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Titre: Hépatites aigues et grossesse
Année: 1995
Auteurs: - Bernuau J.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Hépatites aïgues et grossesse

Chapitre 1

hépatites aiguës et grossesse

J. BERNUAU

Introduction

Les hépatites aiguës observées au cours de la grossesse et du post-partum sont d'origine le plus souvent virale. Toutefois, la cause peut aussi être une hépatite médicamenteuse ou toxique, voire certaines hépatopathies aiguës rares.

Le retentissement maternel de l'hépatite aiguë varie selon le terme de la grossesse, la cause et la sévérité de l'hépatite. Le risque moyen d'hépatite fulminante ou subfulminante est faible, de l'ordre de 1 pour mille, mais varie beaucoup en fonction de l'étiologie.

En pratique, les 4 recommandations suivantes devraient être observées devant toute hépatopathie aiguë chez une femme enceinte : (a) le diagnostic étiologique doit toujours être obtenu rapidement ; (b) certaines causes rares réclament des mesures thérapeutiques spécifiques et leur diagnostic est urgent ; (c) en dehors de ces éventualités rares, l'interruption de l'administration de tous les médicaments est une nécessité absolue ; (d) l'hospitalisation en hépatologie est nécessaire dès que le taux de prothrombine diminue à 50 % de sa valeur normale.

I Le syndrome d'hépatite aiguë  

Selon la sévérité maximale de la maladie, il varie depuis les formes asymptomatiques jusqu'aux formes fulminantes ou subfulminantes.

Les formes asymptomatiques sont les plus fréquentes. Elles représentent 9 cas sur 10 des hépatites virales aiguës. Elles ne se manifestent que par une augmentation des aminotransférases (transaminases) sériques, sans altération du taux de prothrombine. Leur découverte est donc fortuite et le diagnostic de certaines autres causes d'augmentation des aminotransférases au cours de la grossesse doit être discuté (table 1).

Parmi les formes symptomatiques de sévérité modérée (hépatites aiguës communes), on distingue les formes anictériques et les formes ictériques. Dans tous les cas, le début symptomatique pré-ictérique est non spécifique et de durée variable, de quelques jours à 2 ou 3 semaines. Au cours des hépatites aiguës virales, l'ictère succède à une phase pré-ictérique souvent pseudo-grippale. Au cours des hépatites aiguës non virales, en particulier médicamenteuses, cette phase manque souvent ou est réduite à une asthénie inexpliquée.

L'aggravation de la maladie est marquée d'abord par la diminution asymptomatique du taux de prothrombine au-dessous de 50 % : on parle alors d'hépatite aiguë sévère. Le développement d'une encéphalopathie clinique définit l'hépatite fulminante ou subfulminante (voir plus loin).

Le diagnostic d'hépatite aiguë repose sur l'augmentation des aminotransférases au-delà de 10 fois la normale associée à la mise en évidence d'une cause d'hépatite aiguë. La valeur absolue des aminotransférases est sans valeur pronostique. Une consommation médicamenteuse au début, ou immédiatement avant le début, de la maladie doit toujours être recherchée : elle peut être la cause même de la maladie ou un facteur évitable de son aggravation. Les autres maladies hépatiques pouvant être discutées à l'occasion d'une hépatite aiguë de la grossesse sont indiquées dans le tableau 1.

II Hépatites virales aiguës et grossesse : généralités 

Les hépatites virales aiguës sont la cause la plus fréquente d'ictère au cours de la grossesse (1), spécialement dans les 2 premiers trimestres. Les formes symptomatiques sont souvent inaugurées par des douleurs des membres, des articulations ou du dos, un urticaire, une fièvre, des nausées et des douleurs abdominales. Ces symptômes initiaux non spécifiques sont souvent la cause d'une consommation médicamenteuse pouvant aggraver la maladie.

