Cellules souches embryonnaires humaines
: Quelles applications pour l'homme ?
S. HAMAMAH*, T. ANAHORY*, V. LOUP,* F.
PELLESTOR*, L. REFTMANN,* H. DECHAUD*, B. HEDON*
Introduction
Pourquoi tout ce bruit autour de l'embryon humain
? Parce que aujourd'hui, 27 ans après la naissance de Louise Brown par fécondation
in vitro, l'assistance médicale à la procréation (AMP) reste
un sujet sensible en raison des implications philosophiques, morales, médicales,
sociologiques et religieuses. Mais, des progrès réalisés les 10 dernières
années ont été soldées en 1998 à partir d'embryons humains
cultivés pendant une semaine, l'obtention à « volonté »
des cellules souches pouvant servir au traitement de certaines maladies (Thomson
et al., 1998). Une cellule souche est une cellule indifférenciée, issue
de l'embryon, du fœtus ou de l'adulte. Elle est caractérisée par ses capacités
d'auto renouvellement (multiplication à l'identique pour produire des
cellules souches), de différentiation dans certaines conditions (pour engendrer
les cellules spécialisées qui constituent les différents tissus
et donc immortelles), et de prolifération cellulaire en culture. Des découvertes
très récentes ont démontré la possibilité d'obtenir des
cellules souches pluripotentes, plus communément appelées cellules souches
embryonnaires ou cellules ES capables de régénérer n'importe quel
organe déficient (Rosenthal., 2003).
Une nouvelle ère dans la biologie
des cellules souches embryonnaires chez l'homme a débuté il y a 7 ans
avec l'obtention de cellules issues de blastocystes et de tissus fœtaux ayant
la possibilité unique de se différencier en cellules de n'importe
quel autre tissu de l'organisme.
Les cellules souches représentent
donc aujourd'hui un enjeu scientifique majeur et leur utilisation dans le cadre
de nouvelles thérapies semble ouvrir des perspectives nouvelles.
En attendant la révision des lois
dites de bioéthique (prévue pour décembre 2003 en deuxième lecture),
on peut espérer que l'importation des cellules souches d'origine embryonnaire
reste maintenue. Également, le comité consultatif national d'éthique,
a longuement évoqué lors de son 20e anniversaire en février
2003, la question concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires
humaines.
Le Royaume-Uni en 2001 et la Belgique
en 2003, ont donné l'autorisation de mettre en œuvre des recherches sur le
clonage thérapeutique, c'est-à-dire la création d'embryons humains
clonés, source de cellules souches multipotentes. Il en est de même pour
la Belgique depuis quelques mois. En Allemagne, depuis le 1er janvier
2003, 4 équipes ont été autorisées à importer des lignées
de cellules souches embryonnaires humaines établies et enregistrées auprès
des NIH américains.
Chronologie de la recherche
sur les cellules souches embryonnaires
Quelques dates importantes ayant marqué l'avancée
spectaculaire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines :
1981 : isolement et culture
des cellules souches embryonnaires (ES) de souris (Evans et al., 1981).
1994 : isolement de cellules
de la masse cellulaire interne (ICM) de blastocystes humains et les maintenir en
culture (Bongos et al., 1994).
1995 : isolement des lignées
de cellules souches embryonnaires de primate. Ces cellules souches embryonnaires
sont diploïdes et ont un caryotype normal. Elles sont pluripotentes et se différencient
en types cellulaires dérivés de tous les trois feuillets primordiaux.
On constate que les cellules souches embryonnaires de primates ressemblent aux cellules
souches de carcinomes embryonnaires humaines et permettent de penser qu'il pourrait
être possible de produire et de maintenir en vie des cellules souches embryonnaires
humaines in vitro (Thomson et al., 1995).
