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Titre: Syndrome des antiphospholipides et obstetrique
Année: 1994
Auteurs: - Delfraissy J-F.
Spécialité: Obstétrique
Theme: syndrome des antiphospholipides et obstetrique

Chapitre IV

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES ET OBSTETRIQUE

C. GOUJARD et J.F. DELFRAISSY

Introduction

Les anticorps antiphospholipides sont des auto-anticorps capables d'exercer des effets pathogènes in-vivo en interférant avec les phospholipides membranaires des cellules endothéliales et des plaquettes ou avec les phospholipides intervenant dans la cascade de la coagulation.

L'étude des aPL a commencé en 1907 lorsque Wasserman a mis au point un test diagnostique de la syphilis. Ce n'est qu'en 1941 que la nature phospholipidique de l'antigène réagissant est démontrée et celui-ci dénommé cardiolipine (CL). Des observations de patients porteurs de lupus érythémateux disséminé (LES) ayant des tests biologiques positifs, bien que n'étant pas porteurs de syphilis active, sont rapportées d'où le terme de fausse sérologie syphilitique positive. En 1952, un inhibiteur de la coagulation in-vitro, ou anticoagulant circulant, est également retrouvé chez les patients lupiques, appelé anticoagulant lupique par Feinstein et Rapaport. L'association d'une fausse sérologie syphilitique positive et d'un anticoagulant lupique est ultérieurement reconnue.

Actuellement, les méthodes diagnostiques se sont affinées et le terme d'antiphospholipides (aPL) regroupe une famille d'auto-anticorps de spécificité large, diagnostiqués soit par la prolongation in-vitro des tests de coagulation dépendant des phospholipides, soit plus récemment par des méthodes en phase solide utilisant des tissus riches en phospholipides ou des antigènes phospholipidiques purifiés (9, 13, 22). Les anticorps de type anticoagulant circulant (Acc) et anticardiolipine (aCL) sont les mieux étudiés. Leur présence est rapportée dans un nombre croissant de maladies auto-immunes dont le lupus érythémateux disséminé, dans les pathologies infectieuses en particulier récemment au cours de l'infection par le VIH 1 et en association avec certaines thérapeutiques (4, 14, 20). Ils peuvent également être de découverte fortuite chez des sujets apparemment sains.

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) primitif est une entité clinique de connaissance récente, associant chez des sujets porteurs d'aPL, un risque thrombotique élevé, une thrombopénie et chez la femme des avortements à répétition, après exclusion de toute autre pathologie (1, 3, 15, 16).

II - NATURE BIOCHIMIQUE DES APL ET PHYSIOPATHOLOGIE.

Les phospholipides sont composés d'une molécule de glycérol avec deux acides gras estérifiés et un groupe phosphodiester lié à une chaine de type alcool polarisée. Cette dernière structure varie, déterminant ainsi l'état ionique de la molécule.

Les phospholipides de type phosphatidylcholine, sphingomyéline et phosphatidylethanolamine sont neutres. La phosphatidylserine, l'acide phosphatidique, le phosphatidylinositol, les cardiolipines sont anioniques. La structure phospholipidique détermine leur situation dans la membrane cellulaire. Dans des conditions physiologiques, les phospholipides anioniques ne sont pas retrouvés sur le versant externe des membranes. La sphingomyéline et la phosphatidylcholine sont les phospholipides membranaires prépondérants, sous forme lamellaire, assurant la stabilité de la membrane cellulaire. Les cardiolipines sont retrouvés exclusivement dans les membranes mitochondriales du tissu cardiaque (revue dans 17).

III - PHYSIOPATHOLOGIE.

