FONCTIONNEMENT
DES CENTRES DE REFERENCE POUR LA MSN :
EVIDENTE NÉCESSITÉ, CRIANTE DISPARITÉ
Elisabeth
BRIAND – Hasini RAZAFIMAHEFA – Michel DEHAN
Service de Réanimation
Néonatale
Centre de Référence Mort Subite du Nourrisson – Hôpital ANTOINE BECLERE – CLAMART
La mort
subite d'un bébé est un arrachement dramatique pour ses parents, sa famille.
Comme toute mort d'enfant, elle paraît injuste, inacceptable, c'est un "non-sens"
absolu.. Mais cette mort est un peu particulière car brutale, inattendue, à
première vue complètement incompréhensible, à un âge de totale dépendance de
l'enfant.
Du fait de ces caractéristiques, certains sentiments sont exacerbés :
- la sidération liée à la violence du choc que représente la découverte du décès
ou son annonce. Certains parents ont une très grande difficulté à comprendre
puis à admettre la réalité, ou perdent leurs repères devant cette mort irrationnelle.
A plus long terme, cette violence les laisse particulièrement vulnérables.
- la culpabilité est ici particulièrement intense : à l'âge de la MSN, le petit
nourrisson est principalement dépendant de sa mère pour tout ce qui concerne
sa vie quotidienne et ses besoins immédiats. Elle s'en sent complètement responsable.
Très vite, elle pense qu'elle n'a pas su comprendre son bébé, qu'elle n'a pas
su repérer quelque chose d'anormal et donc, que c'est pour cela qu'il est mort.
La culpabilité est souvent renforcée par le fait de n'avoir pas pu l'accompagner
jusqu'au bout : "il est mort tout seul" ou lorsque les parents ont
minimisé les conseils de prévention qu'ils avaient pourtant lu ou entendu. De
plus, la mise en évidence d'une cause à la mort, ne "déculpabilise"
pas toujours les parents : ce sentiment est tellement présent, qu'il ne demande
qu'à se renforcer lorsqu'on trouve une pathologie qui d'habitude laisse le temps
d'être reconnue et d'être traitée. Les explications médicales indispensables
sont souvent bien impuissantes à éviter ce renforcement de la culpabilité.
- l'identité même de parents est également bousculée ("parents sans enfants"
?), renforçant leur solitude dans ce deuil.
Une prise en charge médicale organisée, spécifique, réfléchie, est donc nécessaire
et doit s'adapter à chaque situation familiale particulière. Il s'agit aussi,
du point de vue médical et scientifique, de se donner avec rigueur tous les
moyens de comprendre les causes et les mécanismes de chacun de ces accidents
pour mieux appréhender ce phénomène et adapter les pistes de prévention.
CREATION DE
STRUCTURES D'ACCUEIL ADAPTÉES : LES CENTRES DE RÉFÉRENCE
A l'initiative
de quelques pédiatres très impliqués dans ces prises en charge au début des
années 80 et en raison d'une forte augmentation du nombre de cas enregistrés
à cette période, un groupe de travail à la Direction Générale de la Santé a
été constitué en 1983, composé d'experts en matière de MSN et de représentants
des différentes administrations concernées. Le constat des difficultés de prise
en charge a été suivi de recommandations par ce groupe de travail : le Ministère
de la Santé a alors organisé un dispositif à l'échelon régional.
La circulaire DGS/DH/225/2B du 14 mars 1986 "relative à la prise
en charge par les établissements d'hospitalisation publique des problèmes posés
par la mort subite du nourrisson" a précisé le cadre du dispositif. Elle
a été complétée par une deuxième circulaire n°919 du 23 décembre 1987 désignant
nommément les services concernés. Ces textes ont donc créé des Centres de
Référence Régionaux dont les missions étaient précisées :
- jouer un rôle d'animation en matière de soins, de recherche et d'enseignement,
- apporter un appui technique aux équipes et professionnels de santé confrontés
à ce problème,
- diffuser auprès des équipes hospitalières et du corps médical toute information
utile,
- organiser une surveillance par monitorage à domicile lorsque celle-ci s'avère
nécessaire et évaluer son efficacité.
Il était d'emblée prévu que ces centres n'assureraient pas la prise en charge
systématique et directe de tous les enfants mais pouvaient travailler en coordination
avec des services pédiatriques de premier accueil. Le texte charge également
les centres hospitaliers régionaux d'assurer les dépenses liées au monitorage
à domicile et les oblige à assurer la prise en charge financière des frais de
transport, des examens complémentaires et d'autopsie des enfants décédés, sans
qu'il y ait lieu ni à avance de frais, ni à participation financière des familles.
Ainsi, ont été désignés 30 Centres de Référence Régionaux, après proposition
des DRASS, et avec l'accord des chefs de services concernés : 28 en métropole,
1 par région administrative, 2 pour certaines régions (Bretagne, PACA), 3 pour
d'autres (Ile de France, Rhône Alpes) et 2 pour les D.O.M. (Réunion, Antilles).
Les Centres de Référence Régionaux fonctionnent donc depuis maintenant 14 ans
mais des difficultés persistent. En effet, les services désignés n'ont guère
bénéficié de moyens spécifiques ni en budget, ni en personnel. L'organisation
de chaque centre a été laissée à l'initiative du responsable de chaque service,
et reflète donc leur motivation, pour cette activité difficile, exigeante, "chronophage",
et toujours déstabilisatrice pour les équipes. Il persiste une disparité importante
de fonctionnement entre les différents Centres de Référence, ce qui induit une
certaine inégalité voire injustice vis-à-vis des familles selon l'endroit où
elles sont accueillies.
En 1986, il n'existait quasiment aucune piste précise de "prévention"
de la MSN, ce terme n'apparaît pas dans le texte des circulaires officielles
comme mission des centres de référence. Ceux-ci y participent depuis maintenant
plusieurs années, là encore de façon assez inégale.
FONCTIONNEMENT
ACTUEL DES CENTRES DE RÉFÉRENCE :
MÉTHODE D'APPROCHE
: ENQUETE 1999 ET EXPÉRIENCE PRATIQUE
Nous
avons mené en 1999 une enquête par questionnaires au niveau des 30 Centres de
Référence Régionaux désignés officiellement, pour connaître leurs conditions
de prise en charge des parents, leurs difficultés, leurs orientations et leur
évolution depuis 1986 ainsi que leurs projets (5). Les questions ont été posées
par téléphone au responsable du centre de référence ou à un de ses "délégués",
dans le courant de mai-juin 1999, à l'exception de trois réponses par fax ou
courrier.
