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Titre: La sortie précoce de maternité vue par le pédiatre
Année: 2004
Auteurs:
Spécialité: Néonatologie
Theme: Sortie précoce de la maternité

La sortie précoce de maternité vue par le pédiatre

J. BRUNET

Les sorties précoces de maternité seront probablement de plus en plus fréquentes dans les années qui viennent. Elles correspondent à une demande louable de la part de nombreuses familles de non-médicalisation à l'extrême de l'accouchement. Par ailleurs, en terme de santé publique, elles répondent à une diminution souhaitée du nombre de lits d'hospitalisation (1).

Néanmoins les sorties précoces doivent modifier l'organisation actuelle du suivi des nouveau-nés. Les expériences d'autres pays à niveau social et économique comparable rapportent une augmentation des accidents graves ou mortels liés à un défaut de surveillance des premiers jours. Cette période est fondamentale pour la découverte d'éventuelles anomalies malformatives ou métaboliques mais également dans l'instauration du lien mère-enfant ; c'est un moment critique dans la mise en place de l'allaitement maternel. Une sortie précoce n'est pas incompatible avec une surveillance de qualité et elle peut même être un avantage pour le confort et la sérénité de la mère et de l'enfant. La réalisation de cet objectif doit amener les professionnels à mettre en place un suivi de l'enfant et de sa mère dans un réseau parfaitement structuré n'admettant aucune défaillance de suivi ou de compétence.

Qu'appelle t-on sortie précoce ?

Les enquêtes françaises montrent qu'actuellement le pourcentage d'enfants sortant avant 3 jours (J0, J1, J2), est extrêmement faible. La France propose des durées d'hospitalisation nettement supérieures à ses voisins européens (2). En Finlande, 50 % des nouveau-nés sortent avant J4 ; en Norvège la durée habituelle est de 2 ou 3 jours, de même qu'en Angleterre. La Hollande organise des sorties après quelques heures de surveillance. Aux Etats-Unis, il est distingué les sorties très précoces avant 24 h et les sorties précoces entre 24 et 48 h ; en Californie, 20% des nouveau-nés sortent à J1. Il existe par ailleurs de nombreuses expériences locales bien réussies de sorties très précoces avec un suivi très bien organisé (3). Ces exemples sont ceux de pays à haut niveau socio-économique. Le suivi est basé sur des visites à domicile ou des retours systématiques de l'enfant à l'hôpital dans les jours suivant sa sortie. Il est paradoxal de voir qu'en France la plupart des sorties très précoces concernent les catégories socio-économiques les moins favorisées, en particulier du fait de situations familiales particulières ou par défaut de couverture sociale.

Risques pédiatriques de la sortie précoce de maternité

1 - Le défaut de surveillance de l'ictère est retrouvé dans tous les pays pratiquant largement les sorties précoces de maternité (4,5). Les cas d'ictère nucléaire ne sont pas rares, en particulier chez les enfants à peau mate ou l'ictère risque d'être méconnu.

 

2 - Le dépistage de certaines cardiopathies congénitales peut être mis en défaut par l'examen de J0 et J1. L'hypertension artérielle pulmonaire résiduelle des premiers jours peut masquer un souffle. La persistance du canal artériel fait que les pouls fémoraux peuvent être perçus même s'il existe un défaut de l'arche aortique et la saturation peut être initialement correcte dans une cardiopathie cyanogène. La coarctation de l'aorte peut décompenser extrêmement rapidement voire amener à la mort subite en absence de dépistage.

 

3 - Des infections néonatales précoces sont encore possibles à J2 ou J3 en dehors d'une anamnèse évocatrice (6).

 

4 - Des problèmes de malnutrition ou de déshydratation graves sont décrits en particulier lors de la mise en route de l'allaitement maternel quand il n'est pas suivi, et plus rarement en cas de pathologie gastro-intestinale concomitante.

 

5 - L'évaluation précise du milieu social et des problèmes psychoaffectifs peut être mise en défaut sur un court séjour. Une sortie précoce peut nuire à l'installation d'une relation mère-enfant sereine. Les conseils de prévention de la mort subite peuvent être négligés, les soins de puériculture risquent d'être inappropriés.

