GENETIQUE
DES FIBROMES ET DE L’ENDOMETRIOSE :
LE POINT DE VUE DU CLINICIEN
Alain Audebert
IGF1-35, rue Turenne-33000
Bordeaux
Le fibrome
utérin, ou léiomyome utérin, et l’endométriose sont deux pathologies bénignes
fréquentes. Elles ont en commun leur hormono sensibilité et les incertitudes
concernant leur physiopathogénie.
Si,
grâce aux outils nouveaux (biologie moléculaire…), diverses pièces du puzzle
physiopathologique sont mieux comprises, de nombreux points restent encore incompris.
Pour
le léiomyome utérin, la phase essentielle, qui est son initiation, reste énigmatique.
Pour l’endométriose, le rôle fondamental du terrain n’est que partiellement
élucidé.
Pour
ces deux pathologies, de nombreux arguments laissent percevoir un rôle déterminant
pour les facteurs génétiques.
Aujourd’hui
encore, les progrès importants de nos connaissances dans le domaine de la génétique
n’ont pas débouché sur des applications pratiques.
A l’avenir, il est permis d’entrevoir des applications pour le dépistage des
populations à risque, pour un diagnostic non invasif, pour la détermination
de prédispositions de transformation maligne, voire pour le traitement préventif
ou curatif.
LEIOMYOME UTERIN
I-Rappel de
généralités :
De localisation
très variable au sein de l’utérus, le léiomyome utérin, est une tumeur
mésenchymateuse développée aux dépens du muscle lisse et souvent séparée
du myomètre normal par une pseudo-capsule liée à la condensation du tissu conjonctif.
L’origine unicellulaire (monoclonale) de chaque myome est aujourd’hui
bien admise (1) : ainsi deux myomes chez la même patiente, provenant donc
de cellules différentes, peuvent donc avoir une évolution tout à fait différente.
Au plan
de la prévalence, les myomes utérins affectent 20 à 25 % des femmes (2)
et près de 40 % de celles de plus de 40 ans (3) ; mais seulement 30 à 40 % des
fibromes sont symptomatiques et justifient un traitement. On retrouve des fibromes
chez environ 5 % des femmes infertiles, mais le fibrome peut être considéré
comme la réelle cause de l’hypofertilité dans environ 3 % des cas seulement
(2). La dégénérescence maligne touche près de 0,5 % des myomes. Enfin les femmes
noires semblent être 2 fois plus touchées.
Les
facteurs de risque, bien identifiés par diverses différentes études épidémiologiques,
sont rappelés sur le tableau I et confirmés par deux études épidémiologiques
récentes (Tableau II). La connaissance de ces facteurs en cause permet
de mieux discerner les populations à risque, mais pour lesquelles on n’a pas
encore démontré l’efficacité d’éventuelles mesures préventives. Les données
concernant un rôle protecteur éventuel de l’utilisation de la pilule sont controversées
et celles du DIU libérant du lévonorgestrel ne sont pas encore validées, bien
que hautement probables.
Ces
notions épidémiologiques apportent des arguments pour l’estrogéno dépendance
des myomes utérins.
Tableau
I : Facteurs de risques admis, ou probables,
des myomes utérins
Prédisposant
|
Protecteur
|
Nulliparité
Pré ménopause
Obésité
Ethnie
Menstruations précoces
Education élevée
Utilisation de DIU cuivre
|
Post-ménopause
Multiparité
Faible BMI
Tabagisme
Exercice physique
Pilule?
DIU lévonorgestrel ?
|
Tableau
II : Données de
deux études épidémiologiques (28,29)
|
RR
Ros 1986(4)
|
RR
Parazzini 1998 (5)
|
Nulliparité
Parité >5
Parité<3
Age 1 ère menstruation <12
>15
Poids >70 kgs
Post-ménopause
Tabac (>15 cig/J.)
|
-
0,24
-
-
-
2,82
0,18
0,65
|
1
-
0,5
1
0,8
-
1,1
0,5
|
Les recherches
dans le domaine génétique ont été nombreuses au cours de ces dernières années ;
plusieurs aspects sont concernés :la prédisposition à la survenue de myomes,
les modifications cytogénétiques du clone cellulaires d’un myome favorisant
sa croissance, son initiation et éventuellement sa dégénérescence maligne.
