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Titre: Valeur médico-légale des moyens techniques du monitorage du travail
Année: 1999
Auteurs: - Pontonnier
Spécialité: Obstétrique
Theme: Monitorage du travail

COMMENT ASSURER LES CONDITIONS OPTIMALES POUR L’EXTRACTION FOETALE

" VALEUR MEDICO-LEGALE DES MOYENS TECHNIQUES DU MONITORAGE DU TRAVAIL "

Georges PONTONNIER

Hôpital La Grave - C.H.U. de Toulouse

 

La mort de l’enfant pendant l’accouchement et la souffrance néonatale, si elle laisse des séquelles psychomotrices, constituent deux grandes causes de procès contre les obstétriciens. Ces complications ont en général pour origine l’asphyxie du foetus pendant le travail.

En cas de plainte la qualité de la surveillance de l’accouchement sera évaluée par l’expert à qui le juge demandera si la parturiente a bénéficié des connaissances et des moyens disponibles dans l’état actuel de la Science.

Durant la décennie 60, les principaux concepts physio-pathologiques de la souffrance foetale aigüe furent établis. Parallèlement le progrès technologique permit la mise au point de systèmes enregistrant en continu le rythme cardiaque foetal (RCF). Ce fut l’engouement qui dura 20 ans. Comme souvent dans ce cas, peut être par suite d’une dérive dans son utilisation et aussi par un phénomène de mode qui existe aussi en médecine, l’utilisation systématique du monitorage fut remise en question, ici ou là, à partir des années 80.

Quelques études épidémiologiques ont laissé croire que cette technique n’avait pas d’intérêt évident dans les accouchements eutociques ; elle devait être réservée aux dystocies et aux cas à risque en rapport avec une grossesse pathologique.

Par ailleurs, la mesure du pH sur le scalp foetal, à cause des contraintes qu’elle entraîne n’a été développée que dans quelques grands centres obstétricaux.

Sur le plan médico-légal il convient de savoir si le recours à la surveillance paraclinique du foetus repose sur des fondements objectifs. En effet si la remise en question faite par certains obstétriciens épidémiologistes n’entraîne pas la conviction des experts et des juges, les médecins confrontés à une plainte après un accident de la naissance risquent de connaître quelques déboires s’ils ne peuvent pas fournir un tracé de RCF. (3)

La valeur de la surveillance clinique.

L’analyse de l’intérêt du monitorage et du pH foetal passe par une première question.La surveillance clinique du foetus pendant l’accouchement est-elle fiable?

Elle repose sur deux signes : les modifications des bruits du coeur foetal et l’imprégnation méconiale du liquide amniotique.

L’auscultation foetale, longtemps considérée comme le meilleur moyen de contrôle de l’oxygénation foetale est souvent prise en défaut. Ceci a plusieurs causes, parmi lesquelles deux sont difficilement contestables. La première est la difficulté de situer chronologiquement les bradycardies par rapport aux contractions, or on connaît la signification pronostique très différente entre les bradycardies synchrones et les bradycardies décalées. La deuxième est le caractère périodique de l’auscultation ; le calcul a été fait aux U.S.A. par Benson, la durée d’auscultation par rapport à celle du travail représente en moyenne 5 %. Sur le plan médico-légal, en dehors de cas exceptionnels, où l’auscultation du coeur foetal a été notoirement insuffisante, il est difficile d’imputer au médecin un dépistage trop tardif des modifications du R.C.F. Mais on peut alors se demander pourquoi le rythme cardiaque n’a pas été enregistré en continu ?

Pour pallier aux lacunes de l’auscultation, plusieurs auteurs modernes ont établi des règles strictes.L’auscultation au stéthoscope d’accoucheur doit être effectuée pendant toute la contraction utérine et pendant les minutes qui la suivent. Elle sera renouvelée toutes les dix minutes dès le début du travail et après chaque contraction en cas d’anomalie. Elle sera continue au delà de 8 cm avec établissement manuel d’une courbe de fréquence cardiaque foetale !!!! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Observer de telles règles impose des contraintes difficilement compatibles avec la pratique quotidienne.

