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Titre: Le diagnostic pre-implantatoire (DPI)
Année: 1994
Auteurs: - Humeau C.
Spécialité: Infertilité
Theme: DPI

LE DIAGNOSTIC PRE-IMPLANTATOIRE

C. HUMEAU et F. ARNAL

CHR de Montpellier

Parmi les applications qui pourraient résulter de la conjonction des PMA et de la génétique certaines n'ont peut-être pas encore été imaginées, la plupart sont à l'état d'hypothétiques projets, comme la thérapie génique germinale, mais l'une d'elles, le diagnostic pré-implantatoire, a déjà été timidement testée. Son éventuelle mise en oeuvre en routine pose de nombreux problèmes, pas tous insolubles, concernant son utilité, son efficacité, son champ d'application, ses effets pervers.

Le diagnostic pré-implantatoire (DPI)

Le diagnostic pré-natal (DPN) en cours de grossesse est de pratique courante. L'examen échographique du foetus détecte le sexe et la plupart des anomalies morphologiques, d'origine génétique ou non. L'étude du caryotype ou de l'ADN de cellules foetales obtenues par trophocentèse, par amniocentèse, ou par cordocentèse, autorise le diagnostic du sexe et d'un certain nombre d'anomalies génétiques. Le DPN comporte (sauf l'échographie) quelques risques d'avortements et il se solde en cas de découverte d'une anomalie grave, et si le couple le souhaite, par un avortement dit thérapeutique, qui devrait d'ailleurs s'appeler, si l'on n'avait pas peur des mots, avortement eugénique. Ces mêmes techniques (sauf l'échographie) pourraient être appliquées à l'embryon obtenu in vitro avant son transfert; c'est le diagnostic pré-implantatoire ou DPI.

On pourrait pratiquer sur l'embryon pré-implantatoire deux types d'examen. Le caryotype devrait permettre le diagnostic d'anomalies chromosomiques, responsables de graves malformations. Les techniques de biologie moléculaire appliquées à l'ADN devraient révéler les gènes anormaux, responsables de diverses maladies quelquefois très invalidantes. On pourrait alors ne transférer que les embryons dépourvus de ces anomalies. Ces mêmes techniques permettraient aussi de diagnostiquer le sexe des embryons, grâce au caryotype, ou par les techniques d'analyse de l'ADN. Cela pourrait avoir une utilité dans le cas des maladies génétiques dont la transmission est liée au sexe, par exemple la myopathie ou l'hémophilie, qui n'atteignent en pratique que les garçons, l'objectif étant alors de ne transférer que les embryons de sexe féminin.

 

Le DPI correspond-il à un besoin?

Certains couples sont connus comme étant susceptibles de transmettre une anomalie génétique, qui peut être une aberration chromosomique ou une maladie génique. Les enquêtes génétiques permettent de chiffrer ce risque, après analyse des anomalies déjà rencontrées chez les ascendants, les descendants ou les collatéraux, et qui ont motivé la consultation. Pour ces couples il y a jusqu'à maintenant trois solutions: la décision de ne pas procréer; la mise en train d'une grossesse, qui sera surveillée par le DPN classique avec dans certains cas le risque d'avortement accidentel et surtout la perspective d'un éventuel avortement thérapeutique; enfin la mise en route d'une grossesse avec don de gamètes ou même d'embryons. Le DPI permettrait à ces couples de procréer avec leurs propres gamètes tout en étant libérés des craintes et des problèmes éthiques liés au DPN.

 

Le DPI est-il techniquement réalisable ?

Le DPI passe bien sûr par la fécondation in vitro et par la biopsie embryonnaire, c'est à dire le prélevement d'une (ou quelques) cellule de l'embryon, sur laquelle sera fait le diagnostic; le reste de l'embryon, intact, pouvant donner par régulation un embryon puis un foetus complet et normal. Les obstacles techniques au DPI ne sont probablement pas tous insurmontables à moyen terme.