Pour
évaluer le parcours des parents, la méthodologie est plus difficile. Il n'est
pas possible actuellement, puisqu'il n'y a pas de registre officiel de la MSN,
de contacter un échantillon représentatif de parents victimes de la mort subite
de leur bébé. C'est pourquoi nous nous sommes appuyés d'une part sur l'expérience
acquise au sein du Centre de Référence de Clamart, et d'autre part, sur des
témoignages recueillis au sein des associations de parents.
Le Centre de Référence MSN de Clamart en région parisienne a reçu un peu plus
de 850 familles depuis sa création en 1986 dont environ 530 au moment même du
décès, et un peu plus de 300 autres familles secondairement, des semaines, des
mois, voire des années après la perte d'un bébé (soit que les parents aient
été accueillis ailleurs au moment du décès, soit qu'ils n'aient bénéficié d'aucune
prise en charge). Il s'agit dans ces cas de jouer un rôle de conseil, pour aider
les parents à avancer dans leur projet, bien souvent celui d'une autre grossesse,
qui, ravivant les questions, les amène à venir consulter. Ce travail nécessite
de revenir, tant sur le plan médical (activité de type "conseil génétique")
que sur le plan psychologique, sur l'histoire de l'enfant décédé et donne l'occasion
d'écouter ce que les parents disent de leur accueil, de leurs questions et de
leur souffrance. Etant également impliquée dans l'association Le Cairn et la
Fédération Naître et Vivre, j'y ai rencontré d'autres parents de toutes régions,
témoignant leurs conditions d'accueil. Il ne s'agit pas d'en tirer des généralités
sur l'activité de tel ou tel service d'accueil, car ces histoires sont très
ponctuelles, personnelles et ne reflètent probablement pas la réalité du fonctionnement
d'un centre de manière générale. Toutefois, on peut s'en servir comme exemples
de dysfonctionnements, avec réserve et nuance.
RESULTATS QUANTITATIFS
PORTANT SUR LES 30 CENTRES DE RÉFÉRENCE
Le
nombre d'enfants décédés accueillis dans les Centres de Référence, donné
pour les "pires" années et pour 97-98 sont pour certains des chiffres
très précis, pour d'autres un ordre de grandeur. Un calcul rapide permet d'estimer
le pourcentage d'enfants décédés en France qui ont été accueillis directement
dans les Centres de Référence ou qui y ont été adressés pour autopsie après
un premier accueil dans un centre hospitalier périphérique :
- Pour l'année 91, 50 % : environ 738/1464 (source INSERM SC8).
- Pour l'année 97, 60 % : environ 215/360.
Dans tous les centres a été enregistrée une diminution importante du nombre
enfants accueillis (en chiffre absolu) parallèlement à l'efficacité des campagnes
de prévention. Pour certains centres, la diminution a été sensible bien que
le territoire couvert géographiquement se soit élargi. Cette progression du
pourcentage d'enfants accueillis au moment du décès dans les Centres de Référence
est appréciable, et traduit vraisemblablement une meilleure information des
services d'urgence dans l'immédiat, ainsi que des structures d'accueil périphériques.
Mais parmi les 40 % restant (soit 145 enfants) il reste impossible de préciser
quelle proportion sont accueillis dans des services hospitaliers de proximité,
et combien sont encore laissés à domicile.
Dans
chaque région, la couverture géographique des Centres de Référence a été
précisée. Plusieurs constatations en découlent :
- la
désignation des Centres de Référence en 86 s'est faite plus sur l'intérêt
que portaient certains services de CHU à ce problème que sur la surface de
territoire que pouvait réellement couvrir une structure d'accueil. En effet,
certaines régions comptant 6 ou 7 départements, donc très étendues, n'ont
qu'un seul Centre de Référence (par exemple l'Aquitaine, Bourgogne, Centre,
Midi-Pyrénées...), alors que certaines régions, parfois nettement moins étendues
ont été subdivisées avec création de plusieurs Centres de Référence (Bretagne,
Pays de Loire, PACA..).
- indépendamment
de ce phénomène, les responsables des centres disent couvrir leur territoire
de façon plus ou moins exhaustive, parfois seulement leur agglomération urbaine.
- dans
certaines régions, d'autres hôpitaux généraux assurent l'accueil de départements
entiers, ou plus souvent de leur secteur géographique propre. Ces services
d'accueil fonctionnent parfois avec une sorte de délégation de la part du
Centre de Référence. D'autres centres hospitaliers généraux semblent fonctionner
de manière encore plus indépendante, sans lien particulier avec le Centre
de Référence.
- la
région Ile de France est un cas particulier : elle dispose de 3 Centres de
Référence (Clamart, Necker Enfants-Malades, Port-Royal) au lieu des 5 initialement
prévus. Port Royal ne reçoit aucun enfant décédé, et concentre son activité
sur le suivi des fratries. Outre les 2 autres Centres de Référence, la prise
en charge des enfants décédés est répartie, en lien avec les SAMU de la région,
de façon assez sectorisée, grâce à l'appui très efficace de certains hôpitaux
d'accueil : Robert Debré, hôpital Inter Communal de Créteil , hôpital Jean
Verdier à Bondy, l'hôpital de Neuilly, les hôpitaux généraux de Seine et Marne,
d'Evry, d'Orsay, de Mantes, Poissy, Pontoise et St Germain. C'est donc grâce
à ces services qui ne sont pas officiellement désignés que la quasi exhaustivité
des enfants décédés en Ile de France, peuvent être pris en charge avec réalisation
d'une autopsie.
Pour apprécier la réalité de la couverture régionale par les Centres de Référence
Régionaux, il est intéressant de croiser les données obtenues par ce questionnaire
avec les chiffres fournis par l'unité SC8 de l'INSERM pour 1997, concernant
les déclarations de MSN par régions (dans les limites strictes 0-1 an). Cette
comparaison donne une idée du niveau d'exhaustivité de chaque Centre de Référence,
et des efforts qui pourraient rester à accomplir (cf tableau I).
