Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Améliorer le taux de succès en AMP : le possible et les limites. Aspects biologiques
Année: 2005
Auteurs: - Hamamah S.
Spécialité: Infertilité
Theme: L'adolescence

Améliorer le taux de succès en AMP : le possible et les limites.
Aspects biologiques

S. HAMAMAH*, V. LOUP*, T. ANAHORY*,
L. REFTMANN*, H. DECHAUD*, B. HEDON*

Introduction

Depuis l'avènement des techniques de fécondation in vitro classique (FIVc), au milieu des années 70, de nouveaux horizons ont été ouverts sur le traitement de l'infertilité du couple. Ainsi, les infertilités d'origine tubaire, idiopathique, et dans une moindre mesure d'origine masculine ont pu être traitées grâce à ces méthodes. Cependant, la FIVc n'apportait pas une solution efficace à la stérilité d'origine masculine. Depuis, une parade des techniques de fécondation assistée a été proposée afin d'assister la pénétration de la zone pellucide par le spermatozoïde et donc favoriser la fécondation. C'est dans ce souci que des techniques comme le zona drilling (ZD), la SUZI, et enfin l'ICSI ont été proposées. Le ZD consiste à créer une perforation de façon mécanique dans la zone pellucide de l'ovocyte de manière à faciliter le passage de spermatozoïdes dans la zone pellucide. Alors qu'au cours de la SUZI (subzonal sperm injection), quelques spermatozoïdes sont injectés dans l'espace périvitellin sous la zone pellucide. Mais ces techniques comportaient plusieurs inconvénients : la fécondation polyspermique des ovocytes, et un faible taux de fécondation. Cependant, l'utilisation de l'ICSI (intra cytoplasmic sperm injection) a très rapidement remplacé les autres approches. Il s'agit d'une technique proposée par Palermo et al. en 1992 et utilisée dans la plupart des centres d'assistance médicale à la procréation (AMP).

Quelle que soit la technique utilisée en AMP, IIU, FIVc ou ICSI, les taux d'échec restent relativement élevés, et ceci malgré d'importants progrès technologiques. À l'heure actuelle, les taux de naissance par transfert d'embryon ne dépassent guère les 15 %. Pour toutes ces techniques, le taux d'implantation par embryon stagne depuis plusieurs années aux alentours des 10-12 %, et ne dépasse pas les 15 % pour les centres les plus performants.

Depuis plusieurs années, les scientifiques sont donc à la recherche des raisons pouvant expliquer les maigres performances de la FIV en reproduction humaine. Plusieurs facteurs ont été évoqués pour expliquer certains échecs : 1) l'environnement folliculaire, 2) la qualité intrinsèque des gamètes et des embryons qui en résultent, 3) la défaillance de l'éclosion embryonnaire, et 4) la réceptivité endométriale ont été incriminés.

En résumé, deux grands volets interviennent, d'un côté le volet in vitro au laboratoire d'AMP avec ses conditions de culture, et de l'autre, le volet de la qualité embryonnaire qui joue un rôle non négligeable dans le succès de la tentative.

Les biologistes de l'AMP ont pris depuis quelques années conscience de l'importance des étapes réalisées in vitro lors d'une tentative de FIV, et des efforts considérables ont été réalisés de façon à tenter de standardiser les étapes réalisées in vitro à l'aide de classifications et de conférences de consensus. Par ailleurs, de multiples études ont été menées dans le but de mieux comprendre les lacunes et les effets néfastes d'une culture in vitro sur les gamètes ainsi que sur les embryons humains. Tous ces efforts sont bien entendu dirigés vers le but ultime qui est constitué par l'amélioration des résultats de FIV et donc l'augmentation des chances de grossesse obtenue par ce biais.

Nous nous intéresserons donc dans un premier temps aux conditions nécessaires au bon fonctionnement d'un laboratoire d'AMP et nous nous pencherons plus particulièrement sur de nouvelles sources d'optimisation de ces conditions (qualité de l'air du laboratoire). Dans un second temps, nous nous intéresserons au rôle de la qualité embryonnaire sur les résultats en AMP et nous porterons notre attention sur les dernières avancées technologiques dans le domaines de l'AMP, regroupées sous le terme de « techniques de microchirurgie embryonnaire » : 1) l'éclosion assistée de l'embryon (assisted hatching), 2) les techniques de retrait des fragments embryonnaires (cleaning), et 3) le transfert de cytoplasme.

 

Conditions de travail dans un laboratoire d'AMP

Les conditions nécessaires à la mise en œuvre d'une activité d'AMP sont clairement définies par Le guide de bonnes pratiques cliniques et biologiques en AMP et constituent le pré-requis obligatoire au développement d'une telle activité.

Organisation du laboratoire d'AMP

Celle-ci est précisément définie dans l'arrêté du 12 janvier 1999 modifié par l'arrêté du 10 mai 2001 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques en AMP.

Les locaux

La structure minimum obligatoire est la suivante :

-   Une pièce exclusivement réservée au recueil du sperme, isolée et garantissant une parfaite confidentialité. Cette pièce comprend par ailleurs un lavabo équipé d'un système de fonctionnement automatique permettant l'arrivée d'eau sans intervention manuelle, un affichage précis des conditions de recueil.

-   Une pièce exclusivement réservée au traitement des gamètes en vue d'AMP obligatoirement équipée d'un sas dans le cas où le laboratoire assure une activité de FIV.

-   Une pièce exclusivement réservée à la conservation des gamètes et des embryons. Cette dernière doit être équipée d'un système antivol, d'un dispositif d'extraction de vapeurs d'azote, d'un système de contrôle de la teneur en oxygène de la pièce ainsi que d'un affichage extérieur de ce taux.

-   Un bureau pour l'entretien du praticien agrée avec les couples.

-   Une pièce pour les archives et un secrétariat.

Enfin, l'ensemble des locaux doit être équipé d'un système de protection contre les effractions et le système doit être en relation avec l'équipe de sécurité de l'hôpital ou un organisme de sécurité. Les procédures de sécurité concernant la pièce affectée à la conservation des gamètes et des embryons sont écrites. Ils doivent être de taille suffisante en regard de l'activité.

Le matériel

Tout laboratoire autorisé à pratiquer les activités biologiques d'AMP doit être équipé, au minimum, du matériel suivant :

Pour le traitement du sperme en vue d'insémination

-   un matériel permettant des conditions d'asepsie rigoureuse (hotte à flux laminaire ou matériel équivalent),

-   une centrifugeuse,

-   un microscope,

-   une étuve à 37° C.

