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Titre: Choix raisonné des examens biologiques en pathologie auto immune chez la femme
Année: 2002
Auteurs: - Bletry O.
Spécialité: Gynécologie
Theme: pathologie dysimmunitaire

CHOIX RAISONNE DES EXAMENS BIOLOGIQUES
EN PATHOLOGIE AUTO IMMUNE CHEZ LA FEMME

Olivier BLETRY*, Virginia MOLINA**

* Service de Médecine Interne - Hôpital Foch - 40 rue Worth - BP 36 -
92151 SURESNES CEDEX

** Service de Médecine Interne et Néphrologie - Hôpital Ambroise Paré
9 av Charles de Gaulle - 92104 BOULOGNE BILLANCOURT

Nous nous proposons de circonscrire ce très vaste sujet en nous intéressant essentiellement à des connectivites relativement fréquentes (la prévalence pouvant atteindre 2 % de la population pour certaines d'entre elles), plus fréquentes chez la femme que chez l'homme, et pouvant poser des problèmes particuliers au cours de la grossesse : le lupus érythémateux systémique (LES), le syndrome des antiphospholipides (SAPL), le syndrome de Gougerot Sjögren (GS), la polyarthrite rhumatoïde (PR). Nous y ajouterons les thyroïdites auto-immunes qui peuvent également poser des problèmes pendant la grossesse.
Par ailleurs, nous aborderons rapidement les colites inflammatoires, en raison de la découverte de marqueurs immunologiques de la rectocolite hémorragique et de la maladie de Crohn.

I - Quels sont les examens biologiques nécessaires et suffisants pour diagnostiquer et suivre un LES (et un SAPL), un GS, une PR ?

I.1.- Lupus érythémateux systémique et SAPL.

1. Eruption malaire en aile de papillon (vespertilio)
2. Lupus discoïde
3. Photosensibilité
4. Ulcérations buccales ou nasopharyngées
5. Polyarthrite non érosive
6. Pleurésie et/ou péricardite
7. Protéinurie (> 0,50 g/24 heures) et/ou cylindrurie
8. Convulsions et/ou psychose
9. Anémie hémolytique et/ou leucopénie et/ou lymphopénie (< 1 500/mm3) et/ou thrombopénie (< 100 000/mm3)
10. Anticoagulant circulant et/ou anticorps anticardiolipine et/ou anticorps anti ADN natif et/ou anticorps anti-Sm et/ou sérologie dissociée du tréponème (VDRL + et TPHA -)
11. Titre élevé de facteurs antinucléaires.

Tableau 1 - Critères diagnostiques du LES

La modification récente des critères de l'American College of Rheumatology pour le diagnostic de LES porte exclusivement sur des critères biologiques immunologiques (critère 10 du tableau I). Ce critère n° 10 a été modifié en raison de l'individualisation en 1987 du syndrome des antiphospholipides (4). En effet, depuis de nombreuses années on connaissait la possibilité de fausses sérologies syphilitiques (Bordet Wassermann et autres réactions du complément - utilisant des Ag lipidiques - positives, TPHA négatif) particulièrement chez des jeunes femmes, et particulièrement chez des lupiques. On a ensuite découvert dans les années 50 un anticoagulant circulant (allongement du temps de céphaline activée non corrigé par d'adjonction de plasma témoin) dit de type lupique car retrouvé dans la moitié des cas au cours du LES. On s'est aperçu qu'il s'agissait d'un anticorps (Ac) ayant une action anticoagulante in vitro, mais entraînant chez les patientes un risque de thrombose. Cet anticoagulant circulant lupique s'observait également chez des femmes faisant des gausses couches à répétition, comme l'ont montré Mr SOULIER et Marie-Claire BOFFA en 1980. En 1983 Nigel HARRIS montrait que la fausse sérologie du tréponème était liée à la présence d'un Ac dirigé contre un phospholipide anionique, la cardiolipine.

