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Titre: Conséquences des décrets du 10 octobre 1998 portant sur la périnatalité
Année: 1999
Auteurs: - Buisson G.
Spécialité: Périnatalité
Theme: Decrets portant sur la périnatalité

Réflexions sur les décrets du 10 octobre 1998 

portant sur la périnatalité

 

G. BUISSON

INTRODUCTION

Après une longue attente, le décret n° 98-899 relatif aux établissements de santé publics et privés pratiquant l’obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale, et le décret n° 98-900 relatif aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les établissements de santé pour être autorisés à pratiquer les activités d’obstétrique, de néonatologie ou de réanimation néonatale, sont parus le 10 octobre 1998. Le décret n° 98-899 confirme l’obligation de regroupement des sites d’obstétrique, de néonatologie et/ou réanimation néonatale, définit le champ d’action des unités d’obstétrique, de néonatologie et de réanimation néonatale, définit les critères d’autorisation de ces structures, oblige à la réalisation de conventions inter-établissements et à la mise en réseau conformément aux objectifs fixés par le SROS périnatal et donne un délai à la réalisation de ces obligations. Le décret n° 98-900 met en place les conditions techniques de fonctionnement vis-à-vis du matériel, des locaux, du personnel médical et paramédical, relatives à l’obstétrique, à la néonatologie et à la réanimation néonatale, confirme l’obligation de regroupement sur site unique de ces différentes unités en imposant un délai.

Un des points principaux de ces décrets est l’incitation à la constitution de réseaux périnatals. Ces réseaux périnatals peuvent être imposés par les schémas régionaux d’organisation sanitaire. Pédiatre dans une maternité libérale de niveau II, participant aux gardes sur place de réanimation néonatale d’un centre de niveau III et initiateur, avec des collègues publics et libéraux, d’un réseau périnatal formalisé et fonctionnel, nous voulons témoigner de la faisabilité du travail en réseau et de la qualité de notre exercice. Nous avons vécu toutes les phases de l’élaboration de notre réseau périnatal. Nous rapportons les réflexions suscitées par cette expérience.

Toutefois ces décrets, nécessaires, fondamentaux, et globalement cohérents soulèvent à notre avis 4 types de problèmes :

