Chapitre 13 - données nouvelles en infectiologie : l'apport de la biologie
moléculaire
APPORT DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE DANS L'INFECTION PERINATALE
F. FORESTIER*
Institut de puériculture de Paris.
Les extraordinaires progrès techniques qui ont permis de découvrir des agents
pathogènes nouveaux ne doivent pas nous éblouir en sorte d'oublier que la démarche
euristique est essentiellement multidisciplinaire.
Reconnaître et identifier un micro-organisme comme l'agent étiologique d'une maladie
infectieuse nécessite :
1. de bien connaître l'entité nosologique de cette maladie, c'est-à-dire les
caractéristiques anatomo-cliniques de la maladie ;
2. de bien connaître les données épidémiologiques, particulièrement les modes de
transmission et les facteurs de risque de la maladie ;
3. enfin, de pouvoir mettre en évidence le germe, de l'isoler et de l'identifier et,
éventuellement de reproduire la maladie chez l'animal.
L'apparition en 1985 de la Polymerase Chain Reaction (PCR) ou amplification génique,
est réellement un pas de géant dans le domaine des sciences biologiques, et
particulièrement dans le domaine des maladies infectieuses.
Ses applications immédiates dans le champ du diagnostic des infections à
micro-organismes difficiles à cultiver ou de croissance lente (virus, mycobactéries,
mycoplasme, chlamydia, Rickettsies…) ont démontré l'extrême progrès réalisé par
cette technique. A l'instar du microscope qui amplifie l'image d'un micro-organisme par un
facteur de 103 à 105, des méthodes de culture qui permettent l'amplification
exponentielle d'un micro-organisme (> 109), nous possédons désormais un outil unique
capable d'amplifier des acides nucléiques (gènes ou fragments de gènes), à partir de
tissus vivants ou morts, par un facteur > 1012, permettant ainsi d'obtenir des
quantités quasi illimitées d'acides nucléiques à partir de la matrice moléculaire
originelle.
TOXOPLASMOSE CONGENITALE
L'exemple le plus démonstratif de l'évolution parallèle de la stratégie de
diagnostic et de traitement est donné par la toxoplasmose congénitale.
Les premières mesures prises ont été la mise en place d'un dépistage sérologique
systématique, le suivi sérologique systématique des femmes enceintes séronégatives,
et le traitement par spiramycine en cas de séroconversion survenant au cours de la
grossesse. La preuve parasitologique de l'infection foetale ne pouvant être acquise avant
l'accouchement, l'incertitude du diagnostic de toxoplasmose foetale a conduit parfois à
des interruptions de grossesse alors que le foetus n'était pas infecté, et en tout cas
à un retard dans la mise en route du traitement par pyriméthamine-sulfadiazine, celui-ci
n'étant entrepris qu'après l'accouchement.
La mise au point des méthodes de prélèvements de liquide amniotique et de sang
foetal a permis de proposer un diagnostic anténatal de la toxoplasmose congénitale
reposant sur l'analyse hématologique et biochimique du sang foetal et sur la mise en
évidence des parasites dans le sang foetal ou le liquide amniotique par inoculation à
l'animal. Ceci a permis de traiter plus précocement les toxoplasmoses congénitales
prouvées parasitologiquement et de limiter le nombre d'interruptions de grossesse, mais
le délai de réponse des examens parasitologiques (30 jours pour l'inoculation à
l'animal) représentait encore un handicap au traitement précoce. L'application des
techniques de culture cellulaire à l'isolement de T. gondii
a permis de réduire ce délai à quelques jours, permettant une mise sous traitement plus
rapide en cas de culture positive.
Actuellement, cette technique tend à être remplacée par la technique de Polymerase
Chain Reaction (PCR) pratiquée sur le liquide amniotique ; les résultats obtenus
par quelques équipes montrent que cette technique est à la fois très sensible et très
spécifique, permettant d'envisager de ne plus pratiquer de sang foetal.
Le diagnostic repose maintenant sur un prélèvement simplifié (liquide amniotique)
traité par PCR, dont les résultats sont connus en 24 à 48 heures avec une valeur
prédictive positive suffisamment bonne pour justifier la mise immédiate sous traitement
par l'association pyriméthamine-sulfumide.
En parallèle à cette remarquable évolution du diagnostic précoce de la toxoplasmose
congénitale, des incertitudes persistent sur les modalités de suivi après la
naissance : les examens biologiques ne permettent pas, ou très tardivement,
d'affirmer qu'une toxoplasmose acquise en cours de grossesse est totalement contrôlée,
et cette incertitude conduit à des schémas thérapeutiques encore trop arbitraires. Par
ailleurs, des problèmes éthiques évidents et l'absence de modèles expérimentaux
fiables limitent considérablement l'évaluation de nouvelles thérapeutiques.
INFECTION A CYTOMEGALOVIRUS
En Europe, 63 % des femmes en âge de procréer sont immunisées. On compte que 1
à 4 % des femmes séronégatives font une primo-infection durant la grossesse et que
l'incidence des infections congénitales varie de 0,2 à 2,0 % des naissances
(infection congénitale la plus fréquente).
