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2005 > Gynécologie > Pathologie cervicale  Telecharger le PDF

La détection du HPV par biologie moléculaire doit-elle remplacer le frottis dans le dépistage du cancer du col ?

M Coste-Burel , C Papy et P. Lopes

La question de savoir si la recherche des papillomavirus oncogènes va devenir le test de dépistage le plus pertinent pour dépister le cancer du col utérin chez la femme est d'une grande actualité.

Sans entrer dans les enjeux économiques qu'impose une modification de nos habitudes de dépistage et sans présumer des possibilités d'application actuelle ou rapide de cette technique, nous discuterons sur l'apport rationnel que pourrait permettre l'application de ce nouveau test de dépistage et verrons les progrès qu'il pourrait être susceptible d'apporter.

Ce que l'on demande à un test de dépistage :

avoir la meilleure pertinence possible

Le dépistage d'une maladie doit être simple avec un seul test, facile à effectuer, reproductible, peu coûteux. Il doit permettre de découvrir une pathologie traitable à un stade précoce permettant d'éviter l'évolution vers la maladie grave.

Les éléments concernant l'apport d'un test en constituent la pertinence.

Le test doit être sensible : capable de découvrir parmi les femmes ayant un test de dépistage positif les porteuses de l'affection. Les faux positifs doivent être les plus rares possibles.

Le test doit être spécifique, en cas de négativité du test, il doit garantir que les patientes non porteuses, ne vont pas développer rapidement la maladie. Les faux négatifs doivent être rares. De plus, en fonction de la prévalence de la maladie, il doit avoir une excellente valeur prédictive positive et prédictive négative.

CIN 2-3 présent

CIN 2-3 absent

Test positif (Frottis et/ou HPV)

Vrai positif (a)

Faux positifs (b)

A+b

Test négatif (Frottis et/ou HPV)

Faux négatif (c)

Vrai négatif (d)

C+d

A+c

B+d

Population totale (a+b+c+d)

Sensibilité Se = a/a+c

Spécificité Sp = d/b+d

VPP = a/a+b

VPN = d/c+d

Le dépistage du cancer du col utérin n'est pas organisé en France. Il est uniquement fondé sur les frottis de dépistage qui, découvrant des anomalies cytologiques vont permettre de dépister les dysplasies et en les traitant d'éviter les cancers du col utérin.

La spécificité des frottis est excellente mais la sensibilité insuffisante puisqu'elle est en moyenne de 60 à 80 %.

Cette sensibilité médiocre fait que la pertinence du test n'est pas excellente et qu'il faut craindre 20 à 40 % de faux négatifs. Les frottis en phase liquide permettent selon les études récentes une amélioration de cette sensibilité.

Nous discuterons plus loin la limite du dépistage individuel, limite qui ne sera pas modifiée fondamentalement par l'arrivée d'un nouveau test comme la détection de l'hPV mais par l'extension du dépistage. En effet, le dépistage individuel ne touche pas toutes les femmes et en particulier les femmes aux conditions socio-économiques défavorisées, celles chez lesquelles la prévalence du cancer du col utérin est la plus importante.

Le cancer du col utérin est encore responsable de plus de 1 000 décès par an

Le cancer du col de l'utérus représente un problème important de santé publique ; classé au 2e rang des cancers de la femme dans les pays en voie de développement et au 8 ou 9e dans les pays développés, il apparaît comme le premier cancer viro-induit prouvé puisque la présence du génome HPV est observée dans plus de 95 % des cancers cervicaux. Parmi les HPV oncogènes responsables de ces carcinomes, le génotype 16 possède la plus forte prévalence (plus de 50 %), quel que soit le pays étudié.

La question se pose donc de savoir si connaissant le facteur étiologique du cancer du col utérin, pour prévenir en France, les 3 300 nouveaux cas de cancers du col utérin par an et éviter plus de 1 000 décès par an, il ne faudrait mieux pas rechercher ce facteur étiologique

Rappelons que la pratique des frottis a permis des progrès considérables depuis la description de Papanicolaou il y a plus de 50 ans. Le dépistage par frottis a permis de dépister les lésions dysplasiques et de les traiter faisant très probablement diminuer le nombre de cancers invasifs du col et réduisant la mortalité.

