Les échecs de la fécondation in vitro avec micro injection peuvent être liés à différents problèmes : – un échec de fécondation, – blocage de développement au stade zygote, – blocage de développement embryonnaire, – échecs d'implantation, – fausses couches précoces. Ces échecs peuvent avoir des causes maternelles ou paternelles, d'origines hormonales, biochimiques, génétiques ou épigénétiques. Parmi ces différentes causes, le génome paternel joue un rôle fondamental au moment de la syngamie et dans le développement de l'embryon particulièrement à partir de l'activation du génome embryonnaire. A ce titre, le statut cytogénétique du spermatozoïde, et l'intégrité de l'ADN du noyau spermatique semblent avoir un rôle prépondérant. Nous nous sommes intéressés dans ce travail à estimer le taux des non disjonctions chromosomiques et l'indice d'apoptose des spermatozoïdes dans le sperme des patients pour lesquels les couples avaient connu trois échecs d'ICSI (pour indications masculines : tous les patients avaient une numération inférieure à 6 millions de spermatozoïdes par ml). Il semble que l'analyse de l'indice de fragmentation de l'ADN spermatique et l'évaluation de la non disjonction chromosomique des cellules germinales par FISH (Hybridation In Situ en Fluorescence) multi couleurs sont de bons outils pour apprécier la contribution paternelle dans les anomalies du zygote et de l'embryon en relation avec les échecs d'assistance médicale à la procréation. La formation des spermatozoïdes matures est la conséquence : – d'une suite de mitoses et de méiose, – de changements de l'architecture cytoplasmique, – du remplacement des histones par des protéines de transition puis par des protamines d'où un haut niveau de condensation de la chromatine (Kumaroo et al, 1975), et une modification très importante de la structure de l'ADN du noyau dans l'espace. L'altération de l'ADN spermatique peut s'expliquer de différentes façons. Différentes études montrent des cassures endogènes du DNA chez la souris à des stades précis de la spermiogenèse ; ces cassures ayant une signification fonctionnelle (Mc Pherson et Longo, 1992, 1993; Sakkas, 1995). La protamination nécessite une modification de structure de l'ADN dans l'espace, avec intervention de nucléases endogènes (Sakkas et al, 1995). Ces nucléases (ex :Topoisomérase II) jouent un rôle important dans les phénomènes de cassures et de réparations de l'ADN spermatique. Les phénomènes de cassures et réparations de l'ADN peuvent expliquer la fragmentation de l'ADN dans les noyaux des spermatozoïdes. En effet, dans le cas où les systèmes de réparations ne sont pas suffisamment efficaces, le pourcentage de fragmentation de l'ADN augmente. Il faut noter que l'ovocyte possède des capacités de réparation de l'ADN spermatique, mais que ces capacités sont limitées (D Sakkas). L'augmentation de la fragmentation de l'ADN peut également faire intervenir le phénomène d'apoptose (mort cellulaire programmée). La présence de cassures endogènes dans l'ADN des spermatozoïdes éjaculés peut être liée à un phénomène d'apoptose permettant d'éliminer la présence de cellules anormales du pool génétique (Gorczyca et al, 1993), et de maintenir un équilibre dans la prolifération des cellules germinales par rapport aux cellules de Sertoli (Allan et al, 1992; Billig et al, 1995, Furuchi et al, 1996; Rodriguez et al, 1997). Ce phénomène est régulé par les gènes inducteurs de l'apoptose (ex : gène bax...), inhibiteurs de l'apoptose (ex : bcl2.....), ou régulateurs (p53, fas/fas L......). En cas de dérégulation du phénomène apoptotique, le pourcentage de spermatozoïdes éjaculés avec ADN fragmenté augmente. Des facteurs externes peuvent également avoir une influence et entraîner une augmentation du taux d'ADN fragmenté dans les spermatozoïdes : – abstinence : 2 à 3 jours pour l'examen, – âge, – fumeur, – pollution (hydrocarbones), – leucocytospermie, – fièvre, – stress oxydatif, – alimentation. L'étude de la fragmentation de l'ADN spermatique peut se faire avec différentes techniques. Les deux techniques les plus couramment utilisées en routine diagnostique sont : – Le marquage à l'acridine orange (SCSA : Sperm Chromatin Structure Assay) : cette technique marque différemment l'ADN simple brin et l'ADN double brin intègre. – La technique TUNEL qui marque véritablement les fragments d'ADN au niveau de l'extrémité 3'OH terminale libre. Cette technique est plus proche d'un marquage de l'apoptose, et elle permet également, en cas de lecture in situ sur lame, de différencier une apoptose totale par rapport à une apoptose partielle sur un noyau d'ADN. La lecture de ces deux techniques peut se faire : – Soit in situ sur lame : permet une visualisation directe de l'ADN du noyaux, mais ne permet pas la lecture d'un nombre très important de cellules. – Soit en cytométrie de flux : permet la lecture d'un grand nombre de cellules. La technique en lecture in situ permet de faire un