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Titre: L'approche psychosomatique peut-elle trouver sa place dans la prédictivité des menaces d'accouchement prématuré ? Aspects psychologiques et procédures médicales. Prévention de la prématurité et détres
Année: 1994
Auteurs: - Alexandre B.
Spécialité: Psychosomatique
Theme: prématurité

Chapitre XV

L'APPROCHE PSYCHOSOMATIQUE PEUT-ELLE TROUVER SA PLACE DANS LA PREDICTIVITE DES MENACES D'ACCOUCHEMENT PREMATURE?

Béatrice Alexandre

Aspects psychologiques et procédures médicales.

Prévention de la Prématurité et Détresse Maternelle.

UN AUTRE REGARD SUR LA PREMATURITE

a/ Introduction

Après trois recherches réalisées,

- INSERM (1981-1983)

- CNRS-MIRE (1984-1987)

- MIRE-DGS-DPM-FAS-DAS (1988-1991)

sur échantillon total de 230 femmes à risque de prématurité

- porteuse de grossesse unique

- terme entre 28 et 36 semaines d'aménorrhée

- parité indifférente

- pathologies médicales chroniques exclues (diabète…).

Constat : L'absence de tout support social et d'encadrement affectif constitue un facteur de risque en matière d'accouchement prématuré.

Le support médical devient déterminant, la "femme en détresse" se tournant vers l'institution médicale (plaintes somatiques et demande d'aide accrue).

B/ LA DEMARCHE

1° Etude n° 1

(80 femmes hospitalisées pour menace d'accouchement prématuré)

Analyse : demande de la femme envers l'institution médicale

la réponse offerte par les soignants.

Les "réponses" médicales consistent essentiellement en :

- l'administration de bétamimétique ou de corticostéroïdes

- l'hospitalisation à domicile avec prescription de repos

- l'hospitalisation en service hospitalier.

Constat : hiatus entre la "démarche " des usagers et "l'offre" médicale, montrant une faille dans la compréhension du symptôme.

2° Etude n° 2

(80 femmes maghrébines d'immigration récente - <10 ans -, localité à forte concentration d'immigrants, cataloguées comme "à risque" par les épidémiologistes et présentant cependant un très beau score d'accouchements à terme (98 %).

Constat : la qualité particulière du support social.

Grossesse investie par tout le groupe sociale et "contenue" par les ascendants, collatéraux, voisins et amis. La femme enceinte est soulagée des tâches matérielles et du soin aux aînés.

Perception de la grossesse par cette population et l'attitude générale de l'entourage servant aux femmes de soutien psychologique (les mieux entourées refusent l'hospitalisation en cas de menace d'accouchement prématuré).

3° Etude n° 3

(70 femmes : 41 françaises, 29 maghrébines) en maternité parisienne de l'Assistance Publique à fort recrutement de bas niveau socio-économique - population à risque.

Analyse :

1) perception de la grossesse par l'entourage, qualité du soutien psychologique,

2) demande des femmes à l'institution médicale et qualité de l'accompagnement médical.

C / ARGUMENT

Toute grossesse, se déroule sur fond d'angoisse et entraîne un état de crise réactivant les difficultés psychologiques de la femme, la rendant vulnérable et très sensible aux réalités externes.

Cette crise de la "maternalité", (Racamier) peut entraîner :

- décompensation psychique (état dépressif, psychose puerpérale), ou

- décompensation somatique (MAP ou accouchement prématuré).

L'angoisse est une défense contre la souffrance psychique et se manifeste par une recrudescence des symptômes somatiques. Souvent les femmes se plaignent de malaises, sans percevoir leur dépression. Or, fréquemment, anxiété, irritabilité, sentiment d'incapacité, fatigue et plaintes somatiques ne sont que la partie visible de l'iceberg masquant un état dépressif.

Pour mener une grossesse à terme, la femme doit se sentir soutenue mais aussi comprise dans ses émotions. Elle a besoin d'un entourage (médical et personnel) à l'écoute de ce qu'elle éprouve physiquement et psychiquement.

