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Titre: Antioestrogènes et cancer de l'endomètre épidemiologie
Année: 1998
Auteurs: - Porcu G.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Antioestrogénes

ANTIOESTROGENES ET CANCER DE L'ENDOMETRE

EPIDEMIOLOGIE

( Revue de la littérature )

Géraldine Porcu, Ludovic Cravello, Claude D'Ercole, Valérie Roger, Bernard Blanc*

Hïpital La Conception. Service de Gynécologie-Obstétrique B. 147 Bd Baille. Marseille

Directeur Bernard Blanc.

Le tamoxiféne est un anti-oestrogène non stéroïdien utilisé depuis 1978. De nombreux travaux ont fait la preuve de son efficacité dans le traitement adjuvant du cancer du sein. Il peut cependant 'tre responsable de la survenue de cancer de l'endomètre.

Il s'agit d'un anti-oestrogène qui inhibe la croissance du tissu mammaire induit par les oestrogènes en se fixant sur leur récepteur. Il possède aussi des propriétés oestrogéniques, variables selon les tissus cibles, qui expliquent les modifications de l'endomètre observées chez les femmes traitées.

Depuis la publication de Killackey's faisant état de trois cancers de l'endomètre découverts chez des patientes exposées au tamoxifène, 349 cas ont été rapportés.(1)(2). Cependant, la relation de cause à effet Tamoxifène-cancer de l'endomètre n'est toujours pas prouvée, tant au niveau des travaux de laboratoire que des études cliniques.

Une revue de la littérature permet de faire le point sur l'état des connaissances actuelles concernant la carcinogénèse induite par le Tamoxifène (TMF) et de préciser l'épidémiologie du cancer de l'endomètre chez les femmes exposées à cette drogue.

Tamoxifène et carcinogénèse

Les travaux de laboratoire

Yager et coll.ont prouvé les premiers que le Tamoxifène était impliqué dans la promotion de tumeurs hépatiques chez le Rat. Cet effet est dose-dépendant et agit sur l'ADN. Ceci n'a pas été démontré dans les autres espèces murines. Chez la femme, les études in vitro, à partir de préparations microsomales hépatiques ont retrouvé cette propriété mais non in vivo.(3)

Si aucune étude n'a pu mettre en évidence un cancer de l'endomètre induit par le TMF sur des animaux de laboratoire, plusieurs travaux ont prouvé son action oestrogènique sur l'endomètre.

Satyaswaroop et al. ont montré que des lignées cellulaires issues de cancer de l'endomètre avec ER+ transplantées chez des souris Nude avaient une croissance accélérée sous l'action du Tamoxifène, cette croissance étant cependant plus faible que celle observée sous traitement oestrogènique. (4)

Le TMF induit, de m'me, une augmentation du taux de récepteurs fonctionnels à la progestérone.

D'autre part, Gottardis et al a souligné le fait que chez des souris athymiques, le TMF avait un effet antagoniste sur la croissance des cellules tumorales mammaires ER+ tandis qu'il stimulait celle des cellules tumorales endométriales.(5)

Les études cliniques

Le TMF induit chez la femme ménopausée une augmentation de l'index caryopycnotique des cellules vaginales ce qui suggère une action oestrogènique à ce niveau.

Plusieurs publications ont impliqué le TMF dans la survenue de polypes et d'hyperplasie de l'endomètre.(6) (7). Ces polypes contiennent souvent un contingent de glandes endométriales hyperplasiques ce qui traduit une activité oestrogénique endogène ou exogène. Le traitement par Tamoxifène,à long terme, semble s'accompagner des effets secondaires oestrogéniques qui se traduisent par l'apparition de polypes et d'hyperplasie.

