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Titre: Fonctionnement des centres de référence pour la mort subite du nourrisson : évidente nécessité, criante disparité
Année: 2001
Auteurs: - Briand E.
Spécialité: Gynécologie
Theme: mortalité subite du nourrisson

FONCTIONNEMENT DES CENTRES DE REFERENCE POUR LA MSN :
EVIDENTE NÉCESSITÉ, CRIANTE DISPARITÉ

Elisabeth BRIAND – Hasini RAZAFIMAHEFA – Michel DEHAN

Service de Réanimation Néonatale
Centre de Référence Mort Subite du Nourrisson – Hôpital ANTOINE BECLERE – CLAMART

La mort subite d'un bébé est un arrachement dramatique pour ses parents, sa famille. Comme toute mort d'enfant, elle paraît injuste, inacceptable, c'est un "non-sens" absolu.. Mais cette mort est un peu particulière car brutale, inattendue, à première vue complètement incompréhensible, à un âge de totale dépendance de l'enfant.
Du fait de ces caractéristiques, certains sentiments sont exacerbés :
- la sidération liée à la violence du choc que représente la découverte du décès ou son annonce. Certains parents ont une très grande difficulté à comprendre puis à admettre la réalité, ou perdent leurs repères devant cette mort irrationnelle. A plus long terme, cette violence les laisse particulièrement vulnérables.
- la culpabilité est ici particulièrement intense : à l'âge de la MSN, le petit nourrisson est principalement dépendant de sa mère pour tout ce qui concerne sa vie quotidienne et ses besoins immédiats. Elle s'en sent complètement responsable. Très vite, elle pense qu'elle n'a pas su comprendre son bébé, qu'elle n'a pas su repérer quelque chose d'anormal et donc, que c'est pour cela qu'il est mort. La culpabilité est souvent renforcée par le fait de n'avoir pas pu l'accompagner jusqu'au bout : "il est mort tout seul" ou lorsque les parents ont minimisé les conseils de prévention qu'ils avaient pourtant lu ou entendu. De plus, la mise en évidence d'une cause à la mort, ne "déculpabilise" pas toujours les parents : ce sentiment est tellement présent, qu'il ne demande qu'à se renforcer lorsqu'on trouve une pathologie qui d'habitude laisse le temps d'être reconnue et d'être traitée. Les explications médicales indispensables sont souvent bien impuissantes à éviter ce renforcement de la culpabilité.
- l'identité même de parents est également bousculée ("parents sans enfants" ?), renforçant leur solitude dans ce deuil.

Une prise en charge médicale organisée, spécifique, réfléchie, est donc nécessaire et doit s'adapter à chaque situation familiale particulière. Il s'agit aussi, du point de vue médical et scientifique, de se donner avec rigueur tous les moyens de comprendre les causes et les mécanismes de chacun de ces accidents pour mieux appréhender ce phénomène et adapter les pistes de prévention.

CREATION DE STRUCTURES D'ACCUEIL ADAPTÉES : LES CENTRES DE RÉFÉRENCE

A l'initiative de quelques pédiatres très impliqués dans ces prises en charge au début des années 80 et en raison d'une forte augmentation du nombre de cas enregistrés à cette période, un groupe de travail à la Direction Générale de la Santé a été constitué en 1983, composé d'experts en matière de MSN et de représentants des différentes administrations concernées. Le constat des difficultés de prise en charge a été suivi de recommandations par ce groupe de travail : le Ministère de la Santé a alors organisé un dispositif à l'échelon régional.
La circulaire DGS/DH/225/2B du 14 mars 1986 "relative à la prise en charge par les établissements d'hospitalisation publique des problèmes posés par la mort subite du nourrisson" a précisé le cadre du dispositif. Elle a été complétée par une deuxième circulaire n°919 du 23 décembre 1987 désignant nommément les services concernés. Ces textes ont donc créé des Centres de Référence Régionaux dont les missions étaient précisées :
- jouer un rôle d'animation en matière de soins, de recherche et d'enseignement,
- apporter un appui technique aux équipes et professionnels de santé confrontés à ce problème,
- diffuser auprès des équipes hospitalières et du corps médical toute information utile,
- organiser une surveillance par monitorage à domicile lorsque celle-ci s'avère nécessaire et évaluer son efficacité.
Il était d'emblée prévu que ces centres n'assureraient pas la prise en charge systématique et directe de tous les enfants mais pouvaient travailler en coordination avec des services pédiatriques de premier accueil. Le texte charge également les centres hospitaliers régionaux d'assurer les dépenses liées au monitorage à domicile et les oblige à assurer la prise en charge financière des frais de transport, des examens complémentaires et d'autopsie des enfants décédés, sans qu'il y ait lieu ni à avance de frais, ni à participation financière des familles.
Ainsi, ont été désignés 30 Centres de Référence Régionaux, après proposition des DRASS, et avec l'accord des chefs de services concernés : 28 en métropole, 1 par région administrative, 2 pour certaines régions (Bretagne, PACA), 3 pour d'autres (Ile de France, Rhône Alpes) et 2 pour les D.O.M. (Réunion, Antilles).
Les Centres de Référence Régionaux fonctionnent donc depuis maintenant 14 ans mais des difficultés persistent. En effet, les services désignés n'ont guère bénéficié de moyens spécifiques ni en budget, ni en personnel. L'organisation de chaque centre a été laissée à l'initiative du responsable de chaque service, et reflète donc leur motivation, pour cette activité difficile, exigeante, "chronophage", et toujours déstabilisatrice pour les équipes. Il persiste une disparité importante de fonctionnement entre les différents Centres de Référence, ce qui induit une certaine inégalité voire injustice vis-à-vis des familles selon l'endroit où elles sont accueillies.
En 1986, il n'existait quasiment aucune piste précise de "prévention" de la MSN, ce terme n'apparaît pas dans le texte des circulaires officielles comme mission des centres de référence. Ceux-ci y participent depuis maintenant plusieurs années, là encore de façon assez inégale.

FONCTIONNEMENT ACTUEL DES CENTRES DE RÉFÉRENCE :

MÉTHODE D'APPROCHE : ENQUETE 1999 ET EXPÉRIENCE PRATIQUE

Nous avons mené en 1999 une enquête par questionnaires au niveau des 30 Centres de Référence Régionaux désignés officiellement, pour connaître leurs conditions de prise en charge des parents, leurs difficultés, leurs orientations et leur évolution depuis 1986 ainsi que leurs projets (5). Les questions ont été posées par téléphone au responsable du centre de référence ou à un de ses "délégués", dans le courant de mai-juin 1999, à l'exception de trois réponses par fax ou courrier.