1998 : production des cellules
souches embryonnaires humaines à partir de la masse cellulaire interne d'un
blastocyste humain cédé par un couple ayant eu une FIV. Les cellules ainsi
obtenues sont cultivées et subissent plusieurs passages en conservant un caryotype
normal, préservant un taux élevé d'activité télomérasique
et exprimant une variété de marqueur typique de cellules carcinomes embryonnaires
humaines et de cellules souches embryonnaires de primates (Thomson et al., 1998).
2000 : production de cellules
souches embryonnaires humaines à partir de la masse cellulaire interne de blastocystes
cédés par des couples inscrits en FlV. Ils constatent que les cellules
embryonnaires souches prolifèrent in vitro sur des périodes prolongées
tout en conservant un caryotype normal. Elles se différencient spontanément
en lignées cellulaires somatiques issues des trois feuillets primordiaux et
forment des tératomes quand on les injecte dans des souris immuno-déficientes
(Pera et al., 2000).
2000 : production de cellules
souches embryonnaires humaines et leur différenciation en neurones (Reubinoff
et al., 2000).
2003 : production de cellules
souches embryonnaires humaines à partir de dents de lait humaines tombées
naturellement (Masako et al., 2003).
2004 : cellules souches embryonnaires
humaines ont été obtenues par transfert du noyau d'une cellule somatique
d'une femme dans son ovule anucléé (Wang et al. 2004 ; Séoul en Corée).
2004 : signature en septembre
2004, le décret autorisant l'importation des cellules souches embryonnaires
humaines en France.
2004 : obtention d'un « Pacemaker
biologique » via des cellules cardiaques avec une activité
électrique à partir des cellules souches embryonnaires humaines (Kehat
et al., 2004).
Définitions des cellules souches ?
Les cellules souches sont des cellules indifférenciées
capables d'une part de se reproduire afin de maintenir un réservoir permanent
de leur espèce, et d'autre part, de donner naissance à des cellules différenciées
à l'exemple entre autres des cellules de l'hématopoïèse, des
hépatocytes ou les cellules musculaires. Une propriété importante
est le caractère clonogénique de ces cellules, une seule cellule est capable
de renouveler une population entière (Weissman et al., 2001). On peut classer
les cellules souches selon leur capacité à donner un ou plusieurs types
cellulaires :
1. Les cellules totipotentes
: les cellules dites totipotentes forment l'embryon dans les quatre premiers jours
de son développement, elles peuvent engendrer tous les tissus de l'organisme
et participent à la formation d'un être humain entier.
2. Les cellules souches pluripotentes
: plus communément appelées cellules souches embryonnaires (ES), elles
sont issues de la partie interne du blastocyste. Les cellules ES sont dérivées
des cellules de la masse cellulaire interne (ICM) d'un blastocyste (photo 1).
Il existe une autre variété
de cellules pluripotentes, les cellules primordiales germinales (cellules EG).
Elles sont prélevées sur des fœtus avortés à la huitième
semaine, elles appartiennent à la lignée cellulaire qui formera les ovules
et les spermatozoïdes dont les capacités de différenciation sont
inférieures à celles des cellules ES. Également, il y a les cellules
EC (embryonal carcinoma cells). Dérivent de lignées immortelles de tératocarcinome.
Photo 1. Blastocyste humain obtenu par
fécondation in vitro.
3. Les cellules souches multipotentes
: elles sont à l'origine de plusieurs types de cellules différenciées.
Les plus connues sont les cellules souches hématopoïétiques de la
moelle osseuse, à l'origine de toutes les cellules sanguines (érythrocytes,
leucocytes, thrombocytes, lymphocytes). Les cellules souches mésenchymateuses,
quant à elles, se révèlent capables de produire les chondroblastes
(futures cellules cartilagineuses), les myoblastes (futures cellules musculaires)
et les adipoblastes (futures cellules adipeuses).
4. Les cellules souches unipotentes
: elles ne peuvent former qu'un seul type de cellules différenciées. Ce
sont par exemple les kératinocytes de la peau.
Quelles sont les sources d'obtention de cellules
souches embryonnaires chez l'homme ?