Plusieurs auteurs ont suggéré le fait que le Tamoxifène était responsable de cancer de l'endomètre par l'intermédiaire de ces polypes. Cependant, d'une part, la plupart des patientes sous Tamoxifène présente une atrophie de l'endomètre et d'autre part, les modifications de l'endomètre sont soumises à une susceptibilité individuelle. Les facteurs de régulation qui agissent au niveau local sont peu connus. Le Tamoxifène ne semble donc pas 'tre le facteur responsable prédominant et une prédisposition génétique peut intervenir. (8)

Epidémiologie du cancer de l'endomètre sous Tamoxifène

Les études randomisées

La plupart des cancers de l'endomètre sous Tamoxifène ont été relatées dans de petites séries ou dans des études rétrospectives. Cependant, plusieurs travaux randomisés ont bien documenté une élévation de l'incidence des cancers de l'endomètre chez les femmes exposées au Tamoxifène.

La première étude est celle de Fornander, en 1989. Elle porte sur 1846 femmes ménopausées dont 931 soumises au TMF, à la dose de 40 mg/jour pendant 5 ans. Ils notent un risque relatif de cancer de l'endomètre chez les femmes exposées de 6.4 par rapport aux non-exposées. Dans cette étude, les caractéristiques cliniques des patientes ne sont pas mentionnées(‚ge, obésité, diabète), et il semble exister un biais de détection.(9)

En 1994, Fischer et coll. publient les conclusions du travail du Surgical Adjuvant Breast Cancer institut (NSBAP) B-14. Dans cette étude, 2843 patientes présentant un cancer du sein, ER+, ganglions - ont été randomisées. Elles ont reÁu 20 mg de Tamoxifène pendant 5 ans ou un placebo.Quinze patientes traitées par Tamoxifène ont développé un cancer de l'endomètre .(10)

Les patientes, en bonne santé après 5 ans, ont de nouveau été randomisées pour 5 nouvelles années et 8 autres cas de cancer de l'endomètre ont été diagnostiqués chez les femmes exposées.

Par ailleurs, deux cas de cancer de l'endomètre ont été découverts chez les patientes qui prenaient le placebo.

Toutes les tumeurs étaient localisées à l'utérus et bien différenciées.

Contrairement au travail de Stockholm, la survenue du cancer ne semble pas liée à la durée d'exposition dans cette étude.

Le risque relatif rapporté est de 7.5 avec un taux annuel de 1.2/1000 de cancer de l'endomètre chez les patientes traitées par Tamoxifène et de 0.2/1000 chez les patientes non-exposées. Cependant, les auteurs eux-m'mes estiment qu'il existe , dans leur étude, un biais de détection, les patientes traitées par Tamoxifène étant plus souvent surveillées. D'autre part, le taux de cancer de l'endomètre semble anormalement faible chez les patientes sous placebo. En effet, les résultats du SEER (Surveillance and End Results) avaient prévu un risque supérieur dans le groupe placebo ce qui aurait résulté en un risque relatif de 2.2 dans le groupe traité par TMF. C'est d'ailleurs le risque annoncé par l'étude NSABP B-06.(10)

Une étude danoise a d'autre part comparé les effets de la radiothérapie versus ceux du traitement par tamoxifène (30mg) associé à la radiothérapie. Il apparaÓt que l'incidence du cancer de l'endomètre est plus élevée lorsque la radiothérapie est associée au tamoxifène. Cependant le taux de cancer de l'endomètre chez les patientes qui n'ont subi aucun traitement post-opératoire (6/1000) rejoint celui du groupe traité par TMX-Radiothérapie (8.1/1000) ce qui aboutit à un risque relatif de 1.35.

Certaines études n'ont mis en évidence aucune association entre le cancer de l'endomètre et le Tamoxifène. Il s'agit de l'étude de Stewart, en 1992 et de celle de Ribeiro, la même année. La dernière a un recul de 13 ans et chaque patiente a reÁu une dose journalière de TMF de 20 mg pendant 1 an.

