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Titre: Que peut-on attendre de la chirurgie cardiaque ?
Année: 1996
Auteurs: - Lecompte Y.
Spécialité: Néonatologie
Theme: Chirurgie cardiaque

que peut-on attend la chirurgie cardiaque ?

Y. Lecompte

L’avènement du diagnostic anté-natal des malformations cardiaques a contraint ceux qui les prennent en charge après la naissance à énoncer plus clairement qu’ils ne le faisaient auparavant leurs buts et leurs moyens. L’indication d’une interruption de grossesse ne peut évidemment reposer que sur une connaissance aussi précise que possible de la durée et de la qualité de vie prévisibles qu’offrent, dans chaque cas particulier, les méthodes actuelles de traitement de ces cardiopathies. Il ne faut pas se cacher que ceux qui mettent en œuvre ces traitements ne peuvent que très rarement répondre de façon fiable aux questions que se posent légitimement les parents et les obstétriciens. Il y a à ceci plusieurs raisons. D’une part, les résultats de la chirurgie ne sont connus que depuis peu de temps, en tout cas avec un recul inférieur à celui d’une vie humaine normale : la chirurgie à cœur ouvert, depuis ses premiers balbutiements, a moins de 40 ans d’âge. D’autre part, ses résultats se sont, bien heureusement, améliorés au fil du temps et les résultats de certaines réparations effectuées aujourd’hui sont et seront à long terme meilleurs que ceux des interventions pratiquées il y a 10, 20 ou 30 ans. Enfin, beaucoup de techniques utilisées aujourd’hui sont relativement récentes et leur pronostic est, en réalité, inconnu ; les espoirs que l’on forge à leur propos ne reposent que sur une construction intellectuelle, voire sur le simple bon sens. Ces quelques remarques préalables rendent compte de la difficulté de cette présentation ou du moins du caractère relatif des conclusions qui pourront en être tirées. Une autre difficulté mérite enfin d’être soulignée : l’extrême variabilité, à l’intérieur d’une même famille de malformations, des caractères anatomiques et physiologiques individuels ; beaucoup de malformations, appelées par un nom identique, peuvent recouvrir un spectre extrêmement vaste quant à leur possibilité de réparation, et donc des pronostics extrêmement variables allant d’un espoir de vie normale à l’impasse thérapeutique absolue.

Pour toutes ces raisons, considérant que le but de cette présentation est de permettre à des praticiens qui ne sont pas spécialistes de la cardiologie pédiatrique post-natale d’apprécier le pronostic d’une malformation cardiaque, nous avons choisi un plan fort peu académique : nous essaierons de classer les différents types de cardiopathie en fonction de la qualité de leur possible réparation, ce qui nous amènera à nous écarter de toute approche embryologique ou physiopathologique. Il faut souligner d’emblée qu’il n’y a, en pratique, aucune relation entre la gravité spontanée d’une malformation et son pronostic après traitement chirurgical : telle malformation, par exemple la transposition de gros vaisseaux, peut avoir une évolution spontanée catastrophique et un pronostic chirurgical tout à fait acceptable, alors qu’une autre, tel le ventricule unique, peut permettre dans certains cas privilégiés une longue évolution spontanée alors qu’elle est tout à fait irréparable.

Les malformations (presque)totalement réparables

Elles ont en commun, quelles qu’en soient les manifestations cliniques, de concerner des cœurs (ou plus exactement des appareils cardio-pulmonaires) dans lesquels ne manque aucun élément essentiel.

1 – Les « trous »

Les plus simples de ces malformations sont des défauts septaux ou des communications anormales. La liste en est connue : communications interauriculaires, interventriculaires, canal artériel, fenêtre (ou fistule) aorto-pulmonaire. C’est le domaine d’excellence de la chirurgie. Le principe est la fermeture des communications anormales. Si ce principe est connu depuis longtemps, son application au moment opportun, souvent très tôt dans la vie quand l’importance du shunt le nécessite, n’en a été possible avec un risque acceptable que depuis quelques années, grâce aux progrès de la technique chirurgicale et surtout de la CEC et de la réanimation du nouveau-né et du nourrisson. Ce sont ces progrès techniques qui ont du même coup permis de se passer presque complètement des opérations palliatives auxquelles on devait avoir recours lorsque l’enfant était trop petit, en particulier le cerclage (ou banding) de l’artère pulmonaire. Ces cardiopathies dans lesquelles la chirurgie a probablement atteint son niveau de perfection seront peut-être, dans un proche avenir, accessibles à des traitements non-chirurgicaux de cathétérisme interventionnel. Déjà aujourd’hui, beaucoup de canaux artériels, au moins ceux qui ont une taille modérée chez un enfant assez grand, peuvent être fermés par des prothèses de divers types introduites par voie percutanée. Les cathétériseurs commencent à « s’attaquer » aux CIA, voire à certaines CIV. Ce domaine est en pleine évolution, mais l’essentiel pour l’obstétricien est de savoir qu’un enfant atteint de ce type de cardiopathie peut et doit, avec ou sans cicatrice cutanée, accéder à la guérison problablement définitive.

