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Titre: Constatations hysteroscopiques et histologiques chez des femmes ménopausées traitées par le taxomifène après un cancer du sein
Année: 1998
Auteurs: - Driguez P.-A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Hysteroscopie

CONSTATATIONS HYSTEROSCOPIQUES ET HISTOLOGIQUES CHEZ DES FEMMES MENOPAUSEES TRAITEES PAR LE TAMOXIFENE APRES UN CANCER DU SEIN

INTRODUCTION

L’HYSTEROSCOPIE DIAGNOSTIQUE

ETUDE HYSTEROSCOPIQUE ET HISTOLOGIQUE 

RÉSULTATS

DISCUSSION

LE PROBLÈME DE LA SURVEILLANCE

Soit la patiente a eu des métrorragies :

Soit la patiente est asymptomatique :

CONCLUSION

INTRODUCTION

Le Tamoxifène (TAM) est un antiestrogène largement utilisé comme traitement adjuvant du cancer du sein dans le monde. Son intérêt dans la stratégie thérapeutique de ces cancers est bien démontré et unanimement reconnu. Mais comme beaucoup d’antihormones, le TAM est connu pour avoir des effets contradictoires. Ainsi le TAM est considéré comme un antiestrogène sur le tissu mammaire alors qu’il exercerait une activité estrogénique partielle sur l’utérus et aussi le vagin. Il est certain que de nombreuses études ont montré que le traitement au long cours par le TAM induisait des modifications de l’endomètre. Mais le mécanisme d’action de ce produit est loin d’être élucidé. Il est vraisemblable que le TAM agit à la fois sur l’endomètre et le myomètre. De récentes études ont révélé que son action sur l’endomètre était plus marquée sur le stroma que sur l’épithélium glandulaire. La plupart des auteurs ont constaté une augmentation du nombre de polypes et de fibromes. Plusieurs autres ont rapporté des cas d’hyperplasies. Mais le point le plus délicat concerne le risque d’accroissement de l’incidence des cancers de l’endomètre sous TAM. Ce risque serait, selon une récente analyse de R.R.Barakat, de 2 pour 1000 femmes par an. Depuis la première publication de M.A.Killackey en 1985, environ 350 cas de cancer de l’endomètre sous TAM ont été rapportés. C’est pourquoi dans toutes les publications les auteurs considèrent que ces patientes doivent être soumises à une surveillance gynécologique rigoureuse. Les modalités de cette surveillance sont loin d’être établies. Des opinions très différentes se sont exprimées. L’échographie endovaginale (E.E.V.) est de loin l’exploration la plus fréquemment utilisée ; elle permet de mesurer l’épaisseur de l’endomètre. Certes elle est facile à réaliser, peu invasive, mais elle est peu fiable sous TAM ; en effet, sous TAM, l’E.E.V. met en évidence des anomalies dans 75 à 95 % des cas, car elle décrit le plus souvent un endomètre hypertrophique et hétérogène. Elle fait évoquer à tort le diagnostic d’hyperplasie ou de cancer et inquiète inutilement le médecin et sa patiente. Le TAM donne de faux aspects échographiques par son mode d’action sur le stroma et le myomètre. De plus, l’E.E.V. ne fait pas la distinction entre lésion bénigne et maligne. Enfin elle ne permet pas toujours de différencier les polypes de l’hyperplasie.

En effet, que demande-t-on à une exploration utérine sous Tamoxifène ? Il lui faut impérativement :

  • éliminer une lésion carcinologique
  • faire le diagnostic d’une pathologie intracavitaire bénigne ( polype - fibrome )
  • apprécier l’état de l’endomètre

Le seul examen qui réponde à ces trois impératifs en même temps est l’hystéroscopie diagnostique couplée à un examen histologique indispensable.