Les mécanismes pathologiques impliqués dans le SAPL sont discutés. Les phospholipides anioniques qui réagissent avec les aPL sont exprimés sur le versant externe de la membrane après une agression cellulaire ou pour les plaquettes, s'il existe une activation ou une agrégation de celles-ci. Les aPL peuvent alors initier une thrombopénie, et probablement des lésions endothéliales. Ils interagissent également avec les facteurs X et V en présence de Ca et de phospholipides plaquettaires et allongent les temps de coagulation (activité antiprothrombinase). Il n'existe pas de preuve directe de la pathogénicité des aPL in-vivo et plusieurs hypothèses sont proposées (15). Un des mécanismes thrombotiques des aPL serait l'augmentation d'activité de la thrombomoduline. Celle-ci induirait une inhibition de l'activation de la protéine C par les cellules endothéliales. Ce déficit fonctionnel en protéine C a été démontré in-vitro chez certains patients porteurs de SAPL (6). Un autre mécanisme fait intervenir les prostaglandines (12, 25). Une inhibition de la biosynthèse vasculaire de protacycline (PG12) est observée in-vivo et peut être reproduite in-vitro avec des anticorps ayant une spécificité antiphospholipidique. Ce phénomène jouerait un rôle dans la survenue des thromboses et des accidents obstétricaux. Sa correction par les anti-agrégants plaquettaires expliquerait le rôle bénéfique de ces thérapeutiques. Les aPL ont par ailleurs une réactivité croisée avec des molécules associées aux acides nucléiques.

IV - METHODES DIAGNOSTIQUES DES aPL.

Identification des anticoagulants circulants

L'anticoagulant lupique a été défini en 1983 par un comité international comme "un anticoagulant qui prolonge le temps de thromboplastine partielle activée (TTPA ou TCA) et parfois le taux de prothrombine (TP) d'un plasma normal mais n'inactive de façon spécifique aucun des facteurs de coagulation connus". Cette définition fait l'objet de nombreuses controverses en raison de l'absence de standardisation des techniques d'hémostase et de la diversité des céphalines disponibles. En fait, une activité Acc est suggérée s'il existe un allongement d'un test de coagulation faisant intervenir des phospholipides. Cette anomalie doit être clairement rapportée à la présence d'un inhibiteur et non à un déficit en facteur de la coagulation. Cette étape est vérifiée par l'addition au plasma testé d'un plasma normal, qui corrigera le test de coagulation s'il existe un déficit en facteur. Enfin, l'anticoagulant responsable doit être dirigé contre un phospholipide et non spécifiquement contre une protéine de la coagulation.

En pratique courante, la détection d'un Acc repose sur le temps de Céphaline Kaolin (TCK) ou le temps de Céphaline activée (TCA), qui présentent la meilleure sensibilité pour la plupart des auteurs. Le choix du plasma normal est crucial. L'addition de plasma normal se fait habituellement avec un rapport 1/1 mais une dilution supérieure du plasma testé est parfois requise. Il est généralement admis que l'effet inhibiteur de l'Acc est immédiat, rarement il est retardé et une deuxième lecture du test s'impose à 60 mn. Un deuxième test de coagulation (temps de Russel ou temps d'inhibition de la thromboplastine tissulaire) peut être proposé pour éliminer ou confirmer l'existence d'un Acc.

Identification des anticorps antiphospholipides.

L'utilisation de la sérologie syphilitique (VDRL) a récemment reculé au profit de méthodes plus sensibles et spécifiques permettant d'identifier les patients porteurs d'anticorps antiphospholipidiques. Les cardiolipines sont fixées au fond des puits d'une plaque plastique. Les sérums à tester sont ensuite distribués et l'existence d'anticorps anticardiolipines révélée par une réaction immunologique de type ELISA (13). Cette technique permet de déterminer l'isotype de l'aCL, IgG, M ou A, éventuellement associé à une évolution clinique particulière. Par ailleurs, les résultats sont semi-quantitatifs, permettant de différencier un titre nul (< 5 mg/ml), faiblement positif (5-16 mg/ml), positif modéré (16-80 mg/ml) ou fortement positif (> 80 mg/ml).

Certains auteurs ont développé des tests utilisant d'autres phospholipides anioniques ou neutres pour essayer de corréler une spécificité anticorps donnée à l'existence d'anticoagulant lupique ou à un tableau clinique particulier. En fait, il existe une corrélation étroite entre le titre d'aCL et des autres anticorps antiphospholipides anioniques. Les résultats d'études prospectives sont en attente.