Cette question soulève aujourd'hui dans le
monde des problèmes tant éthiques que scientifiques. Théoriquement,
il existe 3 sources permettant d'obtenir des cellules souches embryonnaires :
1. à partir d'embryons dits surnuméraires
obtenus lors d'une tentative de fécondation in vitro : ce sont des embryons
dont les caractéristiques ne sont pas compatibles avec une congélation
(mauvaise qualité morphologique), soit 2 embryons par tentative en moyenne.
2. à partir d'embryons congelés
pour lesquels il n'y a plus de projet parental : la loi française prévoit
qu'au bout de 5 ans, les embryons non utilisés sont détruits. Avec le
consentement des parents, ces embryons peuvent, dans certains pays (Royaume-Uni,
Suède, Finlande), être utilisés pour des recherches spécifiques
sous le contrôle d'une haute autorité. Il est actuellement impossible
de dresser un bilan exact sur le plan national, car l'ambiguïté de la
loi de 1994, non révisée, n'a pas aidé à la collecte précise
des intentions des couples ayant des embryons congelés.
3. à partir d'embryons créés
par clonage thérapeutique d'une cellule somatique (Wang et al., 2004) : ce
sont des embryons obtenus par fusion entre le noyau d'une de ces cellules somatiques
et un ovocyte énucléé. Le gouvernement britannique a déjà
autorisé cette pratique depuis 2004 ainsi que la Belgique en 2003 à condition
que l'embryon obtenu par cette approche ne soit en aucun cas transféré
dans un utérus d'une receveuse. Le clonage dit reproductif est aujourd'hui
condamné dans pratiquement le monde entier.
Questions et problèmes d'ordre philosophique,
politique, éthique et juridique posés par l'utilisation
de cellules souches embryonnaires en France
durant les 4 dernières années
La question philosophique ou éthique est
de savoir si le statut de l'embryon dans les premiers stades de son développement
permet son utilisation sans autre objection. L'embryon n'est-il qu'un amas de cellules
ou est-il à considérer comme une future personne à part entière
?
Si on considère que la vie commence
dès la fécondation, la destruction alors de cet embryon lors de son utilisation
pour obtenir des cellules souches est inacceptable, car elle revient à instrumenter
un être humain. D'autres considèrent que la vie commence après la
fécondation, dans ce cas-là on risque de parler de la « personnification
différée de l'embryon ».
Des réponses à ces questions
seront nécessaires avant l'intégration des cellules souches embryonnaires
dans des protocoles thérapeutiques.
Puisque la recherche sur l'embryon
humain est autorisée dans notre pays sous certaines conditions, peut-on espérer
que la recherche sur les cellules souches d'origine embryonnaire le sera également
? Sinon, d'autres pays le feront comme c'est le cas actuellement avec la perspective
de pouvoir utiliser les cellules souches importées d'ailleurs. De toutes les
façons, l'utilisation éventuelle à des fins scientifiques ou thérapeutiques
d'embryons surnuméraires obtenus lors d'une tentative de fécondation in
vitro soulève la question de la propriété de ces embryons ou
des cellules ES qui en dérivent, de leur commercialisation.
Quelques étapes importantes
ayant marqué le dossier des cellules ES en France
Jusqu'en juillet 2004, la législation
française en vigueur stipule que toute recherche sur l'embryon préimplantatoire
qui n'est pas réalisée pour son bénéfice direct est strictement
interdite. Dans ces conditions, toute obtention de cellules souches embryonnaires
sera impossible.
Entre juillet 1994 et 2004,
le statut des embryons surnuméraires obtenus après juillet de 1994, était
complètement flou et ambigu.
En 2002 et juste avant le changement
de gouvernement, l'administration Jospin a autorisé l'importation de lignées
de cellules souches embryonnaires. L'administration de Raffarin semblait s'y opposer
sous la pression de groupe « Alliance pour les droits de la vie ».
