Les salpingites aiguës (SA) actuelles présentent un tableau clinique avec une symptomatologie atténuée rendant le diagnostic difficile. Résultant habituellement d'une contamination par voie ascendante, les SA justifieraient plutôt l'appellation « d'infections utéro-annexielles ». Les SA sont toujours responsables de complications ou de séquelles d'autant plus redoutables qu'elles concernent des adolescentes. En France, et en l'absence d'observatoire national, la prévalence actuelle des salpingites n'est pas connue. A titre indicatif, on citera les résultats d'une enquête nationale réalisée en 1995 sous l'égide des Collèges Français de Gynécologie Médicale qui estimait à 130 000 cas environ le nombre de SA symptomatiques. En Suède, une politique de dépistage systématique de C.trachomatis chez les jeunes a permis d'obtenir une baisse de 50 % des SA et de 75 % en Norvège. Les adolescentes sont les plus concernées par le risque de SA. L'âge jeune constitue le principal facteur de risque, alors que l'âge des premiers rapports, le nombre total de partenaires, le mode de contraception revêtent une importance moindre ou ne constituent que des cofacteurs (1). Mode de contaminationLes cas de contamination par contiguïté (appendicite), ou par voie hématogène sont rares ; la contamination se fait habituellement par voie génitale ascendante à partir d'une endocervicite. Germes transmis sexuellement n'appartenant pas à la flore commensale– Chlamydia trachomatis : pathogène potentiellement le plus délétère pour les trompes de Fallope. 20 % des femmes présentant une chlamydiose génitale basse feraient une SA, 3 % développeraient une stérilité séquellaire et 2 % une infertilité. – Gonocoque. N. gonorrhoeae : diplocoque Gram négatif retrouvé actuellement dans moins de 5 % des salpingites en France. – Mycoplasma hominis et Ureoplasma urealyticum ont des caractéristiques proches de celles de C. Trachomatis. Leur rôle pathogène au niveau de l'appareil génital supérieur n'a jamais été formellement établi, ils seraient pourvus d'un pouvoir pathogène facultatif qui ne s'exprimerait qu'en présence d'autres pathogènes dans l'appareil génital (2). Germes issus de la flore commensaleVagin et muqueuse excocercicale sont physiologiquement le siège d'un portage bactérien. Le portage vaginal n'est pas synonyme d'infection d'où l'intérêt très limité des prélèvements vaginaux en cas de suspicion de SA. En revanche l' endocol et la cavité utérine sont dépourvus de flore. Tous les commensaux de la flore vaginale peuvent être à l'origine d'une infection haute. La salpingite aiguë est fréquemment multibactérienne. Des relations entre virus et germes pathogènes des SA doivent être mentionnées, elles sont favorisées par : – les comportements sexuels à risque, – l'existence éventuelle d'un col utérin fragilisé, – l'existence d'une immuno-dépression. Diagnostic cliniqueLa forme classique, bruyante, telle qu'on la retrouve dans les SA gonococciques est devenue rare en France. La grande majorité des SA non compliquées donne lieu à une symptomatologie atténuée quand il ne s'agit pas de formes totalement asymptomatiques (70 % des SA à C. trachomatis sont silencieuses) (3). Les signes fonctionnels sont peu intenses : des douleurs pelviennes très variables, leucorrhées. L'interrogatoire va préciser : les conditions de vie et d'activité sexuelle, le mode de contraception, l'existence d'un éventuel facteur favorisant (DIU, manoeuvre endo-utérine). L'examen clinique doit rechercher des signes, même discrets et peu spécifiques : au spéculum (cervicite), la douleur à la mobilisation utérine, la douleur annexielle uni ou bilatérale associée ou non à une infiltration ou d'un ou des 2 culs-de-sac. Il n'existe pas de corrélation entre l'intensité des signes cliniques et l'importance de l'atteinte pelvienne. Diagnostics différentielsAu moindre doute une coelioscopie doit être proposée pour préciser le diagnostic : un abdomen aigu chirurgical (appendicite, péritonite, occlusion...) une affection urologique, une pathologie intestinale douloureuse. Examens complémentairesDes examens microbiologiques sont indispensables. La plupart des SA sont multibactériennes. Les prélèvements sont réalisés au niveau de l'endocol et/ou de l'endomètre. On recherchera les germes banals et N. gonorrhoeae, C. trachomatis (amplification génique PCR,LCR - les prélèvements PCR et LCR peuvent continuer à être positifs alors même que les Chlamydiae ont été détruits et qu'il ne persiste dans les tissus que des fragments de leur génome), les mycoplasmes. Les prélèvements per coelioscopiques seront multiples : liquide du Douglas, adhérences, fragments tubaires... Autres examens complémentaires non invasifsSérologies de C. Trachomatis : la recherche des anticorps spécifiques type IgG, le dosage des IgM et IgA sériques. Autres sérologies : VIH, Hépatite C..) dans les populations à risques. Bilan inflammatoire sanguinLa numération formule, le dosage de la protéine C-réactive, la vitesse de sédimentation. Les perturbations sont inconstantes et non spécifiques. Echographie pelvienne et écho-Doppler Utiles pour éliminer une autre pathologie ou chercher une complication à type d'abcès pelvien. Place de la coelioscopieProcédure chirurgicale invasive, source potentielle de complications chirurgicales ou anesthésiques, la coelioscopie est le seul examen à même de confirmer ou d'infirmer le diagnostic de SA (30 à 40 % de faux positifs cliniques). Il convient de la proposer au moindre doute diagnostic (4). Ses intérêts sont multiples : diagnostique, bactériologique, pronostique (5-6), thérapeutique (destruction atraumatique des adhérences, lavage de la cavité pelvienne). L'évolution est imprévisible Complications aiguesLes complications ne sont pas exceptionnelles. Abcès pelviens (7)Pyosalpinx, abcès ovariens, abcès du Douglas. Des signes généraux avec fièvre et altération de l'état général sont présents, douleurs pelviennes, troubles du transit, toucher vaginal extrêmement douloureux. L'échographie montre la présence d'une collection liquidienne pelvienne. La coelioscopie confirme le diagnostic et constitue un temps thérapeutique essentiel. Pelvi-péritonite (8)Au moindre doute quant à l'origine éventuelle de cette infection de la cavité péritonéale, une exploration chirurgicale par laparotomie ou coelioscopie est réalisée. Passage à la chronicité,guérison avec ou sans séquellesLe passage à la chronicité peut se produire, notamment en cas de traitement inadéquat ou insuffisant. L'éradication des pathogènes par une antibiothérapie adaptée n'est pas le garant d'une restitution ad integrum de l'appareil génital (9). Le diagnostic de ces lésions séquellaires tubo-pelviennes n'est souvent fait qu'à distance de l'infection. Elles sont responsables de la plupart des grossesses extra-utérines et de la majorité des stérilités d'origine tubo-pelvienne. Une récidive à plus long terme n'est pas exclue Une telle récidive est favorisée par : – la poursuite d'un comportement sexuel à risques, – la possibilité d'une réactivation des phénomènes immuno-inflammatoires pelviens, – une éventuelle déficience des défenses immunitaires cervico-utérines. Le traitement repose essentiellement sur l'antibiothérapieUne SA non compliquée est habituellement traitable en ambulatoire. En cas de coelioscopie diagnostique, l'antibiothérapie peut être débutée par voie parentérale, le relais oral étant assuré après 24 ou 48 heures. Le choix de l'antibiothérapie repose sur : – l'identification du ou des pathogènes, – le choix de molécules diffusant bien dans les tissus pelviens et actives sur les micro-organismes isolés. Le traitement doit avoir une durée de 15 à 20 jours en moyenne.L'antibiothérapie « idéale » est difficile à déterminer. Une méta-analyse de Walker (10) a montré que les études rapportées présentent trop de différences entre elles pour qu'on puisse en tirer des conclusions utiles quant au meilleur régime thérapeutique et à la durée optimale de traitement. Un suivi clinique et bactériologique est conseillé pendant 3 à 6 mois. Principaux antibiotiques utilisables• Dérivés de la pénicilline : l'amoxicilline associée à l'acide clavulanique et l'ampicilline. • Céphalosporines : de 2e génération, un des antibiotiques de référence dans le traitement des SA malgré l'impossibilité de l'administrer par voie orale. En France, on leur préfère généralement des céphalosporines de 3e génération comme la céfotaxime. • Métronidazole : ce dérivé imidazolé n'est prescrit qu'en association avec un antibiotique actif vis-à-vis des aérobies. • Aminosides : sont actifs vis-à-vis de la plupart des aérobies, streptocoques et C. Trachomatis