Une manifestation clinique parmi :

- > ou = 1 thrombose vasculaire : artérielle, veineuse profonde, capillaire confirmée par imagerie ou histologie
- complication(s) de la grossesse :

> ou = 3 avortements spontanés consécutifs inexpliqués
> ou = 1 mort fœtale in utero après la 10e semaine de gestation, inexpliquée, avec fœtus de morphologie normale
> ou = 1 accouchement prématuré (avant la 34e semaine de gestation) avec fœtus de morphologie normale, par pré-éclampsie sévère, éclampsie ou insuffisance placentaire

et une anomalie biologiques à deux déterminations séparées d'au moins 6 semaines parmi :
- anticoagulant circulant de type lupique
- anticorps anticardiolipine IgG ou IgM

Tableau II : définition du SAPL

Cette découverte permettait d'individualiser le SAPL quatre ans plus tard (tableau II) et du même coup réglait le problème des LES avec Ac antinucléaires (AAN) négatifs (3) qui représentaient environ 10 à 15 % de nos LES. En effet, le SAPL est dit primaire dans la moitié des cas et lorsqu'il est secondaire, il est le plus souvent associé à un LES. Ces fameux LES avec AAN négatifs étaient en fait des SAPL primaires (12).
On peut admettre actuellement qu'il n'y a pas de lupus sans AAN et qu'il est inutile de rechercher des Ac plus spécifiques du lupus chez les patientes dépourvues d'AAN. Ces Ac spécifiques sont d'une part l'Ac anti Sm qui est un sous type d'Ac dirigés contre des antigènes (Ag) nucléaires solubles, encore appelés anti ENA ou anti ECT, d'autre part l'Ac anti ADN natif. Les deux méthodes fiables de recherche de cet Ac sont l'immunofluorescence indirecte sur chritidia luciliae (parasite flagellé dont le kinétoplasme est très riche en ADN) et le test radio-immunologique de Farr qui a l'avantage de quantifier le taux d'Ac anti ADN circulants. La sensibilité du test de Farr est de 60 à 80 % selon les études, et il existe une assez bonne corrélation entre l'élévation de cet Ac ADN natif et l'activité de la maladie mesurée par les scores SLAM ou SLEDAI.
Plus récemment on a mis au point une méthode de détection des Ac antinucléosome. Le nucléosome est constitué d'un corps protéique formé par l'association de 4 paires d'histones (H2A, H2B, H3, H4), autour duquel s'enroule un ADN double brin, cet ensemble étant stabilisé par l'histone H1. Au sein de la chromatine, les nucléosomes sont reliés entre eux par des fragments d'ADN de liaison. Des nucléosomes libres ont pu être obtenus en faisant agir des endonucléases sur des noyaux isolés, ce qui a permis la mise en évidence d'Ac antinucléosome par test Elisa, le résultat du test étant exprimé en unités arbitraires (seuil de positivité : 10 unités). A un stade précoce du LES, on peut mettre en évidence des Ac spécifiques antinucléosome qui ne reconnaissent pas l'ADN ou les histones pris isolément. Ce test est donc plus précoce et plus sensible que la recherche d'Ac anti ADN. Les Ac antinucléosome sont retrouvés chez 80 à 90 % des lupiques, ils sont corrélés à l'activité de la maladie mesurée par le SLEDAI et à la présence d'une glomérulonéphrite lupique (2).

Le tableau III résume les recherches d'Ac nécessaires pour le diagnostic du LES et/ou de SAPL

Tableau III : Anticorps permettant le diagnostic de LES et de SAPL

D'autres auto-anticorps peuvent être recherchés au cours du LES. Ce sont d'une part des Ac anti-érythrocytaires (test de coombs) permettant d'affirmer la nature auto-immune d'une anémie hémolytique, d'autre part une variété d'Ac anti ECT, les Ac anti SSA (SS pour Sicca Syndrome). Les Ac anti SSA ne sont pas spécifiques du LES, on les retrouve au cours d'autres connectivites, et en particulier au cours du GS.
Au cours du SAPL, lorsque la suspicion diagnostique est forte, alors que la recherche d'Ac anticardiolipine et d'anticoagulant circulant lupique est négative, on peut rechercher des Ac anti b2 glycoprotéine I ou apoprotéine H (cofacteur des Ac dirigés contre les phospholipides anioniques) et aussi des Ac dirigés contre des phospholipides neutres comme la phosphatidyl éthanolamine.

La surveillance biologique d'un LES nécessite des examens sanguins et urinaires résumés dans le tableau IV.