Chez la femme enceinte, toute hépatite virale aiguë peut s'accompagner de prurit et est souvent facteur de prématurité, surtout au 3e trimestre (2). Une augmentation de la mortalité foetale (3, 4) et une augmentation de la mortalité maternelle ont été observées dans les hépatites aiguës du 3e trimestre (3, 4) en Afrique et en Asie, mais pas en Europe ni en Amérique du Nord (5).

Du fait de la non spécificité des symptômes initiaux, l'évocation clinique du diagnostic d'hépatite virale aiguë repose avant tout sur la mise en évidence, par l'anamnèse, d'un contexte épidémiologique favorisant, variable selon le virus en cause. Toutefois, la recherche acharnée d'une cause médicamenteuse doit être faite, même devant le tableau d'hépatite virale aiguë le plus évident en apparence.

Le diagnostic étiologique d'hépatite virale aiguë repose surtout sur des tests sérologiques spécifiques, et rarement sur l'isolement, dans le sang ou dans le foie, du virus responsable.

III Les virus des hépatites aiguës virales  

Selon leur mode de transmission, on distingue : les virus à transmission féco-orale ; les virus à transmission parentérale et sexuelle ; d'autres virus, à transmission souvent salivaire ou sexuelle ; enfin, des virus rares.

1. Les virus à transmission féco-orale

 Ils comprennent 2 virus à ARN, le virus A et le virus E, qui ne sont pas tératogènes et ne provoquent pas d'hépatite chronique.

Virus A (VHA) (6)

Le VHA est un virus non enveloppé, du groupe des picornavirus, qui ne comporte qu'un seul sérotype. Il a une répartition ubiquitaire mondiale. La contamination survient habituellement après l'ingestion d'eau ou de coquillages crus, eux-mêmes contaminés par le virus. L'incubation de l'hépatite A varie de 3 à 8 semaines. Une phase virémique précède la maladie qui survient en cas isolés ou par petites épidémies. Elle est diagnostiquée sur la présence dans le sérum d'anticorps anti-VHA de type IgM. Au cours de la grossesse, son évolution est habituellement bénigne et le risque d'hépatite fulminante, de l'ordre de 1/106, n'est pas augmenté. L'incidence chez la femme enceinte est très faible dans les pays en voie de développement où l'immunisation vis-à-vis du VHA est souvent prépubertaire. Le risque de transmission materno-foetale est extrêmement faible.

Virus E (VHE) (7)

Le VHE est un virus non enveloppé, cloné et séquencé en 1990-91, inclassable parmi les virus actuellement connus. Il était antérieurement désigné comme virus non-A, non-B à transmission entérique. Des tests sérologiques, en cours d'élaboration, devraient être assez rapidement disponibles.

La contamination par le VHE se fait surtout par l'eau, parfois les aliments, contaminés par le virus. L'hépatite E s'observe presque exclusivement dans les pays d'endémie (Maghreb, Moyen-Orient, Inde, Cachemire, Chine, Asie centrale, Mexique) et chez quelques sujets ayant fait un séjour récent dans ces pays (8). La maladie peut entraîner de grandes épidémies. Sa période d'incubation varie de 5 à 8 semaines. Le diagnostic repose sur la présence dans le sérum d'anticorps anti-VHE, initialement de type IgM.

 

Au cours de la grossesse, l'hépatite E comporte un risque accru d'évolution fulminante, en particulier au 3e trimestre de la grossesse (4). En zone d'endémie, l'hépatite E représente une pourcentage élevé des hépatites fulminantes des femmes enceintes (9). La mortalité de l'hépatite aiguë au 3e trimestre de la grossesse est de l'ordre de 25 %.

 

2. Les virus à transmission parentérale et sexuelle

 

Ils comprennent le virus B, virus à ADN, et 2 virus à ARN, le virus D et le virus C. A l'inverse des virus A et E, chacun de ces 3 virus peut être responsable d'une hépatite chronique. Aucun de ces virus n'est connu comme étant tératogène.