exceptés. • Cyclines : ces antibiotiques possèdent une bonne activité in vitro vis-à-vis de C. Trachomatis et des mycoplasmes. • Macrolides et dérivés : possèdent des propriétés assez voisines de celes des cyclines, activité vis-à-vis des C. trachomatis et U. Urealyticum (Rulid - Josacine - Zithromax). • Lincosamides et synergistines : une bonne alternative aux b-lactamines, en particulier chez les patientes allergiques. • Pristinamycine (pyostacine) : active sur les mycoplasmes et C. trachomatis, le gonocoque, les streptocoques et des anaérobies. Inactive sur les entérobactéries. • Fluoroquinolones : bonne activité vis-à-vis de nombreuses bactéries aérobies et certaines d'entre-elles, comme l'ofloxacine (Oflocet) ont une efficacité vis-à-vis de C. trachomatis. Exemple de protocoles adaptés au traitement ambulatoireLa Conférence de consensus de 1993 (11) a préconisé l'association amoxicilline-acide clavulanique + cycline dans le traitement de la salpingite non compliquée sans facteurs de risque. Une S.A. compliquée nécessite un traitement en hospitalisation Elle doit bénéficier d'un traitement associant antibiothérapie parentérale et drainage chirurgical. L'antibiothérapie parentérale peut associer une b-lactamine (Augmentin 4 x 1 g/j (ou céphalosporine type Claforan 4 x 1 g/j + métronidazole 2 x 500 mg/j)) à l'Oflocet 2 x 200 mg/j ou un aminoside. Le traitement coelio-chirurgical sera réalisé 12 à 48 heures après l'instauration de l'antibiothérapie et consistera à mettre à plat un éventuel abcès et à laver abondamment la cavité pelvienne. Traitement du ou des partenaires, systématique en cas d'infection à C. trachomatis.Le Zithromax Monodose (1 g en une prise unique) s'avère particulièrement adapté à cette indication. La prévention et le dépistage sont essentiels chez l'adolescenteLa « cible » privilégiée de toute action est constituée par les jeunes de 16 à 25 ans environ. Le jeune âge est clairement le principal facteur de risque. C. trachomatis est le germe sexuellement transmissible le plus fréquemment en cause et le pathogène le plus délétère pour l'appareil génital. La prévalence est inversement proportionnelle à l'âge, l'infection cervicale est habituellement asymptomatique d'où l'intérêt de proposer un dépistage à grande échelle ou screening chez les adolescents et les adultes jeunes dans le cadre de la médecine scolaire et universitaire ou à l'occasion de consultations pour contraception. L'expérience scandinave a démontré qu' une telle politique entraînait une régression importante des chlamydioses basses mais aussi des salpingites et des GEU (2). Les techniques d'isolement de C. trachomatis type PCR ou LCR se prêtent bien à ces screenings en ne nécessitant pas d'examen gynécologique (4) systématiquement proposé le dépistage de C. trachomatis aux jeunes consultant un centre de dépistage. Enfin le traitement de toutes les infections génitales basses est essentiel pour éviter la propagation vers l'utérus et les trompes. Les chlamydioses sont ainsi justifiables d'un traitement par azithromycine en prise unique qui sera également prescrit au (x) partenaire (s). Bibliographie[1] JONSSON M, KARLSSON R, RYLANDER E., GUSTAVSSON A, WADELL G. : The association between risk behaviour and reported history of sexually transmitted diseases, among young women : a population-based study. Int. J. STD AIDS 1997, 8 : 501-505. [2] HENRY-SUCHET J, CATALAN F, LOFFREDO V. : Etudes microbiologiques des prélèvements coelioscopiques dans les annexites et les stérilités tubaires. Recherche de C. trachomatis et de mycoplasmes. J. Gynecol.Obstet. Biol. Reprod. 1980, 4 : 445-453. [3] KAHN JG, WALKER CK, WASHINGTON AE et al. : Diagnosing pelvic inflammatory disease. A comprehensive analysis and considerations for developping a new model. JAMA 1991, 266 : 2594-3604. [4] FESTE J. : Use of optical catheters for diagnostic office laparoscopy. J. Reprod. Med. 1996, 41 : 307-312. [5] HENRY-SUCHET J, GAYRAUD P. 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[11] JUDLIN P, KOEBELE A, ZACCABRI A, : Etude comparative des associations ofloxacine + amoxicilline-acide clavulanique vs doxycycline + amoxicilline-acide clavulanique dans le traitement des infections génitales hautes à C. trachomatis. J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod. 1995, 24 : 253-259. |