Pourquoi le cancer du col utérin n'a-t-il pas disparu ?

Parmi les cancers du col utérin observés on considère :

• que les 2/3 sont secondaires à l'absence de dépistage des femmes pour lesquelles les mauvaises conditions socio-économiques sont certainement responsables de la majorité des femmes non dépistées. Ce point est fondamental comme le rappelait J Lansac (2004) dans un éditorial récent : « Ce cancer, si simple à dépister et à traiter dans les formes débutantes, ne mériterait-il pas une organisation comme le dépistage du cancer du sein ou le cancer colo-rectal avant de se lancer dans les frottis en phase liquide et la recherche du virus HPV ? »

• Pour le tiers restant, on montre du doigt la mauvaise sensibilité des frottis conventionnels et pour une petite catégorie de patiente par une mauvaise prise en charge.

• Pour Mubyahi (2002), qui a repris le suivi cytologique de 146 femmes ayant un cancer du col utérin, l'auteur note que 36,8 % des femmes n'ont jamais eu de frottis, 34,5 % ont eu des frottis occasionnels mais tous plus de trois ans, 8,1 % des femmes ont été perdues de vues après un frottis positif, 3,4 % ont été traitées pour dysplasie dans une période de moins de 3 ans et 17,5 % ont eu des frottis négatifs dans la période des trois ans qui a précédé le diagnostic de cancer. 17 frottis sur 28 ont été relus et les auteurs ont constaté 15 erreurs et seulement 2 vrais négatifs.

En France sont réalisés, 6 millions de frottis par an (5 405 402 en 2000) ils touchent 60 % de la population et 50 % des femmes de 50 à 55 ans. Seules 20 % des femmes de plus de 60 ans en bénéficient.

L'amélioration du dépistage par frottis doit donc inclure :

1. La mise en place d'un dépistage organisée avec système de contrôle invitant les femmes n'ayant pas eu de frottis depuis 3 ans à consulter leur médecin ou leur gynécologue.

Comme le souligne l'anaes, les médecins faisant des frottis doivent avoir bénéficier d'une formation.

2. La technique de prélèvement associe au mieux la spatule d'ayre et la brosse pour l'endocol.

3. La technique de conservation et d'étalement peut bénéficier de la procédure des prélèvements transmis en phase liquide pour améliorer la qualité de l'étalement et de sa lecture. Dans son rapport 2004, L'ANAES spécifiait que les aspects cout-efficacité étaient en 2002 inconnus et nécessitaient des études complémentaires.

L'agent étiologique du cancer du col est maintenant parfaitement identifié

Les papillomavirus

sont individualisés depuis peu et forment l'unique genre de la famille des papillomaviridae. Ces papillomavirus (du latin papilla, diminutif de papula signifiant bouton, et du suffixe grec –ome, désignant le caractère tumoral) sont des virus très anciens et extrêmement stables mais leur caractérisation fut relativement longue, car il n'existe pas de système cellulaire permettant leur propagation in vitro. C'est le développement de la biologie moléculaire dans les années 70, qui a permis d'établir leur remarquable pluralité, leur spécificité tissulaire et leur pathogénicité dépendante du génotype. (papy 2003).

À ce jour, plus de 120 génotypes de papillomavirus ont été identifiés; plus de 100 sont spécifiques de l'espèce humaine, dont une quarantaine ont un tropisme anogénital.

Les infections génitales liées aux HPV sont très fréquentes, en particulier chez les jeunes femmes en période d'activité sexuelle, et peuvent passer inaperçues ou être responsables de dysplasies. Ces lésions régressent dans la majorité des cas mais peuvent évoluer vers un carcinome invasif, à la suite notamment de l'intégration de l'ADN viral au génome cellulaire lié à l'action d'autres facteurs comme prédisposition génétique, statut immunitaire, comportement sexuel et tabac.

L'HPV oncogène est donc l'agent étiologique nécessaire (mais pas suffisant) au développement du cancer. La recherche des HPV intervient donc bien en amont du dépistage des lésions dysplasiques et de la révélation d'un cancer du col.