Dans le sang

Hémogramme, plaquettes
Créatininémie (+ glycémie sous corticoïdes)
VS, CRP, fibrine
Ac anti ADN
Complément total, C3, C4

Dans les urines

ECBU
Protéinurie des 24 heures

Tableau IV : surveillance biologique du LES

En cas d'anémie ou de syndrome inflammatoire, il faut doser d'autres protéines de l'inflammation : l'haptoglobine et l'orosomucoïde. Si les deux sont élevées, c'est en faveur d'une activité du LES. Si l'haptoglobine est basse et l'orosomucoïde normal ou élevé, une hémolyse est probable. Si l'orosomucoïde est abaissé alors que l'haptoglobine est normale ou élevée, un syndrome néphrotique est probable. La diminution du C4 est évocatrice d'une activité de la maladie lupique, mais certains patients ont un C4 en permanence abaissé en raison d'un déficit constitutionnel en C4, ce que montrera l'enquête familiale.
Si la protéinurie est supérieure à 0,50 g/24 heures il faut faire une électrophorèse des protides à la recherche d'un syndrome néphrotique et il faut envisager une biopsie rénale.

I. 2 - Quels sont les examens biologiques à prévoir chez une femme enceinte suivie pour LES et pour SAPL.

En ce qui concerne la mère, il faut toujours craindre un risque de poussée lupique, principalement au cours du dernier trimestre et des premiers mois post partum. Il paraît prudent de réaliser toutes les 6 à 8 semaines pendant le cours de la grossesse les examens résumés dans le tableau V.

1) En début de grossesse

Ac anti SS-A, Ac anti SS-B
Ac anticardiolipine, anticoagulant circulant
Lupique

2) Toutes les 6 à 8 semaines

hémogramme + plaquettes
Créatininémie + uricémie
glycémie
haptoglobine
LDH
transaminases

protéinurie ECBU

Tableau V : Examens biologiques utiles pour la surveillance de la grossesse
chez une lupique

L'haptoglobine est pratiquement la seule protéine de l'inflammation mesurable pendant la grossesse (les autres sont physiologiquement élevées). L'augmentation des transaminases doit faire craindre un HELPP syndrome, complication possible du LES et du SAPL.
En ce qui concerne le fœtus, il faut mesurer en tout début de grossesse chez la mère les Ac anticardiolipine et le temps de céphaline activé d'une part, les Ac anti ECT d'autre part.
S'il existe des Ac antiphospholipides et s'il s'agit d'une première grossesse, la mère a une chance sur deux de mener spontanément cette grossesse à terme (par prudence nous donnons 100 mg d'aspirine par jour, son innocuité pour le fœtus ayant été prouvée).
Si la mère a déjà eu une perte foetale (précoce, ou surtout tardive) elle a moins de 5 % de chance de mener spontanément cette nouvelle grossesse à terme (3). Sous aspirine en monothérapie (75 à 150 mg par jour) elle a 40 % de chances de mener cette nouvelle grossesse à terme (beaucoup plus pour certaines équipes comme celle de Silver). Sous Aspirine + Héparine sous cutanée les chances avoisinent 80 % (6). En cas d'échec de cette association on peut faire appel aux corticoïdes, et/ou aux immunoglobulines intraveineuses.
Si la recherche d'Ac anti ECT est positive, il faut les typer et rechercher en particulier des Ac anti SS-A et anti SS-B, car la présence de ces Ac expose à la survenue d'un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) congénital et/ou d'un lupus néonatal. En fait les lupiques ne représentent qu'un faible pourcentage (3 à 26 % selon les études) des mères d'enfants ayant un BAV congénital (voir chapitre II).

I. 3 - Syndrome de Gougerot-Sjogren.

Les critères du GS comportent la sécheresse oculaire, la sécheresse buccale, la présence d'infiltrations lymphocytaires en biopsie labiale (score de Chisholm 3 ou 4) et des anomalies biologiques immunologiques. Celles-ci comportent la présence d'AAN et souvent des Ac anti ECT : l'anti SSA et l'anti SSB. Si ces Ac sont absents alors qu'il existe un syndrome sec et des infiltrats lymphocytaires en biopsie labiale , il est légitime de chercher une étiologie virale au syndrome sec : VIH, HTLV1, et surtout HCV. La sérologie HCV est positive dans 10 à 15 % des cas de syndrome sec ; on peut dans ce cas trouver des Ac anticentromères, mais pas d'Ac anti ECT.
La surveillance biologique est justifiée par la crainte de la survenue d'un lymphome non hodgkinien (plus de 40 fois plus fréquent au cours du GS que dans la population générale).
Les examens recommandés sont indiqués dans le tableau VI. Il est raisonnable de les effectuer une à deux fois par an en cas de GS certain (avec biologie caractéristique et biopsie labiale positive).