Nous
rappellerons auparavant quelques données récentes sur les autres facteurs impliqués
dans la régulation des léiomyomes utérins.
II-Facteurs
régulant les léiomyomes utérins :
a/Stéroïdes ovariens :
L’hormono
sensibilité du léiomyome utérin est bien démontrée, mettant en jeu non seulement
l’estradiol mais aussi la progestérone :
-les estrogènes ont un effet mitotique bien admis, médié en grande partie
par les facteurs de croissance. Si les taux plasmatiques d’estradiol ne sont
pas forcément élevés, on reconnaît le rôle essentiel d’un milieu hyperestrogénique
local (concentrations plus élevées d’estradiol (E2), d’estrone et leurs sulfates)
, lié à des anomalies métaboliques comme la moindre conversion d’E2 en estrone
et à des concentrations plus fortes de cytochrome P450. On note souvent au niveau
de l’endomètre voisin d’un myome sous-muqueux une certaine hyperplasie. Enfin
les concentrations en récepteurs à E2 (RcE2) sont plus fortes dans les myomes
que dans le myomètre normal.
-la
progestérone (P) joue un rôle plus équivoque. Au cours de la phase
lutéale l’activité mitotique des myomes est accrue (6). Expérimentalement,
en culture cellulaire, la progestérone a un effet stimulateur sur le léiomyome (7). Au
niveau des myomes, on constate une concentration plus élevée en RcP et une expression
plus forte de l’ARN messager (ARNm) de P (8). L’expression de l’ARNm pour l’EGF
est aussi augmentée en phase lutéale (9).
Cliniquement une augmentation du volume des fibromes a été observée en cas d’administration
de fortes doses de progestatif (10). Les analogues de la Gn-RH entraînent une
réduction variable du volume des myomes, elle est diminuée, voir supprimée,
si l’on associe un progestatif (« add-back therapy »). Enfin l’administration
d’un agent antiprogestérone (RU 486 à la dose de 25 mg/J.) réduit de 50 %
le volume des myomes (11).Toutes ces données sont tout de même en faveur
d’un rôle trophique de la progestérone vis-à-vis des myomes.
-la
prolactine est synthétisée par le tissu myomateux ; elle a les mêmes caractéristiques
biologiques et immunologiques que celle d’origine hypophysaire ; son activité
mitotique au niveau de la cellule du myome n’a pas cependant encore été démontrée.
b/Facteurs de
croissance :
L’implication
des facteurs de croissance, souvent régulés par les stéroïdes, est de plus en
plus évidente.
Des récepteurs de l’EGF ainsi que de l’ARNm pour EGF ont été identifiés
au niveau des myomes (12,13).
Les récepteurs d’IGF I ont une concentration augmentée en comparaison à celle
mesurée dans le myomètre (12), et les fibromes expriment l’ARNm pour
IGF I et IGF II (14). Le léiomyome exprime aussi l’ARNm pour PGDF (15). Enfin
des récepteurs à l’hormone de croissance ont été identifiés au niveau des myomes (16). Il
semblerait que l’action des estrogènes sur la croissance des fibromes soit immédiatement
induite en partie par l’EGF, dont les récepteurs sont plus sensibles à la régulation
par les estrogènes. L’EGF est aussi capable de stimuler la synthèse d’ADN par
les cellules myomateuses en culture (17).
c/Facteurs
angiogéniques :
Les
fibromes nécessitent une vascularisation riche pour s’accroître ; on connaît
le rôle des estrogènes sur la vascularisation utérine en général, facilement
mesurée par Doppler couleur au niveau des artères utérines . Il est normal que
les facteurs angiogéniques soient fortement impliqués dans la régulation de
la croissance des myomes. Le myome exprime l’ARNm pour VEGF (18). Mais
il ne semble pas que VEGF ait un rôle mitogénique vis-à-vis du muscle lisse.
Enfin il ne semble pas que l’expression de VEGF soit régulée par les stéroïdes
ovariens.
d/Matrice
extra-cellulaire :
Les
léiomyomes contiennent de grandes quantités de matrice acellulaire. Cette composante
joue donc un rôle non négligeable, au moins en termes de volume, dans la réponse
potentielle aux différents agents thérapeutiques utilisés. Elle semble présenter
des différences de composition par rapport au myomètre normal : il y a 50 %
de plus de collagène de type V et moins de collagène de type III, en raison
d’un métabolisme accru.