Ce groupe ayant contesté la validité de l'autorisation de l'importation
de cellules souches a saisi le Conseil d'État et a obtenu l'annulation. Cependant,
le tribunal administratif de Paris a validé l'autorisation d'importation
des cellules souches embryonnaires au motif d'une distinction entre embryon et cellules
souches embryonnaires
Les députés socialistes
ont proposé de supprimer le moratoire relatif à la recherche sur les cellules
souches embryonnaires humaines lors de l'examen en deuxième lecture du
projet de loi sur la bioéthique en décembre 2003. à
titre exceptionnel et pour une période de 5 ans, les députés en décembre
2003 ont voté en seconde lecture, l'autorisation des recherches sur l'embryon
humain. En août 2004, la loi relative à la bioéthique prévoit
un dispositif provisoire, permettant aux chercheurs français de travailler
sur les cellules souches embryonnaires humaines.
En Allemagne, le comité central
d'éthique pour la recherche sur les cellules (ZEK), lié à l'institut
Robert Koch (RKI), a autorisé la firme ProteoSys AG à importer les cellules
souches dont les lignées WA01, WA07 et WA09 bien que toute forme de clonage
humain, y compris celui à des fins de recherche médicale, soit interdite.Utilisations
potentielles des cellules souches
embryonnaires humaines
Applications en Recherche fondamentale
Étant capables de se reproduire
indéfiniment et de donner naissance à tous les types de cellules existants,
les cellules souches embryonnaires représentent un précieux outil de recherche
fondamentale. Grâce aux cellules souches embryonnaires, les travaux de recherche
sur l'embryogénèse et l'oncogénèse trouveront des opportunités
nouvelles d'analyse et d'observation. De nouveaux médicaments seront testés
sur différents types cellulaires. Des cellules souches embryonnaires humaines
pourraient être utilisées dans l'étude de l'embryogénèse
précoce et permettre de mieux comprendre des phénomènes qui ont pour
conséquence des défauts congénitaux et des anomalies placentaires
pouvant conduire à des avortements spontanés.
En étudiant des cellules souches
embryonnaires humaines in vitro, il pourrait être possible d'identifier
les événements génétiques, moléculaires et cellulaires
qui aboutissent à ces anomalies et de développer des méthodes pour
les prévenir. De telles cellules pourraient aussi être utilisées
pour explorer les effets des anomalies chromosomiques au stade précoce du développement.
Cela pourrait inclure la capacité d'observer le développement des tumeurs
pédiatriques précoces dont plusieurs sont d'origine embryonnaire.
Thérapie cellulaire
Les cellules souches embryonnaires pourraient
constituer le point de départ de la thérapie cellulaire. Chez la souris,
diverses études ont montré que des cardiomyocytes développés
à partir de cellules souches embryonnaires murines sont capables de coloniser
le tissu cardiaque endommagé. Des rats paralysés traités par injection
de cellules souches embryonnaires ont retrouvé leur mobilité.
De nombreux usages ont été
proposés pour l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines. L'usage
le plus souvent évoqué est leur utilisation dans la thérapie de la
transplantation, pour remplacer ou restaurer des tissus endommagés par la maladie
ou d'autres lésions.
Transplantations
Les maladies qui pourraient être
traitées par transplantation de cellules souches embryonnaires humaines sont
par exemple la maladie de Parkinson, le diabète, les lésions traumatiques
de la moelle épinière, les dégénérations des cellules de
Purkinje, la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne, l'infarctus du myocarde
et l'oestéogénésis imperfecta. Cependant les traitements de ces maladies
exigent que la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines
soit induite vers des types cellulaires spécifiques. Dans la revue Nature
biotechnology, une équipe israélienne (Kehat et al., 2004) est parvenue
à transformer les cellules souches embryonnaires humaines en cellules cardiomyocytes
capables de se contracter de façon spontanée et régulière. Ils
ont par la suite incubé ces cellules avec des cardiomyocytes de rat et ont
obtenu de tissu ayant une activité de régulation similaire à celui
qui au sein du muscle cardiaque joue un rôle de « pacemaker biologique ».