Virus B (VHB)

L'hépatite aiguë B est particulièrement fréquente chez les partenaires sexuels non vaccinés des sujets porteurs chroniques du VHB et chez les toxicomanes par voie parentérale. Sa période d'incubation est de 2 à 3 mois en moyenne. La contagiosité du sujet nouvellement infecté, indiquée par la présence dans le sérum du génome viral (l'ADN-VHB) témoin de la réplication virale, est maximale avant l'apparition de l'ictère ou à son tout début.

Le diagnostic d'hépatite aiguë B repose, dans au moins 85 % des cas, sur la présence simultanée dans le sérum de l'antigène HBs (AgHBs) et de d'anticorps anti-HBc (dirigés contre la capside du virus B) de type IgM (IgM anti-HBc) (10). Dans 10 à 15 % des cas, l'AgHBs devient rapidement non détectable dès le début des symptômes cliniques, et le diagnostic ne repose que sur la présence de l'IgM anti-HBc. La réplication virale a souvent cessé dans le mois qui suit le début des symptômes cliniques. L'immunisation, attestée par la disparition de l'AgHBs et la présence détectable de l'anticorps anti-HBs, est obtenue en 1 à 6 mois. Quand l'évolution se fait vers la chronicité chez un sujet dont le statut sérologique antérieur n'était pas connu, la primo-infection B est difficile à distinguer d'une hépatite aiguë par réactivation du VHB.

 

Au cours de la grossesse, l'hépatite aiguë B n'a pas de particularité clinique bien qu'elle paraisse plus mal tolérée au 3e trimestre. Toutefois, la grossesse n'augmente ni le risque d'évolution fulminante, de l'ordre de 1/102 cas symptomatiques, ni celui d'évolution chronique.

 

Le risque de transmission materno-foetale du VHB est élevé, spécialement chez les femmes avec réplication virale. Chez l'enfant contaminé avant 3 mois, le risque d'évolution chronique est de 90 à 100 %. A l'occasion d'une hépatite aiguë B, le risque de transmission materno-foetale du VHB varie selon la date de survenue de l'hépatite pendant la grossesse : au 1er ou au 2e trimestre, ce risque est de l'ordre de 10 % ; au 3e trimestre ou dans les 2 premiers mois du post-partum, ce risque dépasse 60 % (11).

 

Au moment de l'accouchement, le risque de transmission materno-foetale du virus B est fonction de l'état de réplication virale, caractérisée par la présence de l'ADN-VHB dans le sérum maternel (12). Le risque, quasi nul quand l'anticorps anti-HBs devient détectable chez la mère avant le 6e mois, existe chez les femmes n'ayant pas encore cet anticorps au 3e trimestre (1). En pratique, tout nouveau-né d'une femme ayant eu une hépatite aiguë B pendant sa grossesse doit impérativement être sérovacciné contre le virus B à la naissance (12). La survenue, pendant la grossesse, d'une hépatite aiguë B dans l'entourage proche d'une femme non immune vis-à-vis du VHB est une indication à sa vaccination immédiate et à la sérovaccination de l'enfant à la naissance.

 

A condition que la sérovaccination du nouveau-né soit correctement effectuée, l'allaitement maternel par une femme porteuse de l'AgHBs est autorisé.

 

 

Virus D (VHD) (13)

 

Le VHD (ou virus delta), covirus défectif du VHB et n'existant qu'en sa présence, atteint surtout les toxicomanes par voie parentérale et leurs partenaires sexuels. La vaccination contre le VHB de ces derniers assure donc la prévention à la fois de l'hépatite B et celle de l'hépatite D. L'hépatite aiguë D (ou delta), souvent plus sévère que l'hépatite aiguë due au seul VHB, n'est reconnue que sur la présence de marqueurs sérologiques D : antigène delta ou anticorps antidelta. Chez les porteurs chroniques du VHB, l'infection par le VHD peut se développer comme surinfection aiguë, puis chronique, entraînant alors souvent une aggravation rapide.