L'HYSTEROSCOPIE DIAGNOSTIQUE

Son grand intérêt est sa pratique en ambulatoire, sans aucune préparation, au cabinet de consultation. L’hystéroscopie constitue l’examen de choix pour apprécier la cavité utérine et l’endomètre. Elle représente en 1997 l’examen de référence. C’est une technique qui a été évaluée par de nombreux auteurs. La vision directe a permis de dédramatiser les anomalies évoquées par l’échographie sous TAM, révélant une atrophie de l’endomètre dans la majorité des cas. L’hystéroscopie est l’examen idéal pour repérer les zones suspectes et permettre un prélèvement dirigé pour une étude histologique ou cytologique nécessaire.

L’utilisation d’appareils de petits calibres (entre 2.4 et 5 mm) permet un examen peu ou pas douloureux. Elle est fiable, sans danger à condition d’utiliser un matériel adéquat et de respecter les consignes de sécurité, quel que soit le milieu de distension de la cavité (CO2 ou sérum physiologique) et le type d’appareil utilisés (rigide ou souple). Le système vidéo (caméra miniature branchée sur l’oculaire de l’endoscope et reliée à un moniteur de télévision) permet à la patiente de suivre l’examen sur un écran. Cet avantage de partage de l’information avec la patiente lui permet de mieux tolérer et de mieux accepter l’examen. L’inconvénient de l’hystéroscopie est le nombre encore restreint de gynécologues formés à l’endoscopie ambulatoire.

ETUDE HYSTEROSCOPIQUE ET HISTOLOGIQUE

Entre octobre 1990 et janvier 1997, nous avons observé par hystéroscopie diagnostique ambulatoire 125 patientes différentes, ménopausées, ayant eu un cancer du sein, âgées en moyenne de 60 ans (40 à 81ans) traitées par Tamoxifène à la dose de 20 mg (111 cas) ou 30 mg (14 cas). La durée du traitement par TAM variait de 6 mois à 132 mois. 84 patientes étaient asymptomatiques et 41 avaient présenté des métrorragies. Chez les 84 patientes asymptomatiques, l’indication d’une hystéroscopie avait été posée soit pour préciser des anomalies échographiques (n = 53), soit à titre systématique au cours de la surveillance de ce traitement (n = 31). Les hystéroscopies ont toutes été pratiquées en ambulatoire, au cabinet de consultation, par le même médecin, avec l’hystéroscope de Hamou n°1 (endoscope rigide de 5 mm), utilisant un milieu de distension gazeux (CO2). Toutes les patientes ont eu des prélèvements d’endomètre à l’aide d’une sonde de Novak. La biopsie a ramené suffisamment d’endomètre pour une étude histologique 48 fois sur 125 cas (38.4 %), alors que dans 77 cas (61.6 %), le matériel s’est révélé insuffisant pour l’histologie et nous nous sommes " contentés " d’une étude cytologique. Les prélèvements d’endomètre ont été immédiatement fixés et colorés par la solution trichromique de Van Gieson. Certaines patientes ont été observées à plusieurs reprises au cours de cette période d’octobre 1990 à janvier 1997.

Chez 86 d’entre elles, une échographie endovaginale avait été effectuée avant l’hystéroscopie : elle était normale dans 10 cas seulement (11.6 %) et montrait des anomalies dans 76 cas (88.4 %), le diagnostic le plus fréquent étant celui d’épaississement de l’endomètre : 61 fois (71 %) , faisant soupçonner une hyperplasie ou un cancer ; celui de polype ou fibrome avait été évoqué 15 fois (17.4 %).

