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Titre: La grossesse après pathologie vasculaire sévère
Année: 2002
Auteurs: - Audibert F.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Pathologie vasculo rénal

La grossesse après pathologie vasculaire sévère

François Audibert

Hôpital Antoine Béclère, Clamart

La survenue d'une complication vasculaire de la grossesse (prééclampsie sévère, retard de croissance) amène une question évidente, une fois l'accouchement réalisé : l'avenir. La crainte d'une récidive est bien légitime pour la patiente, et le rôle de l'obstétricien est de pouvoir fournir un conseil clair, adapté à la situation et étayé par des éléments objectifs. Insistons d'emblée sur l'importance d'un conseil préconceptionnel, et non d'une prise en charge qui débuterait seulement lors d'une nouvelle grossesse. C'est pourquoi nous insisterons sur l'importance du " bilan après accident ", c'est-à-dire l'indispensable consultation destinée à expliquer la pathologie survenue, à répondre à toutes les questions, et à préparer l'avenir.

Il est généralement écrit que le risque de récidive d'une prééclampsie après un premier épisode chez une primigeste est de l'ordre de 10%. Ce chiffre recouvre en réalité des situations très hétérogènes, selon le type et la gravité de la pathologie en cause, et surtout selon le terrain maternel (néphropathie, HTA persistante, antécédents familiaux, thrombophilie…). L'idéal serait donc de disposer d'un conseil personnalisé permettant d'adapter la surveillance et/ou le traitement proposés durant la grossesse. Cette stratégie comporte plusieurs temps.

1/ Le bilan au décours immédiat de l'accident

La période du post-partum nécessite une surveillance particulière au décours d'une pathologie vasculaire, d'autant plus qu'elle était sévère ou précoce. Si le retour rapide à la normale de la pression artérielle et des paramètres biologiques est fréquent, on doit être particulièrement vigilant durant cette période. Il existe par exemple un risque de HELLP syndrome, voire d'éclampsie débutant dans le post-partum.[1] La disparition de l'albuminurie et la normalisation de la fonction rénale doivent être rapides, sinon on doit suspecter une pathologie rénale sous-jacente, parfois secondaire à la prééclampsie (hyalinose segmentaire et focale). L'évaluation et le suivi néphrologique sont d'autant plus importants que certaines prééclampsies sont liées à l'aggravation d'une HTA préexistante, et qu'il existe d'autre part un risque accru à long terme d'HTA chronique.[2] Schématiquement :
-L'HTA persiste sans albuminurie : rechercher une pathologie réno-vasculaire (kaliémie et Doppler des artères rénales) ;
-Une albuminurie significative (>1g/24h) persiste, éventuellement avec HTA : une consultation néphrologique s'impose pour discuter d'une étude histologique rénale, d'autant plus qu'existe une insuffisance rénale ;
-Une albuminurie modérée (<1 g/24h) persiste sans HTA : cas fréquent où il faut savoir attendre 3 à 6 mois en surveillant l'évolution.

2/ Le bilan à distance

Généralement proposé dans les 3 mois suivant l'accouchement, cette consultation est fondamentale pour vérifier le retour à la normale des paramètres cliniques mais aussi pour prescrire un bilan étiologique, lorsque la pathologie était précoce (nécessité d'un accouchement avant 34 SA), sévère, ou récidivante. Ce bilan comportera au minimum :

-Fonction rénale, ionogramme sanguin ;
-NFS, plaquettes, TP, TCA ;
-Protéinurie des 24 h ;
-bilan immunologique : anticorps antiphospholipides, Ac anti-DNA.

