HORMONE
DE CROISSANCE ET LIPIDES
Maïthé Tauber
Hôpital des Enfants
CHU – Toulouse France
A coté
des effets cellulaires et tissulaires mieux connus, l’hormone de croissance
(GH-growth hormone) a des effets métaboliques complexes sur les métabolisme
glucidique, protidique (hormone anabolisante par excellence) et lipidique (hormone
lipolytique). L’utilisation plus large de l’hormone de croissance recombinante
chez l’enfant et plus récemment chez l’adulte a permis de mieux décrire les
effets métaboliques de GH.
Anomalies métaboliques
lipidiques observées dans le déficit en GH
Elles
ont été essentiellement rapportées chez l’adulte. Le syndrome de déficit en
GH de l’adulte est caractérisé par des modifications spécifiques de la composition
corporelle associant une augmentation de la masse grasse (essentiellement tronculaire)
et une diminution de la masse maigre (perte musculaire), par une diminution
de la densité minérale osseuse, par des anomalies du métabolisme glucidique
(hyperinsulinisme, intolérance au glucose) et des anomalies du métabolisme lipidique.
Plusieurs études ont montré que les patients avec hypopituitarisme acquis avaient
une augmentation significative du risque vasculaire (morbidité et mortalité)
avec une forte prévalence d’HTA et d’athérogénèse précoce malgré la substitution
des autres hormones lypophysaires et que cet effet était dû au déficit en GH
[1].
Sur
le plan lipidique, le syndrome de déficit en GH associe une lélévation des taux
des triglycérides sanguins (TG), du cholestérol total, LDL-cholestérol et de
l’apo B, avec une baisse du HDL-cholestérol. Ces perturbations lipidiques sont
beaucoup plus fréquentes et plus marquées chez l’adulte que chez l’enfant. Ces
anomalies s’aggravent avec la durée du déficit en GH.
Les
bases de données du KIMS (Kabi international metabolic study) ont permis de
montrer que ces anomalies lipidiques étaient différentes chez les adultes ayant
débuté leur déficit en GH pendant l’enfance et chez ceux dont le déficit est
à début adulte, les premiers ayant des perturbations moins marquées même lorsque
le déficit à une durée moyenne de 8-10 ans [1, 2, 3]. Ceci n’est que partiellement
expliqué par la différence d’âge, 28 ans versus 50 ans.
Néanmoins,
deux études récentes [4, 5] ont montré que les perturbations liées au déficit
en GH apparaissent très tôt chez les adolescents déficitaires après l’arrêt
du traitement en fin de croissance. Il existe des données discordantes concernant
les taux de TG (tableau 1 : revue des différentes données de la littérature).
TABLEAU
1
PROFIL
LIPIDIQUE ET LIPOPROTEINES
DANS LE SYNDROME DE DEFICIT EN GH CHEZ L’ADULTE
n, nombre de patients ; TC,
cholestérol total ; TG, triglycéride ; DE, début dès l’enfance ;
DA, début adulte ; DI, début mixte
Les effets
du traitement par GH
Le traitement
par GH corrige le profil lipidique à risque cardio-vasculaire du syndrome de
déficit en GH, il diminue le taux de LDL-cholestérol et augmente les taux de
HDL-cholestérol. L’effet sur les triglycérides et le cholestérol total est inconstant.
Par contre les taux de Lp(a) s’élèvent sous traitement de manière significative
et cette élévation n’est pas due à la différence de phénotype Apo E et Apo(a).
Les hommes élèvent plus leur taux de Lp(a) que les femmes. Les taux de Lp(a)
augmentent chez l’enfant non déficitaire, traité par GH [6-8]. Les effets métaboliques
ne sont pas expliqués par l’amélioration de la composition corporelle.
Il semble
que l’effet athérogène de l’élévation du taux de Lp(a) soit contrebalancé par
l’élévation du HDL-cholestérol et la baisse du CT et du LDL-cholestérol. Le
tableau 2 résume les différentes études publiées.
TABLEAU
2
EFFETS DU TRAITEMENT PAR GH SUR
LES LIPIDES ET LE PROFIL DES LIPOPROTEINES CHEZ L’ADULTE AVEC DEFICIT EN GH
n, nombre de patients ; TC,
cholestérol total ; TG, triglycéride ; DE, début dès l’enfance ;
DA, début adulte ; DI, début mixte ; DAp, double aveugle avec placebo
Mécanismes
d’action de GH sur le métabolisme lipidique
GH stimule
la libération d’acides gras libres dans les premières semaines du traitement
(effet lipolytique sur le tissu adipeux). Ces AGL peuvent être oxydés en périphérie
ou recaptés par le foie et réestérifiés en TG.