Dans cette équipe, ils ont transplanté ce tissu dans le cœur de porcs
présentant une anomalie rythmique (bloc atrioventriculaire) et ont réussi
à corriger en partie le trouble de la conduction via les cellules greffées.
Il s'agit donc d'une première démontrant ainsi la possibilité d'obtenir
des cellules ayant des caractéristiques fonctionnelles.
Tests des drogues à usage pharmaceutique
Les cellules souches embryonnaires
humaines pourraient être utilisées pour tester des drogues à usage
pharmaceutique.
Les tests cliniques comprennent le
screening des drogues sur des modèles animaux, des tests in vitro, utilisant
des cellules provenant de souris ou de rat par exemple ou des tests in vivo
au cours desquels on fait ingérer une substance à un animal pour en tester
la toxicité et la sécurité. Quoique les tests sur des modèles
animaux représentent aujourd'hui encore l'outil principal dans la recherche
scientifique, ils ne pourraient pas toujours prédire les effets qu'une molécule
candidate pourrait avoir sur des cellules humaines.
Tests pré-cliniques
Pour toutes ces raisons, les cultures
de cellules humaines sont souvent utilisées dans des tests pré-cliniques.
Étant donné que les lignées cellulaires ainsi utilisées sont
maintenues en vie in vitro sur une très longue période, elles développent
aussi des caractéristiques différentes des cellules in vivo. Ces
différences pourraient rendre difficile la prédiction de l'action ou de
l'effet d'une molécule donnée sur une cellule in vivo à partir
de l'étude d'une cellule in vitro. En revanche, si la différenciation
des cellules souches embryonnaires humaines peut être induite vers des types
cellulaires spécifiques essentiels dans l'étude des molécules pharmacologiques,
les cellules provenant des cellules souches embryonnaires humaines pourraient être
plus à même de mimer la réponse in vivo des cellules ou des
tissus par rapport aux molécules testées. Ce serait une méthode plus
sûre et moins coûteuse pour tester les drogues pharmacologiques.
Questions essentielles sur les cellules souches
embryonnaires
Il sera nécessaire d'identifier le stade
de différenciation optimale avant toute transplantation. Il sera également
déterminant de démontrer que les cellules transplantées dérivées
de cellules souches embryonnaires peuvent survivre, s'intégrer et fonctionner
dans le tissu récipiendaire. Les désavantages potentiels de l'usage des
cellules souches embryonnaires dans la thérapie implantatoire comprennent la
propension des cellules souches embryonnaires indifférenciées d'induire
la formation de tumeurs (tératome), qui sont typiquement bénignes.
La formation de tumeur pourrait être
évitée en concevant de nouvelles techniques permettant de retirer toutes
les cellules souches embryonnaires non différenciées avant la transplantation.
Il pourrait être possible de concevoir un mécanisme de sécurité,
par exemple l'insertion de gènes de suicide (apoptose) parmi les cellules souches
transplantées afin de déclencher la mort de ces cellules au cas où
elles deviendraient tumorigènes.
Le statut immunologique des cellules
souches embryonnaires humaines n'a pas été étudié en détail
et on ignore comment les cellules dérivées de cellules souches embryonnaires
pourraient devenir immunogènes. Il a été suggéré d'utiliser
des techniques de transfert nucléaire de cellules somatiques (clonage thérapeutique).
Dans cette technique, le noyau est retiré d'une des cellules du patient transplanté,
tel que le noyau d'une cellule de la peau, puis injecté dans un ovocyte. L'ovocyte
ainsi fécondé pourrait être cultivé in vitro jusqu'au
stade de blastocyste. Des cellules souches embryonnaires pourraient par la suite
être produites à partir de la masse cellulaire interne du blastocyste
ainsi obtenu et leur différenciation vers le type de cellules désirées
serait alors induite. Le résultat pourrait être la production de cellules
embryonnaires souches différenciées ou partiellement différenciées
qui correspondraient exactement au profil immunologique de la personne récipiendaire
de la transplantation qui aura donné le noyau de la cellule somatique.