Pour la FIV

Outre le matériel nécessaire pour le traitement du sperme en vue d'insémination :

-   un microscope inversé avec platine chauffante ou enceinte thermostatée à 37° C,

-   un stéréomicroscope équipé de platine chauffante thermostatée à 37° C,

-   une étuve à CO2,

-   pour la FIV avec micromanipulation (ICSI), un dispositif de micromanipulation adapté sur le microscope inversé.

Pour la congélation et la conservation du sperme

-   une cuve de stockage des paillettes de sperme dans l'azote liquide équipée de visotubes et canisters ou équivalent,

-   une réserve d'azote liquide avec dispositif de remplissage des cuves.

En outre, il est souhaitable, en cas d'activité importante, que le laboratoire dispose d'appareils permettant le conditionnement automatique du sperme en paillettes et la congélation programmée du sperme dans les valeurs d'azote.

Pour la congélation et la conservation des embryons

-   un appareil permettant la congélation programmée des embryons dans les vapeurs d'azote,

-   une cuve de stockage des paillettes contenant les embryons ; cette cuve doit être exclusivement affectée à cet usage,

-   une cuve d'azote de dépannage afin d'assurer la sécurité en cas d'incident technique.

Règles d'hygiène et de sécurité

-   L'ensemble du matériel en contact avec les gamètes et les embryons doit être à usage unique ; lorsqu'il est fourni non stérile, il doit être stérilisé suivant un protocole qui doit faire l'objet d'une procédure écrite et validée ;

-   les milieux de culture et réactifs préparés ou reconstitués au laboratoire doivent porter la date de leur préparation et celle de leur péremption.

-   Les réactifs d'origine industrielle doivent comporter la date de leur réception au laboratoire et, le cas échéant, la date limite d'utilisation.

Ils doivent être conservés dans des conditions appropriées respectant les normes indiquées par les fabricants. La date de péremption des milieux et réactifs doit être vérifiée une fois par mois. La date de la dernière vérification doit être notée dans le cahier de préparation.

Les appareils doivent être régulièrement et efficacement nettoyés, décontaminés, entretenus et contrôlés. L'ensemble de ces opérations ainsi que les visites d'entretien réalisées par le constructeur ou par un organisme de maintenance doivent être notés dans un document affecté à chaque appareil. Des procédures de secours doivent être prévues en cas de panne ou de dysfonctionnement, notamment l'accès à la cuve de dépannage, préalablement identifiée, pour la conservation des gamètes et des embryons. Le matériel doit être renouvelé régulièrement en fonction de son obsolescence et de son usure.

Dans le cadre des précautions « universelles » à respecter pour les laboratoires travaillant sur des prélèvements humains, le personnel du laboratoire doit suivre les règles suivantes :

-   port de gants pour toutes les manipulations de produits humains, à changer chaque fois que nécessaire et obligatoirement entre deux patients,

-   port de masque pendant les manipulations,

-   lavage des mains et de la peau immédiat en cas de projection,

-   prévention des piqûres et coupures (collecteurs, interdiction de reboucher les aiguilles).

Il est rappelé que la vaccination du personnel du laboratoire contre l'hépatite B est obligatoire.

Les locaux doivent faire l'objet d'un nettoyage et d'une désinfection efficaces quotidiens afin d'éviter tout risque de contamination. Les procédures
d'entretien doivent être décrites et notées sur un cahier spécifique. Les produits utilisés à cet effet doivent être non toxiques (ex : produits ne contenant pas d'alcool).

Comment tenter d'optimiser ces conditions ?

L'air du laboratoire

Contaminations

Les sources de contamination sont multiples, externes et internes au laboratoire.

Les locaux concentrent ces impuretés et il est à l'heure actuelle impossible de les éliminer.

Il est donc primordial de tenter de limiter au maximum leur pénétration au sein des locaux.

Le laboratoire doit donc disposer de :

-   pièces de cultures embryonnaires en surpression,

-   un air filtré,

-   un air climatisé.

L'entrée du laboratoire doit être soigneusement contrôlée et seulement accessible au personnel du laboratoire.

De plus, les filtres présents au niveau des bouches d'aération doivent être rigoureusement contrôlés et changés. Les dates de ces vérifications doivent être conservées dans un registre de maintenance.

Les polluants « réglementés »

Sept polluants sont actuellement réglementés et font l'objet de mesures continues dans l'air réalisées par les associations de surveillance de la qualité de l'air.

-   Le dioxyde de soufre : SO2

-   Le monoxyde de carbone : CO

-   Le dioxyde d'azote : NO2

-   L'ozone : O3

-   Les particules

-   Le benzène : C6H6

-   Le plomb : Pb

Les composés organiques volatiles (VOCs)

Les VOCs regroupent une multitude de substances et ne correspondent pas à une définition très rigoureuse. On exprime souvent les VOCs en hydrocarbures totaux (notés HC), en équivalent méthane ou propane, ou par rapport à un autre hydrocarbure de référence.

Il est fréquent de distinguer séparément le méthane (CH4) qui est un VOC particulier, naturellement présent dans l'air, des autres VOCs pour lesquels, on emploie alors la notation COVNM (Composés Organiques Volatiles Non Méthaniques).

Les sources de VOCs sont très nombreuses, les émissions sont dues à certains procédés industriels impliquant la mise en œuvre de solvants (chimie, parachimie, dégraissage des métaux, applications de peintures, imprimerie, colles et adhésifs, caoutchouc, etc...). Certaines émissions sont également rapportées à certains produits domestiques (peintures, revêtements de sols et murs, faux plafonds, bois aggloméré, produits d'entretien, parfums et cosmétiques, désodorisants, journaux, photocopieuses, humidificateurs d'air, tabac, etc...)

Parmi les VOCs, il est classique de distinguer plusieurs « familles » :

-   Les alcanes (par exemple, le propane),

-   Les alcènes,

-   Les diènes et les terpènes,

-   Les aromatiques mono ou polycycliques (par exemple, le benzène, le toluène...),

-   Les composés oxygénés (aldéhydes, cétones, esters, alcools...).

Quelques exemples de VOCs associés à des sources courantes (sources intérieures) :

-   alpha pinène : désodorisant, produits d'entetien,

-   111-trichloroéthane : colles,

-   1-methoxy-2-propanol : laques, peintures, vernis, savons, cosmétiques,

-   2-butoxyéthanol : peintures, vernis, traitement du bois,

-   benzène : fumée de cigarette,

-   butyl-acétate : parquet, solvants,

-   cyclohexane : peintures, vernis, colles,

-   toluène : peintures, vernis, colles, encres,

-   undécane : white-spirit, colles pour sols, cires, nettoyants sols.