Enfin la régulation de la matrice extracellulaire par les stéroïdes n’est pas
aujourd’hui clairement démontrée.
III-Caractère
héréditaire :
Des
observations anciennes ont suggéré la possibilité du caractère héréditaire des
léiomyomes.
Un syndrome, associant des léiomyomes utérins et cutanés, observé dans une même
famille semble être lié à une transmission sur un mode autosomique dominant
; des recherches détaillées dans les familles affectées par ce syndrome devraient
permettre d’identifier le gène ou les gènes impliqué(s).
Pour
les myomes eux-mêmes, leur grande hétérogénéité laisse penser que de nombreux
gènes sont impliqués, ce qui rend l’identification des anomalies génétiques
plus difficile.
IV-Anomalies
cytogénétiques au niveau du tissu des léiomyomes :
Comme
beaucoup de tumeurs mésenchymateuses, les myomes sont l’objet de nombreuses
mutations somatiques.
Près
de 50 % des myomes, selon la technique utilisée, présentent des anomalies
clonales (19). Les aberrations cytogénétiques décrites sont multiples et hétérogènes,
impliquant principalement les chromosomes 1, 6, 7, 12, 13, 14 et 19 (20).
Les principales anomalies sont à type de réarrangements, de délétion, de translocation
et de duplication (21).
Une
translocation équilibrée entre les chromosomes 12 et 14 est fréquemment retrouvée
dans les léiomyomes utérins (Ingraham) ; la translocation t(12;14) (q15;q24.1)
perturbe le gène hREC2 (22).
Il a été aussi identifié des délétions interstitielles du bras long du chromosome
7 ; la délétion 7q22 est retrouvée dans environ 35 % (128/366) des cas
étudiés présentant une anomalie génétique (23) ; cette délétion a été aussi
retrouvée dans d’autres tumeurs (par exemple la leucémie myéloïde aigue) suggérant
qu’un gène supprésseur tumoral puisse être localisé dans cette région (23) ;
le gène CUTL 1 est l’un des gènes situés sur 7q22, il a été démontré qu’il encode
un répresseur transcriptionnel qui réduit l’expression de c-MYC (l’activation
du potentiel oncogènique de c-MYC a été identifiée dans de nombreux cancers).
CUTL 1 pourrait ainsi agir comme un gène supprésseur tumoral (23). Une analyse
portant sur 50 léiomyomes utérins, a montré que les niveaux de d’ARN messager
de CUTL 1 étaient abaissés dans 8 tumeurs sur 13, par analyse Northern blot ;
on peut ainsi penser que CUT L1 peut agir comme un gène supprésseur dont l’inactivation
serait susceptible d’intervenir dans la pathogénie des léiomyomes utérins (23).
La translocation
équilibrée la plus fréquemment retrouvée est celle qui touche les chromosomes
12 et 14 : t (12;14) (24) ; la translocation réciproque t(12;14) (q15;q24)
est souvent identifiée dans les léiomyomes utérins (24).
Certaines
anomalies ont été retrouvées dans diverses autres lésions (fibrome ovarien,
fibrothécome ovarien...) ce qui suggère l’implication d’un gène situé sur le
chromosome 12 dans ces processus néoplasiques.
Les
délétions portant sur les chromosomes 7 et 13 peuvent conduire à la perte des
gènes suppresseurs et ainsi à la progression de la tumeur.
Avec
des techniques plus sophistiquées, des anomalies chromosomiques sont retrouvées
dans 66,7 % des léiomyosarcomes (8/12) analysées (25).
Dans
une analyse par hybridization gènomique comparative, évaluant 14 léiomyomes
et 8 léiomyosarcomes, 2 léiomyomes seulement ont démontré des altérations, réduites
à une des pertes sur les chromosomes 1 et 4 et des gains sur les chromosomes
14 et 19 ; au contraire, tous les léiomyosarcomes ont montré de multiples
aberrations (26) ; ces constatations n’apportent pas de preuve pour affirmer
la progression des léiomyomes bénins vers les léiomyosarcomes et suggèrent que
dans la genèse de ces derniers une instabilité génétique accrue joue un rôle
important.
De même, 8 léiomyosarcomes sur 14 présentent une perte d’hétérozygocité sur
le chromosome 10, alors qu’aucun des 13 léiomyomes examinés ne présente cette
anomalie (27).