 

Au cours de la grossesse, la survenue d'une hépatite aiguë delta a été rarement documentée. De ce fait, on ne sait pas si le risque d'hépatite fulminante delta est accru par la grossesse.

 

 

Virus C (VHC) (14)

 

Le VHC est un virus à ARN transmis par voie parentérale et probablement aussi par voie sexuelle. L'hépatite aiguë C est ordinairement asymptomatique. Son diagnostic sérologique repose sur l'apparition d'anticorps anti-HCV. Le risque d'évolution fulminante est très faible, mais pourrait exister quand l'infection aiguë C coexiste avec une infection, aiguë ou chronique, due au virus B. A l'inverse, le risque d'hépatite chronique C est très élevé, de l'ordre de 50 %.

 

Le risque de transmission materno-foetale du VHC existe, mais est faible (probablement inférieur à 5 %) chez les femmes séronégatives pour le VIH. Aucune donnée n'est actuellement connue concernant ce risque au cours d'une hépatite aiguë C au cours de la grossesse. La transmission materno-foetale du VHC est détaillée dans le chapitre sur les hépatites virales chroniques.

 

3. Autres virus à transmission souvent salivaire ou sexuelle

 

 

 

Les herpesvirus : généralités (15)

 

Ce sont des virus à ADN, de structure icosahédrique, transmis par voie sexuelle, par la salive et par voie parentérale. Ils comprennent les virus herpes simplex, type 1 et type 2, le virus varicelle-zona, le cytomégalovirus, le virus d'Epstein-Barr et l'herpesvirus humain 6. Seuls le cytomégalovirus et le virus varicelle-zona peuvent être tératogènes. Dans la très grande majorité des cas, les infections aiguës par ces virus sont asymptomatiques.

 

Parfois au contraire, ces virus sont la cause d'une hépatite aiguë symptomatique. Au cours de la primo-infection à cytomégalovirus et de celle due au virus d'Epstein-Barr, l'anomalie biologique hépatique la plus fréquente est l'augmentation de l'aspartate aminotransférase, observée dans pratiquement 9 cas sur 10. Chez une femme enceinte, une mononucléose infectieuse symptomatique, exceptionnelle, doit faire éliminer une toxoplasmose avec certitude.

Virus herpès simplex

 

Un cas très particulier est celui de la nécrose hépatique due à un virus herpes simplex, plus souvent de type 2 que de type 1. L'hépatite aiguë herpétique due à l'un de ces virus très cytopathogènes peut survenir en fin de grossesse et menace le pronostic vital maternel. La lésion hépatique est très caractéristique : nécrose souvent non ou peu inflammatoire, en foyers mais souvent confluente, témoin de la cytopathogénicité du virus. Elle complique toujours une dissémination virale hématogène dont le point de départ peut être une lésion génitale herpétique (ulcération vulvaire ou cervicite nécrosante) ou une réactivation virale.

Le diagnostic doit absolument être évoqué devant l'association d'une fièvre élevée (>38° 5C), d'une augmentation majeure des aminotransférases (>50 fois la valeur normale) et d'une leucopénie (<3000/mm3). La leucopénie peut manquer. Un ictère, souvent modéré, n'est présent que dans moins de 50 % des cas. Des lésions herpétiques cutanées et muqueuses peuvent manquer totalement (16). Une coagulation intravasculaire disséminée est souvent un facteur important de la thrombopénie et de la diminution du taux de prothrombine. Le virus peut être isolé à partir des lésions cutanées et muqueuses, du sang et du foie. Le diagnostic est urgent car l'évolution spontanée est souvent fatale. Le traitement par l'acyclovir, inhibiteur spécifique de la réplication du virus, doit être entrepris sur la simple suspicion clinique (5-10 mg/kg/8h, pendant 5 à 10 jours). La guérison peut ainsi souvent être obtenue (17). L'enfant, menacé de contamination herpétique par la traversée de la filière génitale, doit être accouché par césarienne et, au moindre doute, traité par l'acyclovir. après avoir réalisé les prélèvements utiles.