Au moins une personne de l'entourage doit manifester un intérêt pour la grossesse. Idéalement, le père de l'enfant (mais il n'est pas toujours qualitativement présent). D'autres instances peuvent intervenir (grands-parents, soeur, amie, voisins, collègue, sage-femme, médecin…).

Un groupe peut aussi fonctionner comme une sorte d'enveloppe protectrice et aider au "portage" de la grossesse. Nous constatons un taux extrêmement faible d'accouchements prématurés pour les femmes en Foyer Maternel (souvent en rupture avec l'entourage familial).

- illustration par vignettes cliniques.

D / ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DES PROCEDURES MEDICALES

Constat :

Si l'entourage affectif est suffisamment "contenant" (BION), les plaintes somatiques sont moins nombreuses et l'intensité de la demande adressée à la médecine décroît.

Mais, toute femme en détresse se tourne vers l'institution médicale avec demande d'aide accrue donc demande de soins. Chaque consultation obstétricale, médication, acte médical devient particulièrement porteur de sens : signalant implicitement à la femme que son enfant est précieux (pour la médecine et pour la société). Toute intervention médicale devient "contenante" (fantasmatiquement perçue comme une sorte de capacité maternelle à contenir et à penser l'état interne de l'enfant) et peut, ainsi, relancer la capacité de rêverie maternelle.

L'hospitalisation en maternité est quelquefois le seul moyen d'aider une femme à contenir la grossesse jusqu'à son terme : équipe soignante et future mère "portent ensemble le bébé";

Si beaucoup de médecins savent que lorsque l'histoire de la femme la prédispose à une vulnérabilité psychique, ils doivent être plus à l'écoute de sa détresse (deuils antérieurs, parent en danger de mort, antécédents d'I.V.G., de mort subite, de prématuré, etc.), réalisent peu la nécessité d'une vigilance accrue lorsque la femme se plaint (difficultés de couple, mari immature), ou lorsque la fatigue provoque une plainte importante (signal de dépression), ou encore et surtout, lorsque la grossesse semble particulièrement peu investie (non-perception des mouvements de l'enfant, faible anticipation du bébé…).

Implications pratiques : meilleure écoute, mise en place de groupes de femmes enceintes (revalorisation des groupes de préparation à la naissance, désaffectés depuis l'apparition de la péridurale), permettant de "penser la grossesse et , par un "portage en commun", de trouver un contenant à leurs détresses.

Les anglo-saxons définissant la maladie psychosomatique comme "un chagrin sans larmes", on peut penser la prématurité comme une solitude sans contenant.


Atelier :

PREVENTION DE LA PREMATURITE ET DETRESSE MATERNELLE

Ce que je présenterai aujourd'hui, dans le cadre de cet atelier que j'ai intitulé "PRESSENTONS DE LA PREMATURITE ET DETRESSE MATERNELLE" est la résultante de dix années de recherches, portant sur un échantillon de 230 femmes considérées comme "à risque de prématurité" par les épidémiologistes et les instances médicales.

Toutes les femmes étaient porteuses de grossesses uniques et toutes parités confondues. Nous avons, volontairement, exclu de notre échantillon les femmes susceptibles de présenter des pathologies médicales chroniques (diabète, cardiopathie ou insuffisances rénales, etc.). Les femmes de notre échantillon étaient enceintes de 28 à 36 semaines au moment des entretiens semi-directifs.

Nous nous sommes essentiellement centrés sur l'analyse de la demande que la femme adresse à l'institution médicale et celle de l'offre offerte par les soignants. Une sorte d'analyse de l'offre et de la demande, en quelque sorte !

Nous avons, pour ce faire, procédé à des entretiens semi-directifs au chevet de femmes hospitalisées à domicile ou dans le cadre des services de Maternité et à des observations au cours des consultations.