Autre anticoagulants.

L'association d'un aPL à d'autres auto-anticorps est fréquente. En l'absence de lupus, 30 à 50 % des patients sont porteurs de facteurs anti-nucléaires à titre modéré (1/40 à 1/160). Les anticorps anti-ADN natifs (test de Farr) et anti-antigène nucléaires solubles (anti-RNP) sont constamment négatifs. Par contre, des anticorps anti-ADN dénaturé, un Coombs érythrocytaire positif de type IgG ou complément, des anticorps antiplaquettes, antimitochondries de type M5 peuvent être associés aux aPL. Il s'agit soit d'anticorps spécifiques, soit d'anticorps ayant une réactivité croisée avec des phospholipides de cellules endothéliales, de plaquettes ou associés à l'ADN dénaturé (18). Le complément est normal, sauf s'il existe un déficit génétique en C4 concommittent.

V - CONDITIONS CLINIQUES ASSOCIEES AU DIAGNOSTIC.

La fréquence des aPl chez le sujet sain est mal connue faute d'études prospectives sur des échantillons représentatifs. La prévalence de l'Acc se situe autour de 2 à 10 % dans les séries rapportées. La prévalence d'un aCL serait plus élevée (5 à 19 %) mais aCL et Acc sont rarement retrouvés conjointement chez un sujet sain. Ches les sujets âgés, les prévalences augmentent, avec un isotype IgM prédominant pour l'aCL (17). Les pathologies auto-immunes systémiques, avec en premier lieu le lupus défini par les critères de l'ARA, son tles plus fréquentes (24). Pour certains, le SAPL serait une forme inaugurale du lupus, bien que certains sujets soient suivis actuellement avec plus de 10 ans de recul sans apparition de lupus. Un anticorps de nature antiphospholipidique (aCL ou Acc) est retrouvé chez plus d'un tiers des patients lupiques quelle que soit leur origine ethnique et géographique. De nombreuses autres pathologies induisent des aPL (cf tableau II). Des aPL sont détectés transitoirement au cours de nombreuses infections bactériennes et virales. Parmi les infections chroniques, l'EBV et le VIH sont le plus souvent impliqués, probablement à cause de l'hyperactivité B induite (4). La fréquence d'un aPL au cours du SIDA varie entre 20 et 60 % selon les équipes, en raison de la grande hétérogénéité des patients et de l'association éventuelle à une infection opportuniste en particulier parasitaire. Les drogues induisant des aPL sont les mêmes que celles responsables de lupus induit, essentiellement la Chlorpromazine et la Procaïnamide. Les oestroprogestatifs semblent se compliquer plus fréquemment de thrombose lorsqu'il existe un aPL isolé qu'en son absence.

L'exclusion des diagnostics signalés ci-dessus permet de porter le diagnostic de syndrome des aPL primitif avec une prédominance féminine moins nette que pour la plupart des maladies auto-immunes.

VI - SYNDROMES CLINIQUES ASSOCIES AUX aPL.

La plupart des études cliniques concernant le SAPL ont été réalisées de façon rétrospective. Elles ont permis de déterminer l'incidence des aPL dans certaines pathologies et à l'inverse leurs conséquences cliniques. De façon paradoxale, les accidents hémorragiques sont rarissimes en présence d'un Acc.

Les trois grandes anomalies associées au SAPL sont : les thromboses, la thrombopénie et chez la femme, les avortements à répétition (cf tableau 1). D'autres associations cliniques sont actuellement rapportées dans la littérature, en nombre croissant en raison de la meilleure connaissance de cette pathologie. Les chiffres donnés ici montrent de grandes variations entre les études publiées, en raison des techniques de recherche (test de coagulation ou technique spécifique), du biais de recrutement des équipes concernées.

A Les thromboses.