Le passage obligatoire par la FIV de ces couples a priori fertiles n'est sans doute pas un véritable obstacle. L'argument du faible rendement de la FIV ne tient pas; on sait que l'on obtiendrait de bien meilleurs résultats sur des couples fertiles que sur ceux traités habituellement du fait de leur infécondité; les taux de grossesses cliniques seraient vraisemblablement voisins de 50% par ponction. Il faudrait aussi que les couples qui se soumettent à ce test se contraignent pendant le cycle de traitement à l'abstinence sexuelle ou en tout cas à la contraception mécanique. Mais c'est ce qu'ils font déjà en routine et spécialement quand ils ont choisi l'insémination avec sperme de donneur. Il reste que la naissance d'un enfant atteint de la maladie à dépister poserait des problèmes médico-légaux sérieux mais solubles.

Les propositions tendant à se passer de la FIV ne sont pas réalistes. On pourrait en effet mettre en oeuvre ces diagnostics sur des embryons formés in vivo après un rapport sexuel ou une insémination, et que l'on récupérerait par lavage utérin; mais il n'est pas certain que cette procédure soit plus légère pour le couple tant sur le plan pratique que psychologique, et les risques d'échecs de récupération (qui avoisinent les 50%) la rendent inacceptable. On pourrait imaginer de faire ces diagnostics, quand la maladie à tester est d'origine paternelle, sur les spermatozoïdes pour n'inséminer que ceux qui sont indemnes, mais c'est irréalisable puisque ces examens supposent leur destruction. On pourrait aussi faire ces diagnostics, si l'anomalie est transmise par la mère, sur le 1° globule polaire, qui a un équipement génétique complémentaire de l'ovocyte; mais cela suppose encore la FIV et ce test ne serait pas tout à fait fiable, car des anomalies chromosomiques peuvent encore survenir pendant la 2° division méiotique, contemporaine de la fécondation.

Les tests envisagés sont délicats. Les techniques de biologie moléculaire appliquée à l'ADN d'une seule cellule posent des problèmes assez complexes, mais qui sont résolus grâce aux méthodes d'amplification de l'ADN (PCR); il faut cependant prévoir des échecs, dûs précisément à l'extrême sensibilité de ces méthodes qui accroît d'autant le risque de contamination par de l'ADN parasite. Pour diminuer ces risques il faudrait prélever plusieurs cellules. Par ailleurs si la réalisation du caryotype sur une seule cellule est techniquement possible, il faudra aussi prévoir de nombreux échecs, car le blastomère prélevé ne sera pas toujours en mitose. Il serait alors préférable de pratiquer cet examen sur plusieurs cellules. Au total, pour ces différentes raisons, l'efficacité du DPI serait sans doute meilleure s'il s'adressait à des stades à plusieurs dizaines de cellules, c'est à dire sur des morulas ou des blastocystes.

La biopsie embryonnaire n'est pas sans inconvénients, comme le montre l'expérience animale. D'abord elle comporte des risques de destruction de l'embryon, mais ils devraient à terme se réduire avec l'entraînement. Et puis le devenir du reste de l'embryon n'est sans doute pas aussi clair qu'on le dit, car les mécanismes de régulation ne sont pas parfaitement efficaces. La suppression d'un blastomère sur quatre peut fournir un blastocyste pourvu d'un embryoblaste plus petit (avec des conséquences encore inconnues). Pour que la biopsie soit la moins traumatisante possible, il y aurait intérêt à la faire au stade blastocyste et sur les cellules du trophoblaste, l'embryoblaste restant alors intact. C'est donc une raison de plus de privilégier ces stades en fin de segmentation.

La maintenance en survie, pendant le temps nécessaire au diagnostic, du reste de l'embryon destiné à un éventuel transfert doit être assurée, soit par la poursuite de la culture, soit par la congélation, qui peut causer des dommages aux embryons; mais en pratique ces tests ne demandent pas plus d'une journée et le recours à la congélation est inutile. La poursuite de la culture jusqu'à des stades morula ou blastocyste, qui semblent être pour les raisons précédentes des stades plus favorables, peut être réglée par la co-culture.

