Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: L'accouchement en presentation par le siege à terme Une attitude équilibrée est-elle encore possible ?
Année: 1999
Auteurs: - Pontonnier
Spécialité: Obstétrique
Theme: Présentation par le siége

L’ACCOUCHEMENT EN PRESENTATION PAR LE SIEGE A TERME
  " UNE ATTITUDE EQUILIBREE EST-ELLE ENCORE POSSIBLE "

Georges PONTONNIER
Hôpital La Grave - C.H.U. de Toulouse

Historique

Avant le deuxième guerre mondiale il n’était pas exceptionnel de transformer, en fin de travail, une présentation céphalique en siège. Cette technique était utilisée en cas de dystocie pour extraire l’enfant par voie basse et éviter de pratiquer une césarienne. Il faut se rappeler qu’à l’époque l’hystérotomie était grévée d’une lourde mortalité pouvant atteindre 20 à 30 % en cas de membranes rompues (9)

Les obstétriciens étaient alors des virtuoses de la voie basse et la grande extraction était couramment apprise et pratiquée. Certains obstétriciens chevronnés la préconisaient même à titre systématique dans la présentation du siège non compliquée.

L’avènement de la césarienne segmentaire sous péritonéale et de l’antibiothérapie allait bouleverser les données du problème. Les césariennes pouvant désormais être réalisées sans beaucoup de risque, l’obstétricien fut libéré de l’obligation à la voie basse en cas de dystocie. Ceci fut particulièrement intéressant dans le cas de siège, surtout chez la primipare ayant souvent un travail plus laborieux et n’ayant pas fait la preuve de son bassin. Pour l’obstétricien moins préoccupé par les risques de complications maternelles, les intérêts de l’enfant passaient au premier plan. La césarienne fut alors de plus en plus pratiquée car on considérait qu’elle évitait les complications périnatales, traumatiques ou asphyxiques liées à l’accouchement par le siège. Au fil des années s’instaura un débat entre les partisans de la voie haute systématique (11) (6) et ceux s’y opposant (3) (5).

Cette discussion prend actuellement une acuité particulière par suite de l’augmentation continue du taux global de césariennes en obstétrique. Les inconvénients médicaux et financiers de cette évolution amènent la plupart des pays développés à engager une lutte contre cette inflation. Dans ce cadre il semble qu’il existe une possibilité d’action dans le cas de siège où le taux de césariennes peut aller de 40 à 90 %. (7) (8)

Si la présentation du siège est plus dangereuse pour l’enfant que la présentation du sommet, la césarienne ne constitue pas obligatoirement la solution selon beaucoup d’obstétriciens. En effet elle s’accompagne d’une augmentation de la mortalité et de la morbidité maternelle et ne met pas à l’abri des complications foetales asphyxiques ou traumatiques au cours de l’extraction. Un accouchement par voie basse, lorsque certaines règles sont respectées, donne d’aussi bons résultats. Pour ceux qui partagent cette analyse, la tendance à augmenter les indications de césariennes ne semble pas être justifiée par des données objectives.

Savoir où est la vérité pour décider si on doit lutter contre l’augmentation progressive du taux de césariennes dans la présentation du siège ou contre son utilisation systématique, n’est pas totalement dépourvu d’intérêt. En effet, les différences d’attitudes obstétricales face au siège prouvent au minimum qu’il n’existe pas d’égalité de chance pour la mère et les enfants suivant l’endroit où a lieu l’accouchement, même si la préoccupation majeure et constante de tous les obstétriciens est d’assurer la plus grande sécurité possible à leur cliente. Toutefois l’analyse de ce dilemme devra être menée avec prudence et modestie car s’il existait une réponse claire elle aurait déjà été apportée.

La présentation du siège pose-t-elle un problème particulier ?

La première question à se poser est de savoir si la présentation du siège pose un problème particulier. Certains continuent à la considérer comme une présentation eutocique ce qui était l’opinion classique. Et il faut bien dire que l’accouchement par le siège donne souvent l’impression d’une grande facilité. Ceci est dû au fait que les trois obstacles potentiels, c’est-à-dire le siège, les épaules et la tête traversent dans ce sens très facilement le bassin à condition de constituer un mobile solidaire en flexion, menton sur le thorax, tête enfoncée entre les épaules, membres fléchis sur le tronc lui-même en cyphose. L’obstétricien a deux obligations: laisser la dilatation se dérouler de manière spontanée (épreuve du travail des Bordelais) et s’abstenir d’intervention intempestive pendant l’expulsion (école de Nancy).