L'incidence des thromboses est élevée au cours du SAPL (8, 9, 11, 22). En réunissant les résultats de 21 études concernant 1428 patients atteints de lupus érythémateux disséminé. Mac Neil et coll. ont retrouvé une fréquence significativement plus élevée de thrombose en présence d'aPL (42 %, extrêmes : 11 % - 74 %) qu'en son absence (13 %, extrême : 0 % - 32 %) (17). Dans le SAPL primitif, l'incidence de thrombose veineuse est de 50 à 60 %, de thrombose artérielle de 30 à 45 %.

Les thromboses touchent des troncs artériels ou veineux à n'importe quel site. Les lésions artérielles peuvent atteindre les artères axillaires, brachiales, ilio-fémorales, viscérales, rétiniennes et même coronariennes. La recherche systématique d'anticardiolipine au décours d'infarctus du myocarde a retrouvé une incidence variant de 11 % à 80 % selon les auteurs chez des patients sans pathologie auto-immune antérieure connue. Des syndromes neurologiques à type de thromboses cérébrales constituées et d'accidents ischémiques transitoires ont été récemment individualisés en association avec les aPL (2).

Des thromboses veineuses profondes sont rapportées, associées ou non à des embolies pulmonaires ou plus rarement à une hypertension artérielle pulmonaire secondaire (1, 3). L'incidence d'aPL au cours des thromboses veineuses des membres a été étudiée prospectivement avec des fréquences allant de 3,2 % à 30 %. L'aPl peut être responsable d'un syndrome de Budd Chiari, d'une thrombose de la veine cave inférieure, des veines rénales. Les thromboses sont spontanées, récidivantes dans le même territoire ou dans des territoires différents. Thromboses artérielles et veineuses surviennent dans 5 % à 10 % des cas chez le même patient.

Parmi les patients porteurs d'un aPL, il semble y avoir des sous-groupes à haut risque de thrombose avec en premier lieu le lupus et des sous-groupes à plus faible risque dont la pathologie auto-immune induite par des médicaments, les pathologies infectieuses et en particulier le syndrome des aPL lié au VIH. L'isotype IgG de l'aPL et le titre de celui-ci sont corrélés avec la présence de complications thrombo-emboliques. L'isotype IgM expose peu au risque de thrombose.

B Thrombopénie.

L'existence d'une thrombopénie chez les patients lupiques est connue de longue date. A partir de 1983, on note dans les publications une incidence plus grande de la thrombopénie chez les patients porteurs de lupus ou de syndromes apparentés avec aPL (entre 14 % et 57 %, en moyenne 38 %) que chez les mêmes patients sans aPL (entre 3 % et 24 %, en moyenne 11 %). Lorsque les données sont analysées en fonction du type d'aPL, on retrouve une incidence de thrombopénie de 51 % dans le sous-groupe lupique avec anticoagulant lupique versus 14 % dans le sous-groupe sans anticoagulant lupique, de même 31 % avec aCL versus 12 % sans aCL. Dans le SAPL primitif, la fréquence d'une thrombopénie est de 40 % (1). A l'inverse, différents auteurs retrouvent des aCL dans environ 30 % des purpuras thrombopéniques idiopathiques. Des syndromes d'Evans sont rapportés lorsque la thrombopénie s'accompagne d'une anémie hémolytique auto-immune.

C Avortements à répétition.

Nilsson signale pour la première fois en 1975 la fréquence anormale de morts in-utero chez les femmes porteuses d'un anticoagulant circulant (19). Soulier et Boffa définissent en 1980 un syndrome associant des morts in-utero à répétition, des thromboses récidivantes et un anticoagulant lupique (23). Dans la série de Godeau et coll., l'aPL au cours du lupus majore le risque d'avortements. Ainsi, sur 25 femmes lupiques ayant eu 61 grossesses, 38 de celles-ci (60 %) se sont terminées par un avortement spontané. Il faut noter que ce sont toujours les mêmes malades qui ont présenté des accidents obstétricaux, ceci dès la première grossesse. Ces chiffres doivent être comparés à la fréquence moindre, quoiqu'anormalement élevée d'avortements chez la femme lupique entre 25 % dans la plupart des séries jusqu'à 40 % au cours des LES actifs contre 12 % environ dans la population générale. Dans la série d'Asherson, 34 % des patientes porteuses d'un SAPL isolé présentent des avortements à répétition, ce qui en fait la 3ème complication clinique (3).