 

Une hépatite aiguë nécrosante histologiquement identique à une hépatite herpétique peut être due au virus varicelle-zona. Elle réclame le même traitement (15).

 

4. Virus rares

 

 

Certains virus sont très exceptionnellement responsables d'une hépatite aiguë virale pendant la grossesse : adénovirus, virus coxsackie, virus de la fièvre jaune ou virus de Lassa (15).

 

IV Hépatites médicamenteuses

 

 

1. Généralités

 

 

L'anamnèse est déterminante pour ne pas méconnaître une cause non virale d'hépatite aiguë. La recherche acharnée d'une cause médicamenteuse doit être faite, même devant le tableau d'hépatite virale aiguë le plus évident en apparence. Au début de toute hépatite aiguë, il faut éviter le risque, souvent mortel, de prolonger la consommation du médicament responsable de l'hépatite. Aussi, toute consommation médicamenteuse doit être interrompue à l'exception de l'insuline, d'une hormonothérapie substitutive d'insuffisance thyroïdienne ou surrénale, et de la quinine en cas d'accès pernicieux palustre à plasmodium falciparum, certain ou suspecté.

 

Le nombre des médicaments potentiellement hépatotoxiques est considérable et la liste s'allonge régulièrement. Les médicaments peuvent être responsables d'hépatites aiguës, mais aussi d'une grande variété d'autres lésions hépatiques (18-20). Diverses études ont montré que 10 à 50 % de femmes enceintes consommaient des médicaments potentiellement hépatotoxiques (20). La grossesse n'aggrave pas le risque d'hépatite aiguë médicamenteuse (20).

2. Quelques médicaments hépatotoxiques  

Le paracétamol est un antipyrétique et un analgésique recommandé aux doses thérapeutiques usuelles chez la femme enceinte et dont le métabolisme hépatique, glucuroconjugaison et oxydation, est augmenté pendant la grossesse (21). Chez la souris gravide, l'hépatotoxicité du paracétamol est augmentée et associée à une diminution accrue du glutathion hépatique (22). Le jeûne, qui dépléte rapidement le glutathion intrahépatique, accroît la toxicité hépatique du paracétamol : il pourrait expliquer certains cas d'hépatotoxicité du paracétamol à dose thérapeutique (1).

Divers antibiotiques du groupe des macrolides sont hépatotoxiques. Une cholestase ictérique transitoire a été observée pendant une grossesse au cours d'un traitement par la troléandomycine (23). Une telle cholestase, également observée chez des femmes recevant simultanément l'antibiotique et un contraceptif oral (24), traduit la majoration, par la troléandomycine, de l'effet cholestasiant des oestrogènes. Une hépatite aiguë mixte peut être observée avec plusieurs dérivés de l'érythromycine (25), un macrolide utilisé dans le traitement des infections à Chlamydia trachomatis pendant la grossesse.

L'hépatotoxicité de la tétracycline administrée par voie intraveineuse, responsable chez certaines femmes enceintes atteintes de pyélonéphrite aiguë d'une stéatose hépatocytaire microvésiculaire, ne s'observe plus depuis l'abandon de l'administration parentérale du médicament.

Plusieurs cas d'hépatite fulminante due à l'isoniazide ont été observés en fin de grossesse ou dans le post-partum (26). Des cas d'hépatite fulminante due au méthoxyflurane ou à l'halothane (1), à la diphénylhydantoïne (300 mg/j)(1), au phényléthyl-barbiturate de quinidine (400 mg/j)(1), à l'alphaméthyldopa (expérience personnelle) ont été observés chez des femmes enceintes.