RESULTATS

Contrastant avec les données de l’échographie, l’hystéroscopie révèle chez 123 (98.4 %) des 125 femmes observées, donc dans la très grande majorité des cas, un aspect franc d’atrophie endométriale. L’endomètre apparaît blanc, lisse et brillant, l’hystéroscope ne laissant pas d’empreinte sur la muqueuse. En outre, chez 50 d’entre elles (40 %), la muqueuse est soulevée par des protubérances translucides, laissant voir un contenu liquidien clair, correspondant à des glandes kystiques. Leur membrane se rompt parfois au contact de l’extrémité de l’hystéroscope. Cet aspect macroscopique d’atrophie inhabituelle sous TAM est très particulier et tout à fait caractéristique du produit. L’utérus donne l’impression qu’il est gorgé de liquide, comme une éponge. La corrélation hystéroscopie-histologie s’est révélée excellente. L’existence d’une atrophie de l’épithélium à la fois luminal et glandulaire a été confirmée par les prélèvements. Lorsque la biopsie a ramené suffisamment de matériel endométrial, l’épithélium luminal apparaît fin, unistratifié. Les glandes sont d’allure kystique, avec un épithélium très mince. Les mitoses sont très rares. Contrastant avec l’aspect atrophique de l’épithélium, le stroma apparaît dense, riche en fibres collagènes, très oedémateux par endroits. L’association d’un épithélium atrophique et de glandes kystiques dilatées nous a fait penser que le terme le plus approprié pour définir l’aspect endométrial sous Tamoxifène était : " atrophie glandulo-kystique ". C’est ce que nous avions publié à la Société Française de Gynécologie en 1994. Ces glandes kystiques sont aussi observées dans l’endocol.

Voici les résultats de la pathologie constatée chez ces 125 patientes :

N = 125 

  • Cavité utérine normale 52 41.6 %
  • Pathologie intra-cavitaire : 73 58.4 %
  • Polypes ou Fibromes 72 57.6 %

- polypes 42 33.6 %
- fibromes 19 15.2 %
- association polype + fibrome 10 8 %
- association fibrome + adénomyose 10.8 %

  • Cancer (adénocarcinome) 1 0.8 %
  • Hyperplasie de l’endomètre 1 0.8 % associée à un polype
  • Endomètre atrophique 123 98.4 %

- classique 73 58.4 %
- avec glandes kystiques 50 40 %

Nous avons observé un seul cancer de l’endomètre : une hystérectomie a été pratiquée (= adénocarcinome de bas grade) ; nous n’avons découvert qu’un seul cas d’hyperplasie simple sans atypies chez une patiente qui avait également un polype. Il est important de noter le nombre élevé de polypes et de fibromes intracavitaires retrouvés (57.6 %), ce qui a été décrit par la majorité des auteurs. Ces polypes sont d’une taille le plus souvent supérieure à 15 mm, parfois macroscopiquement kystiques et souvent très vascularisés. La pratique de quelques hystéroscopies avant la mise en route du traitement par le TAM, nous a permis de constater que certains polypes étaient apparus au cours du traitement (3 cas) ; d’autres, observés avant le début du Tamoxifène, ont augmenté de volume (3 cas). A plusieurs reprises nous avons constaté la protrusion transcervicale de certains polypes endométriaux, et leur exérèse a alors été facilement réalisée au cours de l’hystéroscopie ambulatoire pour permettre leur étude histologique ; l’histologie décrit des polypes avec glandes kystiques largement distendues, un stroma oedémateux et des vaisseaux dilatés à parois épaissies. Dans quelques cas des foyers d’hyperplasie simple ont été observés à l’intérieur des polypes. De plus, deux de nos patientes présentant des polypes ont eu une hystérectomie : les polypes étaient kystiques, mais l’endomètre adjacent était chaque fois atrophique. Enfin nous n’avons pas trouvé de cancer au sein de polypes comme cela a été signalé par M.A.Nuovo et par D.Corley, dont, fait essentiel, toutes les patientes étaient métrorragiques.

C’est la raison pour laquelle il nous est apparu important de faire la distinction dans nos résultats entre les patientes asymptomatiques et les patientes avec métrorragies.

Chez les 84 patientes asymptomatiques, les résultats sont les suivants :

N = 84 

  • Cavité utérine normale 43 51.2 %
  • Pathologie intracavitaire 41 48.8 %
  • Polypes ou Fibromes 41 48.8 %

- polypes 24 28.6 %
- fibromes 10 11.9 %
- polypes + fibromes 7 8.3 %

  • Cancer 0 0 %
  • Endomètre hyperplasique 0 0 %
  • Endomètre atrophique 84 100 %

- classique 50 59.5 %
- avec glandes kystiques 34 40.5 %

On s’aperçoit qu’en l’absence de métrorragies, le nombre de polypes et de fibromes n’est pas négligeable (48.8 %) ; mais la pathologie constatée est toujours bénigne : on n’a pas de cancer ; l’endomètre est atrophique dans 100 % des cas.