Enfin
les altérations du matériel génétique sont probablement en cause dans l’initiation
des fibromes, mais ces gènes ne sont pas encore identifiés.
V-Anomalies
génétiques impliquées dans la pathogénie :
Le léiomyome
est une tumeur mésenchymateuse bénigne ; dans beaucoup de ces néoplasmes
des anomalies chromosomiques ont été mises en évidence, laissant donc penser
que des réarrangements moléculaires sont impliqués dans leur genèse.
En particulier, les régions chromosomiques 12q15 et 6p21 sont fréquemment le
siège de réarrangements.
L’observation
fréquente de délétions interstitielles du bras long du chromosome 7 peut
laisser supposer la perte de fonction d’un ou plusieurs gènes supresseurs, mais
aucun gène candidat potentiel n’est encore identifié au niveau de la région
7q22.
Le
gène humain du récepteur à l’estradiol bêta (ESR2) est situé sur le locus
14q23-24.1 ; il est situé au voisinage du site de l’une des translocations
la plus fréquemment retrouvée dans les fibromes : t(12 ;14). Il est
ainsi possible de spéculer qu’ESR2 soit dérégulé par cette translocation chromosomique
et que ce mécanisme soit impliqué dans la pathogénie des fibromes (28).
Enfin
deux gènes sont directement impliqués dans la pathogénie des tumeurs mésenchymateuses ;
il s’agit des gènes HMGI-Y et HMGI-C qui appartiennent au groupe des
protéines à forte mobilité (high mobility proteins ou HMG) ; il s’agit
de protéines non-histone, associées à la chromatine, caractérisées par une grande
mobilité dans les gels polyacrylamides. Des études récentes ont montré que HMGI-Y
et HMGI-C sont des éléments importants, ayant un rôle dans la régulation de
la fonction et de la structure de la chromatine (29) ; elles sont, en effet,
responsables, avec d’autres protéines HMG, de la configuration tridimensionnelle
correcte des complexes protéine-ADN, jouant ainsi un rôle essentiel dans la
transcription de l’ADN.
Il a été montré récemment que le gène encodant pour HMGI-C est perturbé par
les réarrangements au niveau de 12q13-15, anomalie aussi fréquemment retrouvée
au niveau des fibromes.
De même, le locus 6p21, localisation du gène HMGI-Y, est fréquemment le siège
de réarrangements dans les fibromes.
Ces constatations conduisent à penser que les deux gènes HMGI-C et HMGI-Y jouent
un rôle dans le développement des léiomyomes utérins. Normalement chez l’adulte,
l’expression de ces protéines est absente ou très faible au niveau des tissus
différenciés.
Dans une étude portant sur 33 femmes devant subir une hystérectomie pour fibrome,
il a été démontré pour la première fois que 48,5 % des léiomyomes analysés présentaient
une forte expression pour HMGI-C et HMGI-Y soit isolément soit de manière associée
(30). Cela peut conduire à penser que les cellules des léiomyomes utérins représentent
une forme dédifférenciée des cellules musculaires lisses du myomètre.
Enfin, HMGi-Y et HMGI-C sont probablement les gènes dont les modifications sont
les plus souvent impliquées dans les néoplasmes (31).
VI-Synthèse :
Il faut
distinguer 4 aspects dans la pathogénie des myomes utérins :
1-Il
existe probablement une prédisposition génétique, mais à ce jour aucun
«marqueur» génétique n’a pu encore être identifié, bien que certains chromosomes
soient plus fréquemment affectés et son porteurs de gènes probablement en cause,
comme dans diverses autres tumeurs mésenchymateuses.
2-Les
facteurs en cause, dans l’initiation du myome restent encore méconnus,
mais, là encore, des facteurs génétiques apparaissent comme les déterminants
les plus probables.
3-La
croissance est-elle aussi sous une double influence hormonale et cytogénétiques
; les estrogènes jouent un rôle évident et leur action est médiée par les facteurs
de croissance, en particulier EGF ; les progestatifs ont un rôle plus équivoque,
mais de nombreux arguments plaident en faveur d’un effet trophique. La régulation
des facteurs angiogéniques et de la matrice extra-cellulaire est plus mal connue.