Hémogramme + plaquettes
CRP + fibrine
LDH + b2 microglobuline
Electrophorèse des protides
Dosage pondéral des immunoglobulines
Facteur rhumatoïde
CH50 + C3 + C4

Tableau VI : surveillance biologique d'un GS

I. 4 - Polyarthrite rhumatoïde (PR)

Il est facile de porter avec certitude le diagnostic de PR après quelques années d'évolution sur la conjonction d'anomalies radiologiques caractéristiques des mains ou des pieds et sur la présence du facteur rhumatoïde. En revanche au cours de la première année il est souvent bien difficile d'affirmer le diagnostic lorsque les radiographies sont encore normales et la recherche de facteur rhumatoïde encore négative. Il est alors pertinent de pratiquer la sérologie de l'hépatite B et surtout du parvovirus B19, pour vérifier que cette polyarthrite d'apparition récente n'est pas d'origine virale. Si ces sérologies sont négatives, il faut rechercher des marqueurs précoces de la PR dont les méthodes de détection et les dénominations on beaucoup varié depuis 5 ans.
On a mis en évidence depuis plus de 20 ans au cours des PR avérées des Ac antipérinucléaires, puis des Ac antikératine, puis des AC anti Sa. La sensibilité de ces Ac pour le diagnostic de PR varie entre 43 % et 72 %, leur spécificité est supérieure à 90 % et peut avoisiner 100 % (tableau III).
On sait maintenant que ces Ac font partie d'une même famille d'Ac spécifiques de la PR, dits Ac anti filaggrine, et qu'ils réagissent avec des protéines déiminées, en particulier la fibrine déposée dans la synoviale des PR (9). On a également montré que la citrulline est un constituant essentiel des déterminants antigéniques reconnus par ces auto Ac (8).

 

Sensibilité Spécificité
Ac antipérinucléaires 72 % 92 %
Ac anti kératine 43 % 99 %
Ac anti Sa 43 % 99 %

Tableau VII : valeur diagnostique des auto-Ac recherchés aux stades précoces
de la PR (avec facteur rhumatoïde négatif) (d'après Serre).

En pratique, on demande actuellement pour étayer le diagnostic de PR à un stade précoce la recherche d'Ac anti kératine, mais peut-être cette recherche sera-t-elle remplacée à court terme par la recherche d'Ac anti filaggrine déiminée ou d'Ac anti citrulline.


II - Ac anti SSA et risque foetal (11)