Résultats chez les 41 patientes ayant présenté des métrorragies : N = 41 

  • Cavité utérine normale 9 22 %
  • Pathologie intracavitaire : 32 78 %
  • Polypes ou Fibromes 31 75.6 %

- polypes 18 43.9 %
- fibromes 9 22 %
- polypes + fibromes 3 7.3 %
- fibrome + adénomyose 1 2.4 %

  • Cancer 1 2.4 %
  • Hyperplasie de l’endomètre 1 2.4 % associée à un polype
  • Endomètre atrophique 39 95.1 %

- classique 23 56.1 %
- avec glandes kystiques 16 39 %

On remarque un nombre considérable de polypes et de fibromes en présence de métrorragies (75.6 %). Le seul cancer de l’endomètre constaté dans notre étude s’est manifesté par des métrorragies, ce qui a pratiquement toujours été signalé dans la littérature.

DISCUSSION

L’aspect d’atrophie endométriale est presque constamment retrouvé dans notre étude sur 125 patientes ménopausées sous TAM (98.4 % des cas). Ce qui contraste avec les données de certains auteurs qui ont décrit un aspect d’hyperplasie de l’endomètre sous TAM. Mais certaines études ne font pas la distinction entre les femmes en périménopause et les patientes ménopausées, ce qui est évidemment essentiel.

L’apparente différence entre nos résultats et ceux des autres auteurs est due au fait que la plupart des auteurs qui ont décrit l’existence d’une hyperplasie l’ont fait à partir de données d’échographie qui est moins précise que l’hystéroscopie pour apprécier l’endomètre. Ainsi cet épaississement observé en échographie est dû en partie à la présence de glandes kystiques dilatées. Cependant ce n’est pas la seule raison puisque ces glandes kystiques ne sont observées lors de l’hystéroscopie que dans 40 % des cas ; la présence d’oedème du stroma participe également à ce faux aspect échographique d’hyperplasie. Il est important de noter que l’aspect hystéroscopique macroscopique de l’atrophie sous TAM est presque constamment différent de l’atrophie constatée chez les femmes ménopausées sans traitement. Cette atrophie est également très différente de l’atrophie observée chez les femmes sous traitement hormonal substitutif continu. Il est vraisemblable que le TAM agit sur la couche interne du myomètre, qui se trouve au contact de l’endomètre, ce qui donne une apparence particulière. Enfin il est certain que même un spécialiste expérimenté de l’échographie ne fait pas toujours la distinction entre polype et hypertrophie endométriale. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé de compléter l’examen échographique par l’instillation intracavitaire d’une solution saline isotonique (sérum physiologique) : cette échographie avec accentuation de contraste (E.V.A.C. ou hystérosonographie) est certes un progrès, de même que le Doppler couleur étudié par d’autres, mais il est évident que rien ne remplace la vision directe représentée par l’hystéroscopie.