Applications cliniques
1 - Les maladies neurodégénératives
Maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer,
sclérose en plaque, chorée de Huntington... à cette fin ont été
utilisées des cellules souches neurales provenant de la souris adulte et des
cellules embryonnaires humaines dont on a montré qu'elles pouvaient se différencier
en cellules neurales. Des cellules souches hématopoïétiques peuvent
régénérer chez l'enfant un cerveau atteint de certaines maladies
neurodégénératives et arrêter la progression de la maladie,
voire la guérir complètement.
2 - Les maladies caractérisées
par un déficit cellulaire
Le diabète, les cellules embryonnaires
de la souris peuvent donner naissance à des lignées de cellules capables,
chez la souris, de sécréter de l'insuline en réponse au glucose et
de s'assembler en îlots in vivo et in vitro, infarctus du myocarde
en utilisant des cellules souches musculaires.
Hépatite, des cellules souches
hématopoïétiques, marquées génétiquement, injectées
à des souris irradiées présentant une insuffisance hépatique
peuvent non seulement régénérer le système immunologique et
sanguin, mais d'hépatocytes normaux capables de guérir les troubles hépatiques.
Perspectives
La recherche sur les cellules souches embryonnaires
a déjà commencé à révolutionner le dogme de la biologie.
« Changer du sang en cerveau », « changer du cerveau en sang »
! Ces formules qu'on croirait tirées d'un grimoire d'alchimie sont en
fait des titres d'articles scientifiques de haut niveau récemment publiés.
Les biologistes découvrent chaque jour de nouvelles potentialités des
cellules souches et notamment leur extraordinaire faculté de transformation.
En avril 2003, Masako et al. (2003) ont montré que les dents de lait humaines
tombées naturellement contenaient des cellules souches et possédaient
une capacité importante de prolifération. Également, très récemment,
des chercheurs américaines et français ont rapporté avoir réussi
à obtenir des ovocytes chez la souris à partir de cellules souches embryonnaires
totipotentes. Par ailleurs, la découverte chez la souris de cellules nerveuses
capables de se diviser brisait ce qui passait pour dogme bien établi en biologie
: l'incapacité pour un cerveau adulte de reprendre de nouvelles cellules nerveuses.
Au laboratoire, des cellules souches hématopoïétiques de souris ont
pu donner naissance à des hépatocytes, cellules du foie capables de régénérer
le tissu hépatique chez l'adulte. Une équipe américaine a montré
il y a quelques mois, qu'une seule cellule hématopoïétique pouvait
être à l'origine à la fois de la reconstruction de cellules sanguines,
mais également d'autres types cellulaires comme des cellules du poumon, de
l'intestin, du muscle ou du foie. Il s'agit d'expériences menées chez
la souris, mais des études rétrospectives de patients greffés tendent
à prouver que ce phénomène peut également se reproduire chez
l'homme.
Les chercheurs israéliens (Kehat
et al., 2004) ont démontré il y a quelques semaines avec élégance,
la possibilité d'obtenir des cellules cardiomyocytes présentant des caractéristiques
fonctionnelles, capables de constituer chez des porcs ayant une anomalie rythmique,
une forme de «pacemaker» à partir des cellules souches embryonnaires
humaines.
Questions de conscience, questions
de choix de société, questions de courage de nos parlementaires pour trouver
dans le respect de la dignité humaine, les bonnes solutions permettant
ainsi à la France malgré les quelques années de retard, de prendre
part à ces enjeux scientifiques majeurs de la médecine régénératrice
d'aujourd'hui.
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de la Reproduction B, Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital
Arnaud de Villeneuve 34295 Montpellier, France - Mail : s-hamamah@chu-montpellier.fr
32 S. HAMAMAH,
T. ANAHORY, V. LOUP, F. PELLESTOR, L. REFTMANN, H. DECHAUD, B. HEDON
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