2 – Les « bons » obstacles

On peut également être très résolument optimiste, quoique sans doute à un moindre degré, quand à certains obstacles gauches ou droits, isolés ou associés aux défauts septaux précédemment décrits. Dans ce groupe de « bons » obstacles, en ce qui concerne la voie gauche, seule la coarctation de l’aorte, lorsqu’elle ne dissocie pas à d’autres obstacles en amont, mérite cette qualification. Même chez le nouveau-né, cette lésion, associée ou non à une CIV, est accessible à une réparation de bonne qualité, même si l’on sait qu’à cet âge le risque n’est pas nul d’avoir à « retoucher » plus tard, par la chirurgie ou la dilatation percutanée, une éventuelle recoarctation. Il est très probable que la chirurgie précoce fera disparaître les séquelles fréquentes (dont l’hypertension artérielle) qui menaçaient les enfants opérés tardivement. Parmi les « bons » obstacles droits, l’on peut citer la sténose pulmonaire valvulaire isolée : au prix d’une régurgitation plus ou moins importante (on peut sans doute admettre, si tout est normal par ailleurs que la valve pulmonaire n’est pas absolument essentielle), l’élargissement de l’orifice, le plus souvent par dilatation percutanée, plus rarement aujourd’hui par commissurotomie chirurgicale, permet d’espérer un avenir sans trop de nuages. De très bon pronostic également la sténose médio-ventriculaire droite (en général associée à une CIV), que l’on appelle également sténose ostiale de l’infundibulum ou encore ventricule droit à double chambre.

3 – La tétralogie de Fallot

De ces « bons » obstacles droits associés à une CIV, on arrive insensiblement à la grande famille de maladies désignées sous le terme de tétralogie de Fallot. Si l’anatomie intraventriculaire en est assez stéréotypée (CIV associée à une déviation en avant du septum infundibulaire, créant une obstruction à ce niveau) les lésions de la voie pulmonaire en aval sont de gravité extrêmement variable, déterminant la difficulté de réparation chirurgicale et le pronostic. En simplifiant à peine, on peut dire que le talent du chirurgien diminue au fur et à mesure qu’il s’éloigne du cœur, les lésions des branches à partir du hile pulmonaire lui devenant quasi inaccessibles (ceci ne vaut d’ailleurs pas seulement pour la tétralogie mais pour toutes les maladies comportant des lésions pulmonaires). C’est dire que toutes les tétralogies ne peuvent être classées dans les affections réparables : beaucoup le sont, en pratique celles qui ont des branches pulmonaires acceptables avant le hile pulmonaire ; par contre, les formes qui ont des lésions distales, voire, (surtout dans le cadre des formes extrêmes de cette famille de maladies, les atrésies pulmonaires), une absence d’artère pulmonaire « vraie » dans un territoire plus ou moins étendu peuvent être totalement irréparables.

4 – Les anomalies de connexion

C’est probablement dans ce domaine qu’ont été remportés les plus beaux succès de la chirurgie, particulièrement au cours de ces quinze dernières années. Sans exagération excessive, on peut dire que toute cardiopathie comportant, dans le désordre, les éléments essentiels d’un cœur peut être remise « en ordre », en suivant toujours le même principe : reproduire d’aussi près que possible l’anatomie du cœur normal. C’est ce que l’on appelle une réparation anatomique, dont la définition est simple : les retours veineux doivent se faire dans la bonne oreillette, l’aorte doit faire suite à un ventricule gauche, l’artère pulmonaire à un ventricule droit, le tout sans circuit trop tortueux et surtout sans prothèse tubulaire qui, bien évidemment, ne grandit pas et condamne donc, entre autres désagréments, à des réinterventions itératives.