Cette étude a été menée en trois temps dans le cadre du laboratoire de psychologie clinique de Paris VII, dont je fais partie.

I ñ Le premier épisode de la recherche répondait à un appel d'offres de l'INSERM et a eu pour terrain l'hôpital Antoine Béclère à Clamart.

Avant de passer aux résultats de cette étude, rappelons brièvement quels sont les moyens dont dispose la médecine pour lutter contre la prématurité :

ñ les consultations prénatales

ñ l'administration de Bétamimitiques (en cas de contractions)

ñ ou de cortisoïdes (activation de la maturité pulmonaire du foetus)

ñ arrêt de travail

ñ hospitalisation à domicile avec prescription de repos, ou, en dernier recours, hospitalisation dans un service de Maternité.

Première constatation :

LES FEMMES HOSPITALISEES POUR MAP FONT ETAT DE DETRESSE PSYCHIQUE.

En effet, au cours de ce travail, nous nous sommes aperçus que nombre de femmes hospitalisées pour MAP faisaient état de difficultés spécifiques :

qu'il s'agisse d'antécédents familiaux (culpabilité par rapport à une IVG, fausse couche antérieure, mort subite du nourrisson ou antécédent de prématurité… ) ou

qu'il s'agisse de difficultés psychologiques actuelles (conflit conjugal, rupture avec la famille, deuil familial) ou

des difficultés psychologiques anciennes (relatives le plus souvent à des deuils ou des séparations).

S'agirait-il de femmes momentanément plus vulnérables et dont la détresse se manifesterait sous forme de symptôme "équivalent somatique" d'un appel à l'aide ? C'est l'hypothèse que nous avons formulée.

Depuis les travaux du Pr. Racamier, chacun sait combien la grossesse fragilise psychologiquement la femme. Racamier compare la grossesse au processus de l'adolescence et la décrit comme une crise de la personnalité (potentiellement maturative mais d'issue aléatoire). Racamier note aussi qu'une femme qui n'est pas écoutée, comprise et contenue dans ses émotions risque soit :

ñ une décompensation psychique (dépression ó> psychose péridurale)

soit

ñ une décompensation somatique (MAP ó> accouchement prématuré)

Il note aussi que plus la femme est déstabilisée par cette crise de la personnalité, plus elle est vulnérable et dépendante de son environnement. Je cite : "le moi est d'autant plus sensible aux réalités extérieures qu'il est plus flottant dans son intimité".

Les observations que nous avons faites nous ont contraint à considérer la prématurité comme une manifestation psychosomatique, c'est-à-dire comme une décompensation somatique liée à la détresse psychique.

Nous nous sommes aperçus que les femmes fragilisées par leur histoire personnelle avaient plus besoin d'un contenant externe que les autres.

Parmi ces femmes fragilisées, les médecins comptent celles qui présentent :

ñ d'importants antécédents obstétricaux… PMA, IVG, fausses couches etc., ou

ñ les femmes de moins de 21 ans ou plus de 36 ans (qui sont répertoriées comme femmes à risque, en raison de leur histoire personnelle, ou

ñ les populations en exil.

Jusqu'ici, nos observations étaient conformes à celles des médecins et épidémiologistes.

Deuxième constatation :

La plupart des femmes hospitalisées à domicile faisaient état d'un sentiment de solitude, étaient anxieuses et se plaignaient d'une fatigue importante alors qu'elles étaient allongées ou alitées tout au long de la journée. Tandis que pour les femmes hospitalisées, dans le service de Maternité, la fatigue faisait rarement l'objet d'une plainte, elles se disaient soulagées et rassurées et apparaissaient cliniquement moins anxieuses et moins dépressives. (tout en ayant une symptomatologie plus "grave").

II.

La deuxième étude commanditée par le CNRS et la MIRE a constitué un virage important dans notre travail. A 68 kms de Paris, dans les Yvelines, la Maternité de l'Hôpital François Quesnay accueille une population d'immigrants à forte concentration maghrébine.