A - Réseau périnatal

L’Association Départementale des Côtes d’Armor pour l’Etude et la Prévention des Affections Foetales et de leurs Incidences Néonatales (ADEPAFIN) est une association loi 1901, créée en 1987. Elle est promotrice du réseau périnatal du département des Côtes d’Armor garantissant une organisation horizontale du réseau. Il s’agit d’un réseau anté et postnatal fédérant huit établissements : un établissement de niveau III (hôpital général), quatre établissements de niveau II (3 CH et 1 clinique), trois établissements de niveau I (2 CH et 1 clinique), le SAMU, le Centre d’Action Médico-Social Précoce (CAMSP) et le service de Protection Maternelle et Infantile (P.M.I). Pour la formalisation de ce réseau nous avons suivi les recommandations de la circulaire DH - EO 97 277 du 9 avril 1997. Ce réseau est constitué d’un noyau central qui est l’organisation horizontale inter-établissements, concrétisée par la signature de conventions de soins qui déterminent les règles de transferts materno-foetaux et postnataux. Mais les conventions de soins ne suffisent pas pour constituer un réseau. Il faut élargir le champ du réseau vers l’aval en réalisant une évaluation à court terme par un comité de pilotage issu du conseil d’administration à l’aide d’une grille validée par la CTCN, et en réalisant une évaluation à moyen terme par le CAMSP et la PMI. Cette évaluation permet d’élargir le réseau vers l’amont en ciblant les actions de formation auprès des consultants de première ligne pour mieux dépister les grossesses à risque et mal suivies. Cette formation est assurée par l’ADEPAFIN avec l’aide de l’Union Régionale des Médecins Libéraux de Bretagne également partenaire du réseau. Ainsi, une charte du réseau a été rédigée et soumise à l’ARH pour agrément. Suite à cet agrément, un intitulé d’appartenance au réseau, facilement reconnaissable par l’usager, sera utilisé par chaque partenaire du réseau. Ainsi, la parturiente se présentant dans l’établissement de son choix pourra vérifier qu’elle est dans une démarche de qualité et sécurité. La formalisation du réseau nous a permis d’obtenir un budget pour l’informatisation des maternités et l’organisation de la télémédecine au sein du réseau. La principale difficulté a été d’adapter les statuts de l’association à son rôle de promoteur de réseau permettant de bien définir la place de l’ADEPAFIN par rapport à l’ARH et aux administrations d’établissements. En 1996, le réseau couvrait 5 897 naissances vivantes (enquête CTCN), le taux de césarienne était de 14.8 %, le taux de prématurité de 4 % et le taux de grande prématurité inférieur à 33 semaines d’aménorrhée (SA) de 0.9 %. Le réseau était déjà fonctionnel puisque 90.6 % des prématurés inférieurs au terme de 33 SA naissaient dans le centre de niveau III. Le taux de transfert materno-foetal issu de l’hospitalisation était pour le réseau de 0.9 %. L’enquête nationale INSERM de 1995 (8) a bien montré le caractère à risque des grossesses multiples. En 1996, dans notre réseau 57,8 % des grossesses multiples ont accouché dans le centre de niveau III, 28,9 % en niveau II et 13,2 % en niveau I ; les indicateurs périnataux du réseau sont donc bons et encourageants ce d’autant que déjà en 1995, la mortalité périnatale (ratio du nombre de décès enregistrés à partir de la 22ème SA jusqu’au 28ème jour postnatal rapporté au nombre de naissances vivantes enregistrées) du réseau est de 4,6 pour 1000 donc inférieur à la mortalité périnatale de la région Bretagne qui est de 7,5 pour 1000.

 

III - Commentaires

1 - Quelle définition du réseau périnatal ?

Le réseau périnatal est pour nous une organisation interprofessionnelle et interétablissement pour que la parturiente accouche dans l’établissement qu’exige son niveau de soins, en fonction de son lieu de résidence afin d’éviter les séparations mère-enfant, ceci dans les meilleures conditions médicales et psychologiques possibles.Au-delà de ces objectifs partagés par tous les acteurs, le réseau est un espace où se joue la constitution d’alliances en vue d’un partage négocié des gains, des pouvoirs et des notoriétés (9). Ce partage négocié représente le support dynamique du réseau. Celui-ci ne peut fonctionner que si ses divers membres se reconnaissent comme légitimes. Cette légitimité est fondée sur la confiance. La charge d’angoisse mobilisée par la prise de décision (et ce d’autant que les conséquences médico-légales sont omniprésentes) pousse le médecin a rechercher une certaine forme de sécurité dans sa pratique à laquelle le réseau peut répondre (10). Le réseau devient la garantie pour chaque acteur qu’il fait bien son métier. Eviter les séparations mère-enfant est une priorité pour tous les acteurs de soins périnataux qui a été rappelée avec force dans le plan périnatalité de 1994 (7).Les pédiatres ont comme les autres acteurs de soins une grande conscience des conséquences de ces séparations mère-enfant. Si pour un obstétricien la procédure pour extraire un enfant est la même quelque soit son terme ou sa pathologie, pour un pédiatre, la procédure pour accueillir un nouveau-né est très dépendante de son terme et de sa pathologie. Les pédiatres doivent donc être très motivés pour faire en sorte qu’un nouveau-né prématuré ou présentant une pathologie naisse dans un environnement le plus adéquat. Le Pédiatre est ainsi un partenaire essentiel et obligé de l’organisation en réseau.