Les retours veineux pulmonaires anormaux (RVPA) sont depuis très longtemps à la portée de la chirurgie : le RVPA total du nourrisson ou même du nouveau-né a probablement été la première affection naturellement léthale à très brève échéance dont la chirurgie a permis la guérison (guérison étant un terme que l’on a très rarement l’occasion d’utiliser en cardiologie pédiatrique). Même si aucune technique réellement nouvelle n’a été introduite récemment, cette chirurgie a naturellement bénéficié des progrès déjà cités de la CEC et de la réanimation. Mais la grande aventure de ces vingt dernières années a été la mise au point de la réparation anatomique des anomalies de connexion des gros vaisseaux. Il s’agit, à nouveau, d’un spectre de malformations dans lesquelles un ou deux gros vaisseaux ne sortent pas du cœur à leur place normale. La transposition des gros vaisseaux en est le cas extrême, dans lequel chacun des gros vaisseaux a pris la place de l’autre. Cependant il existe une infinité de combinaisons possibles des positions respectives des deux gros vaisseaux que, bien sûr, de savants cardiologues ou anatomo-pathologistes ont voulu classifier. Ces classifications ont probablement créé plus de confusion que de clarté dans l’esprit de ceux qui se souciaient plus de traiter ces enfants que de les affubler d’une étiquette précise. C’est une raison de plus pour que les non-spécialistes de ces questions ne s’encombrent pas de notions aussi floues et surtout aussi peu déterminantes pour le pronostic que celles de ventricule droit à double issue (ou à double sortie), ventricule gauche à double issue, syndrome de Taussig-Bing avec ses multiples définitions et ses propres sous-groupes, etc. : l’essentiel est de savoir si l’on peut faire une réparation anatomique (ce qui est généralement le cas) et surtout comment l’on peut faire le choix entre les différents types de réparation, qui ne sont qu’au nombre de trois. La notion la plus importante, pour comprendre cette chirurgie, est celle de connexion ventriculo-artérielle. Celle-ci est parfaitement claire lorsque le septum interventriculaire est intact : on peut sans ambiguïté affirmer que tel gros vaisseau sort de tel ventricule. Il n’y a alors que deux possibilités (au moins lorsque les deux vaisseaux existent) : concordance lorsque l’aorte sort du ventricule gauche et l’artère pulmonaire du ventricule droit, discordance dans le cas contraire et il s’agit alors d’une transposition dite simple des gros vaisseaux. Lorsqu’il existe, par contre, un défaut significatif dans la partie haute de la cloison interventriculaire, la connexion devient beaucoup plus difficile à définir, car affirmer que tel vaisseau sort d’un des ventricules revient à imaginer mentalement de quel ventricule il sortirait si le défaut septal n’existait pas ; or, bien souvent, on peut « fermer la CIV » soit mentalement, soit à l’échographie soit encore (heureusement) sur la table d’opération, de manière à ce que la cloison place le gros vaisseau à droite ou à gauche, c’est-à-dire en communication avec le ventricule droit ou le ventricule gauche. Abordant ainsi le problème en se souciant non pas de mettre une étiquette sur la malformation mais seulement de la réparer, on le simplifie considérablement puisqu’il n’y a que deux grandes catégories de malpositions artérielles : celle pour laquelle le chirurgien peut, en mettant une cloison à l’intérieur des ventricules, rétablir la connexion normale entre le ventricule gauche et l’aorte d’une part et le ventricule droit et l’artère pulmonaire d’autre part (encore une fois sans tube, ce qui ne serait « pas de jeu ») et celle pour laquelle cela n’est pas possible. Cette dernière catégorie est évidemment celle de la transposition simple ; y appartiennent également les malpositions qui ressemblent à la transposition et qui ont toutes en commun une position de l’orifice pulmonaire proche des valves auriculo-ventriculaires. Que faire dans ces cas? Lorsque la voie de sortie du ventricule gauche est normale, la meilleure solution est le switch artériel (ou détransposition), dans lequel on branche l’origine de l’artère pulmonaire sur l’aorte ascendante et l’origine de l’aorte sur le tronc pulmonaire, en transférant, bien sûr, les artères coronaires sur la nouvelle aorte. Lorsque la voie de sortie du ventricule gauche est sténosée, donc impropre à devenir une belle voie aortique, la solution consiste, après avoir construit un tunnel VG-aorte, à couper l’artère pulmonaire à son origine et à la réimplanter directement sur le ventricule droit : cette opération s’appelle le REV (Réparation à l’Etage Ventriculaire). En résumé, donc, toute malposition des gros vaisseaux non associée à une autre malformation majeure d’un des deux ventricules, des valves auriculo-ventriculaires, ou des branches pulmonaires doit pouvoir bénéficier de l’une des réparations anatomiques suivantes : cloison intra-ventriculaire lorsque c’est possible, switch à l’étage artériel ou REV dans le cas contraire. Cette belle simplicité est réelle. Elle ne doit pas faire oublier les errements, les erreurs et les tâtonnements qui ont marqué sa conquête, non plus que les pièges multiples qui, même pour des cardiologues ou chirurgiens avertis, parsèment encore ce domaine. Quel est l’avenir de ces enfants ayant subi des réparations aussi complexes ? Une autre présentation fera le bilan chiffré des résultats actuels. Retenons seulement que l’on peut aujourd’hui parler de réparation à propos de ces cardiopathies alors qu’on ne pouvait décemment pas le faire il y a une quinzaine d’années.