Pour évaluer le parcours des parents, la méthodologie est plus difficile. Il n'est pas possible actuellement, puisqu'il n'y a pas de registre officiel de la MSN, de contacter un échantillon représentatif de parents victimes de la mort subite de leur bébé. C'est pourquoi nous nous sommes appuyés d'une part sur l'expérience acquise au sein du Centre de Référence de Clamart, et d'autre part, sur des témoignages recueillis au sein des associations de parents.
Le Centre de Référence MSN de Clamart en région parisienne a reçu un peu plus de 850 familles depuis sa création en 1986 dont environ 530 au moment même du décès, et un peu plus de 300 autres familles secondairement, des semaines, des mois, voire des années après la perte d'un bébé (soit que les parents aient été accueillis ailleurs au moment du décès, soit qu'ils n'aient bénéficié d'aucune prise en charge). Il s'agit dans ces cas de jouer un rôle de conseil, pour aider les parents à avancer dans leur projet, bien souvent celui d'une autre grossesse, qui, ravivant les questions, les amène à venir consulter. Ce travail nécessite de revenir, tant sur le plan médical (activité de type "conseil génétique") que sur le plan psychologique, sur l'histoire de l'enfant décédé et donne l'occasion d'écouter ce que les parents disent de leur accueil, de leurs questions et de leur souffrance. Etant également impliquée dans l'association Le Cairn et la Fédération Naître et Vivre, j'y ai rencontré d'autres parents de toutes régions, témoignant leurs conditions d'accueil. Il ne s'agit pas d'en tirer des généralités sur l'activité de tel ou tel service d'accueil, car ces histoires sont très ponctuelles, personnelles et ne reflètent probablement pas la réalité du fonctionnement d'un centre de manière générale. Toutefois, on peut s'en servir comme exemples de dysfonctionnements, avec réserve et nuance.

RESULTATS QUANTITATIFS PORTANT SUR LES 30 CENTRES DE RÉFÉRENCE

Le nombre d'enfants décédés accueillis dans les Centres de Référence, donné pour les "pires" années et pour 97-98 sont pour certains des chiffres très précis, pour d'autres un ordre de grandeur. Un calcul rapide permet d'estimer le pourcentage d'enfants décédés en France qui ont été accueillis directement dans les Centres de Référence ou qui y ont été adressés pour autopsie après un premier accueil dans un centre hospitalier périphérique :
- Pour l'année 91, 50 % : environ 738/1464 (source INSERM SC8).
- Pour l'année 97, 60 % : environ 215/360.
Dans tous les centres a été enregistrée une diminution importante du nombre enfants accueillis (en chiffre absolu) parallèlement à l'efficacité des campagnes de prévention. Pour certains centres, la diminution a été sensible bien que le territoire couvert géographiquement se soit élargi. Cette progression du pourcentage d'enfants accueillis au moment du décès dans les Centres de Référence est appréciable, et traduit vraisemblablement une meilleure information des services d'urgence dans l'immédiat, ainsi que des structures d'accueil périphériques. Mais parmi les 40 % restant (soit 145 enfants) il reste impossible de préciser quelle proportion sont accueillis dans des services hospitaliers de proximité, et combien sont encore laissés à domicile.

Dans chaque région, la couverture géographique des Centres de Référence a été précisée. Plusieurs constatations en découlent :

  • la désignation des Centres de Référence en 86 s'est faite plus sur l'intérêt que portaient certains services de CHU à ce problème que sur la surface de territoire que pouvait réellement couvrir une structure d'accueil. En effet, certaines régions comptant 6 ou 7 départements, donc très étendues, n'ont qu'un seul Centre de Référence (par exemple l'Aquitaine, Bourgogne, Centre, Midi-Pyrénées...), alors que certaines régions, parfois nettement moins étendues ont été subdivisées avec création de plusieurs Centres de Référence (Bretagne, Pays de Loire, PACA..).
  • indépendamment de ce phénomène, les responsables des centres disent couvrir leur territoire de façon plus ou moins exhaustive, parfois seulement leur agglomération urbaine.
  • dans certaines régions, d'autres hôpitaux généraux assurent l'accueil de départements entiers, ou plus souvent de leur secteur géographique propre. Ces services d'accueil fonctionnent parfois avec une sorte de délégation de la part du Centre de Référence. D'autres centres hospitaliers généraux semblent fonctionner de manière encore plus indépendante, sans lien particulier avec le Centre de Référence.
  • la région Ile de France est un cas particulier : elle dispose de 3 Centres de Référence (Clamart, Necker Enfants-Malades, Port-Royal) au lieu des 5 initialement prévus. Port Royal ne reçoit aucun enfant décédé, et concentre son activité sur le suivi des fratries. Outre les 2 autres Centres de Référence, la prise en charge des enfants décédés est répartie, en lien avec les SAMU de la région, de façon assez sectorisée, grâce à l'appui très efficace de certains hôpitaux d'accueil : Robert Debré, hôpital Inter Communal de Créteil , hôpital Jean Verdier à Bondy, l'hôpital de Neuilly, les hôpitaux généraux de Seine et Marne, d'Evry, d'Orsay, de Mantes, Poissy, Pontoise et St Germain. C'est donc grâce à ces services qui ne sont pas officiellement désignés que la quasi exhaustivité des enfants décédés en Ile de France, peuvent être pris en charge avec réalisation d'une autopsie.
    Pour apprécier la réalité de la couverture régionale par les Centres de Référence Régionaux, il est intéressant de croiser les données obtenues par ce questionnaire avec les chiffres fournis par l'unité SC8 de l'INSERM pour 1997, concernant les déclarations de MSN par régions (dans les limites strictes 0-1 an). Cette comparaison donne une idée du niveau d'exhaustivité de chaque Centre de Référence, et des efforts qui pourraient rester à accomplir (cf tableau I).

Tableau 1
MSN : Chiffres Annuels

Centres de Référence

 

INSERM
( 0 - 1 an )

1990 / 92

1997

1998

1997

Alsace

Strasbourg

39

8

6

9

Aquitaine

Bordeaux

5

2

2

9

Auvergne

Clermont - Fd

20

5

5

4

Bourgogne

Dijon

20

8

6

8

Bretagne

Brest

30

9

4

14

Rennes

20

6

6

Centre

Tours

37

14

13

20

Champagne Ardennes

Reims

26

3

5

8

Franche comté

Besançon

20

8

5

10

Ile de France

Necker E. - M.