Sa découverte va permettre de mieux identifier une population à risque et surtout de préciser pour un grand nombre de femmes le non risque. Cette identification permettra de mieux conseiller et de mieux surveiller cette population.

La technique de prélèvement et d'identification

Les papillomavirus ne sont pas détectables en routine par des tests sérologiques ; ils ne sont pas cultivables in vitro. Les méthodes de détection qualitative et quantitative, ainsi que le typage de ces virus sont donc essentiellement des techniques de biologie moléculaire, et reposent sur la mise en évidence de l'ADN viral dans les cellules infectées. On distingue les techniques de détection de l'ADN viral sans amplification (techniques d'hybridation moléculaire) et après amplification par PCR (techniques d'amplification).

Techniques d'hybridation moléculaire

Plusieurs techniques sont disponibles : le southern blot est une technique très longue (plusieurs jours), lourde et onéreuse, qui manque de sensibilité et ne peut être appliquée au dépistage de masse. Le dot-blot est une méthode qui présente l'intérêt d'être plus sensible, plus simple et plus rapide que le southern-blot mais elle manque de spécificité (faux positifs).

L'hybridation in situ (HIS)

Elle est réalisée sur frottis cellulaires et/ou coupes tissulaires. Elle permet de préserver la morphologie du prélèvement et de localiser spécifiquement les cellules infectées, donc d'établir des corrélations avec l'histopathologie.

Après prétraitement et dénaturation des acides nucléiques, l'hybridation consiste à déposer une sonde marquée (différents marquages existent : marqueur radioactif, enzymatique, ...) directement sur les cellules ou les coupes de tissus, et à laisser incuber une nuit à une certaine température. L'aspect du signal final de révélation permet alors la localisation des zones infectées et aussi de préjuger l'état de l'ADN viral dans le noyau : un signal ponctué est en faveur d'une intégration au génome cellulaire alors qu'un signal diffus et homogène évoque plutôt des formes libres de l'ADN viral dans les cellules. Cette technique est cependant peu sensible (moins sensible que le southern-blot et le dot-blot), en particulier pour les formes cliniques évoluées (lésions de haut grade et carcinome). De plus, la quantité de sondes nécessaire est généralement très importante et proportionnelle à la surface cellulaire ou tissulaire à explorer.

L'hybridation en phase liquide

Cette technique d'hybridation moléculaire non radioactive, commercialisée par Digene Diagnostics sous le nom de Hybrid Capture™, a été agréée comme méthode de détection des HPV par la Food and Drug Administration. Une trousse de 2e génération (plus sensible que Hybrid Capture I™) est utilisée depuis 1997, comme complément de la cytologie, aux Etats-Unis et dans la plupart des pays européens (Lazar et al., 1999).

A partir d'un brossage cervico-vaginal, la détection de l'ADN viral se fait par hybridation avec des sondes ARN. La capture des hybrides est réalisée avec un anticorps spécifique des hybrides et ces couples ADN/ARN sont ensuite révélés par une technique immunoenzymatique utilisant un substrat qui permet une amplification du signal par un mécanisme de chimioluminescence. Il existe deux mélanges de sondes : sondes d'ARN spécifiques de 13 types d'HPV à haut risque oncogène (16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68) et de 5 types HPV à bas risque oncogène (6, 11, 42, 43, 44).

C'est une méthode simple, rapide (environ 4 heures), reproductible, très sensible et applicable en routine à de grandes séries. Elle permet aussi une analyse semi-quantitative de la charge virale mais elle ne permet pas de génotyper spécifiquement l'HPV isolé à partir des cellules infectées.

Les techniques d'amplification

La PCR

A l'heure actuelle, la technique d'amplification en chaîne de séquences d'ADN par la polymérase (polymerase chain reaction ou PCR) est la méthode la plus sensible (elle nécessite 10 à 100 copies d'ADN dans le prélèvement pour être positive) pour mettre en évidence l'HPV au niveau des prélèvements génitaux. C'est la technique utilisée au CHU de Nantes.

