Les
enfants de l’ICSI
Professeur
Jean Parinaud
Laboratoire
de Biologie de la Reproduction
CHU La Grave
31052 Toulouse, Cedex
Depuis la
naissance en 1992 du premier enfant à Bruxelles , l’ICSI a connu un extraordinaire
développement, mais a toujours suscité des craintes vis à vis des risques pour
l’enfant à venir. Ces craintes étaient basées sur deux problèmes :
I.
La manipulation des gamètes et l’aspect artificiel de la fécondation. A ce niveau,
deux problèmes étaient soulevés :
A.
Le choix non naturel du spermatozoïde qui va féconder impliquant le postulat,
non illogique mais non réellement argumenté qu’un spermatozoïde non fécondant
a une qualité nucléaire inférieure et que la zone pellucide et la membrane cytoplasmique
ovocytaire, contrairement au biologiste, sélectionne les spermatozoïdes aptes
à un développement normal du conceptus.
B.
L’effraction de la membrane et du cytoplasme ovocytaire posant la question des
risques de lésions du fuseau chromatinien et de l’introduction d’ADN étranger.
II.
Le risque de transmettre un infertilité masculine. L’avènement de l’ICSI a coïncidé
avec un essor considérable des études concernant la génétique de l’infertilité
masculine et en particulier la découverte des micro-délétions de l’Y.
1. Taux de malformations
1.1 Taux global
Référence
|
Nombre
d’enfants
|
Malformations
majeures (%)
|
Malformations
mineures (%)
|
Comparaison
|
Remarques
|
|
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Registre
|
Taux du
registre
|
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1966
|
46 (2,3)
|
Office of
Population Censuses and Surveys
|
2,5%
|
Pas d’anomalie
spécifique
|
BLEFCO
|
2799
|
55 (1,9)
|
EUROCAT
|
1,9%
|
Pas d’anomalie
spécifique
|
|
807
|
16 (2,0)
|
?
|
|
|
Pas d’anomalie
spécifique
|
FIVNAT
1998
|
2332
|
1,6%%
|
0,7%
|
Institut
Européen de Génomutations
|
1,5%
|
Augmentation
des anomalies cardio-vaculaires
|
|
730
|
20 (2,7)
|
9 (1,2)
|
|
|
Pas d’anomalie
spécifique
|
|
1139
|
37 (3,2)
|
40 (3,5)
|
Swedish
Medical Birth Registry
|
OR = 1,19
|
Augmentation
hypospadias (risque relatif = 3)
|
Les résultats rapportés
montrent globalement un taux de malformations très proche de celui rapporté
dans les grossesses spontanées. Ces études sont toutefois difficiles à comparer
entre elles et avec les différents registres pour plusieurs raisons :
- La définition
des malformations mineures et majeures est variable selon la classification
utilisée.
- L’exhaustivité
du recueil des données des grossesses. C’est évidemment un point essentiel
pour valider les études. Elle est difficile à évaluer et le taux de « perdus
de vue » est de 6% pour l’enquête danoise, 2% pour l’équipe de Bruxelles
et de 4% pour l’enquête BLEFCO mais est inconnue pour la plupart des études.
On peut toutefois postuler qu’il en est de même pour les registres de référence.
Pour
ce qui concerne les anomalies spécifiques, leur prévalence étant très faible,
il est difficile de tirer des conclusions définitives sur des populations
de cette importance. Toutefois, la plupart des études ne rapportent pas d’augmentation
d’un type particulier d’anomalie ; de plus les augmentations rapportées
par certains, concernent des anomalies différentes.
2. Taux
d’anomalies chromosomiques
Une
première publication en 1995 avait alerté sur le risque d’anomalies des gonosomes
chez les enfants issus d’ICSI, puisque sur 15 diagnostics prénataux, 5 montraient
une anomalie . Depuis, de nombreuses études se sont penchées sur ce problème
et les résultats sont rapportés dans le tableau suivant.