Les malformations très incomplètement réparables

Nous ne reviendrons évidemment pas sur les formes peu favorables des malformations citées au chapitre précédent et qui appartiennent de fait au groupe traité dans celui-ci. Nous nous attacherons à traiter ici des affections qui sont par nature inacessibles à une vraie réparation anatomique et c’est généralement le cas des affections des valves.

1 – Le canal atrio-ventriculaire

La plus fréquente d’entre elles est le canal atrio-ventriculaire. Cette malformation n’est pas une affection valvulaire isolée puisqu’elle s’associe à un défaut de cloisonnement de la partie supérieure du septum interventriculaire et de la partie basse du septum interauriculaire. Dans les formes complètes, c’est le plus souvent le shunt gauche-droite et l’hypertension pulmonaire qui sont au premier plan des manifestations cliniques. Cependant, le pronostic à long terme est lié à la qualité et la durabilité de la réparation mitrale et il faut bien reconnaître que les résultats sont rarement parfaits même s’ils sont le plus souvent acceptables.

2 – Les affections valvulaires

Les autres affections valvulaires, qu’il s’agisse de malformations des valves auriculo-ventriculaires, de sténose ou d’insuffisance ou des deux, les résultats des réparations, aussi raffinées soient-elles, ne sont que bien rarement parfaits. En règle générale, plus précocément l’on est amené à intervenir et plus les lésions sont sévères et donc inaccessibles à une bonne réparation. C’est d’autant plus regrettable que le remplacement par des prothèses, s’il est plus simple techniquement, est bien aléatoire à long terme. Bien évidemment, aucune de ces prothèses ne grandit. De plus, les prothèses mécaniques imposent un traitement anticoagulant à vie, comportant ses risques propres. Les bioprothèses ne sont pratiquement plus utilisées car elles se détériorent (le plus souvent par calcification) dans des délais inacceptables. En position aortique, les homogreffes sont sans doute un peu plus durables mais ne constituent pas la panacée dans laquelle on avait mis beaucoup d’espoir il y a quelques années. En position aortique, la mode actuelle est à l’intervention de Ross, qui consiste à remplacer la racine aortique par la racine pulmonaire (ensemble composé par la valve pulmonaire, prélevée en bloc avec le haut de l’infundibulum et le tronc pulmonaire), cette dernière étant remplacée par une homogreffe. L’idée sous-jacente à cette opération est qu’elle règle définitivement le problème aortique, au prix jugé modéré de remplacements itératifs de la voie pulmonaire. Ceci sera à confirmer dans une vingtaine d’années... En attendant, elle garde – pour les chirurgiens – l’attrait d’un joli morceau de bravoure.