Les aPL sont rarement présents au cours d'une grossesse normale (moins de 2 %). L'existence d'un aPL, qu'il y ait ou non d'autres stigmates de maladie lupique, semble bien favoriser les accidents obstétricaux récidivants. Ceux-ci surviennent habituellement au deuxième trimestre de la grossesse mais non exclusivement (5, 21).

Le mécanisme de ces accidents reste indéterminé. Trois facteurs ont été discutés : la thrombose placentaire, la toxicité directe des auto-anticorps et le rejet foetal. La situation clinique et l'observation anatomique plaident en faveur de thromboses placentaires responsables des décès in-utero. L'étude placentaire révèle des infarctus extensifs, des lésions vasculaires oblitératives et un vieillissement prématuré des villosités. Cependant, ces lésions sont non spécifiques, superposables à celles retrouvées dans l'HTA gravidique, l'éclampsie, le diabète. Les aspects polymorphes en immunofluorescence vont contre l'existence d'une pathogénicité placentaire des auto-anticorps. Enfin, il n'existe pas de corrélation entre l'étendue des lésions, l'atteinte clinique maternelle et le pronostic foetal.

La toxicité directe des antiphospholipides sur l'unité foeto-placentaire reste hypothétique. Elle peut être discutée par analogie aux autres auto-anticorps connus pour être responsables de pathologie périnatale. La responsabilité des anti-Ro (SSA) dans les BAV congénitaux et des anti-RNP dans les lupus néonataux est admise. Cependant, les données concernant la valeur pronostique des aCL sont controversées ; alors que pour Lockshin, les aCL d'isotype IgG et leur titre (> 16 mg/ml) représentent un marqueur quantitatif prédictif de la viabilité foetale, d'autres auteurs ne retrouvent pas de tels résultats. Pour les antiphospholipides, les résultats sont également contradictoires.

Une étude canadienne récente de type cas-témoin conclut que les aPL et les aCL ne représentent pas un facteur de risque de mort in-utero chez des femmes primipares (10). Leur fréquence est identique entre les femmes ayant présenté une mort in-utero et celles ayant mené leur grossesse à terme : 5,1 % contre 3,8 % pour l'aPL, 1,2 % contre 1,5 % pour un aCL de type IgG. A l'inverse, lorsqu'on teste des femmes ayant des avortements à répétition, la fréquence de détection d'un aPL varie entre 5 et 15 %, indépendamment de l'âge maternel.

D Autres manifestations cliniques.

De description récente, les thromboses cérébrales artérielles ou veineuses deviennent une entité critique dans la mesure où elles touchent des patients jeunes (39 ans en moyenne dans la série d'Asherson) et où leur présentation clinique est excessivement polymorphe (2). Les manifestations rapportées sont les migraines, les accidents ischémiques transitoires cérébraux ou rétiniens, la chorée, les accidents vasculaires constitués en territoire sous-cortical. Une atrophie corticale est notée chez les patients lupiques. Dans le syndrome de aPL, des infarctus cérébraux volontiers récidivants peuvent conduire à une démence dans le cadre d'un syndrome lacunaire. Ainsi, la survenue d'un événement neurologique chez un patient jeune sans facteur de risque cardiovasculaire habituel doit faire systématiquement rechercher un SAPL.

