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Titre: Génétique moléculaire d'une ambigüité sexuelle néo-natale
Année: 2000
Auteurs: - Polak M.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Hypothyroidies congénitales

Génétique moléculaire des hypothyroïdies congénitales

Dr M. Polak

Service d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique et Unité INSERM 457

Hôpital Robert Debré, Paris

 

Des avancées récentes liées aux approches de la biologie moléculaire ont permis d’élucider le mécanisme de plusieurs formes d’hypothyroïdies congénitales.

L’hypothyroïdie congénitale est une des maladies endocriniennes de l’enfant les plus fréquentes : 1 sur 3800 naissances. Pour que la fonction thyroïdienne soit assurée, il faut d’une part que le développement de la glande thyroïde s’effectue normalement et d’autre part, que l’ensemble du système hypothalamo-hypophyso-thyroïdien soit fonctionnel. A tous ces niveaux, les anomalies dans les gènes codants pour les différentes protéines impliquées ont été décrites.

Ainsi une hypothyroïdie centrale a été reliée à une mutation à l’état homozygote dans le gène codant pour la sous unité Béta de la thyrotropine (Doeker 1998). Des cas d’hypothyroïdie congénitale primaire avec goître ont été reliées soit à des mutations dans le gène de la thyropéroxydase, soit à des mutations du gène de la thyroglobuline (Ishikawa 1996; Medeiros-Neto 1997). Ces dernières anomalies entraînent un défaut de l’organification de l’iode et donc de la synthèse des hormones thyroïdiennes.

Plus récemment, des anomalies du transporteur d’iodure, présent sur les cellules épithéliales thyroïdiennes ont été décrites. En règle, ces anomalies entraînent un défaut de l’accumulation de l’iode et donc de la synthèse des hormones thyroïdiennes, mais ces sujets sont euthyroïdiens au prix d’une stimulation forte par la TSH et d’un goître (Matsuta 1997). Il est probable que ces anomalies du transporteur de l’iodure expliquent certaines formes d’hypothyroïdies congénitales avec glande en place goîtreuse. Des anomalies du récepteur de la TSH ont été décrites dans des cas d’abord de résistance aux hormones thyroïdiennes (augmentation de la concentration de thyrotropine et euthyroïdie) puis dans des cas d’hypothyroïdie congénitale avec glande en place en position eutopique mais hypoplasique (Abramovicz, 1997).

Ces mutations inactivatrices du gène du récepteur de la TSH ont permis de tirer plusieurs leçons. D’une part, elles ont été retrouvées dans des hypoplasies de la glande thyroïde en position normale, ce qui confirme que la migration thyroïdienne au cours du développement n’est pas dépendante de la TSH. D’autre part, ces glandes hypoplasiques sont capables de sécréter de la thyroglobuline qui devient donc un marqueur intéressant dans ces circonstances. Enfin ces glandes hypoplasiques peuvent ne pas être détectées lors des scintigraphies thyroïdiennes et c’est alors, l’échographie de la loge thyroïdienne par un opérateur entraîné qui les révèle. Le syndrome de Pendred qui associe une surdité neurosensorielle de début précoce et un goître avec hypothyroïdie par trouble de l’organification de l’iode a pu être élucidé. Il est lié à des anomalies du gène d’un transporteur d’iode et de chlore (Everett 1997, Scott 1999).

Il faut néanmoins se souvenir que l’hypothyroïdie congénitale est liée le plus souvent à une anomalie du développement de la glande thyroïde, soit complète, athyréose (30 % des cas) soit partielle, ectopie ( 55 % des cas); les hypothyroïdies avec glande en place ne représentant que 15 % des cas. Pour cette dysgénésie thyroïdienne, plusieurs arguments plaident actuellement en faveur du rôle de facteurs génétiques. Des travaux de notre groupe (Dr Léger, Dr Castanet, Dr Polak, Pr Lyonnet, Pr Czernichow) que nous résumons ici ont été conduits sous l’égide de l’Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE). Même si quelques formes familiales ont été rapportées depuis une trentaine d’années, les dysgénésies thyroïdiennes sont considérées jusqu’à présent comme une affection survenant de manière sporadique. Le but de cette étude a été de déterminer, en France, la prévalence des formes familiales d’hypothyroïdie congénitale par dysgénésie de la glande, ainsi que le ou les modes de transmission possible. Sur 15 millions de tests de dépistage systématique de l’hypothyroïdie congénitale effectués depuis 1979, 3900 enfants atteints ont été identifiés (soit une incidence de 1/3800). Si l’on exclut les formes transitoires (n=161) et celles pour lesquelles aucune étiologie n’a été définie (n=171), 766 (20%) ont une glande thyroïde en place et 2802 (72%) ont une dysgénésie de la glande : 34% avec athyréose et 66% avec ectopie. La prépondérance féminine est identique dans ces deux derniers groupes avec un sexe ratio de 2,7 pour les ectopies et 2,5 pour les athyréoses.