Le mécanisme d’action du Tamoxifène sur l’utérus reste à élucider. Il est connu qu’il peut se comporter comme un estrogène ou un antiestrogène suivant les tissus et les espèces. Il est considéré comme ayant une activité de type estrogénique sur l’appareil génital. Il faut souligner que les antiestrogènes exercent dans l’épithélium une stimulation bien plus faible que celle induite par les estrogènes tandis qu’elle est identique dans le stroma et le myomètre. La présence à la fois d’un épithélium atrophique avec des glandes kystiques et d’un stroma dense, oedémateux, pourrait donc être due à un effet dissocié du TAM sur un tissu, variable suivant les composantes de ce même tissu. La description dans plusieurs études incluant la nôtre, de polypes, souvent de grande taille, d’aspect kystique avec une vascularisation abondante contrastant avec un épithélium adjacent atrophique, suggère que le TAM peut effectivement avoir une action proliférative dans certains territoires et pas dans d’autres. L’augmentation de la taille de certains polypes et de certains fibromes se ferait par une action du TAM sur les facteurs de croissance. Quoi qu’il en soit, il y a une différence certaine entre le mode d’action du TAM et celui des estrogènes. C’est pourquoi nous pensons qu’il ne faut pas faire d’extrapolations trop hâtives ; et nous nous garderons bien de préconiser l’utilisation de progestatifs pour contrebalancer l’effet du TAM, l’intérêt d’une telle pratique n’ayant pas été prouvé. Un certain nombre de patientes ont eu une hystéroscopie après l’arrêt du traitement par le TAM et nous avons constaté la persistance de cette aspect si particulier d’atrophie jusqu'à 6 mois après la fin du traitement.

LE PROBLEME DE LA SURVEILLANCE

Quelle attitude doit donc adopter le gynécologue face à une patiente traitée par le Tamoxifène ? Avant de proposer une conduite à tenir, il nous semble indispensable de faire les réflexions suivantes.

Même si dans notre étude nous n’avons qu’un seul cas de cancer de l’endomètre, on ne peut ignorer l’augmentation du risque de cancer endométrial sous TAM retrouvée par de nombreux auteurs. Toutefois, il est important de rappeler que dans la très grande majorité des études rapportant ce risque, les doses utilisées étaient de 40 mg/jour (en dehors de l’étude de Fisher). Il est probable qu’il existe un effet-dose et surtout un effet-durée. D’autre part il ne faut pas oublier que le cancer de l’endomètre et celui du sein surviennent sur un même terrain ; que des cancers de l’endomètre ont été décrits chez des patientes présentant un cancer du sein et ne prenant pas de TAM ; qu’il y a des études dans la littérature qui ne retrouvent pas d’augmentation du risque de cancer endométrial sous TAM (Stewart-Ribeiro-Mac Gonigle-Pritchard-Gal). Les cancers rapportés sous TAM sont des cancers de bas grade (sauf l’étude de Magriples).

Pratiquement tous les cancers de l’endomètre sous TAM se manifestent par des métrorragies : H.Mignotte a publié une étude sur 89 cas (découverts entre 1980 et 1993 dans 9 centres anticancéreux français) : dans tous les cas des métrorragies sont signalées ; cela a été confirmé par les constatations de Barakat puis de Gibson.

Parallèlement à notre étude sous TAM, nous avons observé dans les mêmes conditions, par hystéroscopie en consultation, 814 patientes ménopausées sous traitement hormonal substitutif (T.H.S.) entre 1993 et 1997 et nous avons constaté :

  • des cancers de l’endomètre dans 1 à 2 % des cas en présence de métrorragies
  • des hyperplasies de l’endomètre dans 1.7 % des cas (chez des patientes avec métrorragies) ou 2.4 % (chez des patientes asymptomatiques).

Ces constatations sous T.H.S. ont été faites par d’autres auteurs avec moins de retentissement que les complications endométriales sous TAM, pourtant à peine plus fréquentes.

Quoi qu’il en soit, compte tenu des données de la littérature, il est certain que les patientes traitées par le Tamoxifène doivent être prévenues de la nécessité de consulter régulièrement un gynécologue. Mais il n’y a pas de consensus concernant les modalités de cette surveillance, en dehors du toucher vaginal et du frottis systématique. Certains ont proposé une biopsie d’endomètre annuelle. D’autres préconisent une échographie chaque année. Pour d’autres enfin une hystéroscopie à rythme régulier est la meilleure solution. Quelle que soit l’attitude recommandée on conçoit qu’elle puisse être critiquée. Cependant nous donnons notre point de vue fondé sur notre propre étude et les nombreuses publications, sans prétendre détenir la vérité. Il nous semble raisonnable de distinguer deux circonstances :

La conduite à adopter est " facile " : une investigation endométriale complète est nécessaire ; nous partageons l’avis de P. Neven : la méthode idéale est l’hystéroscopie ambulatoire avec prélèvements histologiques dirigés ; elle permet de faire l’inventaire des lésions intracavitaires et de détecter les zones suspectes à biopsier. Elle est essentielle pour décider d’un traitement chirurgical éventuel ; il faut se méfier des polypes qui saignent. L’échographie a sa place pour apprécier l’état des ovaires (des kystes ovariens ont été décrits sous TAM).