3 – Les reconstructions comportant un tube

Parce qu’elle comporte également la mise en place d’une prothèse tubulaire, valvée ou non, la réparation du truncus arteriosus ou des formes sévères d’atrésie pulmonaire avec CIV sont à considérer comme des cardiopathies non complètement réparables. Toutes les prothèses tubulaires (et nous incluons ici les homogreffes dans les prothèses) sont des pis-aller : certaines prothèses sont pires que d’autres – on ne le sait malheureusement parfois qu’après quelques années – mais aucune n’approche la perfection du tissu vivant, l’absence de possibilité de croissance étant leur pire défaut commun.

4 – Les doubles discordances

Dans ce même groupe enfin, il faut sans doute citer les divers types de séparation biventriculaire des doubles discordances avec CIV, accompagnées ou non de sténose de la voie pulmonaire. On sait que, dans cette malformation, à chacune des oreillettes fait suite le « mauvais » ventricule (celui qui, normalement, fait suite à l’autre oreillette) et qu’à chacun des ventricules, fait également suite le « mauvais » vaisseau. Les réparations classiques, les plus faciles techniquement, laissaient en position systémique le ventricule anatomiquement droit. Dans bien des cas, ce ventricule s’avérait à moyen terme incapable de faire face au travail important pour lequel la nature a prévu un ventricule de morphologie gauche, très différent quant à sa forme et à la disposition de ses fibres musculaires. Pour cette raison, la tendance actuelle est de préférer des interventions beaucoup plus complexes techniquement qui ont l’avantage de remettre (par un « switch » à l’étage ventriculaire ou artériel) le ventricule anatomiquement gauche sous l’aorte, en y associant évidemment, pour ne pas faire arriver le sang noir à l’aorte, un « switch » à l’étage atrial. C’est là aussi un joli morceau de bravoure qu’il est encore trop tôt pour juger.

Les cardiopathies irréparables

Ce sont celles dans lesquelles manque un élément essentiel :

1 – Les lits vasculaires pulmonaires insuffisants

Assez souvent, cette pièce manquante est une partie importante du lit vasculaire pulmonaire. Nous avons déjà cité, dans le premier chapitre, l’importance pronostique de ce facteur, inaccessible au chirurgien et qui peut rendre parfaitement irréparable une malformation banale quant à ses composantes intra-cardiaques. Les plus fréquentes de ces maladies sont les formes sévères d’atrésie pulmonaire, qui s’associent à des lésions intra-cardiaques de type tétralogie de Fallot. Le chirurgien est bien souvent cantonné à des gestes palliatifs plus ou moins complexes, ayant pour but le plus souvent d’augmenter le débit pulmonaire par des anastomoses avec le système aortique, plus rarement de réduire ce débit.

2 – Les cœurs incomplets

La pièce manquante est parfois cardiaque : hypoplasie ou absence d’un des deux ventricules, d’une valve auriculo-ventriculaire, absence ou malformation extrême du septum interventriculaire. La liste serait longue des noms donnés à ces affections dans la terminologie classique. Les plus importantes à connaître sont l’hypoplasie du cœur gauche, l’atrésie tricuspide et les formes majeures d’atrésie pulmonaire dites à septum intact qui sont en réalité des hypoplasies du ventricule droit et la grande famille des ventricules uniques (appelés aussi cœurs univentriculaires ou encore ventricules à double entrée). La conséquence commune à toutes ces malformations est qu’elles ne permettent pas de réparation biventriculaire séparant la « petite » et la « grande » circulation. Ces vingt dernières années ont vu le développement d’une stratégie commune pour pallier toutes ces malformations, pourtant très diverses dans leur nature, leur anatomie et leurs manifestations : c’est l’opération initialement décrite par Fontan et Baudet pour traiter l’atrésie tricuspide. Le principe en est de connecter directement le sang cave à l’artère pulmonaire, gardant ce qui existe de pompe cardiaque pour pulser le sang rouge dans la circulation systémique. Les techniques ont évolué au fil des années mais il est évident qu’elles n’ont pas permis d’atteindre des résultats comparables en qualité, en fiabilité et en durée à ceux des réparations anatomiques : il vaut mieux avoir un ventricule pour pulser la circulation pulmonaire que de compter sur la seule augmentation de la pression veineuse, même lorsque les résistances d’aval sont basses. Une légère augmentation des résistances pulmonaires, la moindre anomalie du cœur « gauche » suffisent à rompre un équilibre précaire. Cette chirurgie a les mérites et les limites d’une chirurgie palliative. Elle a transformé le pronostic d’un grand nombre de malformations complexes et donné, dans les meilleurs des cas, une qualité de vie tout à fait satisfaisante. On peut cependant se demander si les efforts pour amener à cette solution des nouveau-nés atteints d’affections rapidement létales spontanément sont toujours justifiés. Je pense en particulier à l’hypoplasie du cœur gauche, dont le traitement palliatif néonatal, par l’opération de Norwood (opération « héroïque » s’il en est) a pour objectif final une opération de Fontan dépendant, comme seule source d’énergie, d’un ventricule droit...