Afin de déterminer la prévalence des formes familiales de dysgénésie, nous avons réalisé une enquête nationale. Sur les 592 médecins connus pour suivre des cas d’hypothyroïdie congénitale, 435 (73,5%) ont répondu à notre enquête. Ces derniers suivaient 85% des enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale.

Cette étude a permis de recenser 32 familles comportant plus de 2 membres atteints d’hypothyroïdie congénitale due à une dysgénésie de la glande.

Au sein d’une même famille, ectopies et athyréoses sont regroupées indifféremment : 12 familles comportent deux membres atteints d’ectopie, 7 comportent deux membres avec athyréose et 13 comportent plusieurs membres avec atteinte dissociée, ectopie pour les uns et athyréose pour les autres. Aussi, ces deux étiologies ont probablement un déterminisme commun.

Les membres atteints sont, dans 13 familles des frères et soeurs, et dans 8 des cousins germains ou issus de germains. Dans 10 familles, la transmission se fait verticalement d’un parent à un enfant. Une dernière famille comporte 4 sujets atteints, liés par divers liens de parenté. Dans l’hypothèse d’une homogénéité de transmission, nous pouvons suggérer un mode de transmission autosomique dominant avec pénétrance incomplète faible.

Ces familles regroupent 67 sujets atteints : 38 ont une ectopie (57%) et 29 ont une athyréose (43%). Alors que, dans les cas d’ectopie, le sexe ratio est identique entre formes familiales (2,7) et sporadiques (2,6), celui-ci diffère significativement dans les cas d’athyréose. Il est, en effet, de 0,93 dans les formes familiales et de 2,6 dans les formes sporadiques (p=< 0,001).

Parmi les 67 sujets recensés, 48 sont nés depuis l’instauration du dépistage systématique. Par conséquent, la prévalence des formes familiales de dysgénésie thyroïdienne a été calculée à 2%. Ce chiffre significativement supérieur à celui attendu, si aucun facteur familial n’intervenait, atteste du caractère familial des hypothyroïdies congénitales dues à une dysgénésie de la glande.

Des facteurs de transcription ont été identifiés, qui s’expriment préférentiellement dans les cellules thyroïdiennes à un stade précoce du développement et qui régulent l’expression des gènes spécifiques de la thyroïde telles la thyroglobuline et la thyropéroxydase. Ces gènes se présentaient donc comme de bons gènes candidats dans le cas des dygénésies thyroïdiennes. Il s’agit du gène TTF-1 (thyroid transcription factor 1), le gène PAX-8 et le gène TTF-2 (thyroid transcription factor 2).

Des expériences d’invalidation de ces gènes chez la souris, notamment pour TTF-1 ont permis de confirmer ce rôle en faisant apparaître des cas d’athyréose; mais les premières études de génétique humaine recherchant des mutations du gène de TTF-1 dans une série de 15 puis 61 patients présentant une dygénésie thyroïdienne ne retrouvent aucune mutation (Kimura 1996; Lapi 1997; Perna 1997). Il faut toute fois noter une étude récente chez un nouveau-né présentant une hypoplasie de la glande thyroïde associée à une détresse respiratoire par insuffisance de production du surfactant, chez qui, il a été découvert une large délétion dans la région du chromosome 14 q 13-21, région comprenant notamment le gène TTF-1 (Devriendt 1998). Récemment, des mutations de Pax-8 ont été retrouvées chez 5 sujets atteints d’hypothyroïdie congénitale: un cas d’ectopie, un cas d’hypoplasie de la glande thyroïde) et un cas familial d’hypoplasie de la glande thyroïde (une mère et ses deux enfants) (Macchia 1998). Enfin des mutations du gène anologue humain du gène TTF-2 ont été retrouvées chez deux enfants ayant une athyréose, une atrésie des choanes et une fente palatine (Clifton-Bligh 1998).

Toutes ces données ouvrent une nouvelle voie de recherche, importante pour la compréhension des mécanismes moléculaires conduisant au développement de la glande thyroïde.

BIBLIOGRAPHIE

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Scott DA, Wang R, Kreman TM, Sheffield VC, Karnishki LP

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