Il y a une vingtaine d'années on s'est aperçu que la plupart des mères de nouveaux-nés ayant un BAV congénital étaient porteuses d'Ac anti SSA, encore appelés Ac anti Ro. La somme considérable de travaux publiée depuis a permis de préciser le statut de ces mères et le risque pour le foetus ou le nouveau-né.
En ce qui concerne les mères, trois grandes études publiées entre 1994 et 2001 ont montré qu'une minorité avait un LES (3 à 26 %) ou un GS (2 % à 14 %). Environ 20 % avaient une connectivite inclassée. En fait, la majorité de ces mères (un tiers à deux tiers des cas selon l'étude) étaient asymptomatiques et le portage de l'Ac anti SS-A était découvert a posteriori, une fois fait le diagnostic de BAV chez le nouveau-né. Beaucoup de ces mères sont également porteuses d'un Ac anti SS-B (encore appelé anti la) surtout si elles ont un GS avéré, mais il est exceptionnel qu'on trouve un Ac anti SS-B isolé chez les mères de BAV congénitaux.
En ce qui concerne le BAV congénital, il faut distinguer les BAV sévères constatés dès la naissance et nécessitant le plus souvent la mise en place rapide d'un cardiostimulateur, et le BAV des petits enfants, constatés après le 3ème mois de vie. Dans le premier cas on trouve presque toujours des Ac anti SS-A chez la mère. Dans le second cas la recherche est presque toujours négative. On sait que le tissu de conduction foetal est formé dès la 8e semaine de grossesse et que les Ac anti SS-A d'isotype IgG passent la barrière placentaire à partir de la 16e semaine de grossesse. Le BAV foetal apparaît donc habituellement entre la 17e et la 23e semaine de grossesse. On n'explique pas pourquoi le BAV congénital apparaît chez moins de 3 % des mères porteuses d'Ac anti SS-A et pourquoi la même mère peut avoir, lors de deux grossesses successives, un enfant porteur d'un BAV congénital et un enfant sain. Plus encore, on a décrit le cas de deux jumeaux hétérozygotes, ayant le même groupe HLA et le même génotype du C4, dont l'un avait un cœur sain et l'autre un BAV congénital nécessitant un cardiostimulateur. On a dit qu'il était utile de préciser la cible antigénique des Ac anti SS-A (dirigés contre un Ag de 52 kd ou un Ag de 48 kd) et que les mères les plus à risques étaient celles porteuses d'un Ac dirigé contre l'Ag de 52 kd ; cette distinction paraît maintenant inutile. Il semble qu'une corticothérapie préventive par la prednisone ou la prednisolone (qui ne passent pas la barrière placentaire) diminue effectivement le risque de BAV congénital. En revanche, le traitement curatif, une fois le BAV installé, même en utilisant la betaméthasone, est le plus souvent un échec (10)
En dehors du BAV congénital on peut observer au cours des premiers mois de vie chez ces enfants dont la mère est porteuse d'un anti SS-A, un lupus néonatal avec une éruption cutanée et parfois une atteinte biologique hépatique. Ces anomalies régressent habituellement en 6 ou 8 mois, lorsque l'enfant a perdu les Ac anti SS-A transmis passivement par sa mère.

III - Thyroïdites auto-immunes et grossesse (1)

Il est fréquent d'observer une dysfonction thyroïdienne pendant la grossesse (surtout le premier trimestre) et surtout au décours de l'accouchement. La prévalence des dysfonctions thyroïdiennes post-partum est d'environ 5 % ; elles sont particulièrement fréquentes chez les diabétiques de type I.

III. 1 - Au cours de la grossesse

La situation la plus fréquente est celle d'une hyperthyroïdie du début de grossesse qui peut être en rapport avec une poussée de maladie de Basedow ou bien avec une thyrotoxicose gestationnelle (liée à une action TSH-like de la b HCG, à la suite d'un clivage d'une partie de la molécule). La recherche d'Ac antithyroïdiens (anti thyropéroxydase surtout) et d'Ac anti récepteur de la TSH est positive en cas de Basedow, négative en cas de thyrotoxicose gestationnelle. Il est important de faire la distinction car il existe un risque accru de malformations congénitales, d'hypotrophie fœtale et de mortalité néo-natale dans le cas du Basedow ; de plus, cette pathologie auto-immune nécessite un traitement par antithyroïdiens de synthèse, de préférence le propylthiouracile qui passe moins la barrière placentaire que les autres, en laissant la patiente en légère hyperthyroïdie.
Quant aux patientes ayant une thyroïdite de Hashimoto, elles ont des difficultés à être enceintes en cas d'hypothyroïdie non traitée ; mais si la grossesse débute il n'est habituellement pas utile de renforcer l'hormonothérapie substitutive par le Levothyrox et la fonction thyroïdienne des Hashimoto peut même se normaliser en fin de grossesse. Il faut cependant se méfier d'une diminution de la conversion périphérique de T4 et T3 pendant la grossesse, et surtout d'une exacerbation du Hashimoto en post partum.

