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Titre: Place de l'hysterectomie dans le traitement des hemorragies genitales
Année: 2000
Auteurs: - Querleu D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Hystérectomies

Place de l’hystérectomie dans le traitement des hémorragies génitales  

Denis QUERLEU
 Hôpital Jeanne de Flandre, Lille

 

L’hystérectomie, opération de base de la chirurgie gynécologique, n’est pas la solution univoque du traitement de la pathologie gynécologique. C’est une chance : une femme sur 20 consulte pour hémorragies génitales entre 34 et 49 ans. Même en l’absence d’activisme chirurgical, cette pathologie représente un dizième des demandes de consultation spécialisée et 70% des hystérectomies, pour un coût annuel estimé au Royaume Uni de 65 millions de livres (Stirrat 1999). Ceci impose une réflexion sur les bases du traitement des hémorragies génitales. Cette réflexion est aisée lorsqu’une anémie complique des hémorragies chroniques ou lorsqu’une maladie organique vitale en est la cause. Lorsqu’il n’y a pas de carence martiale et que la maladie est bénigne, la seule logique du traitement est de type fonctionnel : de la même manière que la douleur ou l’incontinence urinaire, l’hémorragie génitale est un symptome, une gêne, mais pas une maladie. De plus, malgré ses apparences objectives, la perception du caractère gênant de l’hémorragie relève de la plus grande subjectivité. On arrive donc au paradoxe qui amène à traiter par une chirurgie radicale un symptôme dont on n’a pas vérifié la réalité. Quand bien même le symptôme serait réel, il faut s’assurer qu’il n’existe pas un traitement moins agressif et moins coûteux. Quand on a répondu à toutes ces questions, on a trouvé la place, réelle, de l’hystérectomie dans le traitement des hémorragies génitales.

QU’EST CE QU’UNE HEMORRAGIE GENITALE ?

Le coût (considérable en santé publique) est engagé sur la foi de la déclaration des patientes plutôt que sur la constatation objective. La définition de la ménorragie est actuellement bien établie : hémorragie cyclique de plus de 80 ml. Ce seuil correspond à un double critère d’anomalie : le seuil de normalité et le seuil de pathologie. La quantité de 80 ml est à la fois le 90ème percentile de la quantité mesurée dans une population générale et le seuil au dessus duquel l’anémie apparaît si la perte devient chronique (Hallberg 1966). Si la mesure de la perte menstruelle était réalisable en pratique, c’est donc cette quantité qui fonderait la justification d’un traitement. On imagine aisément une « référence médicale opposable » du style : « il n’y a pas d’indication à engager un diagnostic ou un traitement des ménorragies inférieures à 80 ml par mois ». Or, il n’y a pas de moyen simple et acceptable de mesure, et c’est par l’anémie (rarement) et la subjectivité (bien plus souvent) que le diagnostic positif de ménorragie est prononcé.

Or, ce qui est perçu peut être loin de la réalité. Moins de 50% des femmes consultant pour hémorragies dépassent ce seuil (Fraser 1981, Higham 1999). Autrement dit, ce qui devrait être un diagnostic différentiel de la ménorragie est souvent inclus dans le diagnostic positif. Nous connaissons tous des femmes dont l’anémie a révélé des hémorragies génitales non signalées spontanément par la patiente. A l’opposé, des ménorragies compliquées de carence martiale peuvent passer inaperçues. La notion de ménorragie est donc une notion de tolérance personnelle à l’augmentation physiologique (le flux augmente, à l’intérieur de la période dite d’activité génitale, avec le temps)ou pathologique du flux menstruel.

ORIENTATION ETIOLOGIQUE

Quelle que soit sa définition, l’hémorragie implique un diagnostic étiologique. Les causes du saignement doivent être hiérarchisées : organiques malignes, organiques bénignes, fonctionnelles, idiopathiques. L’organicité et son diagnostic sont détectés par l’échographie et affirmées par l’histologie (biopsie d’endomètre orientée ou non par l’hystéroscopie). Elle demande un traitement adapté, médical pour les hyperplasies sans atypie (progestatifs systémiques ou intra-utérins), chirurgical conservateur ou radical pour les autres causes. On trouvera ici une place pour le traitement médical, pour le traitement chirurgical conservateur ou pour l’hystérectomie. Cette dernière est indiquée (1) dans la pathologie organique maligne, (2) dans les lésions précancéreuses chez la femme ne désirant plus de grossesse, (3) dans les lésions bénignes intramyométriales causales de l’hémorragie et rebelles au traitement médical chez la femme ne désirant plus de grossesse. Dans tous les autres cas, l’hystérectomie ne doit pas être proposée à une patiente sans exposer les alternatives : traitement médicamenteux, curetage, ablation endométriale, myomectomie hystéroscopique ou abdominale.

En l’absence de signe d’organicité, soit approximativement en cas d’échographie normale, il reste essentiel de distinguer par la biopsie d’endomètre en deuxième partie de cycle les hémorragies fonctionnelles (liées à une insuffisance lutéale ou une anovulation) des hémorragies idiopathiques (sans anomalie organique ou hormonale sous-jacente) car leur traitement est radicalement différent (Dargent 1996).

INDICATIONS THERAPEUTIQUES

L’hémorragie fonctionnelle est l’indication élective des progestatifs systémiques qui compensent l’insuffisance lutéale. L’échec ou l’intolérance orientent vers un traitement progestatifs intra-utérin.