Rutqvist et coll. ont d'autre part démontré sur une population de 4914 patientes, après un suivi moyen de 8 à 9 ans, que le Tamoxifène était statistiquement associé au cancer de l'endomètre (RR=4.1) mais qu'il existait aussi une augmentation du risque de cancer colo-rectal (RR=1.9) et gastrique (RR=3.2).(11)

Les études rétrospectives

En 1993, Magriples rapporte 15 cas de cancer de l'endomètre chez les patientes exposées au Tamoxifène (40 mg pendant 4.2: ans). 67% d'entre eux étaient peu différenciés et 33% des décès sont imputés au cancer lui-m'me.(12)

Habituellement, dans la plupart des études, les cancers de l'endomètre chez les patientes exposées aux oestrogènes sont à un stade peu avancé et de bas grade

Parmi les 15 cancers , 5 sont survenus chez des patientes qui ont pris le Tamoxifène pendant une période de 1 année ou moins et 3 des 5 décès concernent des patientes de ce groupe.

Il semble plus probable que le cancer était déjà présent, le délai entre le début du traitement et le diagnostic du cancer est trop court pour imputer la responsabilité au produit.

De plus, les auteurs ont confondu dans leur classification les grades histologiques et les types histologiques en incluant par exemple les tumeurs endométrioïdes, les carcinomes à cellules claires et les tumeurs mixtes Mullériennes dans les cancers de haut grade.

Van Leuween, en 1994 estime le risque de cancer de l'endomètre chez les patientes utilisatrices de Tamoxifène à 1.3 et note que le risque s'élève avec la durée d'utilisation de la drogue ( RR=2.3 si le TMF est utilisé plus de 2 ans, RR=3 après 5 ans). Cependant, lors de l'appariemment des deux populations, le traitement hormonal substitutif n'est pas pris en compte et un délai de trois mois seulement entre les deux cancers constitue un des critères d'elligibilité. Ce délai apparaÓt trop court pour rendre responsable le TMF.(13)

Plus récemment, Cook rapporte 42 cas de cancer de l'endomètre chez 12598 patientes traitées pour un cancer du sein. Après appariemment, ils n'identifient que 9 cas survenus à la suite d'un traitement par TMF. Ils estiment ainsi un RR à 0.6. Cette étude contraste largement avec l'étude Néerlandaise mais a un faible pouvoir statistique du fait de sa faible population.(14)

En revanche, Robinson calcule un Odd-ratio 15.2 parmi 108 femmes exposées au TMF. Mais les auteurs soulignent que les patientes qui ont été traitées avaient aussi d'autres facteurs de risque de cancer de l'endomètre comme une hypertension ou un diabète.

A partir de la littérature mondiale, Assikis et Jordan ont colligé l'ensemble des travaux cliniques qui ont concerné l'incidence du cancer de l'endomètre chez les femmes exposées au TMF et répertorié 349 carcinomes de l'endomètre. Ils n'ont tenu compte que des adénocarcinomes en excluant les sarcomes et les tumeurs mixtes Mulleriennes (8)

La plupart sont survenus chez des patientes ménopausées. La dose habituellement administrée est de 20 mg, la période moyenne d'administration est de 40.7 mois

Il apparaît que le risque de cancer de l'endomètre est multiplié par deux chez les patientes exposée au Tamoxifène (0.79% versus 0.37%).

Le grade des cancers de l'endomètre survenant sous tamoxifène ne diffère pas des cancers de l'endomètre de la population générale

Conclusion

Le Tamoxifène est le traitement adjuvant de choix du cancer du sein depuis bientôt 20 ans. Il est utilisé par plusieurs millions de femmes dans le monde et de nombreux travaux ont prouvé son effet bénéfique.

La revue de la littérature suggère qu'il n'existe aucun effet du Tamoxifène sur la carcinogénèse hépatique chez la femme contrairement à ceux qui a été prouvé chez le Rat.

En ce qui concerne le cancer de l'endomètre, les mécanismes qui interviennent dans la carcinogénèse utérine chez les patientes soumises au Tamoxifène sont encore peu compris.

