LA REGIONALISATION DES SOINS PERINATAUX EN EUROPE
La doctrine de la régionalisation des soins périnataux est acceptée dans divers pays d’Europe depuis la fin des années 70, venant des Etats Unis ou elle avait été lancée par le pédiatre néonatologiste Joseph Butterfield à Denver, Colorado.
Cette doctrine reposait sur le constat que le transport d’un nouveau-né prématuré en détresse vitale depuis le lieu de sa naissance jusque vers un service de réanimation néonatale devait être organisé, mais que ce transport ne répondait que de façon très incomplète aux besoins de l’enfant. Joseph Butterfield, l’Académie Américaine de Pédiatrie et le Collège Américain des Gynécologues Obstétriciens ont alors défini une nouvelle politique ayant pour objectif de transporter la mère quand le risque était établi d’un accouchement avant 33 semaines ou la naissance d’un enfant de moins de 1 500 grammes. Cette doctrine devait, pour être mise en pratique, que les maternité d’une région s’associent dans un réseau, que les praticiens s’entendent entre eux pour que soient organisés ces transferts in utéro. C’est cette base régionale qui a donné aux Etats Unis le nom de cette politique périnatale de régionalisation des soins. Cela impliquant une adaptation du niveau de soins au niveau de risque.
C’est dans cette démarche qu’ont été définis les trois types de centres périnataux :
- De type III asssociant à la maternité un service de réanimation néonatale ;
- De type II associant à la maternité un service de pédiatrie néonatale ;
- De type I sans service de pédiatrie associé à la maternité, c’est à dire sans hospitalisation d’enfants dans le même site.
La politique de régionalisation des soins périnataux a été mise en place dans la plupart des pays européens.
Les évaluations de la politique de régionalisation ont montré qu’elle était possible, puisque 80 % ou plus des accouchements d’enfants de moins de 33 semaines pourraient être effectivement réalisés dans un centre périnatal de type
III.
Les évaluations des résultats ont montré que cette politique permet un très remarquable progrès en réduction de la mortalité des nouveaux-nés en fonction de la durée de la grossesse, et une réduction du risque de handicap.
En France, deux études ont montré qu’en l’absence de cette politique, on pouvait constater une très importante inégalité du sort de l’enfant selon son lieu de naissance. Ainsi l’étude des grands prématurés (avant 33 semaines) nés à Paris et en petite couronne en 1985 et suivis à 2 ans a montré qu’un enfant inborn (né dans un centre périnatal de niveau III) avait 7.52 fois moins de risque de décès ou de handicap à deux ans qu’un enfant ayant besoin d’un transport après la naissance (outborn), Truffert 1998.
En Seine Saint Denis, l’analyse de la mortalité per partum et dans les premiers 28 jours a montré des différences du même ordre de grandeur par rapport à une naissance en niveau III, avec 8 fois le risque pour un niveau II et 12 fois le risque pour une naissance en niveau I, Papiernik 1996.
En France, nous avons un retard considérable à la mise en place de réseaux entre les maternités permettant d’offrir la meilleure adaptation du niveau de soins au niveau de risque puisqu’en 1991,Chale 1997, 15.8 % des enfants de moins de 33 semaines ou de moins de 1 500 grammes étaient effectivement nés en niveau
III.
Cependant, des régionalisations existent en France, la première ayant été mise en place à Nantes et sa région. De nombreux réseaux sont actuellement en place et efficaces. Les obstacles à leur efficacité sont réels. Les structures de soins sont trop souvent encore inadaptées par insuffisance de capacité d’accueil des transferts maternels.
Nous avons mis en place une enquête à laquelle ont participé tous les pays de l’Union Européenne et de nombreux pays de l’Europe Centrale et Orientale avec un financement de la Commission Européenne.
L’enquête a porté sur les grands centres périnataux et la question était de connaître la proportion d’enfants inborn et nés avant 32 semaines d’aménorrhée.
Le tableau I montre que la plupart des pays européens, grands ou petits, ont effectivement des taux de inborn atteignant ou dépassant 80 % dans les grands centres périnataux. Certains pays dont la France montrent des taux nettement moins élevés. Si on compare deux pays comparables comme la France et l’Allemagne (figure 1), en organisation des soins et taille moyenne des maternités, le pourcentage d’inborn est nettement plus élevé qu’en France. Cependant, plusieurs centres en France atteignent 60 % d’inborn (figure 2).