VOCs et culture embryonnaire in vitro

Cohen et al. (1997) ont étudié la composition en VOCs dans le CO2 utilisé pour la conservation des gamètes et la culture embryonnaire.

 

   Volatile Organic Compound   Mg/m_

   Benzene   100

   Isopropanol   80

   n-Pentane   50

   Acataldehyde   50

   n-Butane   30

   Acétone   24

   Éthanol   20

   Toluene   12

   Trichloroethene   4,7

Cette même équipe a tenté d'étudier l'effet d'adhésifs sur le développement d'embryons de souris. Ils retrouvent une diminution significative des taux de formation de blastocystes pendant la période d'exposition à ces toxiques.

 

˙Période

˙Zygotes

˙Blastocystes

 
˙  ˙ 

˙en culture (nb)

˙expansés (nb)

˙  ˙Période précédant les travaux

˙17

˙17

˙  ˙Pendant l'utilisation de colles

˙44

˙3

˙  ˙Après la mise en place

˙19

˙17

   d'un système de filtration des VOCs

Dosage des VOCs

Il est réalisable dans l'air comme dans l'eau. Les concentrations à l'intérieur des locaux varient dans le temps et sont supérieures de 2 à 10 fois à celles de l'air extérieur. La concentration moyenne en France à l'intérieur des locaux est 70 g/m.

Comment lutter contre les VOCs?

La plupart des équipes recommandent l'utilisation de systèmes de filtration de l'air du laboratoire ou de l'air contenu dans les incubateurs. Ainsi ; Racowsky et al. ont comparé la qualité embryonnaire, les taux de grossesses et d'avortements spontanés en présence ou non de systèmes de filtration. Ils démontrent une augmentation du nombre de blastomères ainsi qu'une diminution du taux de fausses couches en présence des systèmes de type CODA Tower et CODA Unit.

 

˙Coda Tower Status

˙Sans

˙Avec

˙Avec

˙p

 
˙  ˙Coda Unit Status

˙Sans

˙Sans

˙Avec

 
˙  ˙Nombre de transferts

˙170

˙149

˙148

˙

˙  ˙Nombre moyen

˙5,74

˙6,02

˙6

˙0,10

   de blastomères

   Tests de grossesse positifs   50,6   59,1   50   0,21

   par embryon transféré   

   Grossesses évolutives    37,1   45   40,5   0,36

   par embryon transféré

   Avortements spontanés    14   5,7   1,4   < 0,007

   par embryon transféré

De même, Mayer et al. (2003) ont comparé les résultats de FIV entre des tentatives utilisant des incubateurs présentant un filtre et d'autres n'en possédant pas. Les résultats sont les suivants : ils démontrent une augmentation significative des taux de grossesses en présence d'un air filtré.

 

˙Incubateurs

˙Avec filtre CO2

˙Sans filtre CO2

˙p

 
˙  ˙Cycles de traitement

˙66

˙63

˙

˙  ˙Âge

˙34,7

˙33

˙NS

˙  ˙Embryons transférés

˙3,7

˙3,7

˙NS

˙  ˙Taux de grossesse clinique

˙52 %

˙30 %

˙< 0,02

Peut-on améliorer le potentiel implantatoire

de l'embryon ?

Parmi les facteurs évoqués dans les échecs d'implantation, l'épaisseur de la zone pellucide, la présence des fragments dans les embryons et la qualité de cytoplasme de l'ovocyte sont le plus souvent cités. Des approches ont été proposées pour contourner ces problèmes :

L'éclosion assistée de l'embryon

Les mauvais résultats obtenus en FIV humaine sont en grande partie dus à des anomalies génétiques de l'embryon, à des conditions non optimales de culture in vitro, à des anomalies de la zone pellucide interférant avec l'éclosion naturelle de l'embryon, et à l'échec d'implantation. Au moins 50 % des embryons humains sont génétiquement normaux, cependant, les taux d'implantation ne dépassent pas les 10-15 % pour les embryons de morphologie normale. Il faut savoir que moins de 25 % des embryons humains vont éclore in vitro. Or, l'éclosion embryonnaire est une étape clé avant la nidation dans l'endomètre. Sans éclosion de l'embryon, l'implantation ne pourra s'effectuer.

Les expérimentations animales ont pu montrer chez la souris que l'éclosion naturelle pouvait être déficiente dans les conditions de culture in vitro. Dans ces conditions non physiologiques, les embryons ont une cinétique de division ralentie et présentent des blocages à de nombreux stades de leur développement. Un blocage peut donc survenir au stade d'éclosion du blastocyste. De plus, l'on sait maintenant que la culture in vitro est à l'origine d'un durcissement de la zone pellucide (phénomène de zona hardening), et par ce biais joue un rôle défavorable dans l'éclosion in vitro. C'est d'abord chez la souris qu'il a été montré que la création d'une brèche artificielle dans la zone pellucide remédiait à l'éclosion déficitaire des embryons obtenus in vitro. Cette technique a donc été mise au point dans le but d'améliorer le taux d'éclosion des embryons humains obtenus in vitro et donc améliorer le taux d'implantation.

Par quelle procédure l'embryon éclot-il ?

Depuis plusieurs années le rôle de la pression exercée par le blastocyste en expansion au niveau de la ZP a été soupçonné. Chez la souris une enzyme trypsine-like élaborée par le trophectoderme a été détectée dans le milieu de culture d'embryons éclos. De plus, l'apport d'inhibiteurs de protéase dans les milieux de culture bloque le processus de l'éclosion. Donc en résumé, l'éclosion est favorisée d'une part par un rôle mécanique de pression et d'autre part par un processus enzymatique. Or, les embryons obtenus in vitro ont une cinétique de division ralentie donc moins de cellules que les embryons physiologiques au même stade. Ceci pourrait jouer un rôle négatif d'une part dans la production enzymatique suffisante, et d'autre part dans l'exercice d'une pression suffisante pour favoriser l'éclosion.

Les expériences chez l'animal

Dès la fin des années 80, il a été montré chez la souris que la création d'une ouverture dans la ZP, ou même un amincissement de celle-ci, augmentait le taux de l'éclosion au stade blastocyste. Cette éclosion assistée a également montré son utilité pour restaurer un taux d'éclosion normal, sur des embryons de souris cultivés dans un milieu sans protéine qui induisait un durcissement de la ZP. D'autres expériences visant à créer un déficit du potentiel d'éclosion d'embryons de souris par lésion de quelques blastomères, ont montré le rôle positif de l'éclosion dans la restauration de ce potentiel. Les embryons micro manipulés avaient de plus un taux d'implantation supérieur aux embryons non éclos.