2 - La première étape de la constitution d’un réseau est la détermination du niveau de soin de chaque structure

Le SROS deuxième génération devra déterminer, avec l’appui des décrets n° 98-899 et n° 98-900 du 10 octobre 1998, la localisation des lits de néonatologie, de soins intensifs et de réanimation néonatale. Mais la limite des champs d’intervention de chaque niveau est discutable et doit être négociée entre les partenaires du réseau en fonction des besoins, des compétences humaines et matérielles. Les décisions de cette négociation doivent être réactualisées dans le temps.

Le niveau I est une maternité sans unité de néonatologie.

Le niveau II est une maternité avec, en son sein, une unité de néonatologie parfois associée à une unité de soins intensifs.

Le niveau III est une maternité avec, dans son environnement immédiat, une unité de réanimation adulte, une unité de réanimation néonatale toujours associée à une unité de soins intensifs.

3 - Faut-il formaliser le réseau?

La question de la formalisation des réseaux périnatals ne semble plus à l’ordre du jour puisque celle-ci est rendue obligatoire par le décret n° 98-899 du 10 octobre 1998 et deviendra indispensable pour l’obtention de l’accréditation des établissements. La question qui demeure est de savoir quel est le degré de formalisation. Le passage de l’informel à la formalisation permet de recenser tous les dysfonctionnements possibles. Par la formalisation des réseaux, on peut espérer diminuer les disparités interrégionales et interdépartementales des indicateurs de périnatalité.

 

a - Quels sont les avantages d’un réseau formalisé ?

* Pour la patiente : quelque soit l’établissement où elle s’adresse elle est assurée d’être dans une démarche qualité-sécurité et que le praticien n’ira pas avec son équipe au delà de ses compétences. La patiente a moins de risque d’être séparée de son enfant. La diffusion au sein du réseau des protocoles établis par les acteurs du réseau peut faire espérer une généralisation plus rapide des techniques ou thérapeutiques efficaces, donc apporter un bénéfice à la population soignée.

* Pour le soignant : il est aidé, conforté et stimulé dans ses décisions par des protocoles établis en collaboration. Il a un rôle spécifique à jouer et peut être valorisé là où il se trouve. Les responsabilités deviennent partagées. Le réseau lui permet d’exprimer sereinement les limites de ses compétences et celles de son environnement organisationnel.

* Pour le financeur : il organise une meilleure rationalisation des soins et la concentration de certaines techniques coûteuses. Il constate une définition précise du rôle de chacun avec amélioration de la performance.

b - Quels sont les risques d’un réseau formalisé ?

* Pour la patiente : elle craint de perdre la proximité familiale qu’elle souhaitait et de reporter sa confiance sur une équipe soignante inconnue. L’interpénétration des acteurs de soins au sein du réseau devrait limiter cette inquiétude.

* Pour le soignant : le grand risque est que la maternité de niveau III (quasi toujours hospitalière) utilise son statut de niveau III pour recruter hors proximité des parturientes relevant de niveau I ou II. Dans l’évaluation du réseau, les maternités doivent publier l’origine géographique et le niveau des soins des parturientes qu’elles reçoivent.

Si une maternité de niveau III et de niveau II sont géographiquement proches, il y a risque de voir glisser le recrutement de la maternité de niveau II vers le niveau I et risque de voir cette même maternité retarder les transferts post nataux prétextant la proximité du niveau III.

En niveau III, la gestion des retransferts de nouveaux-nés peut poser problèmes, générer un surcroît de travail pour un gain psychologique certain sans avantage médical évident. Il faut avoir une capacité d’anticipation des flux. La politique de retransfert est dépendante du taux d’occupation des lits. Après un transfert en niveau III, certaines familles refusent le retransfert vers la maternité d’origine. Cela restera probablement inévitable mais une bonne information préalable sur le fonctionnement du réseau faite par l’adresseur et par le receveur de façon identique et cohérente devrait minimiser cette situation. L’usager change d’établissement mais doit avoir le sentiment qu’il est suivi par une même équipe. Les retransferts se font d’autant plus facilement qu’il y a interpénétration des acteurs de soins entre les différents niveaux de soins. Un taux de retransfert nul témoignerait d’un dysfonctionnement du réseau. Par contre, un taux de retransfert élevé poserait le problème d’une politique de transfert inadaptée, pénalisant le coût de l’organisation du réseau.