Les femmes accouchant en exil sont répertoriées par les épidémiologistes comme une population à risque de prématurité. Or, les femmes maghrébines accouchant dans cette maternité présentaient un excellent score d'accouchement à terme, alors qu'elles refusent médications et hospitalisations et échappent aux mailles du filet médical en matière de prévention de la prématurité.

Nous avons donc mis au point un programme de recherche comportant des observations à domicile avec entretiens semi-directifs et observations au cours des consultations ; toujours dans le but d'appréhender la demande que ces femmes adressent à l'institution médicale, mais également de comprendre les raisons pour lesquelles le taux d'accouchement prématurés est si faible. Avec F. Benslama, psychologue clinicien et ethnologue, nous avons donc été voir, chez elles, comment elles vivaient.

Il me faut ici faire quelques remarques préalables et tout d'abord à propos de la manière d'envisager la grossesse dans la pensée islamique :

ñ L'enfant est un don de Dieu. L'enfant n'est pas une fin en soi pour le couple et celui-ci n'est que l'outil qui permet à la société d'accueillir un nouveau membre. La femme en est le vecteur qu'il faut respecter. L'enfant qu'elle porte est précieux pour la famille et pour la communauté toute entière. Tout au long de la grossesse, la femme est extrêmement encadrée et portée par tout le groupe social.

La femme enceinte est soulagée de toutes les tâches matérielles, ce sont les femmes de l'entourage ou du voisinage qui assument la préparation des repas, la lessive, le ménage et les soins aux enfants, le mari assure tout "l'extérieur", marché, démarches administratives, etc.

Le bébé est important pour toute la collectivité, il faut en prendre soin et la grossesse est valorisée comme un véritable travail social. De ce fait le REPOS est considéré, par tous comme un droit inhérent à l'état de grossesse et non pas comme un devoir lié à une prescription médicale.

C'est à la faveur des observations sur les lieux de vie que nous avons constaté que la population immigrante n'était pas homogène. Nous l'avons divisée en trois groupe, tenant compte du mode de vie, du type d'habitat et de mobiliser et surtout de la structure familiale.

ñ Le groupe A qui vit très proche de la culture traditionnelle où la femme vit dans la belle famille, refuse les médications et où on peut repérer quelques rares accouchement prématurés qui auraient pu être évités par un meilleur suivi médical (liés aux infections urinaires par exemple).

ñ Le groupe B dans lequel les femmes sont plus sélectives et "piochent" dans la médecine occidentale et dans les politiques traditionnelles ce qui est bon pour elles. (elles acceptent échographies, cerclage, césarienne et médications). C'est dans ce groupe qu'on constate le taux le plus faible d'accouchements prématurés (0,2 %). Ces femmes ne sont jamais isolées, elles sont en permanence soutenues par les femmes de l'entourage et par le groupe social tout entier (le mari a un rôle de soutien très important).

Sur le plan psychologique on peut repérer deux données importantes (sur lesquelles nous reviendrons dans les conclusions).

1) le groupe social fonctionne comme un "contenant psychique" avec possibilité d'identification aux autres femmes du groupe.

2) elles sont prises en charge et soutenues dans toutes les tâches de la vie quotidienne ? C'est un peu comme s'il y avait, en permanence, une mère "attentive" à la maison. Elles ne sont jamais seules et trouvent toujours un interlocuteur. Les femmes de l'entourage fonctionnent comme des substituts maternels auxquels elles peuvent s'identifier.

CETTE ETUDE A ETE UN MOMENT CHARNIERE POUR NOUS CAR ELLE NOUS A PERMIS DE METTRE EN EVIDENCE L'IMPORTANCE DE L'ENTOURAGE AFFECTIF POUR LA FEMME ENCEINTE, AYANT VALEUR DE CONTENEUR PSYCHOLOGIQUE.