lecture d'un sperme très oligozoospermiques (<1,5 M/ml), ce que ne permet pas dans de bonnes conditions la lecture en cytométrie de flux. La technique à l'acridine orange en cytométrie de flux doit être interprétée à l'aide d'un logiciel d'interprétation des images avec un facteur de correction (SCSA ; Evenson D et col). Différentes études montrent une corrélation entre le taux de fragmentation de l'ADN spermatique et le taux de fécondation, le développement embryonnaire, le taux d'obtention de blastocystes, le taux de grossesses et le taux de fausses couches. La recherche d'une augmentation de la fragmentation de l'ADN dans ces conditions est d'autant plus importante, qu'elle n'est pas forcement corrélée avec les différents paramètres du sperme. Actuellement, il n'y a pas de consensus sur le nombre, l'ordre et le type de chromosomes à étudier en Hybridation In Situ en Fluorescence (FISH) sur les spermatozoïdes, sauf en cas d'anomalie du caryotype somatique. Cet examen ne doit pas être utilisé en routine (European Journal of Human Genetics, 2002), mais il peut être indiqué dans certaines situations : – en cas d'aneuploïdie, ou d'anomalie de structure, homogène ou en mosaïque, sur le caryotype sanguin, de manière à connaître le processus de ségrégation méiotique. Ex : en cas de Klinefelter (Blanco et al, 2000 ; Bergère M et al, 2002), en cas de translocations... – pour les patients avec certains types d'anomalies morphologiques des spermatozoïdes. Ex : patient avec 100% Spz macrocéphales montre 100% de Spz avec anomalies chromosomiques (Viville et al, 2000) Différentes études montrent également l'intérêt de la recherche d'une disomie chromosomique des spermatozoïdes, notamment pour les chromosomes sexuels dans les cas suivants : – Oligozoospermie < 5M/ml, – Echecs répétés d'implantation, – FCS à répétition. Dans ces différentes situations, les études montrent une augmentation significative de la disomie des chromosomes étudiés ( Rubio C et al, 2001 ; Burrello N et al, 2003 ; Calogero A et al, 2003....). Dans notre laboratoire, nous avons étudié les spermes de 29 patients (34 éjaculats) avec un minimum de 3 échecs d'ICSI (indications masculines) pour : – la fragmentation de l'ADN spermatique en technique TUNEL (indice d'apoptose), – la non disjonction chromosomique de 7 chromosomes (13/21, X/Y/18, 16/22). Nos résultats montrent que l'index d'apoptose est variable : – d'un patient à un autre, – en fonction de l'éjaculat pour le même patient. Les résultats sont les suivants : – 14 patients présentent un index d'apoptose < 13 %, – 5 patients présentent un index d'apoptose entre 13 et 35 %, – 10 patients présentent un index d'apoptose > 35 %. Nous n'avons pas trouvé de relation claire entre le taux de fragmentation de l'ADN spermatique et le taux de non disjonction des chromosomes dans cette étude. Deux patients présentent un taux de fragmentation > 70 %, et un taux de non disjonction de 1,6 % pour plusieurs chromosomes. Concernant l'étude par FISH, 6 patients présentent une non disjonction significative (>1%) au moins pour un chromosome : – 2 patients : non disjonction significative pour X et Y, – 1 patient (correspond à un des deux patients précédents sur un nouvel éjaculat) : non disjonction significative pour X, Y et 21, – 2 patients : non disjonction significative du 21, – 1 patient : non disjonction significative du 16 et du 21, – 1 patient : non disjonction significative du 22. Nous n'avons pas vu de non disjonction significative pour les chromosomes 13 et du 18 dans cette série. En fonction des données précédentes, il faut peut être privilégier en FISH, l'étude des chromosomes X, Y, 16, 21 et 22. La question se pose d'inclure, dans cette étude par FISH, le chromosome 15 (chromosome soumis à des phénomènes d'empreintes génomiques) et le chromosome 1 (étant donné la létalité précoce suite à une anomalie de ce chromosome, probablement liée à la présence de gènes d'embryogenèse précoce). Un taux élevé d'apoptose des spermatozoïdes peut entraîner un échec d'activation de l'ovocyte après ICSI, un blocage de division embryonnaire précoce, une cinétique de division lente, et des échecs d'implantation après transferts précoces. Cet examen doit être demandé dans l'exploration du couple hypofertile en cas d'échec de développement précoce. L'étude par FISH des spermatozoïdes peut être couplée à l'analyse de l'apoptose des spermatozoïdes dans les échecs répétés d'implantation et dans les FCS précoces. Cette analyse par FISH du sperme doit également permettre de choisir le meilleur éjaculat entre plusieurs. Bibliographie [1] Aran B et al, Fertility and Sterility, vol 72, 696-701, 1999. Screening for abnormalities of chromosomes X, Y and 18 and for diploidy in spermatozoa from infertile men participing in an in vitro fertilization-intracytoplasmic sperm injection program. [2] Barroso et al ; Human Reprod, vol 15, p1338-1344, 2000. 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