Des lésions valvulaires cardiaques sont également individualisées en association avec un aPL (7). Les valves mitrales sont les plus souvent atteintes (37 %) avec un dysfonctionnement valvulaire de type régurgitation (27 %). Les atteintes aortiques tricuspidiennes et pulmonaires, les anomalies sténosantes, les thromboses intracavitaires sont plus rarement en cause. Un cas d'endocardite mitrale de Libman-Sacks a été publiée. En fait, le développement de nouvelles techniques d'investigation cardiologique comportant des échograhies bidimensionnelles avec Doppler permet de détecter actuellement une fréquence accrue de valvulopathies au cours du LES ; les atteintes du SAPL primitif sont superposables à ces dernières. L'existence d'une atteinte valvulaire mitrale augmenterait le risque d'accident neurologique.

Le livedo reticularis est une manifestation dermatologique retrouvée au cours du SAPL primitif. L'association à des manifestations cérébrovasculaires réalise le syndrome de Sneddon. Un syndrome de Raynaud peut également coexister avec un SAPL.

VII - GENETIQUE DU SAPL.

Quelques études ont été réalisées dans les familles de lupiques et de patients porteurs de SAPL primaires. Il existe une augmentation de l'incidence d'aPL (Acc ou aCL) dans la fratrie et dans la descendance des patients porteurs d'aPL. Alarcon-Segovia et coll. ont étudié 72 familles avec 89 sujets lupiques et 378 apparentés. 45 % des malades et 17 % des sujets sains apparentés ont un aCL. Alors que les premiers ont des isotypes IgG et M, les seconds ont plutôt un isotype IgG. Ces patients sont par ailleurs porteurs d'haplotypes anormaux pour le complément.

Un haplotype HLA dominant, HLADR7, a été retrouvé chez les patients lupiques ayant un aCL et chez les patients porteurs de SAPL primaire.

Il semble donc exister des facteurs génétiques associés au SAPL, faisant intervenir un déficit allélique pour le complément et/ou des haplotypes HLA favorisant.

VIII - TRAITEMENT

Dans la mesure où aucun élément prédictif des complications cliniques du SAPL n'est reconnu, aucun traitement préventif n'est recommandé. Lorsqu'il existe une expression clinique, deux types d'approche sont envisageables. La première est un traitement symptomatique adapté. La deuxième approche vise à diminuer l'activité de la maladie sous jacente et/ou le titre des auto-anticorps.

Après la survenue d'un accident thrombo-embolique, le traitement suit les règles habituelles comportant des anticoagulants par voie intraveineuse puis orale. Dans certains sites, en particulier coronarien, un traitement thrombolytique est indiqué. La durée de traitement demeure controversée. Il est logique de le proposer tant que les aPL sont présents. Les antivitamines K semblent efficaces dans la prévention de récidive des thromboses veineuses. L'utilisation d'antiagrégants plaquettaires tels l'Aspirine et le Dipyridamole préviendrait les thromboses artérielles au cours des SAPL. Dans les situations d'échec de traitment anti-thrombotique préventif, des traitements immuno-suppresseurs sont proposés (corticostéroïdes, cyclophosphamide, azathioprine) sans que leur efficacité ne soit prouvée à ce jour dans le SAPL primitif. En cas de pathologie auto-immune sous-jacente, le traitement de celle-ci ne sera en général pas modifié par l'existence d'un aPL non compliqué. Les critères thérapeutiques sont les critères d'activité retenus pour la pathologie de fond. Ainsi, le traitement des thrombopénies sévères est le même que dans le purpura thrombopénique idiopathique, basé sur la corticothérapie et les immunoglobulines par voie intraveineuse. La prise en charge des accidents obstétricaux n'a pas fait l'objet d'un consensus en raison du petit nombre de femmes concernées, faute d'études prospectives et comparatives (21). Le rôle bénéfique de la corticothérapie est discuté à la fois pour son efficacité sur le titre d'aPL et en raison des effets secondaires. Les antiagrégants plaquettaires seuls, en particulier l'Aspirine, semblent être efficaces, avec des taux de succès obstétrical passant de 18 % à 93 % et 10 à 88 % dans deux séries de respectivement 37 et 42 patientes. D'autres auteurs proposent un traitement anti-thrombotique par l'Héparine sous-cutanée, par analogie à la prévention des thromboses veineuses. Des tentatives isolées de traitement par immunoglobulines à fortes doses par voie intraveineuse, plasmaphérèse, autres immunosuppresseurs ont également été rapportées avec un bénéfice variable et discutable, dont le risque pour l'enfant n'a pas été évalué.