Tableau
1
MSN : Chiffres Annuels
|
Centres
de Référence
|
INSERM
(
0 - 1 an )
|
|
1990
/ 92
|
1997
|
1998
|
1997
|
Alsace
|
Strasbourg
|
39
|
8
|
6
|
9
|
Aquitaine
|
Bordeaux
|
5
|
2
|
2
|
9
|
Auvergne
|
Clermont
- Fd
|
20
|
5
|
5
|
4
|
Bourgogne
|
Dijon
|
20
|
8
|
6
|
8
|
Bretagne
|
Brest
|
30
|
9
|
4
|
14
|
|
Rennes
|
20
|
6
|
6
|
|
Centre
|
Tours
|
37
|
14
|
13
|
20
|
Champagne
Ardennes
|
Reims
|
26
|
3
|
5
|
8
|
Franche
comté
|
Besançon
|
20
|
8
|
5
|
10
|
Ile
de France
|
Necker
E. - M.
|
60
|
7
|
6
|
|
|
Port
Royal
|
0
|
0
|
0
|
82
|
|
Clamart
|
53
|
25
|
30
|
|
Languedoc
Roussillon
|
Montpellier
|
25
|
6
|
6
|
10
|
Limousin
|
Limoges
|
10
|
3
|
3
|
2
|
Lorraine
|
Nancy
|
35
|
5
|
5
|
15
|
Midi
Pyrénnées
|
Toulouse
|
18
|
4
|
4
|
7
|
Nord
Pas de Calais
|
Lille
|
43
|
20
|
30
|
33
|
Basse
Normandie
|
Caen
|
30
|
10
|
10
|
12
|
Haute
Normandie
|
Rouen
|
40
|
6
|
6
|
9
|
Pays
de Loire
|
Nantes
|
30
|
10
|
7
|
30
|
|
Angers
|
25
|
5
|
5
|
|
Picardie
|
Amiens
|
16
|
3
|
0
|
18
|
Poitou
Charentes
|
Poitiers
|
20
|
12
|
10
|
8
|
PACA
+ Corse
|
Marseille
|
8
|
6
|
4
|
16
+ 0
|
|
Nice
|
20
|
5
|
5
|
|
Rhônes
Alpes
|
Lyon
|
41
|
12
|
12
|
|
|
Saint
Etienne
|
12
|
3
|
3
|
35
|
|
Grenoble
|
25
|
6
|
8
|
|
La
Réunion
|
Saint
Denis
|
10
|
3
|
1
|
1
|
Antilles
Guyane
|
Fort
de France
|
7
|
1
|
1
|
|
Total
INSERM
|
|
|
|
|
360
|
Les
chiffres des centres de référence sont des ordres de grandeur à l'exception
des chiffres en gras
qui sont des chiffres exacts.
En
ce qui concerne la réalisation des autopsies, les
Centres de Référence déclarent un pourcentage qui est globalement élevé, allant
de 50 à 100 % des enfants admis. Il faut toutefois moduler ces données par le
fait que dans un certain nombre de régions, l'autorisation d'autopsie est demandée
dès le domicile par le SAMU. En cas de refus, l'enfant n'est pas transporté
et est alors laissé à domicile, sans aucune prise en charge hospitalière de
Centres qui affichent pourtant un taux d'autopsie de 100 %.
Pour beaucoup de Centres de Référence provinciaux, il est nécessaire de faire
la distinction entre les décès survenus dans les grandes villes et ceux survenus
dans des régions rurales. En effet, dans les grandes villes, l'intervention
des Pompiers et des SAMU permet une meilleure prise en charge, un transport
à l'hôpital plus facile et dans la plupart des cas l'acceptation par les parents
d'une autopsie. Pour les enfants décédés à la campagne, dans des villages, c'est
souvent un médecin généraliste qui intervient dans l'immédiat, et l'arrivée
du corps dans un centre hospitalier même plus proche du domicile des parents
est beaucoup plus incertaine. Il persiste un gros effort d'information à faire
pour les familles et les médecins concernés dans ces secteurs. Cela est toutefois
réalisable à condition d'y mettre beaucoup d'énergie : l'exemple de la région
des Pays de Loire est assez intéressant puisque autour d'Angers et de Laval
tous les généralistes ont reçu des informations précises et que le transport
des enfants dans les centres hospitaliers se fait depuis de façon quasi exhaustive
sur la Mayenne et le Maine et Loire.
Il semble toutefois que cette difficulté constatée par les responsables de Centre
de Référence depuis 1986 a très peu évolué dans la plupart des régions.
Il faut rappeler que certains Centres d'accueil périphériques réalisent des
autopsies, parfois de très bonne qualité et ne sont pas comptabilisés dans cette
enquête (par exemple, Bondy, Chambéry, Créteil, Tarbes...). La proportion d'autopsie
paraît pouvoir être estimé en 97-98 à environ 50 % des enfants décédés
de MSN en France. Ce taux d'autopsie est une amélioration certes sensible bien
que tout à fait insuffisante depuis les dernières estimations connues : une
enquête de l'INSERM menée par M.H. Bouvier-Colle et coll. en 1986-87 faisait
état d'une moyenne nationale de 31 % (4). Ce point avait été mis dans les priorités
par le Directeur Général de la Santé dans une note d'octobre 1991 pour faire
évoluer la législation sur le transport de corps, pour élargir l'information
des praticiens appelés auprès des familles et pour augmenter les vacations d'anatomopathologie.
Il semble que les efforts tentés dans ce domaine aient été insuffisants ou qu'ils
n'aient pas porté tous les fruits escomptés... Rappelons que dans certains autres
pays d'Europe, l'autopsie est obligatoire, leur permettant d'afficher des taux
de 100 % d'autopsie dans les MSN. Toutefois, il s'agit souvent d'autopsies médico-légales,
qui sont parfois complétées par une autopsie médico-scientifique mais dont la
qualité n'est pas homogène.
Les moyens dont disposent les Centres de Référence ont été répertoriés.
Cette tâche est assez rapide puisque dans l'ensemble il sont très précaires.
Tous les centres mobilisent évidemment les moyens du service où ils sont implantés,
tant sur le plan humain que sur le plan financier.
Sur le plan du personnel :
-
10 centres (33 %) n'ont aucun moyen en personnel spécifiquement attribué
à la MSN.
-
12 centres ont quelques vacations médicales attribuées à cette activité allant
de 2 vacations par semaines à un poste de PH temps partiel ; un seul Centre
dispose d'un poste de PH temps plein dont seulement une partie est concernée
par cette activité.
-
12 centres ont des vacations de psychologue, de pédopsychiatre, ou de psychiatre,
attribuées à la MSN : de 1 vacation/semaine à un poste mi-temps.
-
11 centres ont un poste de puéricultrice, allant d'un mi-temps jusqu'à deux
puéricultrices temps plein (il s'agit de centres ayant une forte activité
de monitoring à domicile).
-
il n'y a pas de poste d'anatomopathologiste spécifiquement attribué à la MSN
(sauf 3 vacations/semaine à Poitiers) : il s'agit le plus souvent de médecins
formés à cette activité qui travaillent dans un service d'anatomopathologie
hospitalier et qui consacrent une part plus ou moins importante de leur activité
à cette cause.
-
6 centres ont un temps partiel de secrétaire attribué à la MSN.
Ce
rapide tour d'horizon montre la grande pauvreté des moyens spécifiquement attribués
à l'activité concernant la MSN, avec une hétérogénéité particulièrement frappante.