Les techniques développées au laboratoire de fécondation in vitro

-   PZD (partial zona dissection) qui consiste à créer une brèche mécanique à l'aide d'une micro aiguille. La difficulté de cette technique réside dans l'impossibilité de créer une brèche de taille suffisante.

-   ZD qui consiste à produire une digestion chimique et locale de la ZP à l'aide d'une solution de tyrode acide. Cette technique a également ses difficultés : la taille de la brèche est difficilement contrôlable, et un contact des blastomères avec l'environnement acidifié est toujours possible (Figure 1).

Figure 1. Éclosion assistée à l'aide d'une solution de tyrode acide

 

-   Technique laser de contact ou non-contact. Beaucoup plus facile à manier que les autres techniques disponibles.

-   Techniques enzymatiques utilisant des solutions de pronase digérant la ZP. Il s'agit d'amincissement de la totalité de la ZP par passage dans une solution acidifiée de tyrode sans création de brèche.

Les différentes études cliniques rapportées

Depuis plusieurs années de nombreuses études ont confirmé l'avantage de l'utilisation du hatching dans des indications bien posées.

Dès 1992, Cohen et al. ont démontré l'utilité du hatching dans l'augmentation des taux d'implantation et de grossesse, chez les femmes de plus de 39 ans et/ou ayant une FSH basale élevée. Leurs résultats ont été confirmés par Schoolcraft et al. en 1993. Cette équipe a de plus démontré l'avantage du hatching pour améliorer les résultats quand plusieurs échecs antérieurs d'implantation existent. L'amélioration apportée par la technique du hatching semble loin d'être négligeable, puisque le taux d'implantation obtenu était de 33 % dans le groupe ayant eu un hatching contre 6,5 % dans le groupe contrôle, et que le taux de grossesse évolutive était de 64 % dans le groupe hatching contre 19 % dans le groupe contrôle. Plusieurs études ont été réalisées pour confirmer l'amélioration des résultats cliniques par le hatching des embryons décongelés à J2 ou J3. Pour les embryons J3, le taux d'implantation était de 14 % pour les embryons hatchés contre 5 % pour le groupe contrôle, avec un taux de grossesse clinique de 30 % après hatching contre 15 % dans le groupe contrôle. Les résultats pour les embryons J2 étaient presque similaires.

La digestion complète de la ZP au stade blastocyste est utilisée depuis 1997 par Fong et al. qui rapportaient alors un taux d'implantation de 33 % et taux de grossesse clinique de 53 %. Mansour et al. en 2000, rapportent une étude portant sur la digestion complète de la ZP sur les embryons J3 de femmes ayant plus de 40 ans et/ou plusieurs échecs d'implantation. Ils obtiennent un taux de grossesse clinique de 23 % avec les embryons traités, contre 7 % dans le groupe contrôle.

Pour ou contre l'éclosion assitée ?

Quelques études n'ont pas confirmé l'utilité du hatching pour améliorer les taux d'implantation et de grossesse. Pour la plupart, ces études avaient utilisé la technique sur des populations ne rentrant pas dans les critères d'inclusion pour le hatching. Il est vrai que cette technique n'apporte aucun avantage chez les femmes jeunes et dans les premières tentatives de FIV. Par contre, quand le hatching n'apporte pas les effets escomptés sur les populations bien choisies, il faut rechercher l'explication du côté de sa difficulté de réalisation et ceci suivant la technique utilisée. C'est seulement dans les mains d'une équipe entraînée que le hatching peut avoir des résultats satisfaisants et reproductibles.

Comme toute nouvelle technique en matière d'AMP, le hatching a suscité des interrogations quant à son potentiel malformatif. Jusqu'à ce jour, toutes techniques confondues, aucune élévation du taux de malformation n'a été rapportée après l'utilisation du hatching. Le seul risque clinique véritablement démontré aussi bien sur le modèle animal qu'humain est l'augmentation du risque de gémellité monozygotique. C'est par ce biais-là que des malformations fœtales pourraient être observées, ainsi qu'une augmentation de la morbidité et de la mortalité néonatale, en plus des complications obstétricales inhérentes à ce type de grossesse.

Le retrait des fragments embryonnaires (cleaning)

La morphologie embryonnaire est un facteur important à déterminer pour aider à prévoir les chances d'implantation de l'embryon transféré. De multiples classifications embryonnaires ont vu le jour depuis quelques années, et même si entre elles la gradation n'est pas équivalente, cependant, ce sont presque toujours les mêmes facteurs morphologiques qui sont pris en compte pour définir un embryon à un moment donné de son développement. Ces classifications reposent donc pour la plupart sur la régularité des blastomères, le taux de fragmentation observé au sein de l'embryon, et parfois le nombre de blastomères.

Environ 80 % des embryons obtenus in vitro présentent une fragmentation cellulaire. Les fragments sont des structures indépendantes des blastomères, entourés par une membrane, et dérivent de la masse des cellules embryonnaires. La fragmentation reste encore à l'heure actuelle un phénomène mal compris, mais on a pu constater dans quelles circonstances elle était le plus souvent rencontrée.

Pourquoi les embryons se fragmentent-il ?

Les réponses ne sont qu'hypothétiques. Les facteurs extrinsèques de l'environnement embryonnaire jouent certainement un rôle important dans la fragmentation : conditions de culture in vitro, composition et pH des milieux de culture, ainsi que la température semblent avoir un impact important sur le développement embryonnaire. De plus la stimulation ovarienne pratiquée avant le retrait des ovocytes entraîne des conditions non physiologiques de maturation pour les follicules et par là même pourrait entraîner un comportement embryonnaire anormal. En effet il a été rapporté que les follicules soumis à des conditions d'hypoxie par mauvaise vascularisation, produisent des ovocytes présentant plus d'anomalies cytoplasmiques et chromosomiques, aboutissant à des embryons ayant une capacité de développement réduite (Van Blerkom et al, 1997). Les embryons ayant une fragmentation excessive comportent des anomalies chromosomiques (Pellestor, 1991; Munné et Cohen, 1998) : 88 % présentent une aneuploïdie ou des anomalies en mosaïque. Une autre étude a montré que 66 % des embryons présentant plus de 35 % de fragmentation avaient des anomalies chromosomiques.

Les conséquences de la fragmentation sur les taux d'implantation
et de grossesse

L'impact négatif de la fragmentation sur le développement embryonnaire est maintenant connu depuis plusieurs années. De nombreuses études ont montré l'influence de la fragmentation sur les résultats de la FIV (Staessen et al., 1993 ; Giorgetti et al., 1995 ; Ziebe et al., 1997). Un taux d'implantation < 5 % a été rapporté pour des embryons comportant 10-50 % de fragments, après un transfert J2. Ces études ne font pas de différence sur le degré et la manière de fragmentation des embryons étudiés.