 

6 - Les sorties précoces augmentent le risque de non-réalisation du test de Guthrie normalement effectué au cours du 3e ou plus habituellement au 4e jour de vie.

 

7 - Le risque d'échec de mise en route d'un allaitement maternel est plus élevé chez les mamans inexpérimentées, mal entourées ou mal rassurées (7). On assiste depuis quelques années en France à la redécouverte des vertus de l'allaitement maternel. Le retard de notre pays en la matière incite de nombreuses maternités à se mobiliser en matière d'information des parents, de formation pratique des personnels ... Les mamans sortant précocement de maternité pourraient ne pas bénéficier de ce renouveau de formation si des mesures de relais n'étaient pas mises en place. Néanmoins il faut constater que dans les pays voisins où la durée de séjour est inférieure à celle de la France, les taux d'allaitement y sont nettement supérieurs...

 

Au total la liste de tous ces problèmes n'est pas exhaustive. Les risques sont réels (8, 9). Leur prévention impose une organisation très structurée de type réseau fonctionnant avant, pendant et après l'accouchement. A titre d'exemple, cette année nous avons eu recours à 2 reprises aux autorités judiciaires afin d'aller « repêcher » 2 bébés sortis précocement, le premier pour un contrôle de bilirubine, l'autre pour le test de Guthrie, alors que les parents avaient promis de revenir réaliser l'examen. Un réseau mieux organisé avec des contrôles à domicile aurait permis d'éviter ces écueils judiciaires. Les sorties précoces suppriment la période d'observation privilégiée de l'adaptation du nouveau-né à sa nouvelle vie. Les expériences des pays où s'effectuent largement les sorties précoces mettent en lumière l'existence d'accidents graves.

Mise en place à la maternité d'un système
de sorties précoces

1 - Il faut d'abord motiver l'équipe obstétrico-pédiatrique qui va prendre en charge la maman pendant sa grossesse puis après son accouchement : il faut expliquer les bénéfices attendus par un tel système de soins. L'équipe doit connaître exactement les possibilités et les risques d'une sortie précoce.

 

2 - Il faut informer la patiente de cette possibilité de sortie précoce durant la grossesse, que ce soit par l'obstétricien ou par les sages-femmes lors des séances de préparation à la naissance.

 

3 - Après la naissance, l'équipe obstétrico-pédiatrique doit évaluer (ou réévaluer) l'environnement psychosocial de la maman (milieu socio-économique, expérience antérieure, possibilité d'aide à domicile, accès à la prise en charge après la naissance, moyen de locomotion...).

4 - Evaluation des risques d'ictère grave avec statut exact ABO Rhésus, anticorps irréguliers maternels, au besoin test de COOMBS chez l'enfant avant départ. Un biliflash ou un dosage de la bilirubine peuvent être jugés indispensables avant départ, même en l'absence de facteur de risque.

 

5 - L'évaluation des risques inhérents au bébé est d'autant plus importante que la période d'observation sera courte. Recueillir toutes les données de l'anamnèse : traitements maternels, données infectieuses pré ou per-natale ainsi que les examens bactériologiques ou biologiques effectués.

 

6 - Réalisation du test de dépistage néonatal systématique de Guthrie : les parents doivent être informés de l'importance clinique et médico-légale de ce test. La réalisation du test sera programmée par les intervenants de la maternité avec des correspondants connus, notés dans le carnet de santé.

 

7 - Etablir des règles de coordination des soins et de communication après la sortie.

 

Il semble nécessaire de proposer la création d'un registre des sorties précoces qui comportera entre autre :

- Les coordonnées exactes de la mère en particulier celles où il est possible de la joindre en cas d'urgence ;

- Les modalités du suivi après la sortie et les coordonnées des intervenants ;

- La date de réalisation du test de Guthrie ;

Le carnet de santé ne sera remis à la famille par la maternité qu'après réalisation du test. Le carnet de santé représente en France le passeport du bébé, opportunité à ne pas manquer. Le test étant réalisé le plus souvent à J 3, c'est un moment clef qui sera l'occasion de faire le point et de palier à l'absence de surveillance normalement réalisée à la maternité.