Chez
le rat hypophysectomisé, GH augmente la sécrétion de VLDL parallèlement à la
synthèse d’apo B48 ce qui conduit a augmenter la clairance des VLDL (car la
1/2 vie de l’apo B48 est plus courte que celle de l’Apo B 100). Secondairement
une fraction des VLDL est converti en LDL ce qui entraîne une diminution de
la synthèse de LDL.
Chez
l’homme et le rat, GH up régule le récepteur hépatique des LDL et augmente donc
la clairance des LDL. C’est probablement la combinaison de ces deux actions
qui augmente la production de HDL [7]. Néanmoins l’action de GH sur le métabolisme
lipidique est complexe, l’effet majeur et constant étant une diminution du LDL-cholestérol
et une augmentation de Lp(a).
L’élévation
du taux de TG rencontrées dans le déficit en GH est probablement secondaire
au moins en partie à l’adiposité abdominale et à l’insulino résistance. Pourtant
malgré l’effet très net sur la diminution de la masse grasse, il n’y a pas d’effet
concordant sur les TG sanguins.
Liens avec
les autres facteurs de risque
Les
patients qui présentent un déficit en GH ont un taux élevé de fibrinogène et
de PAI-1 peut être en partie du fait de leur adiposite mais aussi par le GHD
lui-même. Ce risque thrombogène associé au risque athérogène du fait du profil
lipidique anormal explique l’augmentation de la prévalence de la morbidité et
mortalité cardio-vasculaire.
Conclusion
L’action
de GH sur le métabolisme lipidique est complexe et encore mal connue. Il est
important de suivre à le long terme les effets du traitement sur le métabolisme
lipidique afin de savoir si on diminue réellement l’athérosclérose et le risque
de surmobidité et surmortalité cardiovasculaire.
Références
1 – De BOER H, BLOK
G.J, Van Der VEEN E.A. « Clinical aspects of growth hormone deficiency
in adults ». Endocrine Reviews, 1995 : 16(1), 63-86
2 – Van Der LELY
A.J, LAMBERTS S.W.J. « Childhood and adult onset growth hormone deficiency :
similarities and differences in GH replacement in adults. In The first 5 years
of KIMS, Bengt-Ake Bengtsson and John P Monson (ed), 2000 : pp. 151-155
3 – ATTANASIO A.F,
LAMBERTS S.W, MATRANGA A.M, BIRKETT M.A, BATES P.C, VELK N.K, HILSTED J, BERGTSSON
B.A, STRASBURGER C.J. « Adults growth hormone deficienty patients demonstrate
heterogeneity between childhood onset and adult onset before and during human
GH treatment. Adult growth hormone deficient study group. J. Endocrinol. Metab,
1997 : 82, 82-8
4 – JOHANNSSON G,
ALBERTSSON-WIKLAND K. ‘Discontinuation of growth hormone (GH) treatment :
metabolic effects in GH-deficient and GH-sufficient adolescent patients compared
with control subjects ». J. Clin. Endocrinol, 1999 : 84, 12, 4516-24
5 – VAHL N, JUUL
A, JENS O.L, ORSKOV H, SKAKKEBAEK N.E, CHRISTIANSEN J.S. « Continuation
of growth hormone (GH) replacement in GH-deficient patients during transition
from childhood to adulthood : a two-year placebo-controlled study ».
J. Clin. Endocrinol. Metab, 2000 : 85, 5, 1874-81
6 – CARROL P.V, CHRIST
E.R, and the members of growth hormone research society scientific committee :
Bengtsson BA, Carlsson L, Christiansen JJ, Clemmons D, Hintz R, Ho K, Laron
Z, Sizonenko P, Sönksen PH, Tanaka T, Thorner M. « Growth hormone deficiency
in adulthood and the effects of growth hormone replacement : a review »
J. Clin. Endocrinol. Metab, 1998 : 83, 382-395
7 – ANGELIN B, RUDLING
M. « Gowth hormone and lipoprotein metabolism ». Cur Opinion in Lipid,
1994 : 5, 160-65
8 – BENGTSSON B.A,
JOHANNSSON G, SHALET S.M, SIMPSON H, SONKSEN P.H. « Therapeutic controversy
of growth hormone deficiency in adults ». J. Clin. Endocrinol. Metab, 2000 :
86, 933-42
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