 

V Causes rares de maladie hépatique aiguë pendant la grossesse (voir table I)

 

 

Une hépatite aiguë toxique, souvent due à une intoxication par le paracétamol, risque d'être méconnue si l'intoxication est dissimulée et l'ictère absent, ce qui est fréquent au début.

 

L'hépatite hypoxique aiguë, souvent d'origine ischémique, est surtout observée les sujets porteurs d'une cardiopathie. Elle succède à un épisode transitoire de bas débit cardiaque parfois secondaire à un trouble du rythme nocturne, transitoire et méconnu (27).

Une hépatite aiguë auto-immune, cortico-sensible, peut se révéler à l'occasion d'une grossesse.

Une maladie de Wilson peut se révéler sur un mode aigu à l'occasion d'une grossesse ou dans le post-partum (28).

VI Hépatites fulminantes ou subfulminantes (29)

 1. Définitions  

Une hépatite fulminante ou subfulminante est définie par l'association d'une hépatite aiguë sévère (taux de prothrombine < 50 %) et d'une encéphalopathie hépatique. L'hépatite est dite fulminante quand le délai entre l'ictère et l'encéphalopathie est inférieur à 15 jours et subfulminante quand ce délai est compris entre 15 jours et 3 mois. Les hépatites virales compliquées d'encéphalopathie, plus souvent fulminantes que subfulminantes, sont dues surtout aux virus B et D, parfois au virus A et, dans les pays d'endémie et surtout au 3e trimestre de grossesse, au virus E. La cause peut aussi en être une hépatite aiguë médicamenteuse ou toxique, ou une maladie de Wilson "aiguë" (28).

2. La phase d'hépatite aiguë sévère (29)

 

 

La phase d'encéphalopathie est obligatoirement précédée d'une période, plus ou moins brève, d'hépatite aiguë sévère définie par la seule diminution au-dessous de 50 % de la normale du taux de prothrombine.

 

Cette phase pré-encéphalopathique est d'une importance pronostique exceptionnelle car une véritable prévention de l'encéphalopathie, donc de l'hépatite fulminante, peut souvent être obtenue par l'interruption de toute administration médicamenteuse. En effet, de nombreux médicaments peuvent dès ce stade, avoir des effets délétères : (a) les sédatifs et les antiémétiques peuvent entraîner l'apparition rapide d'une encéphalopathie simulant une encéphalopathie hépatique spontanée ; (b) les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le paracétamol peuvent majorer les lésions hépatiques ; (c) tous les médicaments potentiellement néphrotoxiques, en particulier les aminosides, exposent au risque d'insuffisance rénale aiguë, majoré ici par l'insuffisance hépatocellulaire et facteur d'oedème cérébral. La détermination de la cause de l'hépatite aiguë, dès ce stade pré-encéphalopathique, est une urgence car la connaissance de la cause est cruciale pour le pronostic au moment de l'encéphalopathie (30, 31). Pour toutes ces raisons, le transfert rapide en milieu hépatologique spécialisé des sujets atteints d'hépatite aiguë sévère est recommandé sans attendre la phase d'encéphalopathie.

3. La phase d'encéphalopathie

L'encéphalopathie des hépatites fulminantes est classée en 3 stades de gravité croissante : astérixis, confusion et coma. Les principaux syndromes associés à l'encéphalopathie sont une hypercinésie cardiocirculatoire, une alcalose ventilatoire et, parfois, une insuffisance rénale aiguë et un oedème cérébral sévère, complication la plus grave, responsable de 50 % des décès. Le taux de mortalité varie selon le virus causal et le degré maximum de l'encéphalopathie : ce taux, inférieur à 5 % en l'absence de coma, est de 75 % dans les hépatites fulminantes virales comateuses. Le pronostic des hépatites fulminantes est évalué principalement sur la cause de l'hépatite, l'âge et les facteurs de coagulation, en particulier le facteur V (proaccélérine) (32). Si elle survient, la guérison spontanée est complète. Le pronostic ne paraît pas aggravé par la grossesse bien que l'insuffisance rénale soit probablement plus sévère chez la femme enceinte.