La difficulté vient du fait que dans un certain nombre de cas une dystocie apparaît. Devant une absence de progression de la dilatation ou de la présentation, la situation n’est pas dangereuse tant que l’on peut recourir à la voie haute. Le risque est tout autre lorsque l’arrêt de progression se produit après l’expulsion du siège. On ne dispose alors que de très peu de temps pour régler le défaut d’engagement des épaules ou la rétention de la tête derrière. Les risques sont alors réels pour le foetus. :

- asphyxie par altération des échanges d’oxygène entre la mère et l’enfant,

- respiration prématurée in utero avec inhalation,

- hémorragie cérébro-méningée facilitée par les manoeuvres, par l’asphyxie et par le reflux du sang vers l’extrémité céphalique sous l’effet de garrot du périnée,

- traumatisme nerveux, osseux, ou viscéral au cours des tentatives d’extraction.

A l’énuméré de ces complications on comprend que certains rangent le siège dans les présentations dystociques. C’est la tendance actuelle.

La fréquence des accidents justifie-t-elle la césarienne systématique ?

Si l’on veut progresser dans l’analyse du dilemme il faut déterminer si la fréquence des accidents de la voie basse justifie le recours quasi systématique à la césarienne qui constitue elle-même une intervention grevée d’une certaine mortalité et morbidité surtout pour la mère mais aussi pour l’enfant.

De nombreuses études épidémiologiques régionales ou d’un service, rétrospectives ou prospectives ainsi que des méta analyses, ont essayé de répondre à cette question. Les résultats sont très contradictoires et difficiles à homologuer car non transposables d’un centre à l’autre. Ceci provient de plusieurs facteurs qui ne sont pas toujours obstétricaux ce qui complique encore la compréhension. Sur le plan médical les séries étudiées sont souvent très différentes et donc difficilement comparables car les critères de sélection varient.

Deux exemples peuvent être donnés : aux USA la présentation de siège complet constitue une indication obligatoire à la voie haute ; cette règle est très loin d’être appliquée partout. Autre exemple : tout siège non diagnostiqué en début de travail, sans connaissance préalable du bassin, sans radiopelvimétrie, doit être extrait par césarienne, cette règle peut être discutée en fonction de l’expérience de l’obstétricien.

Quoiqu’il en soit, la lecture de la littérature montre à l’évidence que la mortalité et la morbidité maternelle sont majorées par la voie haute (2) (10). Pour l’enfant il semble bien que l’augmentation des césariennes au-delà d’un certain seuil n’apporte pas d’amélioration pronostique. En d’autres termes si les sièges acceptés par la voie basse sont bien choisis les risques ne seront pas majorés.

Les contre-indications absolues à la voie basse.

Il reste alors à préciser quelles sont les contre-indications absolues à la voie basse. Des contre indications relatives peuvent devenir absolues par leur association. Ce sujet, certainement développé par les autres conférenciers, ne sera que brièvement évoqué. Il faut cependant remarquer que s’il existe un apparent consensus, les imprécisions des critères retenus pour le choix voie basse/voie haute laissent la porte ouverte à toutes les interprétations et donc à des attitudes très différentes.

Parmi les contre indications absolues seules deux ne prêtent pas à interprétation, la déflexion primitive de la tête et l’utérus antérieurement césarisé.

Pour le reste, sur quels critères un bassin est-il déclaré anormal, IDS , diminution d’un diamètre du détroit supérieur, du bisciatique ? Comment évalue-t-on un gros enfant, par la hauteur utérine, les diamètres échographiques ou l’impression clinique ? La rupture des membranes devrait être une indication à la voie haute, à partir de combien de temps, si le travail ne démarre pas, 12 heures ? 24 heures ?

Pendant le travail la césarienne systématique en cas de siège méconnu doit-elle être proposée ?. Le caractère normal ou anormal d’une dilatation est très diversement jugé d’autant que certains utilisent l’Ocytocine qui pour beaucoup d’autres est contre indiquée. Un critère paraît plus clair c’est l’absence de descente du siège 30 minutes après dilatation complète qui justifie la voie haute. Le refus de coopération de la parturiente constitue un facteur important de décision mais souvent cette difficulté est réglée par une analgésie péridurale bien conduite.

D’autres facteurs ont par essence une valeur encore plus discutable et seront donc très diversement pris en compte, ce sont l’âge, les antécédents de stérilité, la taille, la prise de poids et la variante de siège complet ou décomplété.

Les facteurs du choix.

On comprend donc que si dans l’ensemble les mêmes critères sont retenus, ils sont loin d’être utilisés en pratique de la même manière. Les variantes ainsi introduites aboutissant à des conduites obstétricales très diverses. C’est ce qui se passe en France où la fréquence des césariennes pour siège chez la primipare peut varier de 30 % à 80 %.

En dehors de ces critères médicaux largement analysés dans la littérature, d’autres facteurs entrent en jeu, ils ont été moins étudiés car ils sont subjectifs mais leur influence est grande.

Il s’agit d’abord de l’évaluation plus ou moins consciente que chaque obstétricien fait de la part de risque qu’il accepte de faire courir à la mère et à l’enfant. Colette dans un article provocateur sur les complications de l’accouchement normal a bien montré que même dans les présentations céphaliques réunissant tous les facteurs de bon pronostic, des complications graves pouvaient survenir (1). Cette imprévisibilité est encore plus grande pour le siège. La différence tient au fait que la tête, principale difficulté au franchissement du bassin, vient à un moment où on ne peut plus faire machine arrière. Dans le calcul de probabilité que chaque obstétricien effectue lorsqu’il choisit la voie basse il prend une marge de sécurité plus ou moins grande.

