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Titre: Semiologie de la douleur chez le nouveau-ne
Année: 1999
Auteurs: - Debillon
Spécialité: Néonatologie
Theme: Douleur

SEMIOLOGIE DE LA DOULEUR CHEZ LE NOUVEAU-NE

T. Debillon1, MA. Fleury1, V. Zupan2 et P. André2.

1: Service de Réanimation Néonatale, Pavillon de la Mère et de l’Enfant CHRU NANTES. 44 093 NANTES Cedex 01.

2: Service de Réanimation Néonatale, Hôpital Antoine Béclère 92 141 CLAMART Cedex

Introduction

La reconnaissance de la douleur chez le nouveau-né représente un certain défi pour le clinicien pour plusieurs raisons. Tout d’abord, aucun signe, qu’il soit comportemental physique ou biologique n’est spécifique de la douleur. La reconnaissance ne pourra donc se faire qu’à partir d’un regroupement de symptômes afin de contourner cette première difficulté. Ensuite, chez le nouveau-né, l’évaluation est obligatoirement une hétéro-évaluation qui, à priori, risque toujours d’être dépendante de l’examinateur. L’utilisation des grilles d’évaluation, imposant au clinicien d’utiliser uniquement des signes préalablement sélectionnés, doit permettre de remédier à ce problème. Enfin, les données obtenues à partir de la recherche fondamentale, démontrent que la sémiologie chez le nouveau-né varie selon différents facteurs. Un des exemples le plus caricatural est celui de la motricité faciale de l’enfant douloureux. Celle-ci varie selon l’âge gestationnel et certains signes, utiles pour la reconnaissance de la douleur du nouveau-né à terme, le seront moins pour l’extrême prématuré. Du fait de ces connaissances, une grille d’évaluation de la douleur aiguë a été récemment élaborée en tenant compte de l’âge gestationnel pour le calcul du score de douleur. A partir de ces principales difficultés nous rappellerons, dans cet article, la sémiologie de la douleur, aiguë et prolongée, les principales grilles d’évaluation actuellement publiées et les différents facteurs de variation de la sémiologie chez le nouveau-né.

1 La sémiologie

1-1. Sémiologie de la douleur aiguë.

C’est certainement ce type de douleur qui a été le plus étudié. Plusieurs études descriptives, sur le comportement des nouveau-nés lors d’une ponction veineuse ont été publiées, permettant d’énoncer une catégorie de signes. Ils peuvent être classés en signes physiques comportementaux et biologiques. Les signes physiques sont la variation de la fréquence cardiaque avec le plus souvent une tachycardie, du rytthme respiratoire avec une polypnée, une chute de la pression partielle en oxygène ou de la saturation de l’hémoglobine (1). L’élévation de la pression artérielle a également été décrite (2). La principale caractéristique est la rapidité d’apparition de ces signes par rapport au début du geste douloureux, aboutissant à une modification brutale du comportement de l’enfant. Ces signes ont l’avantage d’être objectifs et quantifiables mais ils sont non spécifiques. Les signes comportementaux sont, eux aussi d’apparition soudaine. Il s’agit de la modification de l’expression faciale, détaillée avec précision par Grunau et Craig (3). Ces auteurs ont observé la crispation du front, des paupières, les mouvements du sillon naso-labial, de la bouche et de la langue, décrivant ainsi une sémiologie très fine, mais difficile à utiliser en pratique quotidienne. La motricité corporelle, avec accès d’hypertonie des membres ou de l’axe, du tronc sont aussi observés lors d’une douleur aiguë avec des mouvements désordonnés, d’alternance de flexion extension. L’enfant cherche alors à se dégager, s’éloigner de la région du corps douloureuse (5). Enfin le cri a fait l’objet de nombreuses études afin de rechercher, par analyse spectrale, les caractéristiques du cri " de douleur ". Même si ces travaux ont abouti à des conclusions intéressantes, ce type d’analyse reste non adpaté à la pratique clinique, dans les services de néonatologie. De même, les valeurs de certains paramètres biologiques ont été étudiées lors des douleurs aiguës: élévation des catecholamines circulantes lors d’une séance de kinésithérapie respiratoire ou lors d’une intubation, élévation du cortisol et de la bendorphine lors de l’intubation (4). Ces travaux sont surtout utilisés pour démontrer l’efficacité d’un traitement antalgique en comparant la biologie entre deux groupes d’enfants, l’un traité et l’autre non. En revanche, l’utilisation de ces travaux pour la reconnaissance de la douleur, au lit du malade, ne semble pas appropriée.