Cependant, il existe avec certitude une faible élévation du risque de cancer de l'endomètre ( 2 à 3 fois) chez les patientes exposées au Tamoxifène.

Quoiqu'il en soit, Le rôle des doses journalières reste controversé et la fréquence du cancer de l'endomètre présente une relation linéaire avec la durée du traitement. Cette relation peut être davantage liée aux prélèvements répétés, effectués chez les femmes exposées qu'à la carcinogénèse elle même.

Il faut savoir que les cancers de l'endomètre qui surviennent dans cette circonstance sont au même stade, ont le même grade, la même histologie et le même devenir que ceux de la population générale.

Ils progressent lentement et un pronostic relativement favorable à 5 ans, contrairement au cancer du sein dont les récidives constituent la principale cause des décés chez les patientes.

Bibliogaphie

1- Killackey M.A., Hakes T.B.,Pierce V.K.: Endometrial adenocarcinoma in breast cancer patients receiving antiestrogens. Cancer Treat. Rep. 1985; 69: 237-238.

2- Assikis V.J., Jordan V.C.: Gynecologic effects of Tamoxifen and the association with endometrial carcinoma. Int. J. Gynecol. Obstet., 1995; 49: 241-257.

3- Carmichael P.L, Ugwumadu A.H.N., Neven P., et al.: Lack of genotoxicity of Tamoxifen in human endometrium. Cancer Res., 1996; 56, 1475-1479.

4- Satyaswaroop P.G., Zaino R.J., Mortel R.: Estrogen-like effects of Tamoxifen on human endometrial carcinoma transplanted into Nude mice. Cancer Res., 1984; 44: 4006-4010.

5- Gottardis M.M., Robinson S.P., Satyaswaroop P.G., et al.: Contrasting action of Tamoxifen on endometrial and breast tumor growth in the athymic mouse. Cancer Res. 1988; 48: 812-815.

6- Gibson L.E., Barakat R.R., Venkatraman E.S., et al.: Endometrial pathology at dilatation and curettage in breast cancer patients: Comparison of Tamoxifen users and non-users. The Cancer Journal, 1996; 2: 35-38.

7- Kedar R.P., Bourne T.H., Powles T.J., et al.: Effects of Tamoxifen on uterus and ovaries of postmenopausal women in a randomised breast cancer prevention trial. Lancet, 1994; 343: 1318-1321.

8- Assikis V.J., Neven P., Jordan V.C., Vergote I.: A realistic perspective of Tamoxifen and endometrial carcinogenesis. Eur. J. Cancer , 1996; 32A (9): 1464-1476.

9- Fornander T., Cedermark B., Mattsson A., et al.: Adjuvant Tamoxifen in early breast cancer: Occurrence of new primary cancers. Lancet, 1989; 21: 117-120.

10- Fisher B., Constantino J.P., Redmond C.K., et al.: Endometrial cancer in Tamoxifen-treated breast cancer patients: Findings from the National Sdurgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) B-14. J. Natl Cancer Inst., 1994; 86: 527-537.

11- Rutqvist L.E, Johansson H., Signomklao T., et al.: Adjuvant tamoxifen therapy for early stage breast cancer and second primary malignancies. J.Natl. Cancer Inst., 1995; 87: 645-651.

12- Magriples U., Natfolin F., Schwartz P.E., et al.: High grade endometrial carcinoma in Tamoxifen treated breast cancer patients. J. Clin. Oncol., 1993; 11: 485-490.

13-Van Leuween F.E, Benraadt J., Coebergh J.W.W, et al.: Risk of endometrial cancer after tamoxifen treatment of breast cancer. Lancet, 1994; 343: 448-452.

14- Cook; L.S., Weiss N.S., Schwartz S.M., et al.: Population based study of Tamoxifen therapy and subsequent ovarian, endometrial and breast cancer. J.Natl. cancer Inst., 1995; 87: 1359-1364.