Cette réaction est le plus souvent réalisée à l'aide d'amorces dites consensus ; elles sont choisies au sein des régions communes et très conservés des génomes d'HPV et permettent l'amplification de la grande majorité des génotypes anogénitaux. Les amorces consensus les plus couramment citées dans la littérature sont les couples MY09/MY11 et GP5+/GP6+, tous deux localisés dans la région L1. L'identification du génotype précis d'HPV s'effectue dans un second temps à partir du produit de PCR, ; différentes stratégies peuvent être suivies : hybridation à l'aide de sondes spécifiques, analyses de profil de restriction, séquençage direct du produit de PCR (cette dernière solution a été choisie chez nous).

Pour augmenter la sensibilité de la PCR, on peut utiliser 2 couples d'amorces et réaliser 2 PCR successives (PCR nichée ou nested-PCR).

A côté de ces techniques « maison », une trousse PCR (marquée CE-IVD) vient récemment (mai 2004) d'être commercialisée par Roche diagnostics sur le principe de la détection globale des 13 génotypes HPV à haut risque(16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 68) avec absence de génotypage précis.

La PCR reste une technique délicate, exposée aux risques de contamination.

La PCR in situ

Au même titre que l'hybridation in situ, cette technique permet d'associer la très grande sensibilité de la PCR et la localisation tissulaire des acides nucléiques. Cette technique qui permet de génotyper des HPV sur des coupes fixées en paraffine, s'avère souvent très délicate, difficile dans sa réalisation et sa reproductibilité avec un risque de faux positifs lié à un bruit de fond trop élevé.

La PCR quantitative

Le développement de PCR quantitatives notamment celles basées sur la technologie récente en temps réel permet de mesurer la charge virale du virus au sein d'un échantillon. L'apport de ce paramètre quantitatif en tant que facteur pronostic d'évolutivité de la lésion cervicale reste encore néanmoins à évaluer.

IV. L'importance des co-facteurs pour le développement des cancers du col utérin

Si la présence d'HPV oncogènes est nécessaire au développement des lésions intra-épithéliales, le fait qu'une minorité de femmes soit susceptible de développer un cancer, indique qu'elle ne saurait, à elle seule, expliquer l'évolution vers la cancérisation.

En effet, de nombreux facteurs exogènes et endogènes jouent un rôle dans les étapes d'initiation, de promotion et de progression tumorale :

• comportement sexuel, (nombre de partenaires sexuels, précocité des premiers rapports sexuels et des grossesses) ;

• grossesses multiples (lié aux traumatismes lors de l'accouchement mais également aux modifications hormonales et immunologiques pendant la grossesse, exposition secondaire de l'endocol à l'environnement vaginal qui favorise la métaplasie et le développement des virus HPV)

• antécédents de lésions génitales ou de MST chez le partenaire (infection herpétique HSV2 en particulier, infection à Chlamydia trachomatis,...). Certains agents pathogènes pourraient constituer des cofacteurs de promotion des lésions dysplasiques ;

• statut immunitaire : les femmes immunodéprimées sont plus à risque de développer des lésions dysplasiques. Ceci est notamment observé chez les transplantées rénales et les dialysées (chez les allogreffées de mœlle osseuse, la prévalence des infections HPV est moins élevée), ainsi que chez les patientes VIH+ où la progression des lésions est d'autant plus importante que le nombre de lymphocytes CD4+ est faible. Le risque est en effet très élevé si le taux de CD4+ est inférieur à 500 par μl.

Les défenses immunitaires sont également perturbées lors d'une longue période de stress, de dépression et chez les femmes atteintes de maladies auto-immunes (LED, sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde, diabète...). Tous ces évènements sont fréquemment associés au développement de lésions liés à HPV.

L'immunité cellulaire joue un rôle majeur dans le contrôle de l'infection à HPV et dans l'évolution des lésions dysplasiques ; en particulier, la présence d'une immunité cellulaire spécifique vis-à-vis de la protéine E6 des HPV16 (lymphocytes T mémoires) favoriserait la clairance virale (Welters et al., 2003) :

• prédisposition génétique. La mutation de la p53 est un facteur de risque familial. De plus, certaines prédispositions génétiques, notamment au niveau du système HLA (particulièrement impliqué dans les mécanismes de défenses de l'organisme), augmenteraient le risque de développer un cancer ;

• tabac : il engendre une immunodépression locale et favorise à la fois l'évolution vers le cancer et les récidives des lésions virales.