La qualité des transports des nouveaux-nés malades, parce-qu’ils deviennent exceptionnels mais toujours éventuels, risque de se dégrader.

* Pour le financeur : dans un réseau, les économies restent à prouver. Quel bénéfice a t-on à faire accoucher en niveau III des parturientes relevant d’un niveau I ? Quel est le coût des transferts et retransferts ? Qui doit supporter ces coûts de transport ? L’administration doit résoudre le difficile problème de l’adéquation du nombre de lits de la structure III pour satisfaire le recrutement de niveau I et II de proximité de cette structure et le recrutement de niveau III du réseau.

4 - Existe t-il des blocages psychologiques à la mise en place du réseau ?

Les acteurs de soins périnataux travaillent actuellement dans un sentiment de culpabilité. La place de treizième rang des pays de l’OCDE pour la mortalité périnatale n’est pas glorieuse. Mais peut-on y attribuer de la valeur ? Cet indicateur de périnatalité reste discutable. Les décès sont enregistrés de la 28ème SA au 7ème jour postnatal. Notre rang serait possiblement amélioré si les décès étaient enregistrés de la 22ème SA au 28ème jour postnatal. Les recueils épidémiologiques entre les différents pays comparés sont-ils réellement superposables ? Plus inquiétant est la non évolutivité de notre rang au fil des années. Ceux qui ont progressé le plus vite sont à l’évidence les pays qui ont modifié au cours du temps leur organisation. Il est actuellement impossible de savoir quelle est l’enveloppe budgétaire allouée à la périnatalité et de pouvoir la comparer aux autres pays de l’OCDE. L’imperfection des indicateurs de périnatalité, généralement médiatisés à l’état brut sans commentaire, ne doit pas contribuer à donner une image fausse de nos performances et doit nous stimuler à améliorer notre recueil de données.

Travailler dans une maternité de niveau I ou II nécessite de l’humilité. C’est une exigence de notre métier de médecin de reconnaître ses propres limites mais aussi celles de son environnement de travail. Le réseau doit être le facilitateur de l’expression de cette humilité mais certains craignent qu’elle devienne humiliation. C’est une justification à l’investissement individuel dans la réalisation du réseau car les règles de bonnes pratiques que l’on s’impose à soi même et que l’on négocie avec les autres sont plus facilement acceptées.

Trop de pédiatres ont un mode d’exercice accepté par défaut générant des difficultés relationnelles à l’intérieur d’un même service, entre hôpital universitaire et général, entre secteur libéral et hospitalier. Cela renvoie au problème de la planification de la spécialité de pédiatrie qui n’est toujours pas résolue mais qui exige une grande capacité d’anticipation dont en France nous n’avons pas encore fait preuve.

La situation d’éternel demandeur n’est pas toujours psychologiquement confortable. Force est de constater que l’organisation des retours à la maternité d’origine est souvent « taux d’occupation de lit dépendant ».

5 - Existe t-il des blocages administratifs à la constitution des réseaux ?

Compte tenu de la démographie défavorable des praticiens de la périnatalité (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres), il est raisonnable de favoriser le rapprochement des structures surtout quand il y a redondance de l’offre dans un même secteur. La multiplication des sites ne favorise pas le fonctionnement du réseau. Le regroupement des sites hospitaliers n’est pas simple pour des raisons politiques et d’aménagement du territoire. Le regroupement des sites privés pose le problème d’enjeux financiers. Les regroupements entre le secteur public et le secteur privé posent le problème du statut des praticiens.