La coloration méconiale du liquide amniotique constitue le deuxième signe classique de S.F.A. En réalité il est parfaitement démontré que dans beaucoup d’accouchements avec acidose foetale, le liquide amniotique reste clair et qu’à l’inverse dans la majorité des cas de liquide méconial, l’enfant naît sain et vigoureux. On ne peut donc reprocher à un médecin de ne pas avoir extrait d’urgence un enfant alors que le seul signe pathologique était l’existence d’un liquide amniotique méconial. Tout au plus peut-on remarquer que le pourcentage de S.F.A. est plus grand dans la population des liquides méconiaux et que ceci impose un surcroit de précautions.

Le diagnostic clinique de souffrance foetale aigüe pendant le travail expose donc à deux erreurs :

* intervenir inutilement pour extraire, par forceps ou césarienne, un enfant supposé anoxique et qui, en réalité bien oxygéné, naîtra sain et vigoureux. Ce risque d’erreur existe surtout lorsque le contexte obstétrical comporte des éléments défavorables (longue période de stérilité, primipare âgée, bassin limite). on est, dans ces cas, amené à prendre une décision de prudence, alors que les signes cliniques de souffrance foetale aiguë ne sont pas intenses.

* extraire un enfant trop tard. Il sera déjà porteur de lésions cérébrales irréversibles parce que l’on aura attendu que le tableau clinique de souffrance foetale aiguë soit devenu très net, afin d’éviter une intervention inutile et peut être dangereuse.

Les imperfections de la sémiologie clinique sont donc très en faveur de l’utilisation de méthodes complémentaires de surveillance. Deux questions se posent alors, quels sont les inconvénients des techniques paracliniques et quels sont leurs avantages.

Les critiques faites à la surveillance paraclinique.

o Elle manque de fiabilité. Les troubles du R.C.F. sont difficiles à interpréter ; ils ne traduisent pas exclusivement l’anoxie et peuvent donc pousser à des interventions abusives. La pression intra-amniotique ne donne qu’une évaluation très approximative du travail utérin. Le pH sur le scalp n’est pas représentatif du pH dans le sang artériel du foetus ; il ne constitue pas un bon marqueur de l’anoxie comme le démontrent les fréquentes discordances entre sa valeur et le score d’Apgar à la naissance ; cette discordance s’explique en grande partie par les difficultés de la mesure qui entraînent un fort pourcentage d’erreurs.

o Elle est une source de complications. Elle génère une augmentation de la fréquence des césariennes. La mise en place de capteurs internes oblige à une rupture des membranes ce qui peut avoir un effet nocif sur le déroulement du travail; elle expose à l’infection foetale ou même à une hémorragie. D’une manière synthétique, la surveillance clinique qui respecte le phénomène naturel qu’est l’accouchement normal est opposé au monitorage qui devient le symbole d’une médecine technique et donc bien entendu déshumanisée.

o Mais la principale critique faite est son absence d’influence sur la mortalité périnatale. De nombreuses études rétrospectives ont comparé l’état du nouveau-né entre des séries d’accouchements surveillés uniquement par la clinique et d’autres associant le monitorage. La majorité de ces travaux a montré la supériorité du

monitorage, le bénéfice étant surtout net pour les grossesses à risque et moins évident pour celles dites à " bas risque ". Ces analyses portaient sur des séries trop hétérogènes et étaient trop étalées dans le temps pour être homologuées. Six études prospectives, basées sur une méthodologie plus convaincante furent alors publiées (6), cinq portaient sur un nombre limite de cas, 500 dans chaque série comparée. Les résultats ne montraient pas de différence significative entre les deux groupes que ce soit pour la mortalité périnatale ou la morbidité néonatale. Cependant, le faible nombre de cas a empêché, selon les auteurs eux-mêmes, de tirer des conclusions significatives.