L’enquête a aussi permis de mesurer certains éléments de l’organisation collective des soins comme le nombre de centre III. Ce nombre est très variable, allant de 5.2 pour 100 000 naissances en Hollande à 14.2 pour 100 000 naissances en République Tchèque, la moyenne étant de 9 à 10 centres périnatals de niveau III pour 100 000 naissances, Tableau II.
L’enquête a permis de mesurer une autre dimension de l’organisation des soins, la proportion des naissances totales qui sont réalisées dans les maternités de niveau III. Cette proportion est très variable, allant de 7 % en Hollande à 25 % en Finlande et à 45 % dans la région de Trent dans le Royaume Unis, Tableau III.
Conclusion
L’organisation de la prise en charge des grossesses à haut risque en France a été pendant très longtemps très différente de l’organisation mise en place dans divers pays d’Europe. Ce n’est que depuis peu d’années que les projets ou les réalisations de régionalisation des soins périnataux sont proposés et acceptés. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour obtenir que soit réalisé le projet d’obtenir que 80 % au moins de toutes les naissances avant 33 semaines aient effectivement lieu dans un centre périnatal de niveau
III.
BIBLIOGRAPHIE
- Chale J.J., Papiernik E., Colladon B., Cohen H., Levy G., Lacroix A., Maria B., Palot M., Naiditch M.
Analyse des lieux et des conditions d’accouchement en 1991 des mères d’enfants dont le poids de naissance était inférieur à 1 500 g et/ou l’âge gestationnel inférieur strictement à 33 sem.
J. Gynecol Obstet Biol. Reprod, 1997, 26 : 137-147
- Papiernik E., Combier E.
Morbidité et mortalité des prématurés de moins de 33 semaines
Bull. Acad. Med., 1996, 180, N° 5 : 1017-1031
- Truffert P., Goujard J., Dehan M., Vodovar M., Breart G.
Outborn status with a medical neonatal transport service and survival without disability at two years. A population-based cohort survey of newborns of less than 33 weeks of gestation
Eur.J. Obstet. Gynecol. Reprod. Biol., 1998, 79(1) : 13-18
TABLEAU I
Pourcentage des nouveau-nés de <32 SA qui sont ‘inborn’
dans les grandes USIN, 1996
Pays |
Nbre d’USIN |
Nbre de Nnés < 32 SA |
%
inborn |
Estonie |
2 |
113 |
0% |
France |
23 |
2747 |
54% |
Hongrie |
10 |
979 |
54% |
Turquie |
4 |
623 |
54% |
Autriche |
8 |
659 |
61% |
Belgique |
11 |
827 |
75% |
R.U. : Northern Region |
4 |
370 |
76% |
Pays Bas |
10 |
1441 |
80% |
Allemagne |
29 |
2217 |
80% |
Suède |
6 |
594 |
82% |
Irlande du Nord |
2 |
181 |
85% |
Italie |
12 |
870 |
85% |
Espagne |
9 |
739 |
87% |
Danemark |
5 |
398 |
88% |
République Tchèque |
11 |
650 |
89% |
Portugal |
8 |
601 |
91% |
Suisse |
7 |
518 |
91% |
Slovénie |
1 |
110 |
96% |
Finlande |
3 |
194 |
97% |
FIGURE 1/ FIGURE 2
Comparaison des taux d’inborn
des USIN Allemandes et francaises
TABLEAU II
NOMBRE DE CENTRES III
100 000 naissances par an en EUROPE
|
Nombre de Centres
|
Naissances totales |
% |
Hollande |
10 |
190.887 |
5.2
|
Suède |
7 |
100.636 |
7.0
|
Finlande |
5 |
62.767 |
8.0
|
Danemark |
6 |
68.900 |
8.7
|
U.K. Trent |
6 |
66.500 |
9.0
|
Catalogne E. |
5 |
53.961 |
9.3
|
Portugal |
11 |
110.000 |
10.0
|
U.K. Northern |
4 |
33.912 |
11.8
|
Latium I |
6 |
50.000 |
12.0
|
Rép. Tchèque |
13 |
91.269 |
14.2
|
EUROPET. J. Zeitlin et E. Papiernik, 1998
TABLEAU III
PROPORTION DES NAISSANCES EN CENTRE PERINATAL DE NIVEAU III
|
Naissances CPN III
|
Naissances totales |
% |
Catalogne |
10.019 |
53.961 |
18 |
Trent UK |
30.000 |
66.500 |
45 |
Hollande |
14.503 |
190.887 |
7 |
Finlande |
19.204 |
62.767 |
25
|
EUROPET. J. Zeitlin et E. Papiernik, 1998
|