1-2. Sémiologie de la douleur prolongée.

En plus des signes pré-cités lors des douleurs aiguës, d’autres sont plus particulièrement décrits lors des douleurs prolongées (5). La motricité anarchique et incessante peut être remplacée par un tableau très différent, soit un enfant immobile, figé, avec une motricité spontanée quasi-inexistante. Ce comportement est particulièrement décrit lors des entérocolites ulcéro-nécrosantes ou lors d’un traitement par prostaglandines dans les cardiopathies ducto-dépendantes. Il peut être trompeur car l’enfant paraît calme et le clinicien n’évoque pas obligatoirement le diagnostic de douleur prolongée. Lors des soins, l’enfant se crispe, résiste à toute tentative de mobilisation préférant conserver une position probablement antalgique. L’observation du sommeil est également un autre signe utile pour discerner un enfant douloureux. La difficulté d’endormissement, l’enfant s’éveillant à la moindre stimulation, l’agitation motrice pendant le sommeil ainsi que la durée de celui-ci sont des signes à repérer par les soignants. Enfin, la qualité de la relation établie avec l’examinateur, constitue un autre registre de signes témoignant du bien-être ou non de l’enfant. Ce sont essentiellement les infirmières, s’occupant du même enfant pendant plusieurs heures qui témoignent du comportement de l’enfant: certains ne supportent plus les soins, s’agitant à toute approche du soignant, en dehors de toute stimulation douloureuse. Les tentatives de réconfort par le toucher, la paroles sont vaines et ne font qu’amplifier la réaction motrice. La succion proposée pour calmer, est violente, " désespérée ". Certains nouveau-nés sont par contre sensibles aux méthodes de consolation et la durée du retour au calme peut être utile pour la quantification du mal être.

Anands a aussi étudié la biologie lors des douleurs prolongées, essentiellement pendant et après la chirurgie cardiaque néonatale. Là aussi, les catecholamines, le cortisol, la glycémie, les acides (lactate et pyruvate) présentent des modifications, qui sont atténuées par la seule introduction d’une analgésie morphinique (6). Si ces travaux ont largement contribué à sensibiliser l’opinion médicale à la douleur néonatale, leur application pour la reconnaissance de la douleur se heurte à deux difficultés: l’information recueillie ne peut être analysée que rétrospectivement, et, elle manque de spécificité.

2 Les grilles d’évaluation.

Le principal avantage de la grille d’évaluation est de limiter, autant que possible, la subjectivité de l’examinateur. Les items la composant comportent des signes préalablement sélectionnés, afin de constituer un " langage commun " entre tous les examinateurs. Les cliniciens évalueront alors la douleur à partir des mêmes symptômes et non pas à partir de leur registre personnel de signes. Ceci souligne toute l’importance dans la sélection des items au cours de la construction de la grille. Cette étape doit être menée avec rigueur et une analyse factorielle est conseillée permettant d’éliminer les signes inutiles, peu spécifiques (7). Beaucoup de grilles sont actuellement disponibles mais l’étape de leur élaboration n’a pas, le plus souvent, suivi cette procédure.

Les grilles publiées concernent surtout la douleur aiguë et peu sont consacrées à la douleur prolongée. C’est pourtant cette dernière qui est la plus difficile à reconnaître: savoir si l’enfant, sur un intervalle de temps de 8 ou 12 heures, est douloureux ou non n’est pas facile à repérer. Ces grilles peuvent être séparées en deux groupes. Les premières sont des outils de recherche comportementale. Elles sont très détaillées, le plus souvent validées, mais peu applicable en pratique clinique quotidienne. L’exemple le plus illustratif est le Neonatal Facial Coding System élaboré par Grunau et Craig (3). Les secondes sont des outils utiles pour la pratique clinique mais elles n’ont pas toutes été validées. Cette validation est un travail difficile: outre le travail de sélection déjà cité ci-dessus, la vérification des critères de validité ainsi que des qualités métriques sont une deuxième et troisième étape nécessaire. La validité de structure est probablement le critère le plus difficile à étudier. Il s’agit de vérifier que la grille évalue le phénomène étudié et lui seul. S’il existe un " gold standart ", soit une référence validée pour ce qui est étudié, la méthode est simple. Il suffit de rechercher une corrélation entre les résultats donnés par l’outil à valider et ceux obtenus par le gold standart. En l’absence de référence, la grille doit alors être testée dans différents groupes, présentant ou non le phénomène étudié, afin d’apprécier la capacité de discrimination de l’échelle. C’est alors une méthodologie plus longue et plus difficile. Les qualités métriques sont la sensibilité, soit la capacité de la grille à mettre en évidence des variations inter et intra-individuelles. Existe ensuite la fiabilité qui correspond à plusieurs propriétés: la concordance des scores entre deux observateurs différents, la concordance des scores effectués par un même observateur à des temps différents (test et re-test) et la consistance interne soit la vérification que chaque item a sa place pour l’évaluation du phénomène étudié.