Cette organisation est rendu possible par le fait que les familles immigrantes se regroupent dans un ensemble d'HLM, appelé le "Val Fourré", ce qui a permis de mettre en évidence un système social recréant "le village"…

ñ le troisième groupe, que nous avons appeler groupe C pose, quant à lui, un problème spécifique : c'est le groupe dans lequel on repère le plus de difficultés au moment de la grossesse. Il est composé de femmes en voie d'acculturation, en rupture avec leur culture d'origine, qui veulent s'assimiler à la culture occidentale et sont, de ce fait, entre deux cultures, faisant l'objet d'un rejet de la part de la collectivité maghrébine et de l'ostracisme de la population française. (j'insiste sur le fait qu'il s'agit de femmes d'immigration récente et non de seconde génération).

Les difficultés rencontrées par ces femmes-là sont approximativement les mêmes que celles rencontrées par certaines femmes françaises, comme nous le verrons tout à l'heure.

Du fait d'avoir perdu leurs repères et leurs modèles, elles sont souvent dans un état d'angoisse important, sont très démunies face à la grossesse et manifestent une grande docilité vis-à-vis du système médical occidental.

Elles se tournent vers le médecin avec une demande d'aide accrue. Ici, le refus de l'hospitalisation est motivé par le fait qu'elles ne savent pas à qui confier la garde de leurs enfants, le mari étant leur seul soutien au foyer et c'est à lui qu'est dévolu le rôle de contenant psychique de la femme au cours de la grossesse.

C'est cette population qui est, assurément, la population maghrébine considérée comme "à risque" de prématurité, répertoriée par les épidémiologistes.

III

Nous avons lancé un troisième programme de recherches co-subventionné par la MIRE, la DGS, la DPM, le FAS et la DAS et avec Natacha Kukucka (psychologue clinicienne et psychanalyste spécialisée dans les troubles précoces des relations mère-bébé). Nous avons travaillé sur une population maghrébine de groupe A , donc en rupture, et une population de femmes françaises de même niveau socio-économique. Notre échantillon a été recruté dans la Maternité d'un hôpital de l'Assistance Publique à la Pitié-Salpétrière, dans le 13e arrondissement où le professeur Darbois nous a ouvert les portes de son service. Il s'agit donc d'une population particulièrement démunie sur le plan économique, psychologique et social. Nous avons toujours travaillé le même axe de recherche: analyse de la demande que la femme adresse à l'institution médicale.

PREMIERE CONSTATATION

Plus la femme se sent isolée psychologiquement, plus elle est anxieuse, et plus elle se tourne vers l'institution médicale avec une demande d'aide qui se traduit, le plus souvent, par une recrudescence de plaintes somatiques ou de symptômes somatiques allant jusqu'à des demandes d'hospitalisation;

Contre toute attente, et à notre grand étonnement, nous avons constaté un très beau score d'accouchements à terme chez les femmes vivant en Maison Maternelle. Ce qui n'a pas manqué de nous poser la question car il s'agit d'une population particulièrement démunie sur le plan économique, psychologique et social, le plus souvent en rupture avec leur milieu familial et abandonnée par le père du bébé qu'elles portent. Donc une population potentiellement "à risque" de prématurité.

A l'analyse, on retrouve un phénomène relativement comparable à celui observé dans la population maghrébine du Val Fourré. A savoir : la femme est ici prise en charge par la collectivité, non seulement déchargée des tâches matérielles, mais également prise dans un faisceau d'identifications et "contenue" par l'institution où elle est hébergée. Elle y trouve des interlocuteurs permanents (en la personne des autres femmes enceintes ou ayant accouché, aussi bien que du personnel de l'institution) ce qui constitue une sorte de "PORTAGE" collectif de la grossesse par le groupe et par l'institution qui semble avoir une fonction anxiolytique, l'environnement agissant comme un contenant des angoisses de la femme.