Tous les responsables ont souligné que les postes dégagés pour cette activité
venaient en déduction de l'activité d'un service de pédiatrie, de néonatologie
ou de réanimation, avec les difficultés de choix que cela comporte.
Tous
les centres fonctionnent sur le budget du service hospitalier dont ils dépendent.
Très peu ont obtenu ou ont demandé des subventions propres à l'activité MSN
:
-
3 centres ont une subvention de leur Conseil Général (Grenoble sous la forme
d'un demi poste de puéricultrice, Angers bénéficie d'une subvention de la
PMI, et Clamart sous la forme d'une subvention annuelle, actuellement en diminution).
Aucun ne reçoit de financement des Conseils Régionaux.
- 2
centres sont reconnus dans l'hôpital sous la forme d'unité fonctionnelle :
Amiens et Nantes.
- Enfin,
1 centre a un statut original : Montpellier est implanté dans une pouponnière
de la CRAM, et travaille dans le cadre d'une convention avec le CHU.
Au
total 26 centres sur 30 n'ont aucune subvention spécifiquement attribuée
à la MSN (87 % des Centres de Référence).
LES ETAPES DE LA
PRISE EN CHARGE, EN PRATIQUE (2, 5, 6)
Sur
le lieu du décès, et le problème du transport
Il est
évidemment souhaitable qu'intervienne très rapidement sur les lieux une équipe
de secours qui connaisse bien le problème de la MSN, l'organisation régionale,
et qui soit humainement capable d'affronter la situation pour la famille et
pour eux-mêmes. Le contexte de cette intervention est toujours très difficile.
Dans les grandes villes, l'intervention d'un SMUR pédiatrique est rarement possible,
ce sont en général des équipes de SMUR adulte qui interviennent en premier ou
en relais après les Sapeurs Pompiers. Dans les secteurs plus éloignés, il s'agit
souvent d'un généraliste qui organise un transport par ambulance. Notons l'initiative
d'Amiens où un pédiatre part avec l'équipe du SMUR adulte.
La réalisation de manoeuvres de réanimation ne pose pas de question lorsque
l'arrêt cardio-respiratoire paraît récent. Dans le cas où le décès est évident,
l'attitude est beaucoup plus discutée. Dans un tiers des régions, les médecins
de SAMU effectuent des gestes de réanimation de manière systématique quel que
soit l'état de l'enfant, en pensant qu'il est important pour les parents que
tout ait été tenté, et aussi pour prendre un peu de temps pour eux-mêmes avant
d'annoncer le décès. Ailleurs, il arrive qu'aucun geste ne soit entrepris lorsque
le décès est évident. Manifestement, cette attitude correspond à une appréciation
personnelle du réanimateur qui intervient, selon son expérience et la manière
dont il apprécie l'état de l'enfant et le degré de prise de conscience des parents
face à la mort.
Dans une majorité des régions (20 centres sur 30) le transport est systématique
lorsque le SAMU intervient. Les parents sont informés de la nécessité du transport
vers un service hospitalier, afin qu'ils soient accueillis et que l'on tente
de comprendre de quoi leur enfant est décédé. Il est alors évoqué la possibilité
de réaliser des examens complémentaires, la plupart du temps sans parler encore
d'autopsie. Dans les autres régions, ou lorsque c'est un médecin généraliste
qui intervient sur place, le transport n'est pas systématique : l'autopsie est
alors souvent proposée aux parents dès l'annonce du décès. S'ils refusent cette
proposition, l'enfant est laissé à domicile ou éventuellement transporté dans
un funérarium par les services autorisés. Cette pratique reste encore trop fréquente
et va à l'encontre de tout ce que l'on peut souhaiter comme prise en charge
pour les parents : comment imaginer qu'en une demi heure ils puissent réaliser
que leur bébé va mal, puis que leur bébé est mort, puis que l'on va pratiquer
une autopsie ? En effet, même si ultérieurement les parents refusent l'autopsie,
il est tout à fait essentiel pour eux qu'ils soient reçus et accompagnés par
une équipe qui connaisse le problème de la MSN, et qui réalise au moins un bilan
paraclinique.
La déclaration du décès et le transport du corps restent deux étapes pour lesquels
un certain bricolage est toujours de mise. Depuis 1986, les difficultés persistantes
avaient amené une commission ministérielle à réfléchir en 92-93 sur ce problème,
ce qui a abouti au décret n° 96-141 du 21 février 1996 "relatif au transport
de corps vers un établissement de santé en modifiant le code des communes".
Manifestement, lorsqu'il s'agit d'un transport SAMU, la démarche antérieure
continue d'être utilisée par une très forte majorité des centres : transport
médicalisé dans l'ambulance des Pompiers ou du SAMU, l'enfant n'étant pas encore
déclaré décédé, ce qui permet de l'amener rapidement, dans un délai d'une à
deux heures après la découverte, dans le service d'accueil où il pourra être
admis en hospitalisation. Il y sera déclaré décédé quelques minutes plus tard.
La déclaration de décès sera donc signée dans la commune de l'hôpital et non
pas dans la commune du lieu de l'accident.
Le décret a toutefois amélioré les conditions de transport pour deux types de
situations : d'une part lorsqu'un médecin généraliste intervient à domicile
et qu'il souhaite faire transporter le corps à l'hôpital, les deux modalités
de transport peuvent être utilisées, médicalisée ou officielle. D'autre part,
lorsque l'enfant a été amené dans un premier temps dans un hôpital général périphérique
et que l'on souhaite transporter le corps au niveau du Centre de Référence pour
autopsie, le décret a permis une certaine souplesse en allongeant notamment
le délai légal d'aller-retour éventuel du corps.
La qualité de ces interventions d'urgence est bien sûr fondamentale. Non seulement
les intervenants doivent être parfaitement informés, ou capables de se renseigner
très rapidement sur la marche à suivre, mais ils doivent pouvoir faire preuve
d'une empathie suffisante pour accompagner les parents dans ces moments extrêmement
difficiles.
La réalité en est parfois bien éloignée: intervention d'un médecin traitant
ou d'un SAMU absolument pas au courant de la marche à suivre, ou trop pressé.
Certains établissements de soins, telles que les cliniques privées ou même des
hôpitaux où les parents se précipitent parfois, ne sont pas du tout au courant
des possibilités de prise en charge. Rappelons que le Centre 15 départemental
doit pouvoir les indiquer.
D'autre part l'aspect humain dans ce type d'intervention est primordial.
La méconnaissance ou l'incapacité des premiers intervenants à orienter correctement
les parents dans ce type de situation est lourd de conséquences. Bien sûr, pour
la plupart des intervenants, il s'agit d'une expérience très ponctuelle et très
exceptionnelle dans leur vie professionnelle. Ils n'ont généralement pas pu
passer du temps à se former ou à anticiper ce type d'intervention. On pourrait
simplement insister sur une réflexion minimale : que souhaiteraient-ils entendre
s'ils étaient eux-mêmes à la place des parents ?