Bien entendu, l’attitude qui sera la mieux comprise et qui génèrera le moins d’angoisse chez le médecin sera le choix de la césarienne systématique. Cependant les complications possibles de la césarienne justifient l’acceptation de la voie basse s’il n’existe aucun facteur de mauvais pronostic, le doute bénéficiant à la césarienne. Dans une troisième option on acceptera, en l’absence de contre indication absolue, l’épreuve fonctionnelle du travail. Celle-ci devra se dérouler sans intervention médicale sauf pour une éventuelle péridurale, une perfusion d’Ocytocine à dilatation complète et une épisiotomie au moment de l’expulsion.

La décision une fois prise, il reste à l’expliquer à l’expectante. Il y a encore quelques années, le couple médecin/gestante fonctionnait dans une relation particulière régie par le complexe autorité/confiance. C’était au médecin à peser avantages et inconvénients et la femme n’avait pas à participer au choix de l’attitude adoptée. Ce principe avait des aspects positifs ou négatifs. On a pu le combattre ou au contraire l’enseigner. Il est en tout cas devenu complètement archaïque. Beaucoup de couples qui ont programmé le nombre de leurs enfants et le moment de leur procréation entendent que la grossesse se termine par une heureuse naissance et ils ne pardonneraient pas de ne pas avoir été mis au courant du dilemme posé. En cas de complication ils pourraient reprocher au médecin de ne pas avoir demandé leur avis. Comme l’ont très bien écrit Dubois, Grall et Coll, l’obstétricien face à ces exigences se trouve dans une position paradoxale. Naguère il disposait de peu de moyens mais bénéficiait d’une grande confiance, aujourd’hui il possède des moyens nombreux et éprouvés mais il peut être constesté. (4)

L’information s’impose donc, ce qui suppose que le couple va participer quelque part au choix. Ce fait pèse lourd car des obstétriciens ont été condamnés parce qu’ils n’avaient pas tenu compte de l’avis de la parturiente. Il pèsera d’autant plus lourd que même si on veut être rassurant, on ne peut éluder le risque particulier de l’accouchement par le siège. A partir de ce moment là la césarienne est souvent demandée. Le meilleur exemple en est l’enquête qui a été effectuée dans les maternités londonniennes auprès de 206 obstétriciens pour savoir quel type d’accouchement ils choisiraient pour eux ou leur partenaire. En cas de siège sans élément de pronostic défavorable, ils sont pour 58 % d’entre eux favorables à une césarienne programmée. (1)

In fine, accepter l’accouchement par voie basse constitue pour l’obstétricien un acte de foi avec tout ce que celà comporte d’honorable, d’inutile et de risque en cas d’échec.

Bibliographie

1- Al Mufti R, Mc Carhy A, Fisk N.M., Obstetricians’ personal choice and mode of delivery, Lancet, 1996 : 347, 544

2 - Baille MF, Grandjean H., Arnaud C., Lesourd F., Fournié A., Rème JM, et al, Evolution des taux de césarienne au CHU de Toulouse, de 1983 à 1993. J Gynécol Obstet Biol Reprod, 1995 : 24, 763-71

3 - Collea JV, Chein C, Quilligan E.J., The randomized management of term frank breech presentation : a study of 208 cases, Am J. Obstet. Gynecol, 1980 : 137,235

4 - Dubois J, Grall JY, Philippe HJ, Pangui E, Poulain P, Le Pors P, La présentation du siège, Encycl. Méd Chir Obstétrique, 5026, A, 10

5 - Green J.E, Mc Lean F., Paul-Smith L., Has an increased cesarean section rate for term breech delivery reduced the incidence of birth asphyxia, trauma and death, Am J. Obstet Gynecol, 1982 : 142, 643

6 - Kubli F, Risks of vaginal breech delivery, Contr. Gynec. Obst. 1977 : 3, 80

7 - Langer B, Boudier E. Bassi C, Schlaeder G. Conduite à tenir devant une présentation du siège, In mise à jour en gynécologie-obstétrique, 1 vol Vigot Edit, Paris, 1994, p 163.

8 - Langer B., Schlaeder G. Que penser du taux de césarienne en France, J. Gynécol Obstet Biol Reprod, 1998 : 27, 62

9 - Montgomery T.L, The morbidity and mortality of cesarean section, Am J Obstet Gynecol, 1926 : 610, 7

10 - O. Driscoll K, Foley M, Correlation of decrease in perinatal mortality and increase in cesarean section rates. Obstet Gynecol, 1983 : 61, 1-5

11 - Wright R.C, Reduction of perinatal mortality and morbidity in breech delivery throug routine use of cesarean section., Obstet Gynecol, 1959,14,758