EN RESUME, NOUS CONSTATONS DE TRES BEAUXACCOUCHEMENTS A TERME DANS DES POPULATIONS POTENTIELLEMENT A RISQUE :

- PARMI DES FEMMES ACCOUCHANT EN EXIL

- PARMI DES FEMMES DE BAS NSE, TRES DEMUNIES, VIVANT EN MAISONS MATERNELLES

- PARMI DES FEMMES HOSPITALISEES EN MATERNITE POUR DES MAP GRAVES.

Quel pouvait bien être le dénominateur commun de situations cliniques si disparates ?

C'est dans la théorie de la fonction contenante de BION et dans celle des enveloppes psychiques de D'ANZIEU que nous avons trouvé un analyseur qui nous a permis d'interpréter ces diverses situations.

Lorsqu'on observe ces trois situations ñ Maison Maternelle, Hospitalisation, Communauté Maghrébine, l'image qui nous est venue est celle des MATRIOCHRA : l'entourage, affectivement investit contient les angoisses de la femme, qui peut alors, à son tour, "contenir" la grossesse et le bébé.

J'en arrive aux conclusions qui sont valables pour toutes les femmes, quelle que soit leur origine ethnique ou leur NSE.

Chaque femme, chaque mère est un enfant en détresse en quête d'une mère attentive et contenante. Le plus souvent, le conjoint, le milieu familial ou professionnel arrivent à contenir la femme au cours de sa grossesse.

Mais si elle ne se sent pas suffisamment soutenue, elle va se tourner vers l'institution médicale avec une demande de soins accrue, quelquefois une demande de prise en charge totale, c'est-à-dire une demande d'hospitalisation et si cette demande n'est pas entendue, il y a alors risque accru de prématurité. Voir schéma.

On pourrait même dire, d'après les observations que nous avons faites, qu'il suffit que le bébé qu'elle porte ait de l'importance pour une personne au moins de l'entourage pour que la grossesse puisse redevenir importante pour la femme.

SI QUELQU'UN DE L'ENTOURAGE PENSE AU BEBE, LE PORTE DANS SA TETE EN QUELQUE SORTE, LA MERE POURRA (PAR IDENTIFICATION) LE PORTER ELLE AUSSI DANS SA TETE ET DANS SON VENTRE.

A contrario, si elle se sent lâchée, elle aura tendance à le lâcher psychiquement et physiquement (et donc, malgré elle, puisqu'il s'agit de compensation somatique).

J'en arrive donc aux procédures médicales puisque c'est le sujet qui nous réunit ici aujourd'hui.

EN CAS DE DETRESSE PSYCHIQUE, LES SOIGNANTS NE SONT PLUS DE SIMPLES FIGURANTS SUR LA SCENE, MAIS DEVIENNENT LES ACTEURS PRINCIPAUX.

C'est à eux et à eux seuls qu'est dorénavant dévolu le rôle de contenant psychique de la femme.

Des nombreux entretiens semi-directifs que j'ai pratiqué, il ressort que le soignant (médecin, sage-femme) est vécu psychiquement comme une mère qui rassure. Il a assurément une fonction maternelle puisqu'il a une fonction de soin.

Le regard du soignant sur la femme, son écoute, ses gestes, ses paroles viennent comme une capacité maternelle à contenir les angoisses de la femme.

Le médecin s'intéresse à la mère et à l'enfant qu'elle porte.

Tous les soins dont elle fait l'objet valorisent la grossesse. Si le bébé est important pour la médecine, il reprend une importance pour la mère. En identification avec cette fonction maternelle médicale c'est un peu comme si la mère pouvait récupérer, elle aussi, sa fonction d'attention pour le bébé, sa capacité de rêverie.

A l'instar d'une mère, le soignant opère cette fonction de tri, détoxique la situation et aide la femme à penser ce qui se passe en elle. Il fonctionne comme un réceptacle actif des émotions de la femme. Ceci suppose une écourte privilégiée de cette personne-là à ce moment-là.