Les limites de ce type de chirurgie amènent naturellement à discuter, lorsque toute réparation de bonne qualité est impossible, la possibilité d’un remplacement, c’est-à-dire, dans l’état actuel de la technique, de la transplantation (cardiaque ou cardio-pulmonaire). Cette possibilité existe et nous sommes probablement à l’aube d’une ère nouvelle de la chirurgie. Nous n’aurons pas la fatuité de prophétiser sur son avenir. Celui-ci dépend des progrès espérés mais incertains de méthodes immunologiques permettant de faire tolérer des organes homologues voire hétérologues. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que la voie de la transplantation n’est pas, pour l’enfant et sa famille, un chemin facile. C’est vrai pour la transplantation cardiaque, ça l’est encore beaucoup plus pour la greffe cœur-poumons qui, pour beaucoup, a été un véritable calvaire. Ces incertitudes, les difficultés techniques de la transplantation cœur-poumons lorsqu’il existe une circulation collatérale thoracique importante ou des adhérences dues à des interventions antérieures, les difficultés pratiques de l’obtention des organes font que la transplantation fait encore partie des armes d’exception dans le traitement des cardiopathies congénitales.

CONCLUSION

Si cette présentation avait rempli son but, l’obstétricien découvrant chez un fœtus une malformation cardiaque saurait dire à la mère ce qu’elle est en droit d’espérer des cardiopédiatres et des chirurgiens pour son enfant. Je sais que ce but n’est que très incomplètement rempli. J’ai essayé de simplifier, sans aller jusqu’à déformer, une réalité extrêmement complexe, mais nous devons reconnaître, nous spécialistes, que nous ne savons pas répondre clairement à ces questions. La variété de cette pathologie est telle que, sous la même étiquette diagnostique, coexistent la meilleure et la pire des malformations. Les incertitudes de la chirurgie sont si grandes que tel patient atteint d’une affection réputée réparable aura un avenir bien moins rose que tel autre atteint d’une malformation irréparable mais, par chance, équilibrée par la nature ou la chirurgie palliative. Ainsi, même la classification grossière que nous avons adoptée (cardiopathies bien réparables, incomplètement réparables ou pas réparables) et qui est probablement la moins mauvaise, ne recouvre-t-elle pas, pour l’individu, la réalité de la seule chose qui importe : la qualité et la durée de la vie. Enfin, est-il besoin de souligner que le flou de la réponse apportée par les techniciens de la cardiologie ne soulagera pas ceux qui ont la charge, devant un fœtus malformé, de répondre à une question qui dépasse de très loin la technique et qui peut, en termes simples s’énoncer ainsi : à quelles conditions la vie vaut-elle la peine d’être vécue ?

BIBLIOGraphie

L’immensité du domaine abordé dans cette présentation ne permet pas, pour chaque type de malformation, la citation d’une bibliographie spécifique. Nous nous bornerons à conseiller, pour l’éclaircissement de points de détails, deux ouvrages de référence. 

L’un est très élémentaire, et permet une approche très facile pour les non-spécialistes :BATISSE A. : Cardiologie Pédiatrique Pratique. Douin Editeurs. Paris 1993.

L’autre est la « bible » de la chirurgie cardiaque :KIRKLIN J.W., BARRATT-BOYES B.G. : Cardiac Surgery, Second Edition, Churchill Livingstone Inc.. New York 1993.

Enfin, pour ceux qui seraient intéressés par les malpositions ventriculo-artérielles, dont la stratégie a dû, dans cette présentation, être résumée au point d’être difficilement compréhensible dans le détail :LECOMPTE Y., BATISSE A., DI CARLO D. : Double-outlet Right Ventricle : a Surgical Synthesis. In Advances in Cardiac Surgery, 4, 1993 ; 109-135. Mosby-Year Book, Inc. St Louis.