 

4. Le traitement curatif

 

 

Le traitement médical, uniquement symptomatique, comprend :

(a) l'administration de sérum glucose associé à des vitamines du groupe B et du phosphore ;

(b)l'abstention de tout traitement risquant de modifier les principaux paramètres du pronostic : en particulier, le plasma frais congelé et les sédatifs et les antiémétiques sont absolument contre-indiqués ; les malades agités doivent être attachés et ne pas recevoir de sédatifs ;

(c) l'abstention de tous les médicaments, justifiée par le risque d'effet délétère imprévisible ;

(d) l'épuration extra-rénale en cas d'insuffisance rénale aiguë (souvent compliquée d'oedème cérébral) (29).

 

La transplantation hépatique en urgence a nettement augmenté la survie globale précoce. Son indication doit être posée en milieu hépatologique spécialisé. A partir d'une expérience antérieure de 400 malades, nous avons défini et validé prospectivement deux critères permettant de porter cette indication avec une sensibilité et une spécificité satisfaisantes : (a) avant 30 ans, l'association d'une confusion, ou d'un coma, et du facteur V inférieur à 20 % de la normale, et (b) après 30 ans, l'association d'une confusion, ou d'un coma, et du facteur V inférieur à 30 % de la normale. Avec ce critère, la survie des malades transplantés est de 70 % à 2 ans (33).

 

La conduite vis-à-vis de la grossesse ne repose que sur des indications obstétricales puisque la maladie hépatique est indépendante de la grossesse. La mort foetale est fréquente. Malgré les troubles de l'hémostase, l'accouchement peut souvent se dérouler par voie basse. Une hémorragie de la délivrance, facteur d'ischémie hépatique, peut aggraver l'insuffisance hépatocellulaire. Quand la transplantation hépatique en urgence est indiquée, l'interruption préalable de la grossesse paraît préférable, bien que dans un cas elle ait pu être conservée (34).

5. La prévention  

Elle reste, de très loin, la meilleure approche thérapeutique des hépatites fulminantes et subfulminantes.

Elle repose à la fois sur (a) la prévention de la cause quand elle est possible (par exemple, la vaccination systématique large contre le virus B, l'utilisation la plus restreinte possible des médicaments hépatotoxiques et des multithérapies) ; (b) la reconnaissance précoce des hépatites aiguës médicamenteuses (par une surveillance biologique prolongée, si nécessaire plusieurs mois, des traitements par des médicaments d'introduction récente) ; (c) la prévention des facteurs évitables d'aggravation des hépatites aiguës déclarées, en particulier par l'arrêt de l'administration des médicaments dès le début de la maladie ; (d) le transfert précoce en hépatologie des hépatites aiguës sévères.

Tableau 1 : Hépatites aiguës de la grossesse

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Causes

 

virus A, B, C, D, E

 

virus herpes simplex*

 

autres herpesvirus

 

médicaments hépatotoxiques

 

hépatites fulminantes (virus, médicaments)

 

Diagnostic différentiel

 

hépatopathies spécifiques de la grossesse

 

. hyperemesis gravidarum (1er trim.)

 

. cholestase gravidique (2e et 3e trim.)

 

. hypertension artérielle gravidique (3e trim.)

 

. stéatose hépatique aiguë gravidique (2e et 3e trim.)

 

hépatopathies vasculaires

 

(congestion veineuse, dilatation sinusoïdale*, péliose, thrombose des veines sus-hépatiques*, thrombose de la veine porte, infarctus hépatique)

 

lésions hépatiques des infections bactériennes et fungiques

 

lésions hépatiques des infections parasitaires

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* favorisées par la grossesse

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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Jacques BERNUAU

Service d'Hépatologie Hôpital Beaujon, 92118 Clichy 40 87 50 00

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995