La fiabilité du diagnostic peut ne pas être parfaite et les risques d'erreurs ne sont pas négligeables. En effet les premiers stades du développement sont quelquefois des mosaïques, Il pourrait donc en résulter des faux positifs, amenant à la destruction d'embryons normaux ou, pire encore, des faux négatifs amenant au transfert d'embryons anormaux. Il est possible que la fréquence de ces mosaïques soit comprise entre 5 et 10%, et cela compromet la pratique du DPI; mais en procédant sur plusieurs cellules, donc au stade blastocyste, on réduirait ces risques d'erreurs. Si ces risques persistent, ces mêmes diagnostics devraient être renouvellés en cours de grossesse par les moyens aujourd'hui classiques du DPN; ce qui rendrait le DPI complètement inutile, même en admettant que les risques de conclure par un avortement thérapeutique sont alors bien plus faibles.

Le coût du DPI serait élevé; il correspondrait à celui du DPN, augmenté de celui de la FIV et de la micromanipulation. Il resterait très inférieur à celui engendré par la naissance d'un enfant malade; mais le même objectif serait atteint par le simple DPN, bien moins onéreux.

 

Que va-t-on diagnostiquer avec le DPI ?

Le diagnostic du sexe par le caryotype peut n'avoir aucun intérêt, puisqu'on peut le diagnostiquer avec les tehniques d'analyse de l'ADN. Ce diagnostic du sexe par l'une ou l'autre méthode pose d'ailleurs un problème éthique, puisque dans le cas des maladies liées au sexe il conduirait à la destruction d'embryons normaux de sexe masulin (en effet dans ce cas un sur deux est indemne), sans compter qu'il conduirait aussi au transfert d'embryons féminins sains mais porteurs de la maladie. Au total il vaudrait mieux de ce point de vue rechercher par l'analyse de l'ADN les gènes anormaux, portés par les chromosomes sexuels (en l'occurence l'X), que diagnostiquer le sexe.

La recherche systématique des anomalies chromosomiques n'est sans doute pas utile, car la plupart d'entre elles sont léthales et conduiront à un arrêt spontané du développement et surtout parce que beaucoup n'entraînent pas de malformation. Il n'est pas cetain que nous soyons en mesure de faire aussi bien que la nature ce "tri embryonnaire".

Il est évidemment utopique de rechercher sur le même embryon un grand nombre d'anomalies génétiques. Il ne peut donc en aucun cas s'agir du screening de l'équipement génétique d'un embryon, mais seulement d'un simple coup de sonde dirigé vers une anomalie précise.

Si on se limite à un petit nombre d'anomalies, à définir sur des critères de gravité ou de fréquence (mucoviscidose, myopathie, hémophilie par exemple), il faudra alors savoir refuser ce diagnostic à des couples risquant de transmettre des maladies tout aussi invalidantes mais plus rares, ou fréquentes mais moins graves.

 

Qui bénéficierait du DPI ?

Il ne pourrait s'appliquer qu'à très peu de couples. Il est bien sûr complètement exclu de l'étendre à tout le monde, pour des raisons évidentes (disparition de la reproduction spontanée et coût faramineux) ou même aux couples traités en FIV pour infécondité, pour des raisons matérielles. Il serait réservé à des couples connus comme étant "à risques", c'est à dire ceux chez lesquels on a une raison de prévoir la survenue d'un enfant porteur d'une des maladies définies. Ce sont des couples où l'un des conjoints est malade, ou ayant déjà un enfant malade, ou apparentés à des malades. Dans ce dernier cas il faut donc d'abord reconnaître parmi les individus sains ceux qui sont porteurs du gène délétère, ce qui nécessite toute une série de démarches et d'examens.

Ces couples à risques étant connus, il faudra définir le risque à partir duquel on propose le DPI. Ces prévisions ne s'expriment en pratique que sous la forme d'une probabilité. A quel degré de probabilité commence-t-on à prescrire le DPI: 50%, 25%, 10% ? La réponse peut dépendre de la perception qu'ont les couples du risque; on peut aussi penser que pour certains va aussi entrer en ligne de compte le risque de donner naissance à un enfant sain mais porteur, qui revivrait le même problème qu'eux.

Faudra-t-il aussi le prescrire chez les femmes de plus de 38 ans, auxquelles le DPN est déjà proposé, à la recherche des anomalies chromosomiques, dont la fréquence augmente significativement à partir de cet âge ? Dans l'affirmative, on devra alors compter avec le faible taux de succès de la FIV chez les femmes de 40 ans et plus.