Il est difficile de comprendre pourquoi la réflexion sur la périnatalité a été dissociée de la réflexion sur l’urgence et la forfaitisation qui en découle. L’activité principale du pédiatre est essentiellement médicale : assurer la permanence des soins, pratiquer la réanimation néonatale en salle de travail, examiner le nouveau-né et assurer le suivi médical, participer aux actions de prévention et de dépistage. Mais il y a aussi un nombre important d’activités parallèles à savoir présence active au STAFF hebdomadaire, établissement de protocoles de soins, organisation de la circulation de l’information, formation du personnel, éducation sanitaire des familles, évaluation de l’activité néonatale et organisation de la transparence épidémiologique avec participation au PMSI. Pour l’ensemble de ces activités, le paiement à l’acte en milieu libéral est sûrement devenu obsolète, le statut de vacataire pour les pédiatres intervenant en maternité publique est indigne de gens correctement formés. Actuellement l’astreinte libérale opérationnelle n’est pas inscrite à la nomenclature. Que penser de l’absence de nomenclature pour l’obstétricien qui organise un transfert materno-foetal ?

La mobilité des praticiens et du personnel soignant au sein des établissements partenaires du réseau favorise la formation et la confiance mutuelle entre les acteurs de soins. Cette mobilité est un gage de confiance de l’usager vis à vis du réseau. Cette mobilité est assez facilement réalisable dans le sens privé public et dans le sens niveau I ou II vers le niveau III mais est administrativement impossible ou plus complexe à organiser dans l’autre sens.

La circulaire relative aux réseaux de soins mentionne que l’Agence Régionale d’Hospitalisation (ARH) peut, à chaque fois qu’elle l’estime nécessaire, dégager des moyens pour soutenir la mise en place du réseau de soins. Mais, une association ne peut bénéficier directement de ces aides financières puisque l’enveloppe budgétaire régionale ne concerne actuellement que les établissements publics.

Enfin, il existe une inadéquation entre une démographie pédiatrique sinistrée et le désir d’organiser le réseau périnatal autour de la capacité d’accueil néonatal de chaque établissement. Comment éviter les hospitalisations de nouveau-nés et protéger le lien mère-enfant sans pédiatre dans les maternités ? Comment augmenter la pénibilité du travail par la présence du pédiatre sur site sans augmenter le recrutement des pédiatres ? La démographie pédiatrique restera sinistrée si la pédiatrie n’est pas revalorisée.

6 - L’organisation en réseau est-elle compatible avec le libre choix ?

L’objectif de l’organisation en réseau étant de faire accoucher la parturiente dans l’établissement qu’exige son niveau de soins, le libre choix de la patiente persiste mais doit être éclairé. L’éclairage doit être fait par l’équipe médicale (généraliste, obstétricien, échographiste, sage-femme, anesthésiste, pédiatre) qui a évalué le déroulement de la grossesse, le foetus et les conditions obstétricales. Il revient finalement à l’équipe médicale accueillant la parturiente d’avoir le libre choix d’accepter ou non l’accouchement.

Il existe une inadéquation entre la volonté affichée du libre choix des patientes et l’inégalité des chances données aux établissements pour développer des structures néonatales permettant de limiter les hospitalisations de nouveaux-nés et de favoriser le lien mère-enfant. On estime de source officieuse qu’actuellement le secteur non-lucratif bénéficie de 7,5 lits de néonatologie pour 1 000 naissances répartis dans 35 % des établissements, le secteur lucratif bénéficiant de 0,5 lits de néonatologie pour 1 000 naissances répartis dans 5 % des établissements. Il existe également une inadéquation entre la volonté affichée du libre choix des patientes et la paupérisation de l’obstétrique et de la néonatalogie libérale les rendant ipso-facto peu attractives pour les responsables d’établissement.