L’hémorragie idiopathique est une mauvaise indication des progestatifs systémiques en première intention, dans la mesure où des essais randomisés ont montré la supériorité de l’acide tranexamique dans cette indication (Preston 1995), et leur égalité avec les anti-inflammatoires non stéroidiens mieux tolérés (Cameron 1990). Le Danazole, bien que supérieur à l’acide méfénamique (Dockeray 1989), est discrédité par ses effets secondaires. On trouve probablement ici (essais randomisés de petite dimension disponibles) la place du dispositif intra-utérin au Levonorgestrel, en première intention si une contraception est nécessaire.

Ce n’est qu’après l’échec (échec vrai immédiat ou secondaire, ou intolérance) de ces traitements qu’on peut employer la « manière forte » représentée par la chirurgie. La chirurgie peut être conservatrice ou radicale. Seule la myomectomie est réellement conservatrice de l’utérus et de sa fonction. C’est donc intentionnellement qu’on placera dans la même catégorie l’hystérectomie et l’ablation endométriale. Incidemment, on désigne par ablation endométriale toutes les techniques de principe similaire (électrorésection, hyperthermie micro-ondes ou par d’autres moyens physiques). En effet, l’ablation endométriale comme l’hystérectomie suppriment la fertilité (c’est à dire la fonction de l’utérus), et impliquent des risques de complications (de nature différente, mais l’une et l’autre potentiellement invalidantes ou léthales). Il serait donc anormal de voir l’ablation endométriale se développer non aux dépens de l’hystérectomie, mais de la gestion médicale d’un problème dont on rappelle qu’il est dans plus de la moitié des cas purement subjectif. En effet, le large développement de l’ablation endométriale dans certains pays, par exemple la Grande-Bretagne, tient peut être plus à un abus d’indications en regard du traitement médical ou tout simplement de l’abstention qu’à une réelle réduction des indications d’hystérectomie.

HYSTERECTOMIE OU ABLATION ENDOMETRIALE ?

Dans l’information à la patiente, deux éléments, outre les complications, sont à présenter : les inconvénients et le taux de succès. L’hystérectomie est clairement moins bien acceptable psychologiquement et plus contraignante que l’ablation mais donne 100% de succès, contre 80% pour l’ablation. En revanche, et de manière inattendue, plusieurs études randomisées ne montrent pas d’avantage de l’ablation endométriale en termes de satisfaction de la patiente et même de troubles urinaires (Pinion 1993). De fait, le seul avantage formel de l’ablation endométriale est économique immédiat

On rappelle que l’hystérectomie peut être réalisée par la voie vaginale (ou coelioscopique dans les équipes entraînées dédiées à cette technique) dans la quasi-totalité des cas de cette indication, ce qui la classe au même titre que l’ablation dans la catégorie des « chirurgies radicales à invasion minimale ». Autrement dit, la discussion thérapeutique n’est réellement en faveur de l’ablation endométriale que dans le cas où l’hystérectomie ne peut être réalisée par voie vaginale ou coelioscopique, ce qui est exceptionnel. De fait, l’hystérectomie abdominale n’est indiquée que dans moins de 10% des cas dans les équipes entraînées, et l’indication n’est quasiment jamais dans ce cas l’hémorragie génitale isolée (Querleu 1993).

L’hystérectomie est clairement indiquée en cas de pathologie myométriale ou annexielle associée, en cas d’algoménorrhée et chez les patientes refusant le risque d’échec associé à l’ablation endométriale : c’est dans ces cas que l’indice de satisfaction, en moyenne supérieur pour l’hystérectomie dans les essais randomisés, est optimal. Dans les autres cas, il s’agit d’un choix conjoint de patiente et de chirurgien.

On évite ainsi les trois écueils du traitement des hémorragies (ou des saignements perçus comme tels) : hystérectomie abusive, ablation endométriale abusive, traitements médicaux mal ciblés ou abusivement prolongés.

Cameron IT, Haining R, Lumsden MA

The effects of mefenamic acid and norethisterone on measured menstrual blood loss

Obstet Gynecol 1990, 76, 85

Cosson M, Querleu D, Subtil D, Dubecq F, Crépin G

Alternatives et voies d’abord des hystérectomies. Les randomisations dangereuses ?

J Gynécol Obstet Biol Repr 1996, 25, 257-263

Dargent D

Prise en charge des ménométrorragies dites rebelles

JOBGYN 1996, 4, 383-390

Dockeray CJ, Sheppard BL, Bonnar J

Comparison between mefenamic acid and danazol in the treatment of established menorrhagia

Br J Obstet Gynaecol 1989, 96, 840

Fraser I, Pearse C, Shearman RP

Efficacyof mefenamic acid in patients with a complaint of menorrhagie

Obstet Gynaecol 11981, 59, 543-551

Hallberg L, Hogdahl AM, Nilsson L, Rybo G

Menstrual blood loss. A population study variation at different ages and attempts to define normality

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Higham JM

Clinical association with objective menstrual blood volume

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Pinion SB, Parkin DE, Abramovich DR, Naji A, Russell IT, Kitchener HC

Randomized trial of hysterectomy, endometrial laser ablation, and transcervical endometrial resection for dysfunctional uterine bleeding

Br Med J 1993, 309, 979-983

Preston JT, Cameron IT, Adams EJ, Smith SK

Comparative study of tranexamic acid and norethisterone in the treatment of ovulatory menorrhagia

Br J Obstet Gynaecol 1995, 102, 401

 

Querleu D, Cosson M, Parmentier D, Debodinance P

The impact of laparoscopic surgery on vaginal hysterectomy

Gynaecol Endosc 1993, 2, 89-91

Stirrat GM

Choice of treatment for menorrhagia

Lancet 1999, 353, 2175