C'est en fait l'équipe de J. Cohen (USA) qui a proposé une classification des embryons fragmentés. Cette classification comporte 5 classes allant de I à V, et prend en compte la taille des fragments, le % de fragmentation et la localisation des fragments. Ils ont ainsi pu mettre en évidence une corrélation entre le taux de fragmentation et les taux d'implantation et de grossesse d'une part et entre le pattern de fragmentation et les taux d'implantation et de grossesse d'autre part. Dans ces études (5 496 embryons, 1 727 transferts) tous les embryons transférés avaient bénéficié d'une éclosion assistée suivie d'un « nettoyage » préalable des fragments, de manière à ne transférer que des embryons ayant moins de 25 % de fragments. Ils rapportent ainsi un taux d'implantation de 30 % quand la majorité des embryons transférés avaient < 15 % de fragments et un taux de 20 % quand la fragmentation était Ž 15 %. De plus, quand la fragmentation était > 35 %, le taux d'implantation chutait à 6 % (Alikani et al., 1999).

Fragmentation et taux de formation de blastocystes

La même équipe a également étudié l'impact de la fragmentation embryonnaire sur le taux de formation de blastocystes. Ils ont ainsi pu montrer une corrélation négative entre ces deux facteurs. Pour une fragmentation < 15 %, 33 % des embryons en culture prolongée arrivaient au stade blastocyste contre 16 % qui donnaient des blastocystes quand le % de fragmentation > 15 %.

Retrait des fragments

Cette opération s'effectue après ouverture d'une brèche au niveau de la ZP par hatching (Figure 2). Les fragments sont ensuite retirés par une micropipette de 12 μ de diamètre. C'est une manipulation très délicate nécessitant un agrandissement maximal au niveau du microscope, et beaucoup de doigté de la part de l'intervenant qui doit veiller à ne pas léser les blastomères au sein de l'embryon.

 

Figure 2. Retrait des fragments à l'aide d'une micropipette

Pour ou contre le retrait des fragments embryonnaires ?

À l'heure actuelle, l'efficacité du retrait des fragments n'a pas encore été testée sur une large étude prospective et randomisée, et l'influence positive de cette approche sur la survie embryonnaire reste encore inexpliquée. Cependant, plusieurs explications hypothétiques peuvent être proposées.

Il a en effet été démontré que le retrait des fragments à J2 favorisait le clivage des blastomères entre J2 et J3 (Zaninovic et al., 1999). Pour une fragmentation moyenne de 30%, les embryons « nettoyés » à J2 avaient une vitesse de clivage supérieure aux embryons identiques mais non « nettoyés ». De plus, après le retrait des fragments, les embryons présentaient un nombre plus élevé de blastomères Ž 6 à J3. Ce phénomène pourrait être expliqué par l'effet bénéfique qu'apporte le retrait des composants cellulaires apoptotiques, que seraient le fragments, sur le développement des blastomères intacts. Une étude a pu en effet démontrer que les blastomères adjacents aux fragments montraient des signes de dégénérescence (Sathananthann et al., 1990).

En revanche, une controverse existe sur le bénéfice du retrait des fragments au niveau de la formation de blastocystes. Si une étude sur un petit nombre d'embryons humains (n = 19) ayant subi un retrait de fragments à J3, montre un taux plus élevé de compactions observées à J4, une autre étude réalisée sur des souris montre que la présence de fragments n'interfère pas avec le taux de formation de blastocyste et que le retrait des fragments ne présenterait donc plus aucun avantage (Dozortsev et al., 1998). Une autre étude menée sur des embryons de souris a cependant clairement montré l'effet néfaste de la dégénérescence partielle provoquée au niveau de certains blastomères sur le potentiel évolutif et la viabilité de l'embryon (Alikani et al., 1993). Dans cette étude, le retrait des composants dégénératifs restaurait la viabilité des embryons. D'autres auteurs suggèrent que l'effet délétère de la fragmentation est irréversible au moment du retrait et qu'il a lieu en amont (Antczak et Van Blerkom, 1999). Pour ces auteurs, les fragments ne sont pas des composants apoptotiques mais contiennent des protéines régulatrices du métabolisme embryonnaire, donc une fois séparées des blastomères, l'effet délétère de leur absence s'exercerait immédiatement et le fait de les extraire du sein de l'embryon n'apporterait aucun effet bénéfique. Il reste néanmoins vrai que même en admettant cette hypothèse, l'absence de certains composants clés du métabolisme embryonnaire induit à long terme une dégénérescence cellulaire et altère le processus évolutif de l'embryon. L'extraction des composants en voie de dégénérescence serait de toute manière positive pour les éléments non dégénératifs.

Le transfert de cytoplasme

Le rôle du cytoplasme de l'ovocyte dans la maturation et activation ovocytaire est bien connu chez les mammifères. L'importance de facteurs cytoplasmiques ovocytaires a été également soupçonné au niveau du développement du zygote, particulièrement pendant les premiers stades de division cellulaire, quand la transcription du génome embryonnaire est encore minimale. Des irrégularités de développement et des dysmorphismes sont souvent constatés chez l'ovocyte humain ainsi que les embryons, au cours des tentatives d'AMP. Ces processus seraient dus à des facteurs génétiques et non génétiques. Des anomalies non génétiques peuvent exister au niveau du cytoplasme ovocytaire et interférer avec le développement normal et la viabilité de l'embryon qui en est issu. À l'heure actuelle nous ne disposons pas d'explication pour comprendre toutes ces anomalies. Le degré de fragmentation des embryons peut être aussi considéré comme le résultat d'un dysmorphisme ovocytaire primaire, même si l'on sait que cette fragmentation est dépendante des conditions de culture in vitro. Quelques études portant sur les manipulations ovocytaires et embryonnaires ont déjà été rapportées chez l'animal ; elles ont été réalisées dans le but d'améliorer les déficiences ovoplasmiques et anomalies embryonnaires. Chez l'homme, le transfert de cytoplasme a été réalisé de manière expérimentale dans le but de « sauver » les tentatives de très mauvais pronostic. Il s'agissait de couples ayant un long passé d'échecs d'implantation attribués à une mauvaise qualité embryonnaire, et pour lesquels tous les essais d'amélioration des résultats par l'arsenal habituel de stimulation et de laboratoire (culture prolongée, éclosion assistée), avaient échoué. Le but était de restaurer un développement et une viabilité normale des embryons de mauvais pronostic.