2-1. Les grilles de douleur aiguë.

Parmi celles publiées récemment, deux doivent être citées.

La première est l’échelle DAN (douleur aiguë du nouveau-né), conçue pour le nouveau-né à terme et prématuré (8). L’originalité de cette grille est d’avoir conservé uniquement des items comportementaux pour évaluer la douleur aiguë alors qu’habituellement, les signes physiques ont une place importante pour cette évaluation. C’est une grille de 3 items avec 4 à 5 possibilités de réponse pour chacun d’entre eux. Les items retenus sont la motricité faciale, les mouvements des membres ainsi que l’expression vocale de la douleur. Cette grille n’est que partiellement validée; elle présente cependant une bonne sensibilité intra et inter-individuelle ainsi qu’une concordance entre examinateurs acceptable.

La seconde est le PIPP (Premature Infant Pain Profile), grille associant des signes physiques et comportementaux (9). Son originalité est d’introduire deux facteurs, l’âge gestationnel et l’état de veille/sommeil de l’enfant, pour pondérer le score final. Cet outil fait partie de ceux pour lesquels la validation a été la plus complète. Sa construction a suivi une procédure d’analyse en composante principale afin de retenir les items les plus pertinents. La validité de structure est actuellement suggérée et les qualités métriques validées.

2-2. Les grilles de douleur prolongée

Le score d’Amiel-Tison, construit pour évaluer la douleur post-opératoire chez le nourrisson de 0 à 3 mois peut être utilisé. Trente minutes d’observation de l’enfant sont nécessaires et l’examinateur doit coter 10 items comportementaux dont la motricité faciale et corporelle, la succion et le cri mais aussi la consolabilité et la qualité de la relation avec le soignant (sociabilité). La validation de structure est acquise, mais, par contre la sélection des items n’a pas suivi d’analyse factorielle et les qualités métriques n’ont pas été étudiées.

Plus adaptée au nouveau-né prématuré, la grille EDIN (échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né) (5) est spécifiquement conçue pour évaluer la douleur prolongée. C’est également une grille comportementale de 5 items, dont 2 concernent la relation que l’enfant établit avec l’examinateur. La sélection des items n’a pas été faite par analyse factorielle mais à partir d’un travail d’observation par un groupe référent composé d’infirmières, de médecins, d’auxiliaires de puériculture, de psychologues et de kinésithérapeutes. Grâce à cette approche multidiscplinaire, la liste des signes sélectionnés est restée exhaustive. La validité de structure est argumentée ainsi que les qualités métriques, permettant de recommander cet outil.

3 Les facteurs de variation de la sémiologie

L’analyse de ces facteurs apporte des données nouvelles quant au comportement de l’enfant prématuré. Selon l’âge gestationnel, les signes physiques lors d’une douleur aiguë se modifieront différemment. Par exemple, lors d’une ponction veineuse, la variation de la fréquence cardiaque chez les prématurés de 34-36 semaines d’aménorrhée n’est pas identique à celle du nouveau-né à terme (11). De même la motricité faciale ainsi que l’agitation corporelle seraient moins nettes chez le grand prématuré de moins de 32 semaines que chez le nouveau-né à terme (11,12). Ces nouvelles connaissances viennent modifier le concept, initalement décrit à partir du réflexe du triple retrait, que le nouveau-né prématuré présentait une réaction motrice plus intense que le nouveau-né à terme à une même stimulation. Elles compliquent l’évaluation et surtout la quantification de la douleur car, un même signe, selon les âges gestationnels, n’a pas la même place pour l’expression de la douleur.