Du fait des divergences de l’information médicale, les médias ont tendance à apporter aux futures accouchées leurs propres éclairages. La profession médicale doit se réapproprier l’information éclairée que doivent recevoir les patientes, les médias restant un partenaire incontournable du réseau pour diffuser cette information éclairée.

 

Les usagers n’étant pas identifiés en tant qu’association il est difficile de percevoir leur degré de satisfaction ou d’insatisfaction du fonctionnement du réseau. L’usager est bénéficiaire et non acteur du réseau, c’est par l’intermédiaire des médias que l’usager agit sur la construction des liens entre professionnels. Pour le moment les médias se substituent à l’usager.

B - Problèmes soulevés par les décrets

Les décrets de 1998 posent à notre avis 4 types de problèmes :

1 - Problèmes de la formation des acteurs de soins en périnatalité

Le décret n° 98-900 parle en effet pour les Pédiatres d’expérience attestée en néonatologie, d’expérience attestée en réanimation néonatale, et pour les infirmières diplômées d’état d’expérimentation en néonatologie. A quel diplôme correspondent ces terminologies ? Une large réflexion s’était déjà engagée sur ce sujet dans le groupe néonatologie de la commission enseignement et avenir de la Pédiatrie de la Société Française de Pédiatrie. Le D.I.U. de réanimation néonatale qui débute en 1999 doit satisfaire la notion d’attestation en réanimation néonatale. Des formations continues expérimentales de Pédiatre en maternité organisées par l’AFPA en collaboration avec l’université Lyon 1 dans la région Rhône-Alpes devraient être validées par la fédération des Pédiatres néonatologistes (anciennement Fédération des groupes d’étude néonatale) qui devrait alors pouvoir délivrer une attestation en néonatologie. Quant à l’expérimentation des infirmières diplômées d’état en néonatologie, ne devrions-nous pas nous satisfaire d’un séjour minimum de 6 mois en néonatologie.

2 - Difficultés à une organisation des soins cohérente dans les maternités libérales

Il existe souvent une inadéquation entre les objectifs et la parution des décrets appliqués sans mesure d’accompagnement. Une des cinq priorités du plan périnatalité du 12 avril 1994 est d’améliorer les soins aux nouveaux-nés en augmentant la présence pédiatrique afin de limiter les séparations mère-enfant. Le but est d’éviter les hospitalisations inutiles en pédiatrie en valorisant le rôle des pédiatres en maternité. Les généralistes n’interviennent pas dans les maternités publiques. En Bretagne sur 16 maternités libérales assurant 35 % des accouchements, seulement 3 maternités ont une couverture pédiatrique totale. Dans treize maternités, les généralistes interviennent pour 20 à 50 % des actes. La couverture pédiatrique totale peut se faire soit par une présence sur site du cabinet pédiatrique, soit grâce à un travail de qualité et reconnu, soit parce que le monopole a été organisé sans obligatoirement avoir prouvé de compétences. En maternité libérale, les généralistes restent impliqués par la prise en charge du nouveau-né car ce peut être une volonté des obstétriciens pour ménager leurs correspondants ou par manque d’intérêt ou de désir des pédiatres pour s’investir dans la maternité ou parce que les généralistes font valoir l’article 11 du décret n°75 750 du 7 août 1975, non abrogé par l’article 6 du décret 98-899 du 10 octobre 1998. Ce décret oblige à la disponibilité pédiatrique 24 heures sur 24 pour les urgences néonatales sans en donner les moyens et autorise les mères à choisir leur médecin pour examiner leur nouveau-né. Si nous souhaitons de la cohérence dans la prise en charge du nouveau-né avec application de protocoles, un compromis doit être trouvé : une équipe pédiatrique référente doit contrôler la salle de travail, l’examen médical initial et le suivi du nouveau-né au cours du séjour, l’examen de sortie étant fait par le médecin choisi par la famille (généraliste ou pédiatre) idéalement lors d’une consultation conjointe avec l’un des praticiens de l’équipe pédiatrique référente.