Deux approches de transfert d'ovoplasme à partir d'ovocytes de donneuses en métaphase II, aux ovocytes de receveuses au même stade ont déjà été utilisées :

1)   électrofusion d'un fragment anucléé de donneuse dans chaque ovocyte de la receveuse,

2)   injection directe d'une petite quantité de cytoplasme d'ovocyte de donneuse dans chaque ovocyte de la receveuse.

Les patients sélectionnés pour l'étude avaient été recrutés pour la présence antérieure d'anomalies zygotiques, embryonnaires ou blocage embryonnaire. Ils avaient pour la plupart des dysmorphies ovocytaires, une fragmentation embryonnaire, clivage ralenti, blastomères multinuclées, ou autres anomalies morphologiques. Il faut savoir que cette technique nécessite la synchronisation de la stimulation de la donneuse et de la receveuse. Le déclenchement doit également être réalisé de manière synchrone.

Procédure technique

Les ovocytes de la receveuse et de la donneuse sont chacun placés dans une gouttelette de 5 μl de milieu de culture sous huile. La même boîte de pétri contient également une gouttelette de 5 μl de PVP 12 %, où sont placés les spermatozoïdes du conjoint de la receveuse.

Les pipettes utilisées sont les mêmes que pour une ICSI. La pipette de microinjection est équilibrée avec du PVP. Un spermatozoïde est immobilisé et aspiré, et puis le cytoplasme de l'ovocyte de la donneuse est alors doucement aspiré. La quantité aspirée de cytoplasme dans la micropipette est environ 500-1000 μm. Ceci représente à peu près 7-14 % du volume cytoplasmique. L'ovocyte de la receveuse est alors percé doucement et son cytoplasme aspiré et refoulé pour créer un relâchement local qui assurerait un meilleur mélange avec le cytoplasme donneur. Le spermatozoïde est bien sûr injecté dans l'ovocyte receveur en même temps que le cytoplasme donneur.

Évaluation clinique

Chez certains de ces patients, les zygotes issus d'un transfert de cytoplasme ont eu un meilleur développement, par rapport aux zygotes n'en ayant pas eu. Vingt huit cycles de transferts de cytoplasme ont été rapportés. 325 ovocytes ont été reçus de cytoplasme au moment de leur injection. Le taux de fécondation était de 73 %. 65 % des ovocytes sont arrivés à J3. 98 embryons ont été transférés et 17 ont abouti à une grossesse clinique (17 %). 13 ont abouti à un accouchement. Une des FCS était due à une monosomie X. De plus, un des jumeaux d'une des grossesses gémellaires était également porteur d'une monosomie X. Une responsabilité de la technique utilisée dans l'apparition de ces anomalies ne peut être écartée. Cependant, étant donné le peu de cas répertoriés dans cette étude, il est difficile d'incriminer la technique utilisée.

À J3 les embryons obtenus par cette approche contenaient en moyenne 4,7 blastomères, ce qui est inférieur au nombre de blastomères des embryons âgés de 3 jours obtenus par ICSI soit 6,5 cellules. Le taux de fragmentation de ces embryons était de 35 %, ce qui dénote un mauvais pronostic de survie ainsi qu'un risque augmenté de mosaïque chromosomique. Il faut cependant considérer le remarquable taux de grossesses cliniques obtenus sur les 28 cycles réalisés, soit 46 % (13/28). Un taux d'autant plus remarquable que tous ces patients avaient un long passé d'échecs d'implantation dus à une mauvaise qualité embryonnaire.

Avantages et inconvénients de la méthode

Un des désavantages de cette méthode est l'imprécision de la quantité de cytoplasme transférée. Par ailleurs, on ne peut transférer que du matériel polarisé et seulement en petite quantité.

L'importance des critères de sélection est cruciale étant donné que le transfert de cytoplasme n'améliore pas les problèmes non liés aux composants intrinsèques de l'ovocyte. Les ovocytes candidats sont ceux qui ont un génome nucléaire normal mais avec un déficit de facteurs maternels cytoplasmiques. Il faut également considérer le risque de transmission de facteurs lésionnels ou toxiques à l'ovocyte receveur par le biais même de la technique (création d'une brèche dans la paroi et exposition du milieu intra-cellulaire au milieu extra-cellulaire). Il s'agit d'une situation similaire à l'ICSI classique. Un des problèmes hypothétiques pourrait être un risque d'induction d'une transgenèse s'il y a présence d'une reverse transcriptase dans le milieu de culture. Ceci paraît être fortement improbable puisque ces enzymes n'ont jusque là été détectées que dans les rétrovirus. En outre, le spermatozoïde pourrait être porteur de transcrits pouvant intervenir à l'échelle micro-environnementale.

Cette approche pourrait être assimilée à une forme de manipulation génétique ou thérapie génique, étant donné qu'elle comporte une incorporation d'acides nucléiques, d'ARN messagers, et d'ADN mitochondrial, d'origine étrangère dans l'ovocyte receveur. Bien que la transgenèse classique consiste à incorporer de l'ADN étranger au matériel nucléaire de la cellule, cette possibilité ne peut pas encore être écartée dans le cadre de cette technique. Il reste néanmoins vrai que le transfert de cytoplasme implique l'entrée dans la cellule hôte d'ARNm, d'inhibiteurs de protéines, de facteurs de croissance et bien d'autres composants qui pourraient affecter le cycle cellulaire, le processus apoptotique, ou les gènes de ménage de la cellule receveuse. Cependant, les modifications cellulaires observées suite aux changements des conditions de culture in vitro, ne paraissent affecter que la viabilité pendant la période préimplantatoire et implantatoire exclusivement. Le transfert de cytoplasme pourrait être en cause dans la création d'une population mitochondriale chimérique ou hétérogène, au sein de l'ovocyte receveur, ce qui pourrait éventuellement avoir des conséquences néfastes sur le développement. Or, chez l'animal, les expériences de transfert nucléaire en vue de multiplication génomique, n'ont en fait jusque là détecté que des hybrides mitochondriaux chez certains animaux. À l'état zygote, le mélange de populations mitochondriales d'origines diverses, semble être à l'origine de mécanismes d'arrêt mitochondrial spécifique. En effet, à un stade embryonnaire avancé, les mitochondries d'origine paternelle et maternelle ne peuvent être détectées ensemble. Chez les mammifères, l'ADN mitochondriale semble être d'origine maternelle. Ainsi, le transfert de PN ou de noyau de VG, de femmes vectrices de maladies mitochondriales, dans un cytoplasme énucléé normal devrait être un moyen de juguler la transmission de ces maladies.