II. 2 - Thyroïdites auto-immunes du post partum.

Au décours de l'accouchement on peut donc observer une poussée de Basedow ou de Hashimoto (dû à un rebond immunitaire avec exacerbation des anomalies de l'immunité cellulaire et de la synthèse d'auto Ac qui s'étaient plus ou moins corrigés pendant la grossesse). On peut aussi découvrir à cette occasion un Basedow ou un Hashimoto, chez des patientes qui avaient une thyroïdite auto-immune infraclinique pendant la grossesse. Il paraît donc utile de rechercher des Ac antithyroïdiens (en particulier anti TPO) en début de grossesse. S'ils sont positifs, il faudra se méfier d'une dysfonction thyroïdienne post partum (qui survient chez 60 à 70 % des femmes ayant des Ac antithyroïdiens en début de grossesse). S'ils sont très élevés il faudra rechercher des Ac anti récepteur de la TSH et s'ils existent on a deux chances sur trois de voir apparaître un Basedow en post-partum.
Après l'accouchement, et si la patiente n'allaite pas on peut préciser le fonctionnement de la thyroïde en appréciant la captation de l'iode 131 lors d'une scintigraphie thyroïdienne.
En résumé, le tableau VIII indique les examens à faire pendant la grossesse, selon que la thyroïdite auto immune est connue ou méconnue, et après la grossesse en cas de découverte d'une dysfonction thyroïdienne.

Tableau VIII : examens utiles à l'exploration des dysfonctions
thyroïdiennes per et post partum

IV - Progrès biologiques dans le diagnostic des colites inflammatoires.

La rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn sont en principe deux entités clairement séparées. Mais lorsque les lésions sont limitées au colon, qu'il n'y a pas de rectorragies, et qu'il n'y a pas de manifestations extradigestives, la distinction entre les deux affections peut être difficile à faire et pour 10 à 15 % des patients la clinique, la coloscopie, les biopsies et même l'examen d'une pièce de colectomie ne permettent pas de trancher. Dans ces cas difficiles la biologie peut être une aide précieuse.
On sait depuis une vingtaine d'années que des Ac anticytoplasme des polynucléaires s'observent dans 60 à 80 % des cas de RCH, avec un aspect périnucléaire de la fluorescence (p ANCA) . Le tableau VIII rappelle les principales maladies systémiques au cours desquelles on peut trouver des ANCA.

I - Prévalence > ou = 80 %

Glomérulonéphrite rapidement progressive (anti PR3 ou anti MPO)
Maladie de Wegener (anti PR3)
Polyangéite microscopique (plutôt anti MPO)
II - Prévalence entre 20 et 70 % des cas Angéite de Churg et Strauss (anti PR3)
Polyarthrite rhumatoïde
Rectocolite ulcéro-hémorragique
Cholangite sclérosante
Hépatites auto-immunes, cirrhose biliaire primitive
III - Prévalence < 20 % Médicaments (antithyroïdiens, D pénicillamine,…)
Endocardite d'Osler, périartérite noueuse

PR3 = sérine protéase 3 ; MPO = myélopéroxydase
Tableau IX : Pathologies s'accompagnant d'ANCA dans plus de 10 % des cas

Depuis un peu plus de 10 ans, on a décrit la présence d'Ac anti Saccharomyces cerevisiae (ASCA) au cours de la maladie de Crohn. La sensibilité de cette technique pour le diagnostic de Crohn varie entre 40 et 75 % selon les techniques utilisées. On les trouve essentiellement dans les formes de la maladie intéressant le grêle. Depuis trois ans, on a montré à la fois chez l'enfant (7) et chez l'adulte (5) que le couplage de la recherche d'ANCA et d'ASCA permettait de distinguer RCH et Crohn avec une très bonne spécificité (tableau X).
Rappelons que cette distinction peut être particulièrement utile pendant la grossesse, car on sait que les poussées de RCH sont fréquentes au cours ou au décours de la grossesse et peuvent conduire à envisager une colectomie totale.
Malheureusement les ASCA s'observent essentiellement dans les Crohn avec atteinte prédominante du grêle alors que ce sont les Crohn coliques qui posent un problème de diagnostic différentiel avec la RCH.

Test RCH
n = 101
Crohn
n = 100
Sensibilité Spécificité
pANCA + et ASCA - 58 3 57 97
pANCA - et ASCA + 3 49 49 97

Tableau X :
Sensibilité et spécificité des recherches couplées de p ANCA et d'ASCA pour le diagnostic de RCH et de Crohn d'après Quinton (5).

Mots clés : auto-immunité - grossesse - anticorps antinucléaires - antiphospholipides - thyroïdites auto-immunes - polyarthrite rhumatoïde - colites inflammatoires.

BIBLIOGRAPHIE

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