Il existe donc des mécanismes de régulation de cette croissance à la fois paracrines
et autocrines. L’existence de myomes différents, chez une même patiente, ayant
des altérations génétiques et une dynamique de croissance différentes, plaide
en faveur du rôle majeur des facteurs génétiques. Récemment, il a été démontré
le rôle potentiel important des gènes HMGI-Y et HMGI-C.
4-La
transformation maligne semble dépendre de divers facteurs oncogènes et probablement
des mutations somatiques mettant en jeu des anomalies au niveau des gènes suppresseurs ;
mais aucune continuité n’a pu être démontrée par les études actuelles.
ENDOMETRIOSE
I-Rappel de
généralités :
L’endométriose
externe est définie par la présence de tissu endométrial en dehors de
la cavité utérine. Les localisations pelviennes sont les plus fréquentes. Il
a été démontré, au moins pour les endométriomes, une origine monoclonale, selon
les données d’une étude par PCR portant sur 11 kystes (32).
L’endométriose,
dont la prévalence dans la population générale est mal connue (probablement
de l’ordre de 1 à 2 %) est retrouvée principalement chez les femmes infertiles
et en cas de douleurs, quels qu’en soient leurs types, avec, selon les études,
des incidences variant de 15 à 50 % (Tableau III) (33).
.
Sa pathogénie est mal comprise, mais elle semble faire jouer un rôle majeur
au reflux menstruel apportant des cellules endométriales dans la cavité pelvienne ;
ces cellules, aux propriétés peut-être différentes chez les femmes porteuses
de lésions endométriosiques, sont susceptibles d’adhérer puis de s’implanter,
de se développer et d’envahir le tissu environnant si le milieu hormonal est
suffisamment estrogènique et si une angiogénèse appropriée est associée (34).
Le rôle du terrain, impliquant des perturbations immunologiques et des modifications
génétiques, est fortement suspecté, mais aujourd’hui encore tout aussi mal compris.
Tableau
III : Fréquences rapportées de l’endométriose
SITUATIONS
|
FREQUENCES
EXTREMES
|
Population
générale
|
1--------->3%
|
Chirurgie
gynécologique
|
15------->50%
|
Algies
pelviennes
|
4,5------>50%
|
Stérilisations
tubaires
|
2--------->53%
|
Hypofertilité
|
8--------->38%
|
Stérilité
inexpliquée
|
23------->70%
|
Les
principaux facteurs de risque, identifiés par les études épidémiologiques,
concernent
les anomalies augmentant l’abondance des règles et du reflux menstruel (certaines
malformations…), elles sont des facteurs favorisants. Les tendances familiales
sont connues depuis plus de quarante années et laissent aussi entrevoir des
anomalies génétiques sous-jacentes (tableau IV). Des facteurs environnements
sont aussi en cause.
Tableau
IV : Principaux
facteurs de risque identifiés au plan épidémiologique.
1.Antécédents :
- antécédent
familial au premier degré
- exposition
in utero au distilbène
- curetages
itératifs
2.Reflux menstruel augmenté :
-
malformation obstructive
- règles
précoces
- cycles
courts
- règles
abondantes
- règles
douloureuses
- utilisation
d'un DIU ?
3.Symptômes
:
-
algies pelviennes
- hypofertilité
ou faible parité
|
On peut
espérer dans l’avenir reconnaître les femmes porteuses d’une prédisposition
génétique et ….éventuellement la corriger.
II-Caractère
héréditaire :
Depuis
plus de quarante années, de nombreuses publications ont porté sur le caractère
familial de l’endométriose, suggérant souvent une tendance génétique (Bischoff).
Des
études plus récentes ont bien montré la différence d’incidence si un parent
au premier degré est affecté ou non (Tableau VI d’après Bischoff (35) ;
bien évidemment, la principale limite de certaines études, est que dans les
groupes témoins des clioscopies n’ont pas toujours été réalisées. Le risque
est globalement multiplié par 5 à 8 fois quand une mère est atteinte et par
2 à 8 fois quand il s’agit d’une sur.
Les
études portant sur les surs jumelles, montrent que le taux d’endométriose varie
de 75 à 88 % chez la sur (36, 37).
Les
lésions ont aussi tendance à être plus sévères quand un parent au premier degré
est atteint (3 !).
Ces
données conduisent à penser qu’au minimum 7 à 10 % des d’endométrioses seraient
familiales ou génétiques, en sachant que dans de nombreux cas d’endométriose
découverts, il peut s’agir simplement du premier membre affecté de la famille
et qu’une origine génétique ne peut être exclue (35).