3 - Problèmes financiers

Les conditions techniques proposées pour le fonctionnement des unités d’obstétrique, de néonatologie et de réanimation néonatale sont optimales. Aucun médecin ne peut être opposé à ces exigences, mais sont-elles réalisables sans moyens financiers supplémentaires nécessairement conséquents vue l’augmentation collossale de la masse salariale induite par ces mesures. Les établissements privés vont être confrontés à un choix difficile en l’absence de revalorisation significative des prix de journée en néonatologie. Accepte-t-on de créer ou maintenir une unité de néonatologie au risque d’un déficit important. Accepte-t-on de ne pas créer ou de ne pas maintenir cette unité au risque de mettre en péril l’ensemble de la maternité qui ne pourra pas alors assurer la prise en charge des grossesses pathologiques et le lien mère-enfant en postnatal. Dans un contexte de concurrence, qui peut être bénéfique pour la qualité des soins, seules les maternités ayant des possibilités de garder le nouveau-né peu malade pourront assurer leur pérennité. L’ensemble des établissements publics et privés ont des dotations financières notoirement insuffisantes, mais le déséquilibre est flagrant au détriment des structures libérales. Ces décrets, sous couvert d’une amélioration de la qualité et sécurité, risquent donc de pénaliser l’organisation de l’obstétrique libérale et donc de mettre en péril le libre choix des patientes. Ils risquent également de pénaliser les petites structures en regard des grosses structures qui auront vraisemblablement plus de facilité pour interpréter les décrets de façon plus laxiste.

4 - Problème ordinal

L’article D 712-96 du décret 98-900 exige que les Pédiatres libéraux intervenant dans des maternités ayant une unité de néonatologie soient présents sur site le jour. Certains d’entre eux ont leur cabinet de consultation hors site et n’ont pas la possiblité de s’installer sur site. Pour être sur place, il faudra donc consulter sur site au risque de poser un problème ordinal pour utilisation d’un cabinet secondaire, ou négocier des indemnités de présence avec les établissements qui de toute évidence ne sont pas empressés à considérer ce cas de figure.

CONCLUSION

Nous avons montré que la formalisation d’un réseau périnatal, fortement sollicité par le décret 98-899, est faisable et que le pédiatre doit tenir toute sa place au sein de ce réseau. Chaque réseau est unique et original. Il doit tenir compte des spécificités propres à chaque région. La construction d’un réseau périnatal peut réussir et maintenir les principes du lien mère-enfant et du libre choix des usagers sous certaines conditions : donner précocement une « culture de réseau » aux futurs acteurs de soins en périnatalité ; développer le recrutement d’obstétriciens, anesthésistes, pédiatres, et rendre la périnatalité plus attractive ; bien identifier les niveaux de soins des structures pour organiser un véritable partenariat contractuel ; créer une association périnatale capable d’organiser l’épidémiologie et l’évaluation pour promouvoir le réseau, seule garantie d’une organisation horizontale ; donner la possibilité de garder le nouveau-né peu malade auprès de sa mère dans la maternité d’origine dans des conditions matérielles, humaines et financières satisfaisantes. C’est à cette condition que les pédiatres des maternités s’investiront dans l’organisation en réseau ; faire preuve de souplesse dans la négociation des statuts du praticien pour favoriser les restructurations interétablissements et l’interpénétration des acteurs de soins dans les différentes structures. L’administration doit être un facilitateur actif ; informer objectivement les usagers.

Les décrets de 1998 sont nécessaires, fondamentaux et globalement cohérents, mais nous incitent à régler rapidement le problème de la formation des pédiatres en néonatologie. Ils n’ont pas clairement réglé le problème de l’organisation de la pédiatrie néonatale dans les maternités libérales, et auront peut-être des effets pervers sur le libre choix des patientes si les dotations financières ne sont pas significativement revalorisées.

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