Dans ces cas nous avons constaté l’absence de pathologie maligne ; l’incidence du cancer endométrial étant pratiquement nulle en l’absence de métrorragies, il faut donc éviter d’être trop agressif, car on peut nuire à l’observance du traitement par le TAM, en lassant la patiente par des explorations invasives. Nous pensons qu’un simple examen gynécologique annuel est suffisant, en demandant à la patiente de consulter en cas de saignement. Méfions-nous de l’échographie qui peut donner des aspects trompeurs et qui peut conduire à d’autres investigations inutiles ; il faut se garder de passer d’emblée à une exploration sous anesthésie générale sur une simple anomalie constatée à l’échographie. Il ne faut pas non plus perdre de vue le coût qu’entraînerait la multiplication d’explorations inopportunes, lorsqu’on sait qu’il y a plus de 80000 femmes traitées par le Tamoxifène en France.

CONCLUSION

Si environ 350 cas de cancers de l’endomètre ont été décrits à ce jour chez des patientes exposées au Tamoxifène, il faut considérer que ce chiffre n’est pas très important quand on sait qu’il y a des millions de femmes traitées par ce produit à travers le monde. Il faut être très prudent avant d’affirmer qu’il y a un lien incontestable entre la prise de TAM et le cancer de l’endomètre chez les femmes ménopausées. Tant qu’on n’aura pas mené une étude de la cavité utérine avant la mise en route du traitement par le TAM puis au cours de ce traitement, par une méthode fiable, le doute persistera. Ce qui est certain, c’est que le TAM a une action sur l’utérus. Il modifie l’aspect macroscopique et microscopique de l’endomètre. Il a une action concomitante sur le myomètre. Il peut augmenter la fréquence des polypes, provoquer un accroissement de leur taille, de même que celle des fibromes. S’il existe une attitude presque unanime sur la conduite à tenir en présence de métrorragies il est beaucoup plus difficile d’établir un consensus chez les patientes asymptomatiques. Chaque médecin réagira selon son tempérament et sa philosophie personnelle ; s’il pense qu’il faut explorer ces patientes asymptomatiques il faut qu’il sache que la meilleure des investigations, la plus fiable aujourd’hui, est l’hystéroscopie diagnostique ambulatoire associée à un prélèvement pour une étude histologique ou cytologique.

D’autre part il ne faut pas perdre de vue que les bénéfices du traitement par le TAM chez les femmes ménopausées atteintes de cancer du sein sont très nettement supérieurs aux risques de morbidité et de mortalité dus aux modifications endométriales que ce produit peut entraîner .

Lorsqu’une patiente reçoit du TAM, il faut toujours garder à l’esprit qu’il existe des différences de sensibilité endométriales d’une femme à l’autre, que les réponses peuvent varier d’une zone à l’autre chez une même femme, que l’action du TAM va dépendre de la dose administrée, de la durée du traitement et surtout du type d’utérus sur lequel le produit va agir : les conséquences ne seront pas les mêmes si l’utérus est normal ou bien s’il est fibromyomateux ou adénomyosique.

Enfin, pourquoi ne pas se contenter de prescrire une dose réduite à 20 mg par jour de TAM pendant une période de 5 ans maximum, s’il est prouvé, comme le laissent entendre certains travaux, que l’efficacité sur les cancers du sein est identique à la prescription de doses plus fortes et plus prolongées ? Cela ne permettrait certes pas de supprimer les inconvénients sur l’utérus mais aurait l’avantage de les réduire.

 

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