De plus en plus, la tendance est de rechercher également une thrombophilie (celles-ci sont associées de façon plus nette à la survenue d'un RCIU isolé qu'à la prééclampsie.[3]. Cette recherche est impérative en cas d'antécédent personnel ou familial de thrombose veineuse ou artérielle, de fausses-couches à répétition, de mort fœtale in utero, d'hématome rétro-placentaire. Cette recherche comporte :

-dosage de l'antithrombine III ;
-dosage de la protéine S (au moins 3 mois après toute grossesse, y compris fausse couche précoce ; en effet cette protéine s'abaisse physiologiquement et très rapidement lors de toute grossesse) ;
-dosage de la protéine C ;
-dosage de l'homocystéine.
-recherche d'anticorps antiphospholipides et anticardiolipines
-recherche d'anticoagulant circulant (allongement de TCA)
-Recherche de mutations :

-du gène du Facteur V (mutation Leiden)
-du gène du Facteur II (gène de la prothrombine G20210A)
-du gène de la MTHFR (en connaissant la grande fréquence à l'état hétérozygote dans la population) si le taux d'homocystéine est élevé.

3/ La surveillance de la grossesse suivante

En l'absence de facteur de risque retrouvé, le seul traitement à discuter est l'aspirine à faible dose (100 mg/j), à débuter le plus précocement possible au 1er trimestre, et à poursuivre jusqu'à 34 SA environ. Les discussions sur l'efficacité de ce traitement préventif ne sont pas closes, mais le bénéfice attendu est faible dans la population générale. On peut encore retenir comme indication les formes précoces et sévères de prééclampsie ou de RCIU, ayant nécessité un accouchement avant 34 SA ou la naissance d'un enfant de poids inférieur à 1500 g. Il n'y a pas d'indication à débuter un traitement par aspirine devant la constatation d'un RCIU avéré ou d'une prééclampsie installée. De même la constatation d'un Doppler utérin pathologique au 2e trimestre ne doit plus être considérée comme une indication à la mise sous aspirine. Des études sont en cours pour évaluer l'intérêt d'un dépistage plus précoce (Doppler utérin au 1er trimestre, marqueurs sériques…). [4]

En présence d'une anomalie découverte lors du bilan étiologique (notamment une thrombophilie), le traitement doit être discuté si possible avant le début de la grossesse et de façon multidisciplinaire (hématologue, interniste…). En particulier, en cas de syndrome des antiphospholipides, il est démontré que l'association aspirine-héparine apporte la meilleure prévention des complications obstétricales. [5] Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) offrent l'avantage d'une seule injection quotidienne et sont désormais largement prescrites chez la femme enceinte, malgré l'absence d'AMM dans cette indication. [6]

La surveillance sera bien sûr rapprochée, avec en particulier la pratique de Doppler systématique (artères utérines), une surveillance régulière de la pression artérielle et de l'albuminurie (bandelettes urinaires à domicile), une surveillance de paramètres biologiques (plaquettes, hémostase, fonction rénale) dont la fréquence sera adaptée à la pathologie initiale et aux facteurs de risque.
Cette surveillance sera programmée dans le cadre d'une équipe de professionnels travaillant en réseau, avec possibilité de transfert maternel vers une structure adaptée en cas de récidive d'une pathologie maternelle ou fœtale.

Références

1. Sibai, B.M., et al., Maternal morbidity and mortality in 442 pregnancies with hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets (HELLP syndrome) [see comments]. Am J Obstet Gynecol, 1993. 169(4): p. 1000-6.
2. Sibai, B., B. Mercer, and C. Sarinoglu, Severe preeclampsia in the second trimester: recurrence risk and long-term prognosis. Am J Obstet Gynecol, 1991. 165: p. 1408-12.
3. Greer, I., Thrombosis in pregnancy. Lancet, 1999. 353: p. 1258-65.
4. Aquilina, J., et al., Improved early prediction of pre-eclampsia by combining second-trimester maternal serum inhibin-A and uterine artery Doppler. Ultrasound Obstet Gynecol, 2001. 17(6): p. 477-84.
5. Walker, I.D., Thrombophilia in pregnancy. J Clin Pathol, 2000. 53(8): p. 573-80.
6. Ellison, J., I.D. Walker, and I.A. Greer, Antenatal use of enoxaparin for prevention and treatment of thromboembolism in pregnancy. Bjog, 2000. 107(9): p. 1116-21.