L'accueil
à l'hôpital
L'enquête confirme que dans la plupart des services, l'accueil des parents
est le plus rapide possible. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un transport secondaire
à partir d'un autre hôpital, où d'un enfant adressé depuis une longue distance,
il arrive que les parents ne soient vus que le lendemain voire au bout de quelques
jours pour les premiers résultats.
Dans la plupart des Centres de Référence, le corps de l'enfant est amené dans
un service d'hospitalisation où c'est un médecin senior ou le responsable du
centre lui-même qui s'occupe de l'examen clinique et des prélèvements. De façon
plus exceptionnelle, il peut s'agir d'un(e) infirmier(ère), d'un interne.
En général, les parents sont reçus d'emblée par un médecin expérimenté, pédiatre
senior de garde ou par le responsable du Centre de Référence lui-même : celui-ci
est rarement dérangeable 24 heures/24, mais reçoit les parents le lendemain
d'un accueil immédiat par un collègue de garde sur place.
La répartition de cette prise en charge entre deux médecins du même service
est parfois judicieuse : les examens sont pratiqués par l'un d'entre eux sans
délai (examens biologiques plus fiables), pendant que l'autre reçoit les parents
dès leur arrivée, puis les accompagne auprès de leur bébé (pas d'attente supplémentaire).
Cela permet aussi de partager la charge émotionnelle de ce travail d'accueil
et d'avoir un dialogue immédiat autour des arguments diagnostiques.
Les parents sont toujours reçus dans un bureau médical, le bébé dans une pièce
spécifique : les locaux d'accueils sont extrêmement variés, selon que le Centre
de Référence dépend d'un service d'urgence, d'un service d'hospitalisation de
nourrissons ou d'un service de réanimation. Tous s'efforcent d'installer les
parents et l'enfant dans un endroit un peu à part, calme, éloigné des salles
d'attente. Peu de services estiment que leurs locaux sont vraiment satisfaisants.
A noter à Angers, une maison funéraire où l'accueil est particulièrement soigné,
avec des pièces où les parents peuvent rester un long moment à côté de leur
enfant, dans un cadre rendu calme et serein. Même si beaucoup d'efforts pourraient
être faits dans les conditions matérielles de l'accueil, il restera toujours
que ces situations sont vécues de façon très difficile : c'est la mort qui fait
irruption dans le service, qui touche des parents que l'on ne connaît pas, que
l'on découvre au pire moment de leur vie, et ce ne sont vraisemblablement pas
les seules conditions matérielles qui rendront cet accueil plus facile à gérer
pour les équipes. Dans certains Centres, le corps n'est d'ailleurs pas amené
dans un service mais directement à l'amphithéâtre de l'hôpital, de manière à
ne pas trop bouleverser l'activité du service.
La
démarche médicale est assez simple dans son principe, visant à poser un diagnostic
étiologique à cette mort subite par une enquête clinique, un examen clinique,
des examens paracliniques et une autopsie. L'accompagnement des parents est
sûrement le versant le plus spécifique et le plus délicat. Ici aussi, un certain
savoir faire des équipes est précieux, même si la priorité est de s'adapter
à chaque situation, à chaque famille. Parmi les difficultés rencontrées :
- le médecin peut être dépassé par les réactions des parents parfois
difficile,
- les parents n'ont pas toujours vraiment compris (admis ?) que leur bébé était
mort avant d'arriver à l'hôpital,
- nécessité d'expliquer aux parents quelques problèmes administratifs, notamment
le lieu et l'heure de la déclaration de décès quand le transport s'est effectué
de façon "médicalisée".
La plupart
des Centres de Référence travaillent avec un(e) psychologue, un(e) pédopsychiatre
ou un(e) psychiatre. La plupart du temps, les entretiens ont lieu à la demande
des parents, rarement d'emblée. Dans 5 centres, les parents le (la) rencontrent
de manière systématique. Dans un centre, la psychologue et le médecin mènent
conjointement l'entretien avec les parents. Deux Centres disent n'avoir aucune
possibilité de consultation "psy". Le rôle de soutien de ce "psy"
vis à vis de l'équipe d'accueil est très peu institutionnalisé et n'est effectif
que dans 14 centres.
Quelques responsables acceptent de rencontrer les grands parents si l'occasion
se présente. Plus nombreux sont ceux qui reçoivent les frères et soeurs aînés
et les assistantes maternelles chez qui s'est passé l'accident.
L'autopsie
D'un point de vue médical et scientifique, l'autopsie est indispensable
à la compréhension de la cause du décès et à la réflexion sur de nouvelles pistes
de recherche. Néanmoins, elle n'est pas obligatoire en France. La décision appartient
aux parents, qui devront en signer l'autorisation. Cette décision est toutefois
bien difficile à prendre pour des parents qui viennent à peine de réaliser la
mort de leur bébé, il faut donc leur en expliquer l'intérêt, avant tout pour
eux-mêmes. L'image de l'autopsie dans le grand public est très violente, il
n'est pas rare qu'ils imaginent un examen effrayant sur le corps de leur bébé,
il est donc indispensable de répondre à leurs questions et de les rassurer,
et/ou de leur laisser un délai de réflexion de quelques heures. Les résultats
qui parviennent en deux temps, macroscopiques puis histologiques, doivent être
expliqués aux parents, qui auront été prévenus des délais prévisibles d'attente
des résultats.
Dans
l'enquête, tous les responsables de Centre de Référence pensent que l'autopsie
apporte des arguments décisifs, avec toutefois quelques nuances pour certains
: "on l'espère", "c'est décisif si cela confirme l'absence de
cause", "ce n'est utile que si ce n'est pas une MSN"... Dans
23 centres, c'est le médecin senior d'accueil qui commence à évoquer l'autopsie
et le plus souvent c'est le responsable du Centre de Référence qui fait ensuite
signer d'autorisation aux parents. Les 7 autres centres laissent le soin au
SAMU d'obtenir cette autorisation sur place. Le pourcentage d'accord des parents
est donc extrêmement variable : il est évident que lorsque cet examen est proposé
posément, dans le cadre hospitalier, par un médecin convaincu de son importance,
qui sait exactement comment l'autopsie sera pratiquée, qui prend du temps pour
répondre aux questions, l'examen est accepté beaucoup plus fréquemment.
Dans la plupart des centres, l'autopsie est réalisable dans les 24 ou 48 heures.