L’âge post natal est également un facteur à prendre en compte. Johnston a ainsi comparé le comportement, lors d’une douleur aiguë, de prématurés d’un âge gestationnel de 32 semaines d’aménorrhée à des enfants nés à 28 semaines et atteignant 4 semaines de vie. Pour ce deuxième groupe, pour une même douleur, l’expression faciale est moindre que pour le premier groupe (13). Selon ces auteurs, le principal facteur expliquant cette différence est le nombre d’épisodes douloureux antérieurs (quantifié par le nombre de ponctions veineuses). Enfin, le stade de veille-sommeil modifie également la réponse comportementale à une douleur aiguë. Le travail de Grunau montre que l’expression faciale est plus intense lorsque la procédure est effectuée chez un enfant éveillé que lorsqu’elle est réalisée chez un enfant endormi (3).

Ces connaissances ont déjà une application directe sur l’élaboration des grilles. Pour le Premature Infant Pain Profile, l’extrême prématuré de moins de 28 semaines avec une expression motrice et faciale moindre, a un score de majoré de 3 points par rapport au prématuré de 36 semaines. Si l’on souhaite obtenir une évaluation la plus précise possible, c’est probablement vers ce type de grille que l’on doit maintenant s’orienter.

Conclusion

La sémiologie de la douleur reste multidimentionnelle avec une place pour les signes physiques ainsi que les signes comportementaux. En revanche, les signes biologiques n’ont probablement pas d’intérêt pour la pratique quotidienne même s’ils peuvent être proposés pour des études de recherche clinique. C’est par cette approche multidimentionnelle que le problème de manque de spécificité des signes peut être contourné. La construction de grilles d’évaluation est soumise à une procédure précise qu’il convient de respecter afin d’éviter de sélectionner des signes peu pertinents. Des nouvelles connaissances, issues de la recherche comportementale, doivent permettre d’aider pour ce travail. La grille doit ensuite être validée. En l’absence de ce travail, l’évaluation n’est qu’une approche sans la certitude qu’elle soit fiable. C’est pourtant un préliminaire indispensable afin de mener ensuite l’étape du traitement médicamenteux.

Références:

1- Mc INTOSH N., Van VEEN L. et BRAMEYER H, " The pain of heel prick and its measurement in preterm infants ". Pain, 1993, 52:71-4.

2- OMAR SY, GREISON G, IBRAHIM MM, " Blood pressure responses to care procedure in ventilated preterm infants ". Acta Paediatr Scand, 1985, 74:920-6.

3- GRUNEAU RVE et CRAIG KD, " Pain expression in neonates: facial action and cry ". Pain, 1987, 28: 395-410.

4- ANANDS KJS, " The applied physiology of pain ". In Pain in Neonate, ANANDS KJS et McGRATH PJ (ed), Elsevier, Amsterdam, 1993: 39-66.

5- DEBILLON T, SGAGERRO B, ZUPAN V et al, " Sémiologie de la douleur chez le prématuré ". Arch Pediatr, 1994, 1:1085-92.

6- ANANDS KJS, SIPPELL WG, AYNSLEY-GREEN A, " Randomised trial of fentanyl anaesthesia in preterm babies undergoing surgery: effects on the stress response ". Lancet, 1997, I: 243-8.

7- CHWALOW J, " Méthodologie de l’évaluation des échelles de douleur ". In La douleur chez l’enfant: échelles d’évaluation, traitements médicamenteux GAUVAIN-PIQUARD A, MURAT I et PONS G (ed), Springer Verlag, Paris, 1993: 3-10.

8- CARBAJAL R, PAUPE A, HOENN et al. " DAN: une échelle comportementale d’évaluation de la douleur aiguë du nouveau-né ". Arch Pédiatr, 1997, 4: 623-8.

9- STEVENS B, JOHNSTON C, PETRYSHEN P et al, " Premature Infant Pain Profile: Development and initial validation ". Clinical Journal of Pain, 1996, 12: 13-22.

10- BARRIER G, ATTIA J, MAYER MN et al, " Measurement of post-operative pain and narcotic administration in infants uing a new clinical scoring system. Intensive Care Med, 1989, 15: S37-9.

11- CRAIG KD, WHITFIELD MF, GRUNAU RVE et al, " Pain in the preterm neonate: behavioural and physiological indices ". Pain, 1993, 52: 287-99.

12- JOHNSTON CC, STEVENS BJ, CRAIG KD et al. " Developmental changes in pain expression in premature, fullterm, two, and four month-old infants. Pain, 1993, 52: 201-8.

13- JOHNSTON CC, STEVENS BJ. Experience in a neonatal intensive care unit affects pain response. Pediatrics, 1996, 98: 925-30.