Tableau
V : Incidence de l’endométriose chez les
parents et dans des groupes témoins, d’après Bischoff (35).
|
Groupe
endométriose
|
Groupe
témoin
|
|
N.cas
|
Ensemble
|
Mère
|
Sur
|
N.cas
|
Contrôle
|
Simpson
(1980)
|
276
|
6,9 %
|
5,9 %
|
8,1 %
|
211
|
0,9 %
|
Lamb
(1986)
|
99
|
4,9 %
|
6,2 %
|
3,8 %
|
-
|
2,0 %
|
Moen
(1983)
|
522
|
4,3 %
|
3,9%
|
4,8%
|
318
|
0,6%
|
Coxhead
(1993)
|
127
|
5,4%
|
-
|
-
|
258
|
0,8%
|
Ces données sont en faveur de l’implication de facteurs génétiques dans la survenue
de certaines endométrioses. Compte tenu des fréquences rapportées, si une transmission
selon le mode mendélien ne peut être exclue, une transmission de type polygénique
apparaît comme des plus probable (35) ; cela conduit à mettre en cause
différents gènes avec un effet additif. La prédisposition présentée par un sujet
dépendra, en fait, des gènes dont il est porteur si bien, qu’au plan étiologique,
cette affection est génétiquement hétérogène. En outre, il faut, bien sûr, ajouter
l’influence des caractéristiques du cycle menstruel et de l’environnement.
III-Les données cytogénétiques
au niveau tissu endométriosique :
L’une
des difficultés de ce type d’analyse est la nécessité de disposer de tissu endométriosique
pur. C’est pourquoi des modèles, avec la culture de certaines lignées cellulaires,
ont été développés.
L’aneuploïdie
du chromosome 17, déterminée par FISH, est retrouvée dans 65 % des 8 lésions
endométriosiques sévères examinées, contre 25 % pour le tissu endométrial eutopique
(39). Une telle instabilité gènomique du chromosome 17 semble jouer un rôle
dans le développement et la progression de diverses tumeurs ; il a été
identifié des pertes et des gains, des délétions et des mutations de gènes suppresseurs
tumoraux potentiels (comme BRCA1 et p53) au niveau de ce chromosome 17.
Dans
une analyse, par hybridization gènomique comparative (CGH), de 18 lésions endométriosiques,
des aberrations au niveau de plusieurs chromosomes sont retrouvées dans 15 prélèvements
(40). Des pertes au niveau des chromosomes 1p et 22q sont retrouvées dans 50
% des cas ; d’autres chromosomes sont également touchés, mais avec une
moins grande fréquence ; il s’agit des chromosomes 5p, 6q, 7p et 17q. A
l’inverse, des gains sont observés, dans quelques cas, au niveau des chromosomes
6q, 7q et 17q.
Ces constatations permettent de spéculer sur l’implication de gènes localisés
au niveau de régions, non décrites jusqu’alors, dans le développement et la
progression de l’endométriose. Les mêmes auteurs ont poursuivi leurs études
sur un modèle de lignée cellulaire en culture (FbEM-1), diverses aberrations
ont été retrouvées, touchant particulièrement les chromosomes 1p et 22q dans
50 % des cas (41) ; des gains ou des pertes ont été par ailleurs identifiés
au niveau de 5p, 6q, 7q,7p, 9q et 17p. Ces constatations permettent de spéculer
sur l’implication de gènes localisés au niveau de régions, non décrites jusqu’alors,
dans le développement et la progression de l’endométriose.
L’oncogène
c-myc et le récepteur à la prolactine sont exprimés de manière différente quand
on compare le tissu endométriosique et l’endomètre, alors que l’expression de
l’oncogène neu est la même dans les deux tissus (42).
D’autres proto oncogènes (c-fins, cerB-1/-2) ont aussi été mis en évidence.
Le gène bcl-2 (anti-apoptotique) est aussi sur exprimé dans le tissu endométriosique
(43).
IV-Pathogénie :
Toutes
les études récentes en biologie moléculaire ou en cytogénétique ont apporté
des éléments permettant de mieux comprendre la pathogénie de l’endométriose.