Tous ont souligné l'impossibilité de cet examen pendant les week-end et les
jours fériés. Le délai de réponse de la macroscopie est très rapide. Pour les
résultats d'histologie, les délais sont en général compris entre 1 mois et 3
mois. De nombreux centres mentionnent un délai d'obtention des résultats histologiques
du cerveau, parfois très long, de l'ordre d'un an.
Dans la quasi totalité des Centres de Référence, l'autopsie est réalisée par
un anatomopathologiste spécialisé. Mais quelques centres travaillent avec des
anatomopathologistes, parfois à l'extérieur de l'hôpital qui n'ont pas de formation
spécifique et qui ne sont pas toujours les mêmes à assurer ce type d'autopsie.
Enfin, dans un centre, il n'y a pas d'histologie possible, c'est le pédiatre
lui-même qui réalise l'examen macroscopique.
La qualité de l'autopsie est jugée bonne ou au moins correcte par la quasi totalité
des responsables de Centre de Référence. Même si la qualité de ces examens anatomopathologiques
reste encore assez hétérogène, il faut souligner qu'il s'agit quasiment du seul
domaine qui, depuis plusieurs années, fait l'objet d'un protocole commun de
la part d'une majorité d'équipes (8).
De nombreux centres menaient un staff de confrontation anatomo-clinique dans
les années passées. Cette habitude se perd avec la raréfaction des cas de MSN,
remplacée si besoin est, par une discussion téléphonique du dossier. Certains
services maintiennent un staff annuel de manière à classer les diagnostics retenus
selon la classification de Sheffield. Dans 6 centres, est maintenu un staff
anatomo-clinique pour chaque dossier. Dans 6 autres centres, les résultats anatomopathologiques
sont considérés comme un examen complémentaire parmi d'autres et ne donnent
pas lieu à une discussion diagnostique.
Les résultats complets sont en général donnés aux parents par le responsable
du Centre de Référence en personne. Ainsi, les parents sont vus en moyenne trois
fois à la suite du décès : dans les heures qui suivent et/ou le lendemain, puis
quelques jours plus tard et une troisième fois pour les résultats définitifs.
Dans la majorité des centres, les parents peuvent avoir facilement des contacts
téléphoniques avec le médecin qui les a accueillis.
De
nombreuses difficultés concernent l'autopsie :
-
la formulation de la demande et le temps passé à l'expliquer semblent des
critères fondamentaux pour en obtenir l'autorisation.
- une
demande faite sans y croire n'est à l'évidence pas convaincante.
- avec
du recul, beaucoup de parents qui avaient refusé cet examen disent regretter
cette décision, lorsqu'ils perçoivent qu'en l'absence de diagnostic étiologique
précis, peu de réponses peuvent être apportées à leurs interrogations. Ceux
qui ont accepté l'autopsie regrettent exceptionnellement leur décision, sauf
dans deux circonstances : quand ils comprennent que l'examen réalisé a été
très succinct (pas d'histologie, médecin peu formé...), ou lorsque le diagnostic
posé laisse finalement planer plus de doutes que de réponses.
L'orientation
médico-légale
Parmi les situations qui évoquent a priori une MSN, il existe des cas où
des doutes apparaissent : en reconstituant l'histoire de l'enfant de la famille
et les circonstances du décès, on se pose la question d'une possibilité de sévices,
de négligences ou de défaut de soins. La responsabilité des parents ou d'une
tierce personne (nourrice, mari de la nourrice, baby-sitter...) peut être engagée.
En cas de signalement médico-légal, le décès fera l'objet d'une enquête de police
et dans la quasi totalité des cas, une autopsie médico-légale est ordonnée par
le procureur. Son but est de répondre à la seule question : s'agit-il d'une
mort naturelle ou pas ?
Pour la plupart des centres, il s'agit de situations rares voire exceptionnelles.
Lorsque la Police intervient d'emblée sur place, le corps est rarement transporté
dans le Centre de Référence et la situation échappe totalement à toute prise
en charge médicale.
Pour certains centres, la situation devient actuellement préoccupante avec un
pourcentage croissant de cas douteux. En effet, la réduction de 75 % des chiffres
de MSN concerne à l'évidence les morts naturelles. Les campagnes de prévention
ont peu d'influence sur les situations douteuses : leur proportion dans le cadre
de la MSN est donc susceptible d'augmenter fortement. Ceci est un problème de
plus en plus fréquent dans quelques centres : Amiens, Clamart, Lille, Lyon,
Nancy, Nice. Les autres ne signalent pas d'inquiétude particulière pour le moment.
L'autopsie médico-légale, donc imposée aux parents, est pratiquée par un médecin
légiste : le plus souvent, il s'agit d'un médecin de l'institut médico-légal,
situé dans les plus grosses agglomérations à l'extérieur de l'hôpital. Parfois,
le médecin légiste fait cette autopsie dans le même hôpital et peut alors la
réaliser avec l'anatomopathologiste qui aurait fait cette autopsie de manière
scientifique. La plupart du temps, il n'y a pas d'histologie, les résultats
ne sont pas communiqués de façon officielle, ni aux parents, ni aux médecins
et les parents sont perdus de vue par le Centre de Référence. Finalement, seuls
quelques centres arrivent à maintenir dans ce cas un contact avec les parents.
Les relations avec les autorités judiciaires sont dans l'ensemble assez difficiles
dans les grandes villes. Les centres où le dialogue est facile avec les procureurs
sont ceux où le même médecin, Chef de Service, est amené à discuter fréquemment
des dossiers dans le cadre de la prise en charge de la maltraitance à enfant.
Partout, les situations les plus préoccupantes sont celles où un signalement
médico-légal est fait alors qu'il s'agissait d'une mort subite "habituelle",
c'est à dire une mort naturelle. Cette procédure est en effet complètement désastreuse
pour le suivi des familles, car les parents n'obtiennent aucun diagnostic médical,
restent sans informations et vivent particulièrement mal l'enquête policière,
l'accueil absolument scandaleux dans certains Instituts médico-légaux. Il serait
donc tout à fait souhaitable que les situations complexes soient d'abord évaluées
dans les Centres de Référence, qui pourront faire la part des choses et signaleront
aux autorités judiciaires les situations réellement suspectes, en se basant
sur des arguments cliniques, biologiques et radiologiques. En effet, la première
impression sur les lieux du décès peut être trompeuse : milieu social défavorisé,
parents sidérés semblant hébétés, sans réaction, d'autres peuvent réagir d'emblée
avec une agitation extrême, une colère et une violence troublante. Cela ne prouve
en rien qu'ils soient suspects, mais seulement qu'ils sont très profondément
atteints.
L'expérience montre qu'en cas d'action en justice (autopsie médico-légale, mais
aussi dans le cas où les parents portent plainte contre quelqu'un qu'ils pensent
responsable), les délais très prolongés semblent suspendre, ou au moins, retarder
la mise en route d'un processus de deuil, de toute manière déjà bien difficile.
