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Titre: Néonatologie : passé, présent et avenir
Année: 1998
Auteurs: - Salle B.
Spécialité: Néonatologie
Theme: Histoire naturelle

Néonatologie : passe, présent et avenir

B.L. SALLE

Service de Néonatologie et de Réanimation Néonatale

Hôpital Edouard Herriot - 69437 LYON Cedex 03

 

INTRODUCTION

La médecine infantile fut longtemps intégrée à l'art obstétrical. Le premier traité des maladies des enfants est dû au génie de Soranus d'Ephèse en 98-100 après Jésus Christ qui en fit la troisième partie de son livre sur les maladies des femmes. Ce fut le médecin Suedois Nils Rosen Van Rosenstein (1706-1733) de Upsalla, qui écrivit le premier traité pédiatrique plus particulièrement axé sur l'alimentation infantile et le nouveau-né.

Par la suite les accoucheurs conservèrent jusqu'au milieu du XXème siècle le privilège des soins et de la surveillance des nouveau-nés. Ainsi tous les traités d'obstétrique comportaient une très importante partie consacrée aux maladies des nouveau-nés et aux soins à leur administrer

C'est ainsi que Billard écrit le traité des maladies des enfants des nouveau-nés et à la mamelle en 1828, Valleix publie la "Clinique des maladies des enfants nouveau-nés." Billard dans son traité précisait l'analyse clinique; il décrivait trois types de nouveau-nés : sains, malades, convalescents et guéris d'une ancienne maladie, c'est à dire qu'il commençait à décrire les foetopathies. Son ouvrage sera le point de départ de toutes les acquisitions ultérieures. Celles-ci se developperont au cours de XIXe siècle à mesure que l'expérience clinique s'amplifiera et que les découvertes biologiques et physiologiques et enfin bactériologiques enrichiront les connaissances. Néanmoins dans tous les chapitres de pédiatrie jusqu'en 1950 le chapitre consacré au nouveau-né y est absent ou à peine exprimé ; les maladies sont dispersées au hasard de la pathologie des différents appareils chez l'enfant.

Cette vision est complètement dépassée depuis 45 ans. A compter de cette date l'autonomie du nouveau-né est apparue de plus en plus évidente aussi bien en ce qui concerne la physiologie, la pathologie et la thérapeutique.

Etapes du passé

Jusqu'en 1815 on ne pesait pas les nouveau-nés. Friedlander en 1815 à l'hospice de la Maternité de Paris rapporte le poids de 7077 nouveau-nés et ses mesures serviront de référence aux publications ultérieures. On découvre ainsi que le nouveau-né perd du poids pendant les premiers jours. La définition du prématuré est faite à partir du poids et on considère tout enfant de petit poids de naissance, s'il est inférieur à 2500 g.

Billard a bien montré que le refroidissement était la principale cause de morbidité chez le nouveau-né. Aussi il s'est mis à construire des berceaux à double paroi permettant l'introduction d'eau chaude mais la couveuse à été construite peu aprés par Tarnier. Celui-ci se promenant au Jardin d'Acclimatation et voyant les couveuses à poulets d'Odile Martin eut l'idée d'appliquer le procédé aux prématurés. Il fit construire la première couveuse artificielle qui fut installée à la Maternité de Paris en 1880 ; elle avait pour particularité d'admettre plusieurs enfants. Pierre Budin en 1893 modifia la construction de cette couveuse et installa un service spécial à la Maternité de Paris pour les enfants dits "débiles". Les couveuses furent modifiées progressivement : à Lyon, au début du XXème siècle, Regaud introduisit un chauffage électrique avec régulateur à mercure coupant et remettant le circuit, assurant ainsi la constance thermique et enfin Fochier mit au point un dispositif permettant de renouveler en permanence la couveuse en air extérieur.

A la même époque Billard découvrit l'ophtalmie néonatale syphilitique mais ainsi les collyres mercuriels ont été appliqués à la fin du XIXe siècle. Grace à Crédé (1819-1892) l'affection a complètement disparue.

Sommelweiss à Vienne au milieu du siécle dernoer entrevit le mécanisme de l'infection puerpérale et par extension celui de l'infection néonatale. Budin appliqua les principes de Sommelweiss, mais bien plus il établit les principes de l'alimentation du prématuré et la conservation de son énergie.

L'ictère du nouveau-né est une longue histoire. Underwood fait la distinction entre l'ictère commun et celui en rapport avec une maladie du foie au début du XVIIIe siècle. L'ictère physiologique est reconnu comme une entité dès la fin du XVIIIe siècle, mais la pathogénie a fait couler beaucoup d'encre et de théories. Trois théories se disputèrent. Mais ce n'est qu'en 1953 que Cole et Lattle ont bien montré qu'il s'agissait d'une immaturité enzymatique en glycuronyl transférase.