Exemple de l'Etude faite au CHU de NANTES

Avant janvier 2004, la recherche d'HPV était proposée dans le cadre du diagnostic des lésions cervicales suspectes ou identifiée sur frottis et/ou biopsies ou proposée chez des femmes ayant des antécédents de CIN.

Entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002, 78 femmes, chez lesquelles un HPV16 a été détecté et typé au niveau génital, ont été incluses dans une étude rétrospective.

Elles étaient âgées de 20 à 75 ans (moyenne d'âge de 35,2 +/– 11,2), avec une répartition selon l'âge comme suit

• 23 femmes âgées de 20 à 29 ans (29,5 %) ;

• 34 femmes âgées de 30 à 39 ans (43,6 %) ;

• 13 femmes âgées de 40 à 49 ans (16,7 %) ;

• 5 femmes âgées de 50 à 59 ans (6,4 %) ;

• 3 femmes âgées de plus de 59 ans (3,8 %)/

Toutes les patientes ayant un HPV 16 ont été convoquées pour une colposcopie avec prélèvement histologique dirigé en cas d'anomalies histologiques.

Classement des résultats anatomopathologiques des échantillons

cytologie ou histologie

Nombre de patientes/89

% de la population

normal

5

5.6

Interprétation limitée

1

1,1

Inflammatoire

12

13.5

Condylome

SIL de bas grade

11

12.3

SIL de haut grade

Carcinome invasif

59

66.3

histologie non retrouvée

1

1.1

Au total, on souligne que 18 patientes avaient un HPV 16 positif sans lésion cyto-histologique, soit 20% de la population des femmes porteuses d’HPV oncogène.

Cytologie ou histologie

Nombre de patientes/89

% de la population

« négatif »

18

20.2

« positif »

70

78.7

Globalement, la découverte d'un HPV 16 est hautement corrélé à une lésion de haut grade. Les 20,2 % n'ayant pas de lésions doivent faire l'objet d'un suivi et nous proposons un contrôle cytologique annuel avec recherche de la persistance de l'HPV. C'est bien la persistance de l'HPV qui expose au risque de cancer du col.

Les données de la littérature montrent

une meilleure pertinence pour la recherche du virus

chez les femmes de 30 à 60 ans

Depuis 5 ans on percevait un changement possible de la prise en charge du dépistage. L'article de Cuzich publié le 6/12/2003 permet d'envisager un changement radical d'attitude en privilégiant la recherche de l'HPV. Dans cette étude, la recherche d'HPV s'est faite par hybrid capture.

Il s'agit d'une étude multicentrique, faite de 1998 à 2001. 11 085 femmes de 30 à 60 ans ont été contactées et l'étude porte sur 10 358 femmes éligibles. 4 groupes ont été initialement définis :

• un premier groupe de 147 femmes qui ont eu 2 à 3 FCV non satisfaisant et ont été référés en colposcopie :

123 colposcopies réalisées ont permis d'éliminer une dysplasie, 21 femmes ne sont pas venues faire la colposcopie et 3 colposcopies étaient inadéquates ;

• un deuxième groupe de 213 femmes avec anomalies cytologiques imposant une prise en charge immédiate (dyscaryose ou lésions de haut grade). Une colposcopie a été prescrite.

199 colposcopies étaient contributives et ont permis sur la biopsie dirigée de diagnostiquer 70 CIN de grade 2 et plus ; 3 colposcopies étaient inadéquates, et 11 femmes n'ont pas fait la colposcopie.

• un troisième groupe de 9173 femmes qui avaient à la fois une cytologie normale et une recherche d'hpv négative

Dans ce groupe, après randomisation, 460 colposcopies ont été prescrites et aucune dysplasie n'a été diagnostiquée parmi les 283 colposcopies contributives.

Pour 8 713 femmes, un suivi habituel tous les 3 à 5 ans a été recommandé.