Le risque est grand d'évoluer alors vers un deuil pathologique.
Le
suivi des familles (2)
A la suite d'un décès aussi brutal et violent, le processus de deuil est
souvent difficile. La médecine qui n'a pas pu empêcher le décès d'un enfant
apparemment bien portant, ne peut à l'évidence pas suffire à résoudre un tel
deuil. Les parents vont avoir à mobiliser leurs ressources personnelles, à se
faire aider par la famille, l'entourage et bien souvent par un suivi psychologique.
Dans la plupart des Centres, lors des résultats définitifs est évoqué le suivi
possible à plus long terme, les incitant à reprendre contact en cas de grossesse
ultérieure.
Dans un premier temps, la plupart des centres donnent aux parents les coordonnées
des Associations Naître et Vivre Régionales lorsqu'elles existent encore. En
effet, ces Associations semblent disparaître au fur et à mesure de la diminution
des chiffres de MSN. Certains, en l'absence d'association locale, donnent les
coordonnées de l'association parisienne ou de la Fédération Nationale à Paris.
Il y a localement très peu d'autres associations sur le deuil auxquelles peuvent
être adressés les parents, citons l'Association "Vivre son Deuil".
Dans la plupart des centres, un soutien psychologique peut être proposé d'emblée,
et poursuivi ou repris lors d'une grossesse ultérieure, selon la demande des
parents. Si le besoin d'une psychothérapie plus prolongée apparaît, le(s) parent(s)
ou les frères et soeurs sont le plus souvent orientés vers des psychologues
extérieurs au service. Quelques Centres disent n'avoir aucun contact avec des
professionnels capables de répondre à cette demande.
GROSSESSE(S) ULTERIEURE(S) ET ENFANT(S)
SUIVANT(S)
Lors
de grossesses ultérieures, la quasi totalité des centres proposent une à deux
consultations anténatales aux parents qui le souhaitent. Dans deux centres,
ces consultations ont lieu avec un autre médecin que celui qu'ils avaient vu
au moment du décès.
Le suivi de l'enfant suivant est organisé ou évoqué par la totalité des centres,
mais sa réalisation est extrêmement variable d'un centre à un autre, parfois
même entre deux Centres de Référence voisins. La quasi totalité des responsables
insiste sur la nécessité d'un suivi attentif et disponible pour les enfants
"fratrie". Du point de vue pratique, les attitudes sont beaucoup plus
discordantes. Une première consultation est souvent envisagée dès la sortie
de la maternité, ou dans la maternité si la maman accouche dans le même hôpital,
ou parfois dans le premier mois de vie.
Malgré la notion clairement établie (1, 3, 7) depuis plusieurs années, que les
enfants "fratrie" ne sont généralement pas des enfants à risque particulier,
en dehors de quelques situations exceptionnelles où une maladie à risque familial
avait été diagnostiquée pour l'enfant décédé, la question des bilans
pour l'enfant suivant ne fait vraiment pas l'unanimité. On peut schématiquement
distinguer trois types d'attitudes :
- 15 centres proposent un bilan systématique à toutes les fratries. Le bilan
réalisé est assez variable, il s'agit fréquemment d'enregistrements cardiorespiratoires
prolongés, de polysomnographie, de Roc-holter, plus rarement de pH métrie, ETF,
ECG, bilan biologique.
Il est frappant de constater que les centres qui font le plus grand nombre d'examens
appellent ce bilan "un bilan minimum"... Cette attitude semble également,
d'après les témoignages des parents, être adoptée par beaucoup de services de
maternité et de pédiatres libéraux : peu nombreux sont ceux qui ont tiré les
conclusions logiques de la mise en évidence de l'absence de risque familial.
- 13 centres modulent ce bilan selon l'histoire familiale, et selon la demande
des parents, avec les mêmes examens.
- deux centres déclarent ne proposer aucun bilan en l'absence de symptomatologie
propre du nouveau né. Ils privilégient de simples consultations, donnant lieu
à des entretiens souvent prolongés.
Pour beaucoup, l'intérêt du bilan réside principalement dans le fait qu'il permet
d'évaluer cliniquement l'angoisse des parents, et la qualité de la relation
mère-enfant. Cette prise en compte n'est toutefois pas généralisée et peut ou
pourrait bien évidemment se réaliser en consultation simple, au besoin répétée
sans recours à des examens complémentaires, coûteux et plus ou moins invasifs.
Le
problème du monitorage à domicile n'est toujours pas définitivement et unanimement
réglé, en ce qui concerne les fratries. Officiellement, la position scientifique
est pourtant claire, ce type de surveillance n'apportant aucune sécurité supplémentaire
à l'enfant et n'ayant donc aucune indication médicale. Pour certains, l'indication
d'aide psychologique pour les parents est suffisamment importante pour qu'ils
continuent à proposer cette surveillance. Il faut toutefois souligner qu'un
certain nombre de centres ont beaucoup développé cette activité, en faisant
parfois leur activité principale et s'orientent vers le monitorage d'autres
enfants, prématurés ou enfants ayant présenté des malaises. Même dans ces indications,
la surveillance par monitorage à domicile est très contestée. Dans ces cas là,
les mises sous moniteur et leur surveillance sont effectuées par le Centre de
Référence MSN, même en l'absence d'antécédent familial de décès (quelle menace
laisse-t-on alors planer sur les enfants, à quels doutes ouvre-t-on la porte
dans l'esprit des parents et des frères et soeurs ?).
Les fratries d'enfants décédés de MSN sont encore parfois monitorés à domicile
dans de fortes proportions : plus de 30 % dans 7 Centres. Beaucoup d'autres
centres donnent quelques scopes à des enfants fratrie à la demande pressante
des parents. Enfin, 3 centres ne donnent aucun moniteur à domicile : Clamart,
Grenoble, Nice. Lille est parfois amené à en confier en raison de la proximité
de la Belgique où l'indication est excessivement large et où certains parents
sont très demandeurs. Enfin, Necker ne dispose pas de moniteur mais oriente
les familles demandeuses vers Port-Royal.
Le problème du monitorage des enfants fratrie pose en outre, de lourdes questions
d'ordre psychologique. Certains parents racontent rétrospectivement qu'ils ont
l'impression d'avoir pendant plusieurs mois surveillé un écran, une machine,
pas vraiment leur bébé. D'autres se heurtent à des refus de garde d'enfant,
le scope matérialisant l'angoisse déjà bien présente, et se sentent encore un
peu plus exclus, en marge, isolés dans leur problème. Enfin, que penser de l'étiquette
d'"enfant handicapé" qui est mise sur certains enfants : de manière
à ce que les trajets pour surveillance et les achats de matériel soient pris
en charge par la Sécurité Sociale, certains centres font des demandes d'allocations
spéciales d'enfants handicapés. Quelles conséquences sur le regard porté par
les parents et par l'entourage familial sur ces enfants pourtant en pleine santé
?