60

7

6

Port Royal

0

0

0

82

Clamart

53

25

30

Languedoc Roussillon

Montpellier

25

6

6

10

Limousin

Limoges

10

3

3

2

Lorraine

Nancy

35

5

5

15

Midi Pyrénnées

Toulouse

18

4

4

7

Nord Pas de Calais

Lille

43

20

30

33

Basse Normandie

Caen

30

10

10

12

Haute Normandie

Rouen

40

6

6

9

Pays de Loire

Nantes

30

10

7

30

Angers

25

5

5

Picardie

Amiens

16

3

0

18

Poitou Charentes

Poitiers

20

12

10

8

PACA + Corse

Marseille

8

6

4

16 + 0

Nice

20

5

5

Rhônes Alpes

Lyon

41

12

12

Saint Etienne

12

3

3

35

Grenoble

25

6

8

La Réunion

Saint Denis

10

3

1

1

Antilles Guyane

Fort de France

7

1

1

Total INSERM

360

Les chiffres des centres de référence sont des ordres de grandeur à l'exception des chiffres en gras
qui sont des chiffres exacts.

En ce qui concerne la réalisation des autopsies, les Centres de Référence déclarent un pourcentage qui est globalement élevé, allant de 50 à 100 % des enfants admis. Il faut toutefois moduler ces données par le fait que dans un certain nombre de régions, l'autorisation d'autopsie est demandée dès le domicile par le SAMU. En cas de refus, l'enfant n'est pas transporté et est alors laissé à domicile, sans aucune prise en charge hospitalière de Centres qui affichent pourtant un taux d'autopsie de 100 %.
Pour beaucoup de Centres de Référence provinciaux, il est nécessaire de faire la distinction entre les décès survenus dans les grandes villes et ceux survenus dans des régions rurales. En effet, dans les grandes villes, l'intervention des Pompiers et des SAMU permet une meilleure prise en charge, un transport à l'hôpital plus facile et dans la plupart des cas l'acceptation par les parents d'une autopsie. Pour les enfants décédés à la campagne, dans des villages, c'est souvent un médecin généraliste qui intervient dans l'immédiat, et l'arrivée du corps dans un centre hospitalier même plus proche du domicile des parents est beaucoup plus incertaine. Il persiste un gros effort d'information à faire pour les familles et les médecins concernés dans ces secteurs. Cela est toutefois réalisable à condition d'y mettre beaucoup d'énergie : l'exemple de la région des Pays de Loire est assez intéressant puisque autour d'Angers et de Laval tous les généralistes ont reçu des informations précises et que le transport des enfants dans les centres hospitaliers se fait depuis de façon quasi exhaustive sur la Mayenne et le Maine et Loire.
Il semble toutefois que cette difficulté constatée par les responsables de Centre de Référence depuis 1986 a très peu évolué dans la plupart des régions.
Il faut rappeler que certains Centres d'accueil périphériques réalisent des autopsies, parfois de très bonne qualité et ne sont pas comptabilisés dans cette enquête (par exemple, Bondy, Chambéry, Créteil, Tarbes...). La proportion d'autopsie paraît pouvoir être estimé en 97-98 à environ 50 % des enfants décédés de MSN en France. Ce taux d'autopsie est une amélioration certes sensible bien que tout à fait insuffisante depuis les dernières estimations connues : une enquête de l'INSERM menée par M.H. Bouvier-Colle et coll. en 1986-87 faisait état d'une moyenne nationale de 31 % (4). Ce point avait été mis dans les priorités par le Directeur Général de la Santé dans une note d'octobre 1991 pour faire évoluer la législation sur le transport de corps, pour élargir l'information des praticiens appelés auprès des familles et pour augmenter les vacations d'anatomopathologie. Il semble que les efforts tentés dans ce domaine aient été insuffisants ou qu'ils n'aient pas porté tous les fruits escomptés... Rappelons que dans certains autres pays d'Europe, l'autopsie est obligatoire, leur permettant d'afficher des taux de 100 % d'autopsie dans les MSN. Toutefois, il s'agit souvent d'autopsies médico-légales, qui sont parfois complétées par une autopsie médico-scientifique mais dont la qualité n'est pas homogène
.

Les moyens dont disposent les Centres de Référence ont été répertoriés. Cette tâche est assez rapide puisque dans l'ensemble il sont très précaires. Tous les centres mobilisent évidemment les moyens du service où ils sont implantés, tant sur le plan humain que sur le plan financier.
Sur le plan du personnel :

  • 10 centres (33 %) n'ont aucun moyen en personnel spécifiquement attribué à la MSN.
  • 12 centres ont quelques vacations médicales attribuées à cette activité allant de 2 vacations par semaines à un poste de PH temps partiel ; un seul Centre dispose d'un poste de PH temps plein dont seulement une partie est concernée par cette activité.
  • 12 centres ont des vacations de psychologue, de pédopsychiatre, ou de psychiatre, attribuées à la MSN : de 1 vacation/semaine à un poste mi-temps.
  • 11 centres ont un poste de puéricultrice, allant d'un mi-temps jusqu'à deux puéricultrices temps plein (il s'agit de centres ayant une forte activité de monitoring à domicile).
  • il n'y a pas de poste d'anatomopathologiste spécifiquement attribué à la MSN (sauf 3 vacations/semaine à Poitiers) : il s'agit le plus souvent de médecins formés à cette activité qui travaillent dans un service d'anatomopathologie hospitalier et qui consacrent une part plus ou moins importante de leur activité à cette cause.
  • 6 centres ont un temps partiel de secrétaire attribué à la MSN.

Ce rapide tour d'horizon montre la grande pauvreté des moyens spécifiquement attribués à l'activité concernant la MSN, avec une hétérogénéité particulièrement frappante. Tous les responsables ont souligné que les postes dégagés pour cette activité venaient en déduction de l'activité d'un service de pédiatrie, de néonatologie ou de réanimation, avec les difficultés de choix que cela comporte.

Tous les centres fonctionnent sur le budget du service hospitalier dont ils dépendent. Très peu ont obtenu ou ont demandé des subventions propres à l'activité MSN :

  • 3 centres ont une subvention de leur Conseil Général (Grenoble sous la forme d'un demi poste de puéricultrice, Angers bénéficie d'une subvention de la PMI, et Clamart sous la forme d'une subvention annuelle, actuellement en diminution). Aucun ne reçoit de financement des Conseils Régionaux.
  • 2 centres sont reconnus dans l'hôpital sous la forme d'unité fonctionnelle : Amiens et Nantes.
  • Enfin, 1 centre a un statut original : Montpellier est implanté dans une pouponnière de la CRAM, et travaille dans le cadre d'une convention avec le CHU.

