enfant plus grand
(souffrance neurologique aiguë, brûlure profonde, septicémie, déshydratation aiguë,
notamment au cours díune diarrhée, stress opératoire). L'ulcère est d'aspect variable
: rond ou irrégulier, moucheté (co-existence de plusieurs ulcérations de petite
taille), linéaire, ou fissuraire. La découverte d'un ulcère impose la réalisation d'un
contrôle endoscopique après 6 semaines de traitement par les anti-H2.
Duodénum
La duodénite, parfois limitée au bulbe et se traduisant par une
congestion de la muqueuse et des ecchymoses diffuses, accompagne volontiers les lésions
d'oesogastrite, réalisant une oeso-gastro-duéodénite.
L'ulcère duodénal est comme chez l'enfant, encore plus exceptionnel
que l'ulcère gastrique. L'affection prend volontiers l'aspect d'une bulbite ulcéreuse,
de même valeur sémiologique, faite d'ulcérations de petite taille, superficielles, plus
ou moins nombreuses.
Bibliographie
[1] Ament M.F., Berquist W.E., Vargas J., Perisic V. : Fiberoptic upper
intestinal endoscopy in infants and children. Ped Clin N Am., 1988, 35: 141-155.
[2] Mougenot J.F. : Endoscopie digestive interventionnelle en
pédiatrie. in Journées Parisiennes de Pédiatrie, 1 vol, Flammarion Médecine Sciences,
1989 pp 187-195.
[3] De Boissieu D., Dupont C., Barbet J.P., Bargaoui K., Badoual J. :
The distinct features of upper gastrointestinal endoscopy in the newborn. J Pediatr
Gastroenterol Nutr, 1994 ; 18:334-8.
[4] Benhamou P.H., Cheikh A., De Boissieu D., Dupont C. :
Esophagogastritis in the newborn. Acta Endoscopica, 1994, 24: 157-161.
[5] Mougenot J.F. : Hémorragies digestives. in Gastroenterologie
pédiatrique, 1 vol, J Navarro et J Schmitz eds, Flammarion Médecine Sciences,1986, pp
435-445.
[6] Raymond J., Bargaoui K., Kalach N., Bergeret M., Barbet P., Dupont
C. : Isolation of Helicobacter pylori in a 6-day-old newborn. Eur J Clin Microbiol Infect
Dis, 1995, 14: 727-728
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