L’étude de Dublin ayant porté sur près de 13 000 accouchements est méthodologiquement moins discutable. Elle n’est cependant pas allée au bout de sa logique puisque la série des accouchements surveillés cliniquement comportait quand même l’utilisation du pH foetal en cas de nécessité. Cette réserve faite, la comparaison a montré que la seule différence statistique était le nombre de nouveau-nés présentant des convulsions, deux fois supérieur dans le groupe ausculté. Le travail de Dublin a cependant ses limites car il est difficilement extrapolable. On sait qu’une sage-femme restait au côté de la parturiente pendant toute la durée du travail pour réaliser une auscultation quasi permanente.

Les avantages de la surveillance paraclinique.

L’existence d’une corrélation entre le RCF et l’oxygénation du foetus est parfaitement démontrée (5). Si le RCF reste normal pendant tout le travail l’enfant naîtra sain et vigoureux sauf difficulté au moment de l’extraction. Si le RCF est modifié, une analyse qualitative et quantitative s’impose. Cette règle n’est pas toujours respectée. On peut voir dans certains dossiers que des troubles du rythme qui auraient dû imposer une extraction n’ont pas été pris en compte. A l’inverse certaines interventions d’urgence ne paraissent pas justifiées d’après le tracé du monitorage. Il paraît donc indispensable de rappeler quelques vérités premières car une méthode ne peut être évaluée que si elle est correctement utilisée. Depuis le début des années 60, tout a été dit et démontré par Caldeyro Barcia, Hon et Saling. (1, 2, 7 )

Les bradycardies tardives de Hon ou dip 2 de Caldeyro Barcia, signent une chute de la PO2 foetale au-dessous d’un niveau critique. Elles représentent donc le stigmate de l’anoxie, particulièrement des centres nerveux régulateurs du rythme cardiaque foetal. Leur signification d’altération des échanges gazeux transplacentaires est péjorative.

A l’inverse les bradycardies synchrones de la contraction, ou dip 1, traduisent un réflexe vagal, comparable au réflexe oculo-cardiaque, comme le démontre de manière irréfutable leur disparition après injection d’Atropine au foetus in utero. Le dip 1 ne traduit pas une anoxie.

Un obstétricien qui n’a pas compris cette différence fondamentale ne peut pas interpréter correctement un tracé de monitoring. Bien entendu il faut savoir reconnaître un dip 2 d’un dip 1 ; le seul moyen pour éviter des erreurs trop fréquentes dans ce domaine est d’utiliser le bon marqueur, c’est-à-dire le décalage existant entre le pic de la contraction et le fond de la bradycardie.

D’autres types, beaucoup plus rares, de bradycardies périodiques ont été décrites, elles surviennent à des moments très variables ou ne paraissent même avoir aucun rapport chronologique avec les contractions. Il s’agit souvent d’association de dip 1 et de dip 2. Quoiqu’il en soit, ces bradycardies sont en général dues à une compression du cordon et ont donc valeur d’alerte.

L’analyse qualitative des tracés doit être complétée par une évaluation quantitative. En effet, un dip 2 isolé n’impose pas une extraction d’urgence ; on peut en particulier observer des dips 2 au cours d’une expulsion normale. A l’inverse la répétition de dips 1 profonds, de plus de 60 battements / minutes, peut nécessiter une intervention car une pression trop forte et trop fréquente sur la tête foetale risque d’entraîner une chute du débit cérébral et ensuite une SFA.

Pour les bradycardies périodiques, tout s’arrête là. Beaucoup d’auteurs ont voulu donner leur propre interprétation des tracés. Ils n’ont apporté aucun enseignement fondamental et ont introduit une confusion regrettable. Ceci justifiait ce rappel. Les autres troubles du rythme cardiaque foetal, aplatissement du tracé, bradycardie ou tachycardie prolongées, ont été l’objet de moins de discussion ; ils ne seront pas développés.

En dehors des erreurs d’interprétation des bradycardies périodiques, il faut rappeler que les troubles du rythme ne permettent pas d’évaluer le degré de souffrance foetale sauf au stade prémortem. La marge de sécurité devant une même agression peut être très différente d’un foetus à l’autre. Seule la mesure du pH sur le scalp permet ce diagnostic. Ceci signifie qu’en toute logique aucune décision d’extraction d’urgence ne devrait être prise devant des seuls troubles du rythme. Il est regrettable que la pratique du pH sur le scalp foetal ne soit pas plus répandue. Les difficultés pratiques sont souvent invoquées pour expliquer cette lacune. Quelques règles simples d’organisation peuvent facilement apporter la solution. D’autres critiques ont été faites sur le manque de fiabilité du pH foetal. Il a pourtant été démontré trois faits (5) :

* Le pH du scalp constitue un très bon reflet de celui de la circulation artérielle du foetus.