CONCLUSION

Des études prospectives en cours semblent actuellement confirmer la majorité des données rétrospectives accumulées depuis une dizaine d'années. Les critères diagnostiques proposés pour le syndrome des antiphospholipides associent un ou plusieurs évènements cliniques (c-à-d thrombose, thrombopénie ou morts in-utero récidivantes) et l'existence d'un aPL de type anticoagulant circulant ou anticardiolipine. Environ 30 à 40 % des patients lupiques ont des aPL. Le diagnostic de syndrome des aPL est porté chez 25 % d'entre eux. Les patients ne présentant pas les critères complets de lupus ou d'une autre maladie auto-immune ou non sont désignés comme syndrome des aPL primitifs. La meilleure connaissance de ce syndrome et le développement des méthodes sensibles et spécifiques pour la détection d'anticorps antiphospholipides vont permettre de mieux l'individualiser et peut-être de mieux approcher ses mécanismes physiopathologiques.

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RESUME

Si l'existence d'anticorps dirigés contre des phospholipides est connue de longue date, les études cliniques ont permis l'individualisation récente du syndrome des antiphospholipides. Il associe des manifestations cliniques : thromboses veineuses et/ou artérielles, morts in-utero récidivantes, manifestations cardio-vasculaires et neurologiques, des anomalies biologiques : essentiellement thrombopénie à la présence d'un ou plusieurs anticorps de type anticoagulant circulant, anticardiolipide ou autre spécificité antiphospholipidique de membrane cellulaire. Ce syndrome peut s'intégrer dans une maladie de fond, en particulier auto-immune, ou accompagner certaines pathologies infectieuses. Lorsqu'il reste isolé, il réalise le syndrome des antiphospholipides primitif. La prise en charge thérapeutique encore mal codifiée est dictés par l'existence de complications cliniques ou d'une thrombopénie. Elle repose sur le traitement anti-thrombotique et/ou antiagrégant plaquettaire, associé à un traitement immuno-suppresseur en cas de manifestations auto-immunes parlantes.

C. GOUJARD et J.F. DELFRAISSY Service de Médecine Interne et d'Immunologie Clinique Hôpital Antoine Béclère 157, rue de la Porte de Trivaux 92141 CLAMART CEDEX Correspondance : J.F. DELFRAISSY

TABLEAU I

Etude de la fréquence des complications cliniques chez des patients porteurs de lupus ou de pathologies auto-immunes apparentées selon la présence ou l'absence d'aPL.

Patients atteints

Nombre aPL + aPL -

patients n % n %

Thrombose 1428 233/554 42 113/874 13

Morts in-utero 391 62/165 38 36/226 16

Thrombopénie 869 153/406 37 49/463 11

Données regroupant les principales séries publiées dans la littérature entre 1974 et 1989, d'après H.P. Mc Neil et al.

TABLEAU II

Circonstances pathologiques associées à un aPL

Autoimmunité LES, polyarthrite rhumatoïde, connectivites mixtes, syndrome de Sjögren, sclérodermie,

syndrome d'Evans, syndrome de Raynaud, myasthénie.

Néoplasies Maladie de Behçet, LLC, lymphomes, tumeurs solides, syndromes myéloprolifératifs.

Infections Enfant : pathologie ORL virale ou bactérienne, maladies éruptives.

Adulte : VIH, EBV, mycoplasme, plasmodium, salmonelle, rickettsie, hépatite A, EBV, Lyme.

Neuropathies Guillain-Barré, sclérose multiple.

Hépatopathies Hépatite chronique active, cirrhose.

Médicaments Chlorpromazine, procaïnamide, quinidine, hydralazine, amoxicilline, propranolol, oestroprogestatifs.