Il y a bien évidemment des INDICATEURS DE DETRESSE. Nous n'en donnerons que quelques uns qui nous semblent d'importance :

ñ si la fatigue fait l'objet d'une plainte (c'est un peu comme la partie émergée d'un iceberg, c'est un indicateur de détresse qui peut signaler une dépression maternelle de même que des états de panique, des phobies ou le sentiment du vide ;

ñ si le repos à domicile est mal accepté, c'est le signe qu'il y a une détresse ;

ñ de même, si l'arrêt de travail est refusé, c'est que la femme trouve dans son milieu professionnel le contenant psychique dont elle a besoin pour mener sa grossesse à terme.

Cette raison de cette "médecine à la carte" que nous sommes peu à peu devenus des défenseurs farouches de l'hospitalisation en Institution Maternité et les détracteurs de l'hospitalisation à domicile avec monitoring téléphonique comme certains tentent de l'implanter en France. Rien ne sert d'évoquer la détresse de certaines femmes contraintes par une prescription de REPOS à gester leur grossesse dans une cité dortoir, entre un téléphone, un catalogue de vente par correspondance et la télévision comme nous l'avons si souvent observé.

L'HOSPITALISATION PEUT ETRE VECUE COMME LE SEUL ABRI CONTRE LES TEMPETES INTERIEURES. (VERTUS ANXYOLOTIQUES).

Comme disait Gandhi "il faut soigner le malade et non la maladie".

Deuxième et dernière application.

Partant de la théorie sur le contenant groupal et l'identification de groupe, il nous semble important de réhabiliter les groupes de préparation à l'accouchement, désaffectés depuis l'apparition de la péridurale car ce sont non seulement d'importants miradors d'observation d'où l'on peut détecter les femmes en détresse mais surtout d'indispensables outils thérapeutiques et donc de prévention à la fois des difficultés psychiques et somatiques au cours de la grossesse et de l'installation de troubles dans l'instauration de la relation précoce mère-bébé.

IL NE FAUT PAS SOUS-ESTIMER LES VERTUS THERAPEUTIQUES DU "PORTAGE" COLLECTIF.

Je terminerai en reprenant à Pascal cette citation bien connue : "le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas".

En relisant mon texte, je m'aperçois que j'avais écrit "le corps" au lieu du coeur, lapsus significatif, car il est vrai que l'accouchement prématuré est un drame silencieux où le corps est pris comme théâtre d'une détresse psychique non contenue par l'entourage.

A l'instar des anglo-saxons qui définissent la maladie psychosomatique comme un chagrin sans larmes, nous pensons la prématurité comme une "solitude sans contenant".

ABSTRACT

Etude portant sur un échantillon de 230 femmes porteuses de grossesses uniques et considérées comme "à risque" de prématurité par les épidémiologistes.

Cette recherche, (centrée sur l'analyse de la "demande" que la femme enceinte adresse à l'institution médicale et sur celle de la "réponse" des soignants en matière de prévention de la prématurité) est basée sur une étude comparative d'une population de femmes maghrébines d'immigration récente en France ayant un très beau score d'accouchements à terme (98 %) et de femmes françaises de même niveau socio-économique.

Nous avons pu mettre en évidence l'importance du support social et de l'encadrement affectif (personnel et médical).

Notre argument vise à montrer comment, en l'absence d'un accompagnement psychologique de bonne qualité, la femme en détresse se tourne vers le médecin avec des plaintes somatiques et une demande de soins accrue.

Illustrée par de nombreuses vignettes cliniques, cette étude permet de mettre en évidence l'importance de la qualité de l'écoute médicale, de l'hospitalisation et des structures préventives permettant à la femme de porter sa grossesse jusqu'à terme.

Béatrice Alexandre Laboratoire de Psychologie Clinique UNIVERSITE PARIS VII 13, rue de Santeuil 75005 Paris - France

Mission Interministérielle pour la Recherche et l'Expérimentation (M.I.R.E.)

Direction Générale de la Santé (D.G.S.) MINISTERE DE LA SOLIDARITE ET L'EMPLOI 1, Place Fontenoy

75007 Paris - France