L'ictère hémolytique par incompatibilité foeto-maternelle a fait l'objet de plusieurs travaux : travail de Schmorl en 1903 qui décrit le Kern Ictérus, Pfannenstiel décrit l'anasarque foeto-placentaire, Landsteiner et Wiener décrivent le facteur Rhésus en 1940 et Levine démontre l'immunisation maternelle au facteur Rhésus. Coombs décrit son test en 1946 et l'iso-immunisationau factuer Rhésus peut être diagnostiquée.chez le nouveau né a compter de cette date;le traitement par exsanguino transfusion apparait au début des années 1950 lorsQu'il a &t& montré qu'un taux élevé de biliorubine plasmatique était élevé;

La période moderne

La période moderne a commencé donc après la seconde guerre mondiale dans les années 50. Elle a permis de mettre au point les moyens de surveillance mécanique et biologique et les traitements modernes : ventilation assistée, perfusion, alimentation parentérale. Au début, le but essentiel était de diminuer la mortalité des prématurés liée aux complications respiratoires - mortalité qui était supérieure à 85% chez les enfants de moins de 1 500 g. Les premiers résultats de la ventilation assistée en Suède et en Afrique du Sud dans le traitement des enfants présentant un tétanos néonatal furent encourageants et, à partir de 1961, de nombreuses équipes dans le monde s'initièrent à cette méthode dans le traitement des syndromes apnéiques puis dans le traitement des maladies pulmonaires. Au début, cette ventilation se faisait par trachéotomie, jusqu'à ce qu'en 1965 apparaissent des sondes trachéales en polyéthylène non toxiques permettant des intubations prolongées. La surveillances des gaz du sang (PaO2, PaCO2) commença à la même époque et fut acquise définitivement en microméthode à partir de 1968.

On peut dire aujourd'hui que le développement de ces techniques et leur vulgarisation ont été les facteurs les plus importants dans l'amélioration de la survie des prématurés et des nouveau-nés en détresse vitale. Néanmoins, on vit apparaître des complications inconnues ou méconnues jusque-là : fibroplasie rétrolentale, emphysème interstitiel, trachéo-bronchite nécrosante, broncho-dysplasie pulmonaire... De plus, la survie des enfants, surtout ceux de petit poids de naissance, souleva ipso facto d'autres problèmes, tels qu'assurer un état nutritionnel adéquat face à l'immaturité digestive et métabollique et prévenir les complications, notamment les complications neurologiques.

Ces dix dernières années ont permis de mieux connaître les besoins caloriques et nutritionnels du prématuré, bien qu'il existe toujours une controverse à propos de la croissance normale du prématuré foetus extra-utero. Il est en effet difficile de déterminer les critères précis de la croissance normale étant donné que l'on doit se baser sur les données d'autopsie qui, bien entendu, sont loin d'être toujours représentatives de la réalité. Néanmoins, la pauvreté des réserves en calories(graisses) en fer, en calcium et en phosphore du prématuré est bien connue. Une alimentation parentérale peut être maintenue aujourd'hui pendant 2 à 3 semaines sans inconvénient, mais, au-delà, peuvent survenir des carences (acides gras essentiels, oligo-éléments, carnitine...) et des complications spécifiques : ictère cholestatique, nécrose hépatique, troubles du développement du tractus alimentaire et insuffisance de sécrétion des hormones digestives.

Les méthodes d'investigation neurologique : échographie, tomodensito-métrie, imagerie type IRM ou spectrométrie en résonance magnétique ont constitué un apport considérable pour l'évaluation dynamique des structures cérébrales et le suivi des complications vasculaires hémorragiques. De plus, la pratique des EEG avec analyse par ordinateur et l'étude des potentiels évoqués du tronc cérébral et visuels permettent de faire plus rapidement un pronostic fonctionnel cérébral.

Ainsi, les progrès considérables de cette période, dans tous les domaines, ont fait diminuer de façon importante la mortalité et la morbidité néonatale. Dans notre expérience, à Toronto comme à Lyon, bien que le recrutement de cette catégorie de prématurés se soit accru au cours des dernières années, le taux de mortalité des prématurés de moins de 1500 g est passé de 85 à 20%. Plus de 70% des prématurés de moins de 1000 g survivent actuellement dans certains centre de périnatologie mais ceci, encore, au prix de déficits majeurs ce qui constitue un problème grave sur le plan éthique, familial et économique.