Au total 26 centres sur 30 n'ont aucune subvention spécifiquement attribuée à la MSN (87 % des Centres de Référence).

LES ETAPES DE LA PRISE EN CHARGE, EN PRATIQUE (2, 5, 6)

Sur le lieu du décès, et le problème du transport
Il est évidemment souhaitable qu'intervienne très rapidement sur les lieux une équipe de secours qui connaisse bien le problème de la MSN, l'organisation régionale, et qui soit humainement capable d'affronter la situation pour la famille et pour eux-mêmes. Le contexte de cette intervention est toujours très difficile. Dans les grandes villes, l'intervention d'un SMUR pédiatrique est rarement possible, ce sont en général des équipes de SMUR adulte qui interviennent en premier ou en relais après les Sapeurs Pompiers. Dans les secteurs plus éloignés, il s'agit souvent d'un généraliste qui organise un transport par ambulance. Notons l'initiative d'Amiens où un pédiatre part avec l'équipe du SMUR adulte.
La réalisation de manoeuvres de réanimation ne pose pas de question lorsque l'arrêt cardio-respiratoire paraît récent. Dans le cas où le décès est évident, l'attitude est beaucoup plus discutée. Dans un tiers des régions, les médecins de SAMU effectuent des gestes de réanimation de manière systématique quel que soit l'état de l'enfant, en pensant qu'il est important pour les parents que tout ait été tenté, et aussi pour prendre un peu de temps pour eux-mêmes avant d'annoncer le décès. Ailleurs, il arrive qu'aucun geste ne soit entrepris lorsque le décès est évident. Manifestement, cette attitude correspond à une appréciation personnelle du réanimateur qui intervient, selon son expérience et la manière dont il apprécie l'état de l'enfant et le degré de prise de conscience des parents face à la mort.
Dans une majorité des régions (20 centres sur 30) le transport est systématique lorsque le SAMU intervient. Les parents sont informés de la nécessité du transport vers un service hospitalier, afin qu'ils soient accueillis et que l'on tente de comprendre de quoi leur enfant est décédé. Il est alors évoqué la possibilité de réaliser des examens complémentaires, la plupart du temps sans parler encore d'autopsie. Dans les autres régions, ou lorsque c'est un médecin généraliste qui intervient sur place, le transport n'est pas systématique : l'autopsie est alors souvent proposée aux parents dès l'annonce du décès. S'ils refusent cette proposition, l'enfant est laissé à domicile ou éventuellement transporté dans un funérarium par les services autorisés. Cette pratique reste encore trop fréquente et va à l'encontre de tout ce que l'on peut souhaiter comme prise en charge pour les parents : comment imaginer qu'en une demi heure ils puissent réaliser que leur bébé va mal, puis que leur bébé est mort, puis que l'on va pratiquer une autopsie ? En effet, même si ultérieurement les parents refusent l'autopsie, il est tout à fait essentiel pour eux qu'ils soient reçus et accompagnés par une équipe qui connaisse le problème de la MSN, et qui réalise au moins un bilan paraclinique.
La déclaration du décès et le transport du corps restent deux étapes pour lesquels un certain bricolage est toujours de mise. Depuis 1986, les difficultés persistantes avaient amené une commission ministérielle à réfléchir en 92-93 sur ce problème, ce qui a abouti au décret n° 96-141 du 21 février 1996 "relatif au transport de corps vers un établissement de santé en modifiant le code des communes".
Manifestement, lorsqu'il s'agit d'un transport SAMU, la démarche antérieure continue d'être utilisée par une très forte majorité des centres : transport médicalisé dans l'ambulance des Pompiers ou du SAMU, l'enfant n'étant pas encore déclaré décédé, ce qui permet de l'amener rapidement, dans un délai d'une à deux heures après la découverte, dans le service d'accueil où il pourra être admis en hospitalisation. Il y sera déclaré décédé quelques minutes plus tard. La déclaration de décès sera donc signée dans la commune de l'hôpital et non pas dans la commune du lieu de l'accident.
Le décret a toutefois amélioré les conditions de transport pour deux types de situations : d'une part lorsqu'un médecin généraliste intervient à domicile et qu'il souhaite faire transporter le corps à l'hôpital, les deux modalités de transport peuvent être utilisées, médicalisée ou officielle. D'autre part, lorsque l'enfant a été amené dans un premier temps dans un hôpital général périphérique et que l'on souhaite transporter le corps au niveau du Centre de Référence pour autopsie, le décret a permis une certaine souplesse en allongeant notamment le délai légal d'aller-retour éventuel du corps.
La qualité de ces interventions d'urgence est bien sûr fondamentale. Non seulement les intervenants doivent être parfaitement informés, ou capables de se renseigner très rapidement sur la marche à suivre, mais ils doivent pouvoir faire preuve d'une empathie suffisante pour accompagner les parents dans ces moments extrêmement difficiles.
La réalité en est parfois bien éloignée: intervention d'un médecin traitant ou d'un SAMU absolument pas au courant de la marche à suivre, ou trop pressé. Certains établissements de soins, telles que les cliniques privées ou même des hôpitaux où les parents se précipitent parfois, ne sont pas du tout au courant des possibilités de prise en charge. Rappelons que le Centre 15 départemental doit pouvoir les indiquer.
D'autre part l'aspect humain dans ce type d'intervention est primordial. La méconnaissance ou l'incapacité des premiers intervenants à orienter correctement les parents dans ce type de situation est lourd de conséquences. Bien sûr, pour la plupart des intervenants, il s'agit d'une expérience très ponctuelle et très exceptionnelle dans leur vie professionnelle. Ils n'ont généralement pas pu passer du temps à se former ou à anticiper ce type d'intervention. On pourrait simplement insister sur une réflexion minimale : que souhaiteraient-ils entendre s'ils étaient eux-mêmes à la place des parents ?