Mode d'action du transfert de cytoplasme

Le mode d'action du transfert de cytoplasme dans l'amélioration des dysfonctionnements ovocytaires est totalement inconnu. Aussi bien que les effets délétères de chaque type de dysmorphie ovocytaire sur les événements post fécondation sont loin d'être identifiés. Dans tous les cas, on peut difficilement être certain que le transfert d'une si petite quantité de cytoplasme aura jugulé l'incompétence cytoplasmique de l'ovocyte receveur. Les changements de volume induits par ce procédé ne doivent cependant pas être sous estimés. Car il est bien connu que le peu de matériel cytoplasmique apporté par le spermatozoïde a une action cruciale malgré la petitesse du volume. Dans cette étude, la quantité injectée ne semble pas excéder l'équivalent d'un blastomère d'un embryon à 8 cellules.

Quatre voies d'action peuvent être considérées dans le transfert de cytoplasme :

a)   Les mitochondries de la donneuse peuvent amener un environnement plus physiologique pour les premières phases de développement embryonnaire. Ces mitochondries ne vont par ailleurs pas forcément subsister dans l'ovocyte ultérieurement.

b)   Le pool d'ARNm de l'ovocyte peut être remonté après le transfert cytoplasmique. Ceci est d'autant plus probable que le taux d'ARNm est dépendant des apports maternels jusqu'à l'expression complète du génome embryonnaire. De plus, les ovocytes issus de femmes différentes auraient des niveaux d'ARNm différents.

c)   D'autres organites ou organisations cellulaires peuvent être également affectées, tel que le fuseau de division méiotique. Ceci pourrait être réversible après le transfert de cytoplasme.

d)   Le transfert peut avoir une conséquence spécifique en modifiant juste un seul mécanisme. Par exemple, les ovocytes au stade VG ou les stades zygote bloqués peuvent bénéficier d'un apport de facteurs régulant le cycle cellulaire.

Dans cette étude, certains embryons à cytoplasme hybride ainsi que ceux obtenus avec des ovocytes de donneuse, avaient un développement médiocre. Ces résultats démontrent l'importance des composants cytosoliques apportés par le spermatozoïde après la fécondation.

La polarisation du cytoplasme a été démontrée chez les non-mammifères.

Le transfert de cytoplasme soulève quelques questions au sujet de la polarisation, ainsi que sur ses conséquences. Il a été récemment postulé que les lignées de cellules endodermiques et trophectodermiques étaient individualisées dans les stades précoces du développement embryonnaire chez les embryons de mammifères. Ceci pourrait servir à égaliser la distribution des différents facteurs de part et d'autre de la ligne de division cellulaire au stade deux cellules. Il s'agirait d'un axe de division secondaire qui pourrait facilement être surmonté chez les blastomères devenus totipotents après transfert nucléaire.

Ce modèle suppose l'existence d'un gradient aussi bien d'ordre structurel que moléculaire dans l'ovocyte humain. Si tel était le cas, alors le transfert de cytoplasme aurait dû avoir des conséquences fâcheuses sur le développement. Ceci serait d'autant plus grave si on mettait en évidence une absence de translocation du matériel transféré dans tout le cytoplasme. Une expérience d'injection de mitochondrie et de lysosomes marqués avec une coloration vitale a pu montrer que ces organites migraient dans toutes les parties du zygote, et se retrouvaient dans la plupart des blastomères par la suite.

Dans l'étude rapportée, le matériel transféré a été prélevé au pôle végétatif de l'ovocyte (à l'opposé du GP), pour être injecté au pôle animal (près du GP) de l'ovocyte receveur. Cette pratique n'a dans aucun des cas causé un arrêt du développement. Ce résultat est en désaccord avec les conclusions des études citées ci-dessus qui avaient suggéré qu'une interruption dans les phénomènes de polarisation pouvait avoir des effets délétères sur le développement.

Transfert de cytoplasme et maladies mitochondriales

Les mutations intéressant l'ADN mitochondrial sont responsables de syndromes neuromusculaires tels que Kearns-Sayres, ophtalmoplégie chronique externe, syndrome de Pearson. À l'heure actuelle, plus de 150 réarrangements différents ont été répertoriés pour l'ADN mitochondrial : délétions, insertions, et duplications. Ces réarrangements sont à l'origine de déficit en énergie cellulaire et affectent le cerveau, le cœur, les muscles squelettiques, le rein, la mœlle osseuse et les cellules pancréatiques, dans le cadre de maladies dégénératives. Ces réarrangements s'accumulent avec le vieillissement des tissus et paraissent prédominer au niveau des tissus qui ne se renouvellent pas comme le muscle et le cerveau. Avec l'accumulation des réarrangements un niveau seuil significatif va être atteint, et par là une réduction des capacités oxydo-phosphorylantes va survenir. Les ovocytes sont des cellules qui ne se renouvellent pas et peuvent être arrêtés pendant des dizaines d'années ; ils peuvent donc accumuler des réarrangements d'ADNmt. Les mitochondries des ovocytes matures ne contiennent pas de copies redondantes des ADNmt, et de ce fait peuvent donc être plus sensibles aux mutations ou lésions oxydatives. Ces mitochondries porteuses de réarrangements sont rendues incapables de produire de l'énergie de manière adéquate, en raison de déficit enzymatique. Ces altérations peuvent corréler avec une baisse de la fertilité de l'ovocyte en question, puisque la fécondation et le développement embryonnaire préimplantatoire nécessitent des quantités importantes de réserve d'énergie. Des études chez la souris ont montré que les ovocytes et les embryons contenant moins de 2 pmol d'ATP n'atteignaient pas le stade 8 cellules.

Des expériences préliminaires ont montré qu'un mélange entre les ADNmt de la donneuse et de la receveuse pouvait exister chez les embryons J3. L'analyse sur les amniocytes à 16 SA a montré soit une absence de l'ADNmt de la donneuse, soit un mélange avec celui de la receveuse. Ce mélange a été à nouveau retrouvé sur les tissus placentaires de 2 nouveau-nés sur 4 testés. De plus, le sang de cordon contenait également une toute petite quantité d'ADNmt de la donneuse par rapport à la receveuse.

Conclusions

Concernant les conditions de travail et le contrôle de qualité dans un laboratoire d'AMP, il apparaît aujourd'hui comme évident de respecter les principales règles dictées par le Guide des bonnes pratiques cliniques et biologiques. Néanmoins le souci du détail et la recherche permanente de facteurs d'amélioration de ces conditions sont aujourd'hui primordiales si l'on souhaite optimiser les chances de grossesses chez les couples infertiles. L'amélioration de la qualité de l'air du laboratoire apparaît par exemple comme une voie intéressante à exploiter.