Le suivi des enfants fratrie est en général poursuivi pendant les premiers mois
ou au maximum la première année. En général, les centres affichent une assez
grande disponibilité en cas de problème médical rencontré par les familles.
La
disparité entre les différents Centres de Référence Régionaux est
particulièrement criante en ce qui concerne le suivi de ces familles à long
terme et notamment le suivi des fratries. Cela représente pour les parents concernés
un risque très important de voir les questions, les doutes se renforcer, et
favorise un certain vagabondage médical. Est-ce vraiment acceptable au bout
de 14 ans de fonctionnement, de trouver des discordances aussi importantes selon
la région où l'on réside ? Les différentes étapes du parcours des parents après
le décès d'un bébé, représentent les moments les plus importants où ils tentent
de reprendre confiance dans la vie en général et dans la médecine en particulier.
Cette disparité est en pratique la meilleure façon de les laisser dans leurs
doutes, de renforcer leur inquiétude et leur culpabilité. Ils perçoivent assez
rapidement les tensions ou les conflits pouvant exister entre les différentes
équipes, ce qui ne fait que renforcer leur isolement. La responsabilité des
pouvoirs publics est également à soulever, dans la mesure où en l'absence de
moyens spécifiques accordés à ces centres, aucune exigence n'a été imposée quant
à un contrôle du travail effectué, et où ils n'ont pas donné d'impulsion à la
mise en place d'une réflexion globale au niveau national.
MOBILISATION
DES CENTRES DE RÉFÉRENCE SUR LA PRÉVENTION :
Cette
enquête a permis aussi d'évaluer la mobilisation des Centres de Référence régionaux
vis-à-vis de la prévention. Tous, sans exception, ont déclaré avoir mené des
actions d'information vis-à-vis des professionnels de santé (médecins, pédiatres,
maternité, réseau PMI, assistantes maternelles, écoles d'infirmières, de puéricultrices,
de sages-femmes…) Le nombre d'interventions dans ce cadre est très variable
pouvant aller de 1 à 30 par an. Elles sont dans la plus grande majorité des
cas menées par le responsable du Centre de Référence, parfois en collaboration
avec des parents d'une association proche. Les interventions d'information du
grand public ont été un peu moins systématiques : 18 centres sur 30 en ont réalisé.
Le constat fait dans cette enquête de 1999 ne doit pas masquer le retard pris
en France dans le domaine de la prévention. Les centres de référence ont-ils
été suffisamment moteurs pour obtenir des campagnes grand public ? Ont-ils suffisamment
insisté pour persuader les collègues pédiatres et d'une manière générale, tous
les professionnels de la petite enfance? Une partie de ce retard trouve sa source
dans la grande difficulté à reconnaître les erreurs du passé notamment la recommandation
de la position ventrale pendant le sommeil. Au début de ces années de prévention,
il a probablement manqué une unanimité suffisante des centres de référence.
Se sont-ils satisfaits du coût dérisoire en terme de santé publique. Environ
6,5 centimes par nouveau-né depuis 1994 résume les dépenses de l'état par cette
prévention. L'efficacité de ces campagnes, largement soutenues par des professionnels,
des mécènes privés, le bénévolat des associations de parents, a néanmoins permis
de sauver 6 500 enfants depuis le début des recommandations de couchage.
PERSPECTIVES
Sur
le plan de l'organisation de la prise en charge des enfants décédés et de leur
famille, la création en 1986 des Centres de Référence Régionaux a marqué la
prise en compte du problème par les pouvoirs publics. Malheureusement, ces structures,
pour des raisons multiples (problème de motivation réelle des responsables,
manque de moyens financiers et en personnel, absence d'exigences de la part
des pouvoirs publics) font encore actuellement la preuve de leurs insuffisances.
La disparité flagrante des modes de fonctionnement, des moyens mis en oeuvre
pour effectuer la prise en charge du corps de l'enfant, le diagnostic étiologique,
pour aider les parents dans l'immédiat et à plus long terme, lors des naissances
ultérieures, est à l'évidence un constat difficilement admissible après 14 ans
de fonctionnement.
Alors qu'actuellement les chiffres statistiques de la mort subite du nourrisson
sont en amélioration, la prise en charge des familles reste bien souvent inadéquate
. Quelques propositions sont possibles néanmoins :
profiter de la dédramatisation devenue possible face au risque de la MSN pour
améliorer et homogénéiser la prise en charge des enfants et l'accompagnement
des parents. Peut-être reste-t-il une motivation suffisante d'une majorité de
Centres de Référence (qui souhaitent à une très forte majorité le maintien de
cette "étiquette") pour travailler ensemble dans ce but, avec éventuellement
une incitation forte de la part du Ministère ou de la Direction Générale de
la Santé.
intensifier la prévention, débutée trop tardivement et qui n'a pas encore donné
son maximum, notamment en direction des milieux les plus défavorisés et les
moins accessibles à ces messages. Cette nécessité ne doit pourtant pas conduire
à retomber dans l'amalgame systématique avec la maltraitance. Même si, proportionnellement,
les décès surviennent maintenant plus fréquemment dans ces populations, des
morts liées à des pathologies mal reconnues et/ou rapidement évolutives devraient
pouvoir y être évitées.
les centres de référence peuvent encore avoir un rôle à jouer pour limiter les
effets "pervers" de la prévention : par des explications répétées
et adaptées, tenter d'effacer les errements multiples de la médecine tant au
niveau conceptuel qu'au niveau de la prise en charge vis-à-vis de la MSN, limiter
la récupération commerciale des conseils de prévention.
réorientation de la recherche (3) de manière relativement urgente, travailler
à comprendre les 350 morts annuelles persistant dans notre pays de façon à tenter
d'abaisser encore ce chiffre dans les années qui viennent.
à plus long terme, resituer la mort subite du nourrisson par rapport aux autres
circonstances de mort d'enfants tout petits permettrait d'accompagner tous ces
parents plus humainement tout au long de leur chemin de deuil.
BIBLIOGRAPHIE
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OF PEDIATRICS
Changing concepts of Sudden Infant Death Syndrome : Implications for Infant
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5. BRIAND E. "Parents
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Editions Techniques - Encycl. Méd. Chir. (Paris-France), Pédiatrie. 4-013-J-10;1994
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8. RAMBAUD C, IMBERT
M.C. "Protocole d'autopsie d'une mort subite du nourrisson".
Ann. Pathol. 1993 ; 13: n°2, 131-4.
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