L'accueil à l'hôpital
L'enquête confirme que dans la plupart des services, l'accueil des parents est le plus rapide possible. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un transport secondaire à partir d'un autre hôpital, où d'un enfant adressé depuis une longue distance, il arrive que les parents ne soient vus que le lendemain voire au bout de quelques jours pour les premiers résultats.
Dans la plupart des Centres de Référence, le corps de l'enfant est amené dans un service d'hospitalisation où c'est un médecin senior ou le responsable du centre lui-même qui s'occupe de l'examen clinique et des prélèvements. De façon plus exceptionnelle, il peut s'agir d'un(e) infirmier(ère), d'un interne.
En général, les parents sont reçus d'emblée par un médecin expérimenté, pédiatre senior de garde ou par le responsable du Centre de Référence lui-même : celui-ci est rarement dérangeable 24 heures/24, mais reçoit les parents le lendemain d'un accueil immédiat par un collègue de garde sur place.
La répartition de cette prise en charge entre deux médecins du même service est parfois judicieuse : les examens sont pratiqués par l'un d'entre eux sans délai (examens biologiques plus fiables), pendant que l'autre reçoit les parents dès leur arrivée, puis les accompagne auprès de leur bébé (pas d'attente supplémentaire). Cela permet aussi de partager la charge émotionnelle de ce travail d'accueil et d'avoir un dialogue immédiat autour des arguments diagnostiques.
Les parents sont toujours reçus dans un bureau médical, le bébé dans une pièce spécifique : les locaux d'accueils sont extrêmement variés, selon que le Centre de Référence dépend d'un service d'urgence, d'un service d'hospitalisation de nourrissons ou d'un service de réanimation. Tous s'efforcent d'installer les parents et l'enfant dans un endroit un peu à part, calme, éloigné des salles d'attente. Peu de services estiment que leurs locaux sont vraiment satisfaisants. A noter à Angers, une maison funéraire où l'accueil est particulièrement soigné, avec des pièces où les parents peuvent rester un long moment à côté de leur enfant, dans un cadre rendu calme et serein. Même si beaucoup d'efforts pourraient être faits dans les conditions matérielles de l'accueil, il restera toujours que ces situations sont vécues de façon très difficile : c'est la mort qui fait irruption dans le service, qui touche des parents que l'on ne connaît pas, que l'on découvre au pire moment de leur vie, et ce ne sont vraisemblablement pas les seules conditions matérielles qui rendront cet accueil plus facile à gérer pour les équipes. Dans certains Centres, le corps n'est d'ailleurs pas amené dans un service mais directement à l'amphithéâtre de l'hôpital, de manière à ne pas trop bouleverser l'activité du service.

La démarche médicale est assez simple dans son principe, visant à poser un diagnostic étiologique à cette mort subite par une enquête clinique, un examen clinique, des examens paracliniques et une autopsie. L'accompagnement des parents est sûrement le versant le plus spécifique et le plus délicat. Ici aussi, un certain savoir faire des équipes est précieux, même si la priorité est de s'adapter à chaque situation, à chaque famille. Parmi les difficultés rencontrées :
- le médecin peut être dépassé par les réactions des parents parfois difficile,
- les parents n'ont pas toujours vraiment compris (admis ?) que leur bébé était mort avant d'arriver à l'hôpital,
- nécessité d'expliquer aux parents quelques problèmes administratifs, notamment le lieu et l'heure de la déclaration de décès quand le transport s'est effectué de façon "médicalisée".

La plupart des Centres de Référence travaillent avec un(e) psychologue, un(e) pédopsychiatre ou un(e) psychiatre. La plupart du temps, les entretiens ont lieu à la demande des parents, rarement d'emblée. Dans 5 centres, les parents le (la) rencontrent de manière systématique. Dans un centre, la psychologue et le médecin mènent conjointement l'entretien avec les parents. Deux Centres disent n'avoir aucune possibilité de consultation "psy". Le rôle de soutien de ce "psy" vis à vis de l'équipe d'accueil est très peu institutionnalisé et n'est effectif que dans 14 centres.
Quelques responsables acceptent de rencontrer les grands parents si l'occasion se présente. Plus nombreux sont ceux qui reçoivent les frères et soeurs aînés et les assistantes maternelles chez qui s'est passé l'accident.

L'autopsie
D'un point de vue médical et scientifique, l'autopsie est indispensable à la compréhension de la cause du décès et à la réflexion sur de nouvelles pistes de recherche. Néanmoins, elle n'est pas obligatoire en France. La décision appartient aux parents, qui devront en signer l'autorisation. Cette décision est toutefois bien difficile à prendre pour des parents qui viennent à peine de réaliser la mort de leur bébé, il faut donc leur en expliquer l'intérêt, avant tout pour eux-mêmes. L'image de l'autopsie dans le grand public est très violente, il n'est pas rare qu'ils imaginent un examen effrayant sur le corps de leur bébé, il est donc indispensable de répondre à leurs questions et de les rassurer, et/ou de leur laisser un délai de réflexion de quelques heures. Les résultats qui parviennent en deux temps, macroscopiques puis histologiques, doivent être expliqués aux parents, qui auront été prévenus des délais prévisibles d'attente des résultats.

Dans l'enquête, tous les responsables de Centre de Référence pensent que l'autopsie apporte des arguments décisifs, avec toutefois quelques nuances pour certains : "on l'espère", "c'est décisif si cela confirme l'absence de cause", "ce n'est utile que si ce n'est pas une MSN"... Dans 23 centres, c'est le médecin senior d'accueil qui commence à évoquer l'autopsie et le plus souvent c'est le responsable du Centre de Référence qui fait ensuite signer d'autorisation aux parents. Les 7 autres centres laissent le soin au SAMU d'obtenir cette autorisation sur place. Le pourcentage d'accord des parents est donc extrêmement variable : il est évident que lorsque cet examen est proposé posément, dans le cadre hospitalier, par un médecin convaincu de son importance, qui sait exactement comment l'autopsie sera pratiquée, qui prend du temps pour répondre aux questions, l'examen est accepté beaucoup plus fréquemment.
Dans la plupart des centres, l'autopsie est réalisable dans les 24 ou 48 heures. Tous ont souligné l'impossibilité de cet examen pendant les week-end et les jours fériés. Le délai de réponse de la macroscopie est très rapide. Pour les résultats d'histologie, les délais sont en général compris entre 1 mois et 3 mois. De nombreux centres mentionnent un délai d'obtention des résultats histologiques du cerveau, parfois très long, de l'ordre d'un an.
Dans la quasi totalité des Centres de Référence, l'autopsie est réalisée par un anatomopathologiste spécialisé. Mais quelques centres travaillent avec des anatomopathologistes, parfois à l'extérieur de l'hôpital qui n'ont pas de formation spécifique et qui ne sont pas toujours les mêmes à assurer ce type d'autopsie. Enfin, dans un centre, il n'y a pas d'histologie possible, c'est le pédiatre lui-même qui réalise l'examen macroscopique.
La qualité de l'autopsie est jugée bonne ou au moins correcte par la quasi totalité des responsables de Centre de Référence. Même si la qualité de ces examens anatomopathologiques reste encore assez hétérogène, il faut souligner qu'il s'agit quasiment du seul domaine qui, depuis plusieurs années, fait l'objet d'un protocole commun de la part d'une majorité d'équipes (8).
De nombreux centres menaient un staff de confrontation anatomo-clinique dans les années passées. Cette habitude se perd avec la raréfaction des cas de MSN, remplacée si besoin est, par une discussion téléphonique du dossier. Certains services maintiennent un staff annuel de manière à classer les diagnostics retenus selon la classification de Sheffield. Dans 6 centres, est maintenu un staff anatomo-clinique pour chaque dossier. Dans 6 autres centres, les résultats anatomopathologiques sont considérés comme un examen complémentaire parmi d'autres et ne donnent pas lieu à une discussion diagnostique.
Les résultats complets sont en général donnés aux parents par le responsable du Centre de Référence en personne. Ainsi, les parents sont vus en moyenne trois fois à la suite du décès : dans les heures qui suivent et/ou le lendemain, puis quelques jours plus tard et une troisième fois pour les résultats définitifs. Dans la majorité des centres, les parents peuvent avoir facilement des contacts téléphoniques avec le médecin qui les a accueillis.