• Enfin un 4ème groupe de 825 lésions cytologiques borderline ou de recherche d' hpv positif ou les 2 associés. Ces femmes ont été randomisées entre colposcopie immédiate et suivi cytologique et recherche d'HPV : 414 femmes ont eu une prescription de colposcopie vs 411 femmes pour surveillance.

Les principaux résultats de cette étude sont riches d'enseignement :

• 90 lésions de haut grade sur histologie sont rapportées pour toute la population ;

• pour les frottis, la sensibilité a été de 70,1 % pour les hauts grades, la spécificité de 98,6 % et la VPP de 34,0 % ;

• toutes les femmes qui avaient une lésion de haut grade avec FCV borderline étaient HPV positives ;

• il n'y a pas eu de lésions de haut grade chez les 178 femmes avec cyto borderline et HPV négative (73 % des lésions borderline). Chez les 9 femmes ayant une lésion de haut grade et suivi, il n'y a pas eu de négativation du test HPV.

Si on compare les 2 tests en dépistage des lésions de CIN2 et plus, on note une pertinence meilleure en faveur de la recherche d'HPV :

HPV

FCV

P

Sensibilité

97,1

76,6

0,002

Spécificité

93,3

95,8

P< 0,0001

La lecture de cet article fait donc poser la question du remplacement des frottis par la recherche de l'HPV en dépistage primaire chez les femmes de plus de 35 ans.

Les Recommandations actuelles

L'ANAES a publié en 2002 un rapport sur le dépistage du cancer du col utérin puis en 2004 un rapport complet sur l'évaluation de l'intérêt de la recherche des papillomavirus humains (HPV) dans le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus.

La conclusion générale de ce rapport très complet est que la mise à disposition d'un test de détection de HPV pourra apporter un bénéfice dans le dépistage des lésions précancéreuses et du cancer du col utérin. Ce rapport souligne qu'en 2004 en France, la place du test en première intention (dépistage primaire) reste à déterminer. L'agence insiste sur le fait que le remplacement du frottis par le test HPV pour le dépistage primaire n'est pas justifié.

C'est une hypothèse à évaluer dans une perspective à long terme.

Rappelons que depuis février 2004, la recherche d'HPV est remboursé dans le cadre du suivi et du diagnostic des ASCUS et AGUS.

Les inconvénients et les avantages de la recherche systématique de l'HPV

Les inconvénients sont bien soulignés par le rapport de l'ANAES et c'est essentiellement un rapport coût efficacité et la difficulté d'évaluation actuelle qui empêche sa généralisation. Ceci d'autant que les structures qui permettraient cette recherche ne sont pas en place alors que le réseau de suivi des frottis est particulièrement efficace.

Plusieurs avantages doivent néanmoins dès à présent être rapportés :

La découverte du virus HPV

permettrait d'analyser au mieux : les modes de contamination, le suivi avant l'évolution naturelle vers la dysplasie et le cancer du col de l'utérus.

C'est une infection sexuellement transmissible qui doit faire l'objet d'une étude des réseaux de contamination afin qu'une information appropriée puisse contribuer à limiter la diffusion de cette MST. Ce dépistage des circuits de contamination ne doit pas être que sexuelles, il ne faut pas négliger les autres possibilités : transmission par le linge et les eaux, transmission materno-foetales, et surtout éliminer les causes iatrogènes par la décontamination des outils médicaux.

L'information des personnes porteuses de l'HPV

devrait permettre une limitation de la diffusion du virus même si la taille du virus ne permet pas d'assurer que le port de préservatifs puisse empêcher la transmission

Les patientes porteuses doivent faire l'objet :

• d'une information sur les cofacteurs d'évolution vers la cancérisation. L'arrêt du tabac sera plus fortement conseillé.

• d'un suivi plus attentif avec cytologie annuelle et contrôle de la disparition du virus. La persistance du virus constitue un facteur de risque important de cancer et permet d'essayer d'agir sur ces co-facteurs associés pour diminuer ce risque de l'évolution.

La connaissance de cette affection virale devrait mieux préparer vers l'étape de la vaccination.