La plupart du temps la clinique est asymptomatique.
Le diagnostic basé sur la sérologie, est souvent très délicat, à l'exception des
cas où le statut sérologique négatif a été démontré en début de grossesse. Les
réinfections sont fréquentes et s'accompagnent volontiers d'une réapparition des IgM et
d'une excrétion virale dans les urines.
Les risques les plus importants se rencontrent en cas de maladie des inclusions
cytomégaliques observées à la naissance. Cette situation est de très mauvais pronostic
avec une mortalité d'environ 60 % à l'âge de 2 ans et un handicap sévère chez la
majorité des survivants. Elle comprend : pétéchies, purpura,
hépato-splénomégalie, microcéphalie, retard de croissance, anémie, thrombopénie,
surdité neuro-sensorielle, choriorétinite, calcifications intracérébrales, lésions du
système nerveux central, retard mental et convulsions. La gravité de l'infection à CMV
ne dépend pas du terme de l'infection maternelle, mais le risque de handicap majeur
semble plus élevé durant les 20 premières semaines. Lors de récurrence, le risque de
lésion foetale est probablement négligeable. Le diagnostic prénatal est possible et se
fait par prélèvement de sang foetal à partir de la 22e semaine de grossesse à la
recherche d'IgM spécifiques et de signes biologiques indirects d'infection. La mise en
évidence du virus dans le liquide amniotique est aisée par PCR. Chez les foetus
infectés, la présence de signes échographiques (calcifications intracérébrales,
microcéphalie) et/ou d'une atteinte biologique grave (thrombopénie, anémie sévère)
fera craindre un handicap majeur à la naissance. Actuellement, compte tenu des
difficultés du diagnostic sérologique et de l'absence de traitement spécifique, le
dépistage systématique n'est pas recommandé malgré le fait que l'infection par CMV
soit la foetopathie infectieuse la plus fréquente et une cause majeure de handicap.
L'immunisation active est impossible (il n'y a pas de vaccin disponible et la
probabilité qu'un vaccin efficace soit développé est relativement faible).
L'immunisation passive n'est pas applicable puisque le contage est impossible à
identifier. En cas de transfusion durant la grossesse, n'utiliser que du sang provenant de
donneurs sans évidence sérologique d'infection à CMV.
La détection de CMV dans les urines de l'enfant à la naissance ou la mise en
évidence de DNA par PCR permettraient de distinguer les sujets à risque. Ceux-ci
pourraient bénéficier d'un suivi régulier afin d'appareiller précocement les enfants
présentant des troubles de l'acuité auditive et empêcher ainsi de graves troubles du
développement.
PARVOVIRUS
Le rôle foeto-pathogène des parvovirus et, en particulier, du parvovirus B19 est
connu depuis moins de 10 ans. La symptomatologie maternelle classique qui associe un
érythème en aile de papillon et des arthralgies ne constitue pas une circonstance de
diagnostic prénatal.
Le plus souvent, le diagnostic prénatal est envisagé devant la découverte d'un
anasarque foetal avec ascite, conséquence directe de l'anémie induite par l'action du
virus sur la lignée érythrocytaire foetale. L'atteinte des précurseurs érythro des
(BFU-E) entraîne chez le foetus une ascite sévère et une mort in utero dans 10 à
30 % des cas selon les auteurs.
Le diagnostic prénatal repose soit sur l'analyse du sang foetal qui révèle une
anémie arégénérative et la présence du virus (par microscopie électronique), soit
par amplification de l'ADN par PCR sur liquide amniotique. L'avantage de la PCR est ici
encore la spécificité et la rapidité de la réponse.
En dehors de tout traitement in utero, l'évolution se fait le plus souvent vers la
mort foetale due à la gravité de l'anémie et à la défaillance cardiaque. Il a été
cependant rapporté des cas de guérison spontanée sans séquelles à la naissance. En
outre, il a été proposé des transfusions de globules rouges in utero, afin de corriger
l'anémie et l'anasarque, aboutissant ainsi à une guérison apparemment sans séquelles
néonatales.
MENINGITES ET ENCEPHALITES
Le LCR est un mauvais milieu d'isolement des virus, et la recherche d'une sécrétion
intrathécale d'anticorps spécifiques est généralement décevante. De nombreux virus
peuvent être recherchés par PCR : entérovirus, HSV, VZV, EBV, CMV, virus JC. Le
LCR doit être acheminé dans les 6 heures, sans milieu de transport.
En conclusion, la PCR a considérablement modifié la stratégie dans le diagnostic
prénatal de certains agents pathogènes susceptibles d'entraîner une foetopathie grave.
Il est possible que le diagnostic en période néonatale puisse aussi en bénéficier
et que certaines notions nosologiques soient prochainement modifiées grâce à une
meilleure connaissance du pouvoir pathogène et de la virulence.
Le progrès sera désormais non plus dans le diagnostic d'une infection périnatale
mais dans son pronostic.
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