* La mesure est reproductible puisque pour les équipes entraînées la précision est 0,02 à 0,04.

* la pratique du pH diminue la fréquence des césariennes.

Discussion

On arrive donc à la conclusion que l’enregistrement en continu du R.C.F. et de la contraction utérine, la mesure périodique du pH foetal en cas de trouble du rythme permettent sans contestation possible une meilleure surveillance de l’accouchement. Dès lors, l’importance médico-légale du monitorage ne peut être que retenue. Si le monitorage permet un contrôle assez précis de la situation au moment du travail, il rend aussi possible l’analyse à posteriori. Dans certains cas, les conséquences du contrôle à posteriori des tracés de monitoring et du pH seront favorables à l’obstétricien en justifiant soit son intervention, soit au contraire son attentisme. Dans d’autres cas au contraire, les conséquences seront inverses en révélant que des anomalies patentes ont été négligées ou bien, qu’au contraire, un déroulement normal du travail a été perturbé par une intervention intempestive.

L’absence de monitorage peut être reprochée à l’obstétricien en cas d’accidents périnataux graves. Il est évident, qu’en fonction des connaissances scientifiquement établies, l’absence de monitorage constitue une faute en cas d’accouchement soit dystocique, soit survenant après une grossesse à haut risque. Influencés par les études épidémiologiques, prospectives comparatives, n’ayant trouvé aucune différence de mortalité périnatale entre les séries d’accouchement monitorisés et non monitorisés, influencés aussi par le raccourci trop simpliste monitorage = déshumanisation, certains mettent en doute la nécessité de la surveillance électronique des accouchements apparemment normaux. Ceci n’est pas notre opinion pour trois raisons :

- les limites des études épidémiologique sont réelles,

- il n’est pas sérieux de vouloir faire croire que l’emploi du monitorage n’est réservé qu’à des médecins " inhumains " alors que ceux qui ne l’utilisent jamais seraient parés de toutes les qualités de l’humanisme ;

- beaucoup d’accidents sont imprévisibles.

Il paraît donc souhaitable que tous les accouchements soient surveillés par monitorage. D’ailleurs, si un accident survenait au cours d’un accouchement étiqueté normal, il serait bien difficile de justifier l’absence de monitorage en avançant l’argument que les accidents foetaux ne se rencontrent jamais dans les accouchements normaux.

Bibliographie :

1 - Caldeyro-Barcia R et Coll. La fréquence du coeur foetal pendant l’accouchement. Signification de ses variations. XXI Congrès Féd. Gyn. Obst, 1 Vol Masson Edit, Lausanne,1975, p 395.

2 - Hon-EH, The classifications of fetal heart rate, I, A Working Classification, Obstet. Gynecol, 1963, 22, 137.

3 - Pontonnier G. L’importance médico-légale de la surveillance du travail in La responsabilité médico-légale en gynécologie-obstétrique. 1 vol Vigot Edit , Paris, 1982, p 47.

4 - Pontonnier G. Intêret de la mesure du pH sanguin dans la surveillance foetale pendant l’accouchement., J. Gyn. Obst Biol. Repr. 1978, 7, 1065-1077.

5 - Pontonnier G. Etude de la fréquence cardiaque foetale dans les accouchements compliqués d’acidose foetale. J. Gyn. Obst. Biol. Reprod. 1975, 4, 491-506.

6 - Thoulon J.M., Surveillance du foetus au cours du travail in Mises à jour en Gynécologie-Obstétrique. 1 Vol, Vigot Edit., Paris 1993, p 405.

7-Saling : Fetal scalp pH sampling. Arch Gynaekol, 1962, 198, 82.