Référence
|
Nombre
de diagnostics
|
Nombre
d’anomalies des autosomes (%)
|
Nombre
d’anomalies des gonosomes (%)
|
|
1082
|
19 (1,8)
(9/19 de novo)
|
9 (0,8)
(9/9 de novo)
|
|
209
|
7 (3,3)
(6/7 de novo)
|
0
|
|
362
|
5 (1,3)
(1/5 de novo)
|
3 (0,8)
|
FIVNAT
1998
|
?
|
2,3%
|
1,8%
|
BLEFCO
|
875
|
31 (3,5)
|
6 (0,6)
|
Ces
résultats sont difficiles à interpréter et à comparer à une population générale
dans la mesure où beaucoup d’équipes ont pratiqué des caryotypes systématiques
lors des grossesses ICSI. Toutefois, il apparaît que les taux rapportés sur
les anomalies autosomiques sont proches de ceux rapportés dans la population
générale. Pour ce qui concerne les anomalies des gonosomes, si elles sont plus
fréquentes que dans les registres de diagnostics anténataux, leur fréquence
est comparable à celle retrouvée chez les adultes. Il ne semble donc pas y avoir
d’augmentation réellement significative des anomalies chromosomiques. Toutefois,
ceci est à nuancer en fonction des indications. Si le diagnostic anténatal systématique
n’est plus à l’ordre du jour dans les grossesses ICSI, le bilan génétique préalable
chez l’homme est indispensable dans certaines indications (oligospermies sévères,
azoospermies non obstructives, agénésies vésiculo-déférentielles) et peut amener
à réaliser un diagnostic anténatal.
3. Evolution
des enfants
Le suivi
à moyen et long terme des enfants, s’il représente un élément très important
dans l’évaluation de l’innocuité de l’ICSI est difficile à mettre en place et
représente une somme de travail considérable. De plus il pose le problème de
la confidentialité de l’origine de la conception et également celui de l’impact
psychologique d’une surveillance accrue de ces enfants. Enfin, dans la mesure
où il ne peut être basé que sur le volontariat des parents, l’exhaustivité est
impossible et il y a un risque important de biais, les parents d’enfants posant
ou non problème pouvant avoir des attitudes très différentes vis à vis d’un
suivi à long terme.
Une équipe australienne a effectué une étude prospective sur le développement
à 1 an de 89 enfants conçus par ICSI, 84 enfants conçus par FIV et 80 enfants
conçus naturellement . S’il n’ont pas trouvé de différence dans le développement
et la santé physique, par contre un retard modéré dans les tests psychométriques
a été noté chez 15 enfants ICSI, versus 2 et 1 respectivement pour la FIV et
la conception naturelle. Par contre, l’équipe de Bruxelles n’a trouvé aucune
différence sur le suivi de 201 enfants ICSI à deux ans par rapport à la population
générale .
A l’heure actuelle, même s’il n’existe pas de raison scientifique d’inquiétude,
l’incertitude demeure quant aux risques à long terme. La seule réponse possible
serait une étude cas-contrôles dont on mesure la difficulté de mise en place.
4. Risques
d’infertilité masculine
La mise
en évidence de micro-délétions de l’Y dans certaines azoospermies ou oligospermies
sévères a soulevé la question de la fertilité des enfants males conçus par ICSI.
Ce problème n’est pas directement lié à la technique d’ICSI mais à l’origine
de l’infertilité. Depuis la mise en évidence de micro-délétions chez des sujets
fertiles, leur rôle exact dans l’infertilité est mal connu. L’origine génétique
de certaines infertilités masculines, mais également féminines, reste toutefois
une réalité, mais la prévalence des infertilités « génétiques » est
impossible actuellement à préciser. Les données épidémiologiques semblent montrer
qu’elle est relativement faible .
5. Conclusion
Huit
ans après la naissance du premier enfant conçu par ICSI, les résultats obtenus
sont globalement rassurants quant à l’innocuité de l’ICSI, mais la vigilance
doit être de mise quant au devenir à long terme et à certaines indications particulières
(spermatozoïdes testiculaires, spermatides….).
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