De nombreuses difficultés concernent l'autopsie :

  • la formulation de la demande et le temps passé à l'expliquer semblent des critères fondamentaux pour en obtenir l'autorisation.
  • une demande faite sans y croire n'est à l'évidence pas convaincante.
  • avec du recul, beaucoup de parents qui avaient refusé cet examen disent regretter cette décision, lorsqu'ils perçoivent qu'en l'absence de diagnostic étiologique précis, peu de réponses peuvent être apportées à leurs interrogations. Ceux qui ont accepté l'autopsie regrettent exceptionnellement leur décision, sauf dans deux circonstances : quand ils comprennent que l'examen réalisé a été très succinct (pas d'histologie, médecin peu formé...), ou lorsque le diagnostic posé laisse finalement planer plus de doutes que de réponses.

L'orientation médico-légale
Parmi les situations qui évoquent a priori une MSN, il existe des cas où des doutes apparaissent : en reconstituant l'histoire de l'enfant de la famille et les circonstances du décès, on se pose la question d'une possibilité de sévices, de négligences ou de défaut de soins. La responsabilité des parents ou d'une tierce personne (nourrice, mari de la nourrice, baby-sitter...) peut être engagée. En cas de signalement médico-légal, le décès fera l'objet d'une enquête de police et dans la quasi totalité des cas, une autopsie médico-légale est ordonnée par le procureur. Son but est de répondre à la seule question : s'agit-il d'une mort naturelle ou pas ?
Pour la plupart des centres, il s'agit de situations rares voire exceptionnelles. Lorsque la Police intervient d'emblée sur place, le corps est rarement transporté dans le Centre de Référence et la situation échappe totalement à toute prise en charge médicale.
Pour certains centres, la situation devient actuellement préoccupante avec un pourcentage croissant de cas douteux. En effet, la réduction de 75 % des chiffres de MSN concerne à l'évidence les morts naturelles. Les campagnes de prévention ont peu d'influence sur les situations douteuses : leur proportion dans le cadre de la MSN est donc susceptible d'augmenter fortement. Ceci est un problème de plus en plus fréquent dans quelques centres : Amiens, Clamart, Lille, Lyon, Nancy, Nice. Les autres ne signalent pas d'inquiétude particulière pour le moment.
L'autopsie médico-légale, donc imposée aux parents, est pratiquée par un médecin légiste : le plus souvent, il s'agit d'un médecin de l'institut médico-légal, situé dans les plus grosses agglomérations à l'extérieur de l'hôpital. Parfois, le médecin légiste fait cette autopsie dans le même hôpital et peut alors la réaliser avec l'anatomopathologiste qui aurait fait cette autopsie de manière scientifique. La plupart du temps, il n'y a pas d'histologie, les résultats ne sont pas communiqués de façon officielle, ni aux parents, ni aux médecins et les parents sont perdus de vue par le Centre de Référence. Finalement, seuls quelques centres arrivent à maintenir dans ce cas un contact avec les parents.
Les relations avec les autorités judiciaires sont dans l'ensemble assez difficiles dans les grandes villes. Les centres où le dialogue est facile avec les procureurs sont ceux où le même médecin, Chef de Service, est amené à discuter fréquemment des dossiers dans le cadre de la prise en charge de la maltraitance à enfant.
Partout, les situations les plus préoccupantes sont celles où un signalement médico-légal est fait alors qu'il s'agissait d'une mort subite "habituelle", c'est à dire une mort naturelle. Cette procédure est en effet complètement désastreuse pour le suivi des familles, car les parents n'obtiennent aucun diagnostic médical, restent sans informations et vivent particulièrement mal l'enquête policière, l'accueil absolument scandaleux dans certains Instituts médico-légaux. Il serait donc tout à fait souhaitable que les situations complexes soient d'abord évaluées dans les Centres de Référence, qui pourront faire la part des choses et signaleront aux autorités judiciaires les situations réellement suspectes, en se basant sur des arguments cliniques, biologiques et radiologiques. En effet, la première impression sur les lieux du décès peut être trompeuse : milieu social défavorisé, parents sidérés semblant hébétés, sans réaction, d'autres peuvent réagir d'emblée avec une agitation extrême, une colère et une violence troublante. Cela ne prouve en rien qu'ils soient suspects, mais seulement qu'ils sont très profondément atteints.
L'expérience montre qu'en cas d'action en justice (autopsie médico-légale, mais aussi dans le cas où les parents portent plainte contre quelqu'un qu'ils pensent responsable), les délais très prolongés semblent suspendre, ou au moins, retarder la mise en route d'un processus de deuil, de toute manière déjà bien difficile. Le risque est grand d'évoluer alors vers un deuil pathologique.

Le suivi des familles (2)
A la suite d'un décès aussi brutal et violent, le processus de deuil est souvent difficile. La médecine qui n'a pas pu empêcher le décès d'un enfant apparemment bien portant, ne peut à l'évidence pas suffire à résoudre un tel deuil. Les parents vont avoir à mobiliser leurs ressources personnelles, à se faire aider par la famille, l'entourage et bien souvent par un suivi psychologique. Dans la plupart des Centres, lors des résultats définitifs est évoqué le suivi possible à plus long terme, les incitant à reprendre contact en cas de grossesse ultérieure.
Dans un premier temps, la plupart des centres donnent aux parents les coordonnées des Associations Naître et Vivre Régionales lorsqu'elles existent encore. En effet, ces Associations semblent disparaître au fur et à mesure de la diminution des chiffres de MSN. Certains, en l'absence d'association locale, donnent les coordonnées de l'association parisienne ou de la Fédération Nationale à Paris. Il y a localement très peu d'autres associations sur le deuil auxquelles peuvent être adressés les parents, citons l'Association "Vivre son Deuil".
Dans la plupart des centres, un soutien psychologique peut être proposé d'emblée, et poursuivi ou repris lors d'une grossesse ultérieure, selon la demande des parents. Si le besoin d'une psychothérapie plus prolongée apparaît, le(s) parent(s) ou les frères et soeurs sont le plus souvent orientés vers des psychologues extérieurs au service. Quelques Centres disent n'avoir aucun contact avec des professionnels capables de répondre à cette demande.