La décision de continuer à prolonger la vie des prématurés reste un choix difficile. Les méthodes d'appréciation du pronostic restent encore imparfaites. La société, le gouvernement dans certains pays (USA, Canada), les systèmes de lois, les groupes de pression en faveur des handicapés encouragent la sauvegarde de la vie à tout prix. Ceux qui défendent la sauvegarde de la vie à tout prix tiennent pour primordial les droits de l'individu. D'un autre côté, les familles souhaitent qu'on leur rende un enfant normal ; le premier devoir d'un médecin selon la loi et le code de Déontologie est de sauver son patient en maintenant ses fonctions normales. On sait que la survie d'un enfant gravement handicapé sur le plan intellectuel et moteur a des conséquences inéluctables, sur le plan familial, avec risque important de désintégration de la famille, et sur le plan économique entrainant pour la société un coût très important. Il y a aussi un principe moral à respecter : celui du plus grand bien pour le plus grand nombre. L'application de ce principe doit conduire à l'emploi le plus approprié des ressources matérielles médicales et financères pour le bien commun. La décision ultime de poursuivre ou non la réanimation en face de complications mutilantes et invalidantes reste en définitive uniquement dévolue au médecin réanimateur et à l'équipe qui l'entoure, la famille ayant tous les droits mais se reportant sur la décision médicale.

L'avenir

Toute médecine passe par trois phases : définition, connaissance physiologique, diagnostic et traitement, et prévention. Nous entrons dans la période de prévention de la prématurité et de sa pathologie mais aussi des malformations et des maladies métaboliques. La prématurité reste importante en France : 6% des naissances en 1995-1996. Aux Etats-Unis, dans certains états, elle atteint plus de 10% des naissances. Les prématurés de moins de 1500 g représentent 1% des naissances vivantes dans les pays occidentaux (soit 7 500 naissances en France), y compris dans des pays où la surveillance de la grossesse est un modèle (pays scandinaves, Hollande). Ceci suggère que des facteurs tels que le mode de vie et l'état nutritionnel de la mère n'influencent pas l'accouchement prématuré. Etant donné le coût économique élevé d'un prématuré et les séquelles toujours possibles, une large priorité doit être donnée à la prévention de l'accouchement prématuré et de ses complications, mais il est bien évident qu'on ne pourra progresser qu'en connaissant les mécanismes physiopathologiques du déclenchement inopiné du travail. Un effort de recherche important est donc à faire dans ce domaine. De plus la prématurité iatrogène augmente du fait de l'amélioration des techniques de soin et de surveillance en néonatologie ; celle ci ne peut se réaliser que dans des centres bien équipés où la prévention des maladies de membranes hyalines et la prise en charge des nouveau-nés en salle de travail sont parfaitement assurées.

Ainsi Il faut par ailleurs assurer la prévention des aberrations chromosomiques, des malformations viscérales et osseuses, des maladies métaboliques et des maladies invalidantes telles que la mucoviscidose, les myopathies, les anomalies héréditaires de l'hémoglobine, etc. Ceci passe par une amélioration de la surveillance de la grossesse et de la qualité du dépistage anténatal qui ne peut se faire si chacun travaille dans son coin. Il est en effet nécessaire de mettre en place pour cela une régionalisation des soins périnataux, comme ceci est fait avec succès dans les états canadiens ou dans les pays scandinaves et maintenant dans certaines grandes régions des Etats-Unis. Les services d'obstrétrique et de néonatalogie rassemblés dans une même structure y sont classés en niveau I, II, III respectivement pour des risques minimes, modérés et élevés. Cette régionalisation permet une surveillance adaptée de toutes les grossesses et un partage de la responsabilité des risques. Les résultats rapportés au Québec et en Suéde depuis l'installation d'un tel réseau sont objectivés par le fait que la mortalité périnatale y a nettement diminué (inférieure à 7 pour 1000 en 1995). Seule une telle régionalisation peut permettre de prendre en charge de façon appropriée tous les risques périnataux, de recenser et de rechercher l'origine des malformations génétiques ou viscérales, et de suivre l'évolution de la morbidité et de la mortalité périnatales, et de leurs causes. Ainsi, les pédiatres et les obstétriciens doivent plaider pour une meilleure surveillance des grossesses. Les femmes à "hauts risques" ne sont pas toujours transférées dans les centres de périnatologie, proches d'un service de néonatologie pour tenir compte du fait que le transport in utero est bien supérieur au transport après la naissance. Il naît encore des enfants soit très prématurés, sans prévention de la maladie des membranes hyalines, soit des enfants ayant des malformations graves, invalidantes, non diagnostiquées in utero, l'échographie n'ayant pas été faite ou ayant été faite trop superficiellement.

En France, la politique périnatale mise en place par Monsieur Pompidou et Mademoiselle Dienesh à partir de 1968 a été très prometteuse et efficace, mais on peut regretter que peu de décisions aient été prises en matière de politique périnatale depuis lors. Un décret sur la périnatologie est non seulement en préparation mais rédigé. Malheureusement pour des raisons financières, il n'est pas encore paru. Une politique familiale passe, en effet, obligatoirement par une meilleure surveillance de la grossesse, une prévention de l'accouchement prématuré et de ses risques, et une régionalisation des soins périnataux.