Nous ne rappellerons que quelques données seulement, en privilégiant celles
qui peuvent avoir des applications pratiques potentielles ou qui permettent
de mieux comprendre certaines contradictions apparentes.
Il a
été retrouvé, dans une étude comparative portant sur 57 femmes avec prélèvement
de tissu endométriosique, un polymorphisme du gène à l’estradiol pouvant intervenir
dans la pathogénie de l’endométriose. (44).
L’endomètre
des femmes atteintes d’endométriose, contrairement aux autres, exprime l’aromatase
cytochrome P450 (P450 arom) (45) ; on retrouve, cependant, ce phénomène
chez les femmes présentant une adénomyose, des léiomyomes utérins et un carcinome
cervical. Malgré ce manque de spécificité, la détermination de l’expression
de P450 arom dans l’endomètre, pourrait être utilisée comme test de dépistage
chez les patientes à risque, par exemple celles qui consultent pour une infertilité
(45).
Pour
les kystes endométriosiques, les récepteurs à l’estradiol alpha et bêta sont
surtout retrouvés au niveau des cellules épithéliales et du stroma de la paroi
des kystes avec une prédominance de l’isoforme alpha (dans 100 % des 19 fragments
analysés) ; l’isoforme bêta ne fut retrouvée que dans 12 prélèvements (46).
Au contraire dans une autre étude, il semble exister une sur expression de l’isoforme
bêta, impliquant une forme particulière de dépendance estrogènique pour la croissance
et l’extension des endométriomes (47). L’expression de l’aromatase est présente
dans le tissu endométriosique (contrairement à l’endomètre) (48) ; l’aromatase
permet la conversion des stéroïdes C19 en estrogène et elle est stimulée par
PGE2 entraînant ainsi une accumulation locale d’estrogènes ; l’utilisation
thérapeutique des inhibiteurs de l’aromatase trouve là une justification.
Les
deux isoformes A et B du récepteur à la progestérone (RP-A et RP-B) ont été
recherchées dans le tissu endométriosique (49) ; une analyse, par Western Blot
après immunoprécipitation, a été réalisée sur les prélèvements de tissu endométriosique
effectués chez 18 femmes ; elle a montré que, contrairement à l’endomètre
qui contient les deux isoformes, seul le PR-A a été retrouvé dans tous les prélèvements.
Cette particularité pourrait ainsi expliquer les résistances au traitement par
les progestatifs.
L’expression
du gène de l’IL-6 est plus forte au niveau du stroma du tissu endométriosique,
comparativement à ce qui est retrouvé au niveau du stroma de l’endomètre (50).
Chez
les femmes atteintes d’endométriose, on retrouve, en comparaison avec la population
générale, une plus grande proportion d’homozygote pour la délétion des gènes
GsTM1 (Glutathione-S-transferase M1) et Nat-2 (N acétyl-tranférase 2), ce qui
indique qu’ils jouent un rôle dans la pathogènie de (51) ; ils pourraient
servir de marqueurs pronostics dans le suivi du traitement de l’endométriose.
Au plan moléculaire, le mécanisme de l’invasion du collagène par les cellules
endométriosiques partage certaines caractéristiques avec les cellules malignes
métastasiantes, mais avec probablement un phénotype particulier (52).
V-Synthèse :
1-Les
données sur les endométrioses familiales conduisent à estimer qu’au minimum
10 % des cas seraient d’origine familiale ou génétique. Les gènes pré
disposants pour l’endométriose ne sont pas clairement identifiés à ce jour.
2-Le
mode de transmission génétique le plus probable est polygénique, c’est-à-dire
que plusieurs gènes sont impliqués, avec probablement des effets additifs, et
que cette affection est génétiquement hétérogène. Les caractéristiques du cycle
menstruel et des facteurs environnementaux (dioxine par exemple) interviennent
aussi de manière marquante.
3-Les
données issues des recherches en biologie moléculaire ont permis de mieux
comprendre certains phénomènes et paradoxes apparents. En particulier, au niveau
du tissu endométriosique, l’aromatase-p450 est présente, les isoformes des récepteurs
à l’estradiol et à la progestérone sont exprimés de manière particulière, la
cellule endométriosique a des capacités » invasives » proches
de celles des cellules malignes métastatiques.
4-Les
progrès futurs en génétique laissent entrevoir des possibilités de dépistage
des femmes à risque voire des nouveaux moyens thérapeutiques adaptés.
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