GROSSESSE(S) ULTERIEURE(S) ET ENFANT(S) SUIVANT(S)

Lors de grossesses ultérieures, la quasi totalité des centres proposent une à deux consultations anténatales aux parents qui le souhaitent. Dans deux centres, ces consultations ont lieu avec un autre médecin que celui qu'ils avaient vu au moment du décès.
Le suivi de l'enfant suivant est organisé ou évoqué par la totalité des centres, mais sa réalisation est extrêmement variable d'un centre à un autre, parfois même entre deux Centres de Référence voisins. La quasi totalité des responsables insiste sur la nécessité d'un suivi attentif et disponible pour les enfants "fratrie". Du point de vue pratique, les attitudes sont beaucoup plus discordantes. Une première consultation est souvent envisagée dès la sortie de la maternité, ou dans la maternité si la maman accouche dans le même hôpital, ou parfois dans le premier mois de vie.
Malgré la notion clairement établie (1, 3, 7) depuis plusieurs années, que les enfants "fratrie" ne sont généralement pas des enfants à risque particulier, en dehors de quelques situations exceptionnelles où une maladie à risque familial avait été diagnostiquée pour l'enfant décédé, la question des bilans pour l'enfant suivant ne fait vraiment pas l'unanimité. On peut schématiquement distinguer trois types d'attitudes :
- 15 centres proposent un bilan systématique à toutes les fratries. Le bilan réalisé est assez variable, il s'agit fréquemment d'enregistrements cardiorespiratoires prolongés, de polysomnographie, de Roc-holter, plus rarement de pH métrie, ETF, ECG, bilan biologique.
Il est frappant de constater que les centres qui font le plus grand nombre d'examens appellent ce bilan "un bilan minimum"... Cette attitude semble également, d'après les témoignages des parents, être adoptée par beaucoup de services de maternité et de pédiatres libéraux : peu nombreux sont ceux qui ont tiré les conclusions logiques de la mise en évidence de l'absence de risque familial.
- 13 centres modulent ce bilan selon l'histoire familiale, et selon la demande des parents, avec les mêmes examens.
- deux centres déclarent ne proposer aucun bilan en l'absence de symptomatologie propre du nouveau né. Ils privilégient de simples consultations, donnant lieu à des entretiens souvent prolongés.
Pour beaucoup, l'intérêt du bilan réside principalement dans le fait qu'il permet d'évaluer cliniquement l'angoisse des parents, et la qualité de la relation mère-enfant. Cette prise en compte n'est toutefois pas généralisée et peut ou pourrait bien évidemment se réaliser en consultation simple, au besoin répétée sans recours à des examens complémentaires, coûteux et plus ou moins invasifs.

Le problème du monitorage à domicile n'est toujours pas définitivement et unanimement réglé, en ce qui concerne les fratries. Officiellement, la position scientifique est pourtant claire, ce type de surveillance n'apportant aucune sécurité supplémentaire à l'enfant et n'ayant donc aucune indication médicale. Pour certains, l'indication d'aide psychologique pour les parents est suffisamment importante pour qu'ils continuent à proposer cette surveillance. Il faut toutefois souligner qu'un certain nombre de centres ont beaucoup développé cette activité, en faisant parfois leur activité principale et s'orientent vers le monitorage d'autres enfants, prématurés ou enfants ayant présenté des malaises. Même dans ces indications, la surveillance par monitorage à domicile est très contestée. Dans ces cas là, les mises sous moniteur et leur surveillance sont effectuées par le Centre de Référence MSN, même en l'absence d'antécédent familial de décès (quelle menace laisse-t-on alors planer sur les enfants, à quels doutes ouvre-t-on la porte dans l'esprit des parents et des frères et soeurs ?).
Les fratries d'enfants décédés de MSN sont encore parfois monitorés à domicile dans de fortes proportions : plus de 30 % dans 7 Centres. Beaucoup d'autres centres donnent quelques scopes à des enfants fratrie à la demande pressante des parents. Enfin, 3 centres ne donnent aucun moniteur à domicile : Clamart, Grenoble, Nice. Lille est parfois amené à en confier en raison de la proximité de la Belgique où l'indication est excessivement large et où certains parents sont très demandeurs. Enfin, Necker ne dispose pas de moniteur mais oriente les familles demandeuses vers Port-Royal.
Le problème du monitorage des enfants fratrie pose en outre, de lourdes questions d'ordre psychologique. Certains parents racontent rétrospectivement qu'ils ont l'impression d'avoir pendant plusieurs mois surveillé un écran, une machine, pas vraiment leur bébé. D'autres se heurtent à des refus de garde d'enfant, le scope matérialisant l'angoisse déjà bien présente, et se sentent encore un peu plus exclus, en marge, isolés dans leur problème. Enfin, que penser de l'étiquette d'"enfant handicapé" qui est mise sur certains enfants : de manière à ce que les trajets pour surveillance et les achats de matériel soient pris en charge par la Sécurité Sociale, certains centres font des demandes d'allocations spéciales d'enfants handicapés. Quelles conséquences sur le regard porté par les parents et par l'entourage familial sur ces enfants pourtant en pleine santé ?
Le suivi des enfants fratrie est en général poursuivi pendant les premiers mois ou au maximum la première année. En général, les centres affichent une assez grande disponibilité en cas de problème médical rencontré par les familles.

La disparité entre les différents Centres de Référence Régionaux est particulièrement criante en ce qui concerne le suivi de ces familles à long terme et notamment le suivi des fratries. Cela représente pour les parents concernés un risque très important de voir les questions, les doutes se renforcer, et favorise un certain vagabondage médical. Est-ce vraiment acceptable au bout de 14 ans de fonctionnement, de trouver des discordances aussi importantes selon la région où l'on réside ? Les différentes étapes du parcours des parents après le décès d'un bébé, représentent les moments les plus importants où ils tentent de reprendre confiance dans la vie en général et dans la médecine en particulier. Cette disparité est en pratique la meilleure façon de les laisser dans leurs doutes, de renforcer leur inquiétude et leur culpabilité. Ils perçoivent assez rapidement les tensions ou les conflits pouvant exister entre les différentes équipes, ce qui ne fait que renforcer leur isolement. La responsabilité des pouvoirs publics est également à soulever, dans la mesure où en l'absence de moyens spécifiques accordés à ces centres, aucune exigence n'a été imposée quant à un contrôle du travail effectué, et où ils n'ont pas donné d'impulsion à la mise en place d'une réflexion globale au niveau national.