La Conduite proposée

Nous reconnaissons qu'il est plus important d'élargir la base de dépistage que de discuter de la différence entre HPV et frottis. Rappelons qu'en France, en 2000 ont été réalisés, 5 405 402 millions de frottis, ne touchant que 60 % de la population et que seules 20 % des femmes de plus de 60 ans en ont bénéficié.

La recherche systématique de l'HPV pourrait être systématiquement proposée

a) chez les femmes enceintes car elles sont généralement toutes vues en consultation ce qui permettrait d'anticiper sur les risques ultérieurs de non pratique des frottis.

b) Chez les femmes de plus de 50 ans pour mieux cerner les femmes qui doivent faire l'objet d'un frottis annuel

proposer une recherche d'HPV chez toutes femmes

doit faire l'objet d'un suivi prospectif pour mieux évaluer comme le souhaite l'ANAES une balance coût-bénéfice.

Que faire en présence d'un HPV oncogène :

• Nous proposons systématiquement des frottis et une colposcopie. Une péniscopie chez le partenaire.

• Un Traitement si des lésions histologiques ont été identifiées.

• En l'absence de lésions, surveillance annuelle des frottis et recherche d'HPV tous les 2 à 3 ans.

En absence d'HPV,

un contrôle tous les 3 à 5 ans est proposé en fonction des facteurs de risque (sexuelle en particulier).

En conclusion :

• le cancer du col est secondaire à une infection virale généralement sexuellement transmissible ;

• la recherche d'HPV est plus sensible que la cytologie pour identifier les lésions de haut grade ;

• la recherche d'HPV est plus sensible que la répétition de la cytologie pour trier les lésions frontières comme les ASCUS ;

• il est possible de surveiller tous les ans les femmes porteuses de virus oncogènes et ayant une cytologie négative ;

• les femmes non porteuses d'HPV peuvent être surveillées tous les 3 à 5 ans (en fonction des facteurs de risque sexuel) ;

• le temps de changer notre méthode de dépistage du col de l'utérus est à discuter. Ne doutons pas que cela va créer d'autres problèmes comme l'explication des contaminations et la gestion des couples exposés au virus HPV.

Bibliographie

Une bibliographie complète est accessible sur le site internet de l'ANAES et dans la thèse de C Papy.

[1] ANAES. Evaluation de l'intérêt de la recherche des papillomavirus humains (HPV) dans le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus. www.anaes.fr

[2] CUZICK J, SZAREWSKI A, CUBIE H, HULMAN G, KITCHENER H, LUESLEY D, MCGOOGAN E, MENON U, TERRY G, EDWARDS R, BROOKS C, DESAI M, GIE C, HO L, JACOBS I, PICKLES C, SASIENI P. Management of women who test positive fo rhigh risk types of humanpapillomavirus : the hART study. Lancet 2003, 362 :1871-76

[3] FRANCO EL. Are we ready for a paradigm change in cervical cancer sreening. Lancet 2003, 362 :1866-67

[4] LANSAC J. Le Plan Cancer : la chirurgie oubliée. Editorial La lettre du gynécologue 2004, 294 : 3.

[5] LAZAR J.G., A.P. CULLEN, I. MIELZYNSKA, M.G. MEIJIDE, A.T. LORINCZ. 1999. Hybrid captureR : a sensitive signal amplification-based chemiluminescent test for the detection and quantification of human viral and bacterial pathogens. J Clin Ligand Assay 22:139-51.

[6] LOPES P. Faut-il changer la nature du dépistage du cancer du col utérin ? Editorial. Lettre mensuelle. Schéring gynécologie contact. 94, mai, 2002.

[7] PAPY Carine. Sequençage des oncogènes E6 et E7 d'HPV de type 16. Epidémiologie des variants et risque de progression vers des lésions génitales cancéreuses. Mémoire du DES de biologie Médicale. Thèse pour le diplome d'état de docteur en Pharmacie. Nantes le 6/10/2003.

* Service de Gynécologie, obstétrique et médecine de la reproduction. CHU de Nantes, 9 Quai Moncousu, 44093 Nantes Cedex. ** Service de virologie CHU de Nantes.