Modalités possibles du suivi des enfants
après sortie précoce de la maternité ?

Le suivi doit naturellement concerner de façon conjointe la mère et l'enfant, de préférence quotidiennement.

Les visites journalières au cabinet d'un médecin exposent à la non compliance du patient ou à l'indisponibilité médicale.

Les visites journalières à la maternité d'origine ou au centre de PMI exposent pareillement à la non-compliance et nécessitent une réorganisation complète du fonctionnement actuel.

Un suivi à domicile de la femme et de l'enfant par l'équipe médicale de la maternité est le système de soin le plus séduisant. Cette solution est effectuée dans de nombreux pays, en collaboration avec des structures de type PMI. Son application en France impose la création d'un personnel paramédical formé et dédié aux sorties précoces. Les sages-femmes seront probablement les premières actrices de ce nouveau mode de fonctionnement. Elles sont les mieux formées et les mieux placées pour dépister une éventuelle anomalie chez la mère ou chez le nouveau-né, une défaillance de la mise en route de l'allaitement ou une altération de la relation entre la mère et son enfant (10).

Cependant dans tous les cas il appartiendra à un médecin de revoir l'enfant avant le 8e jour afin de s'assurer du bon du suivi de l'enfant et de la réalisation du test de Guthrie.

Les possibilités de la prise en charge sont multiples et les modalités précises seront le fruit de réflexions locales aboutissant sur un suivi organisé et structuré.

En conclusion

La lecture de la littérature sur le sujet amène à penser que le développement des sorties précoces sera une réalité incontournable. Tous les acteurs de la naissance seront amener à se concerter : gynécologues, sages-femmes, puéricultrices, pédiatres, généralistes, PMI. Une collaboration structurée sera garante de la sécurité des mamans et des bébés. Les changements seront progressifs car en dehors des problèmes liés à la sécurité, on touche au caractère culturel qu'ont les soins autour de la naissance, et cet aspect n'est pas le moindre.

Bibliographie

[1]   PUTET G. Hôpital Debrousse Lyon : 33ème journées nationales de la Société Française de Médecine Périnatale. Nantes octobre 2003.

[2]   CLARIS 0. La situation dans les autres pays de la Communauté Européenne. Arch Pédiatr 2001 ; 8 sup 2 ; 498.

[3]   LANGUE J, LACROIX-BARBERY I. Sorties précoces de maternité : place du pédiatre libéral. Arch Pédiatr 2001 ; 8 sup 2 : 495-497.

[4]   CATZ C., HANSON JW., SIMPSON L., Yaffe SJ. Summary of workshop : early discharge and neonatal hyperbilirubinemia. Pediatrics 1995 ; 96 N° 4 : 743-745.

[5]   S.SEIDMAN D, K.STEVENSON D, ERGAZ Z, GALE R. Hospital readmission due to neonatal hyperbilirubinemia. Pediatrics 1995 ; 96 : N°4

[6]   GRAVEN MA., CUDDEBACK JK, WYBLE L. Readmission for group B streptococci infection among full-term, singleton, vaginally delivred neonates after early discharge from Florida hospitals for births from1994 to 1994. J perinatol 1999 ; 19 : 19-25

[7]   AVOA A, R.FISCHER P. The influence of perinatal instruction about breast-feeding on neonatal weight loss. Pediatrics 1990 ; 86 : N°2.

[8]   LIEU TA., BRAVEMAN PA., ESCOBAR GJ., FISCHER AF, JENSVOLD NG., CAPRA AM. A randomized comparaison of home and clinic follow-up visits after early postpartum hospital discharge. Pediatrics 2000 ; 95 N°5 :1058-1065.

[9]   BRAVERMAN P, EGERTER S, PEARL M, MARCHI K, MILLER C. Problems associated with early discharge of newborn infants. Pediatrics 1995 ; 96 : N°4.

[10]   LEE TWR, SKELTON RE, SKENE C. Routine neonatal examination : effectiveness of trainee paediatrician compared with advanced neonatal nurse practitioner. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2001 ; 85 : F100 - F104.

   LA SORTIE PRéCOCE DE MATERNITé VUE PAR LE PéDIATRE   105

106   J. BRUNET

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