 

L'impact sur le taux d'anomalies à la naissance

L'immense majorité des couples n'ayant aucune raison de se prêter à ce diagnostic, il reste qu'on n'évitera que très peu de naissances porteuses des anomalies soumises au DPI; les enfants porteurs d'une néomutation ou les enfants de parents sains mais ignorant qu'ils sont porteurs naîtront de toute façon et ils sont plus nombreux que ceux naissant de couples connus comme étant à risques. Cela signifie qu'avec la mise en place de ces examens on n'a aucune chance d'éradiquer ces maladies; il ne faut pas non plus espérer réduire de manière significative le taux global d'anomalies à la naissance dans une population de grand effectif, car la majorité d'entre elles ne sont pas prévisibles et ne seront même pas soumises à ce diagnostic. L'instauration du DPI ne diminuera donc pas la pratique du DPN classique. La pratique du don de sperme, d'ovocytes ou d'embryons ne diminuera pas non plus sensiblement, car les indications génétiques ne représentent que 1 ou 2 % des demandes de don de gamètes ou embryons. Si quantitativement le DPI ne représente pas grand intérêt, il peut cependant constituer un espoir supplémentaire pour quelques dizaines ou centaines de couples chaque année en France.

 

Les effets pervers du DPI

Celui qu'on évoque le plus souvent est le risque d'eugénisme qui proviendrait de son application intempestive à des caractères normaux, On pourrait ainsi choisir le sexe de son enfant, la couleur de ses yeux, son quotient intellectuel, etc... Cela pourrait s'appliquer à des couples traités en FIV pour infécondité, qui profiteraient à l'occasion de ce petit "plus"; ou même à des couples fertiles introduits dans les programmes de FIV à l'occasion de cette demande. En fait, si nous ne savons pas ce qu'il en est chez les couples fertiles, nous ne rencontrons jamais de couples inféconds se souciant de ces détails. En admettant que la mise au point de ces techniques entraîne une demande accrue, elle restera sans doute très limitée. De toute façon ces demandes resteront pendant longtemps pour la plupart sans objet. On ne pourrait en effet obtenir de résultats (hormis le choix du sexe) que dans le cas de caractères monofactoriels, qui sont peu nombreux, tels que les groupes sanguins; et il est peu probable, en admettant que l'on dispose des sondes correspondantes, qu'il y ait des demandes de ce genre. Dans l'immense majorité des cas, ceux qui sont évoqués le plus souvent, il s'agit de caractères multifactoriels; et là on rencontrerait des difficultés quasi-insurmontables, car il faudrait connaître les gènes en question, qui peuvent être nombreux, avec leur mode d'interaction, pour trouver parmi les embryons disponibles celui qui aura le pannel de gènes codant pour le caractère souhaité. De toute façon ces embryons n'auraient que des caractéristiques génétiques déjà présentes chez les parents, et on ne pourrait faire qu'avec ce qu'on a. En outre parmi ces caractères multifactoriels beaucoup sont aussi modulés par les effets du milieu, qui sont imprévisibles; c'est le cas du quotient intellectuel; a supposer que l'on réussisse par miracle (car on est très loin de connaître le déterminisme génétique de ce caractère) à trouver un embryon que l'on saura porteur du patrimoine génétique d'un surdoué (et qui aurait été apporté par les parents), personne ne peut garantir que les conditions d'environnement qui seront fournies à l'enfant à naître permettront de développer ces potentialités.

Quant au risque de modifier à terme le patrimoine génétique de la population, il est nul. En effet ce DPI ne saurait pour des raisons matérielles être appliqué qu'à une part infime de la population, et cela ne représente rien par rapport aux néomutations ou au fantastique brassage des gènes dû à la reproduction sexuée.

 

Selon toute vraisemblance le DPI, qui peut présenter pour un petit nombre de couples une utilité incontestable, va se pratiquer dans un proche avenir. Il faudrait cependant encore prêter attention aux divers inconvénients qu'il présente et qui ne sont peut-être pas actuellement tous évidents. Il faudrait aussi que cette pratique soit bien contrôlée et donc réservée à quelques laboratoire, d'autant que les besoins seront très limités. Il n'y a pas lieu en tout cas de condamner a priori cette technique, ni de fantasmer sur le mythe de l'enfant parfait, alors que chaque couple espère seulement avoir un enfant normal.