MOBILISATION DES CENTRES DE RÉFÉRENCE SUR LA PRÉVENTION :

Cette enquête a permis aussi d'évaluer la mobilisation des Centres de Référence régionaux vis-à-vis de la prévention. Tous, sans exception, ont déclaré avoir mené des actions d'information vis-à-vis des professionnels de santé (médecins, pédiatres, maternité, réseau PMI, assistantes maternelles, écoles d'infirmières, de puéricultrices, de sages-femmes…) Le nombre d'interventions dans ce cadre est très variable pouvant aller de 1 à 30 par an. Elles sont dans la plus grande majorité des cas menées par le responsable du Centre de Référence, parfois en collaboration avec des parents d'une association proche. Les interventions d'information du grand public ont été un peu moins systématiques : 18 centres sur 30 en ont réalisé.
Le constat fait dans cette enquête de 1999 ne doit pas masquer le retard pris en France dans le domaine de la prévention. Les centres de référence ont-ils été suffisamment moteurs pour obtenir des campagnes grand public ? Ont-ils suffisamment insisté pour persuader les collègues pédiatres et d'une manière générale, tous les professionnels de la petite enfance? Une partie de ce retard trouve sa source dans la grande difficulté à reconnaître les erreurs du passé notamment la recommandation de la position ventrale pendant le sommeil. Au début de ces années de prévention, il a probablement manqué une unanimité suffisante des centres de référence.
Se sont-ils satisfaits du coût dérisoire en terme de santé publique. Environ 6,5 centimes par nouveau-né depuis 1994 résume les dépenses de l'état par cette prévention. L'efficacité de ces campagnes, largement soutenues par des professionnels, des mécènes privés, le bénévolat des associations de parents, a néanmoins permis de sauver 6 500 enfants depuis le début des recommandations de couchage.

PERSPECTIVES

Sur le plan de l'organisation de la prise en charge des enfants décédés et de leur famille, la création en 1986 des Centres de Référence Régionaux a marqué la prise en compte du problème par les pouvoirs publics. Malheureusement, ces structures, pour des raisons multiples (problème de motivation réelle des responsables, manque de moyens financiers et en personnel, absence d'exigences de la part des pouvoirs publics) font encore actuellement la preuve de leurs insuffisances. La disparité flagrante des modes de fonctionnement, des moyens mis en oeuvre pour effectuer la prise en charge du corps de l'enfant, le diagnostic étiologique, pour aider les parents dans l'immédiat et à plus long terme, lors des naissances ultérieures, est à l'évidence un constat difficilement admissible après 14 ans de fonctionnement.
Alors qu'actuellement les chiffres statistiques de la mort subite du nourrisson sont en amélioration, la prise en charge des familles reste bien souvent inadéquate . Quelques propositions sont possibles néanmoins :
profiter de la dédramatisation devenue possible face au risque de la MSN pour améliorer et homogénéiser la prise en charge des enfants et l'accompagnement des parents. Peut-être reste-t-il une motivation suffisante d'une majorité de Centres de Référence (qui souhaitent à une très forte majorité le maintien de cette "étiquette") pour travailler ensemble dans ce but, avec éventuellement une incitation forte de la part du Ministère ou de la Direction Générale de la Santé.
intensifier la prévention, débutée trop tardivement et qui n'a pas encore donné son maximum, notamment en direction des milieux les plus défavorisés et les moins accessibles à ces messages. Cette nécessité ne doit pourtant pas conduire à retomber dans l'amalgame systématique avec la maltraitance. Même si, proportionnellement, les décès surviennent maintenant plus fréquemment dans ces populations, des morts liées à des pathologies mal reconnues et/ou rapidement évolutives devraient pouvoir y être évitées.
les centres de référence peuvent encore avoir un rôle à jouer pour limiter les effets "pervers" de la prévention : par des explications répétées et adaptées, tenter d'effacer les errements multiples de la médecine tant au niveau conceptuel qu'au niveau de la prise en charge vis-à-vis de la MSN, limiter la récupération commerciale des conseils de prévention.
réorientation de la recherche (3) de manière relativement urgente, travailler à comprendre les 350 morts annuelles persistant dans notre pays de façon à tenter d'abaisser encore ce chiffre dans les années qui viennent.
à plus long terme, resituer la mort subite du nourrisson par rapport aux autres circonstances de mort d'enfants tout petits permettrait d'accompagner tous ces parents plus humainement tout au long de leur chemin de deuil.

BIBLIOGRAPHIE

1. AMERICAN ACADEMY OF PEDIATRICS
Changing concepts of Sudden Infant Death Syndrome : Implications for Infant Sleeping Environment and Sleep Position
Pediatrics 2000 ; 105: 650-6

2. Association LE CAIRN "Mort Subite du Nourrisson : Comment vivre sans lui ?"
Collection Vivre et Comprendre, Ellipses 1997

3. BERGMAN AB."Wrong turns in sudden infant death syndrome research"
Pediatrics 1997; 99:119-21

4. BOUVIER-COLLE M-H, VARNOUX N, BOUVIER S, HOLLEBECK V.
"Fréquence des autopsies en France - Conséquences sur l'estimation des taux de mort subite par régions. Résultats d'une enquête épidémiologique sur la mortalité post-néonatale". Arch. Fr. Pédiatr. 1992 ; 49:181-6

5. BRIAND E. "Parents d'un nourrisson mort subitement = un parcours exposé à de nombreux facteurs de survictimation". Mémoire de DU de victimologie, Paris V, 1999

6. BRIAND-HUCHET E., IMBERT M.C, BOUGUIN M.A., DEHAN M. "Mort subite du nourrisson".
Editions Techniques - Encycl. Méd. Chir. (Paris-France), Pédiatrie. 4-013-J-10;1994 : 14 p

7. LEQUIEN P, CARPENTIER C. "Prématurité et syndrome de mort subite du nourrisson - La polysomnographie en question". Arch. Pediatrr. 1999; 6:683-5.

8. RAMBAUD C, IMBERT M.C. "Protocole d'autopsie d'une mort subite du nourrisson".
Ann. Pathol. 1993 ; 13: n°2, 131-4.