En l'absence d'une ou des anomalies chromosomiques, la microchirurgie embryonnaire présente un double intérêt dans un programme d'AMP : d'une part, elle participe à l'optimalisation des résultats de fécondation in vitro avec ou sans micro-injection, et d'autre part, elle permet dans certains cas d'améliorer le développement embryonnaire et d'obtenir quelques naissances supplémentaires. À cela s'ajoute l'intérêt scientifique pour comprendre la qualité embryonnaire durant cette période précoce de la conception.

Le succès de l'éclosion assistée réside en de multiples raisons : 1) il contourne la barrière mécanique à l'éclosion naturelle que constitue la zone pellucide épaissie par les conditions de culture ; 2) il permet aux cellules embryonnaires l'économie de l'énergie nécessaire à l'éclosion assistée ; 3) il permet également une meilleure synchronisation de l'embryon avec l'endomètre. Car il a été démontré que l'embryon éclos s'implantait avec un jour d'avance par rapport à l'embryon non éclos. Cette avance pourrait avoir un bénéfice sur le succès de l'implantation.

Le retrait des fragments semble être bénéfique sur les taux d'implantation et de grossesse des embryons « nettoyés ». En attendant des études prospectives randomisées, le retrait des fragments devrait s'effectuer avec parcimonie et par des équipes entraînées à la microchirurgie embryonnaire.

À l'heure actuelle, le transfert de cytoplasme reste encore une technique expérimentale, et n'est pratiqué que dans très peu de centres à travers le monde. C'est une technique qui est apparemment proposée en dernier recours pour quelques tentatives de très mauvais pronostic. Mais elle doit être considérée avec beaucoup de réserves, d'une part pour sa lourdeur d'organisation technique ainsi que la nécessité d'une dextérité du biologiste qui la pratique, et d'autre part pour toutes les craintes et interrogations qu'elle suscite de par le mélange de matériel endo et exogène à la femme. Des études supplémentaires avec plus d'effectifs sont encore nécessaires pour valider son efficacité et son innocuité.

Bibliographie

Palermo G, Joris H, Devroey P, Van Steirteghem A : Prognancies after intracytoplasmic sperm injection of single spermatozoon into an oocyte. Lancet 1992; 340: 17-18.

Cohen J, Alikani M, Trowbridge J, Rosenwaks Z : Implantation enhancement by selective assisted hatching using zona drilling of embryos with poor prognosis. Hum Reprod 1992; 7: 685-691.

Schoolcraft W, Schlenker T, Gee M, Jones H : Assisted hatching in the treatment of poor prognosis in vitro fertilization candidates. Fertil Steril 1994; 62: 551-554.

Van Blerkom J, Antczak M, Schrader R : The developmental potential of the human oocye is related to the dissolved oxygen content of follicular fluid: association with vascular endothelial growth factor levels and perifollicular blood flow characteristics. Hum Reprod 1997; 12: 1047-1055.

Pellestor F : Frequency and distribution of aneuploidy in human female gametes. Hum Genet 1991; 86: 283-288.

Munné S, Cohen J : Chromosome abnormalities in human embryos. Hum Reprod Update 1998; 4: 842-855.

Staessen C, Janssenwillen C, Van Den Abbeel E, Devroey ., Van Steirteghem AC : Avoidance of triplet pregnancies by elective transfer of two good quality embrtos. Hum Reprod 1993; 8: 1650-1653.

Giorgetti C, Terriou P, Auquier P et al. : Embryo score to predict implantation after in vitro fertilization: based on 957 single embryo transfers. Hum Reprod 1995; 10: 2427-2431.

Ziebe S, Petersen K, Lindenberg, Andersen AG, Gabrielsen A, Andersen AN : Embryo morphology or cleavage stage: how to select the best embryos for transfer after in vitro fertilization. Human Reprod, 1997; 12: 1545-1549.

Alikani M, Cohen J, Tomkin G, Garrisi GJ, Mack C, Scott R : Human embryo fragmentation in vitro and its implications for pregnancy and implantation. Fertil Steril 1999; 71: 836-842.

Zaninovic N, Veeck L, Xu K, Rosenwaks Z : Microsurgical fragment removal on day two enhances preembryo quality and increases pregnancy rates in poor pronostic patients. Annual meeting program Supp, ASRM, Toronto, Canada. 72; S13.

Sathananthann H, Bongso A, Ng SC, Ho J, Mok H, Rtnam S : Ultrastructure of preimplantation human embryos co-cultured with human ampullary cells. Hum Reprod 1990; 5: 309-318.

Dozortsev D, Ermilov A, El-Mowafi DM, Diamond M : The impact of cellular fragmentation induced experimentally at different stages of mouse preimplantation development. Hum Reprod 1998; 13: 1307-1311.

Alikani M, Olivennes F, Cohen J : Microsurgical correction of partially degenrate mouse embryos promotes hatching and restores their viability. Hum Reprod 1993; 8: 1723-1728.

Antczak M, Van Blerkom J : Temporal and spatial aspects of fragmentation in early human embryos: possible effects on developmental competence and association with the differential elimination of regulatory proteins from polarized domains. Hum Reprod 1999, 14: 429-447.

Mayer J-F, Nehchiri F, Weedon VM, Jones EL, Kalin HL, Oehninger SC, Toner J-P, Gibbons WE, Muasher SJ : Prospective randomized crossover analysis of the impact of an incubator air filtration system. Cancun Embryology Meeting. 2003.

Racowsky C, Jackson KV, Nurredin A, Balint C, Shen S, De los Santos MJ, Kelly J-R, Pan Y : Carbon activared air filtration results in reduced spontaneous abortion.RBM online, 2003

Cohen J, Gilligan A, Esposito W, Schimmel T, Dale B : Ambient air and ist potential effects on conception in vitro. Laboratory Environment 1997.

*Service de Biologie du développement et de la Reproduction B, Service de Gynécologie-obstétrique, Hôpital Arnaud-de- Villeneuve 34295 Montpellier. Mail : s-hamamah@chu-montpellier.fr

54   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   55

56   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   57

58   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   59

60   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   61

62   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   63

64   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   65

66   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   67

68   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   69

70   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   71

72   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON

   AMéLIORER LE TAUX DE SUCCèS EN AMP : LE POSSIBLE ET LES LIMITES. ASPECTS BIOLOGIQUES   73

74   S. HAMAMAH, V. LOUP, T. ANAHORY, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON