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Titre: Quand l'accouchement n'y est pour rien : les lésions cérébrales antepartum
Année: 2003
Auteurs: - Carbonne B.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Lésions cérébrales antépartum

Quand l'accouchement
n'y est pour rien :
les lésions cérébrales
antepartum

Bruno CARBONNE, François GOFFINET

Introduction

Les séquelles neurologiques font partie des conséquences redoutées de l'accouchement compliqué d'asphyxie per-partum. La surveillance fœtale par l'enregistrement du rythme cardiaque (RCF) pendant le travail, devenue pratiquement systématique en France, a sans doute contribué à faire pratiquement disparaître les morts per-partum. Cependant, la généralisation de cette technique n'a été accompagnée d'aucune diminution des séquelles neurologiques à distance, en particulier l'infirmité motrice cérébrale (IMC).

De nombreuses atteintes du cerveau fœtal peuvent survenir au cours de la vie fœtale avant le travail, qu'elles soient d'origine infectieuse, ischémique, hémorragique, ou génétique ou encore sans étiologie mise en évidence. Les données épidémiologiques semblent de plus en plus concordantes pour n'attribuer qu'une part modeste des IMC, probablement inférieure à 10 %, à des accidents survenus pendant le travail.

Origine de l'infirmité motrice cérébrale

Au cours de années 70-80, la survenue de séquelles neurologiques chez le nouveau-né ou l'enfant était rapportée à un accident asphyxique fœtal au cours du travail dans 30 à 50 % des cas, soit près de la moitié des IMC (Hagberg et al. 1984, Rantakalio et al. 1988). Cette allégation portait à conclure que la réduction des IMC passait par une amélioration de la surveillance fœtale au

   QUAND L'ACCOUCHEMENT N'Y EST POUR RIEN : LES LéSIONS CéRéBRALES ...   411

cours du travail et par une augmentation des interventions pour « souffrance fœtale ». Or depuis plus de 30 ans, la très large introduction de techniques de surveillance fœtale - en particulier le rythme cardiaque fœtal (RCF) - s'est accompagnée d'une augmentation importante des césariennes et extractions instrumentales mais n'a eu aucune incidence sur la fréquence des IMC (Rumeau-Rouquette et al. 1992 ; Rumeau-Rouquette et Bréart 1996 ; Bréart et Rumeau-Rouquette 1996) (tableau 1).

Plusieurs explications pourraient être avancées pour rendre compte de cette absence de modification de l'incidence de l'IMC :

•   l'origine de l'IMC est sans doute multifactorielle ;

•   il existe une augmentation de la prise en charge des grands prématurés et hypotrophes avec une réduction de leur mortalité ;

•   il existe une réduction de la mortalité des enfants ayant une encéphalopathie anoxique-ischémique sévère ;

•   enfin, la majorité des IMC pourrait ne pas être associée à l'asphyxie per-partum.

L'asphyxie fœtale

Bien qu'ils soient les plus rares, seuls les cas d'IMC d'origine intrapartum pourraient être théoriquement évités par la surveillance du travail et les interventions qui en découlent. Des critères permettant de rapporter une infirmité motrice cérébrale à une asphyxie au cours du travail ont été proposés par le « Cerebral Palsy Task Force » regroupant de nombreuses associations professionnelles reconnues (MacLennan 1996). Certains de ces critères sont consi

Tableau 1 : évolution de la fréquence des IMC en France à l'âge de 9 ans entre 1972 et 1981 et principales évolutions de la prise en charge obstétricale au cours de la même période
(d'après Rumeau-Rouquette et Bréart 1996).

 

˙Critères

˙1972

˙1976

˙1981

 
˙

˙ 

˙‰

˙‰

˙‰

˙Infirmité motrice cérébrale

˙1,01

˙1,00

˙1,08

 
˙Origine pré ou périnatale

˙0,60

˙0,66

˙0,63

 
˙Origine post-natale

˙0,12

˙0,06

˙0,12

 
˙Autres origines

˙0,29

˙0,28

˙0,23

 
˙ 

˙ 

˙%

˙%

˙%

˙Enregistrement du RCF

˙5,70

˙29,00

˙69,70

 
˙Travail long

˙6,70

˙3,80

˙1,50

 
˙Césarienne

˙2,10

˙8,50

˙10,90

 
˙Mortalité périnatale

˙2,10

˙1,60

˙1,20

412   B. CARBONNE, F. GOFFINET

dérés comme essentiels pour affirmer l'origine intra-partum d'une IMC :

1.   l'existence d'une acidose métabolique fœtale, à l'artère du cordon ou sur des prélèvements néonatals très précoces : pH< 7,00 et déficit de base Ž 12 mmol/l ;

2.   encéphalopathie modérée à sévère de début précoce chez un nouveau-né de Ž 34 SA ;

3.   infirmité motrice cérébrale de type quadriplégie spastique ou diskinétique.

D'autres critères sont considérés comme secondaires :

1.   la survenue d'un événement « sentinelle » au cours du travail (comme par exemple une procidence du cordon ou une rupture utérine ;

2.   une dégradation soudaine et persistante du RCF suite à cet événement ;

3.   un score d'Apgar < 7 pendant plus de 5 minutes ;

4.   une atteinte multiviscérale précoce ;

5.   une imagerie cérébrale du nouveau-né évocatrice d'un phénomène hypoxique aigu.

Ces critères sont extrêmement sévères, en particulier pour les majeurs. Ils ont cependant été élaborés en collaboration avec les néonatologistes et ne devraient sans doute pas être interprétés comme un argument de défense systématique des obstétriciens vis-à-vis du risque médico-légal lié à l'accouchement. En revanche, la présence de ces signes majeurs signe pratiquement l'existence d'un accident au cours du travail.

L'infirmité motrice cérébrale d'origine antepartum

L'absence de diminution de l'incidence d'IMC en dépit des efforts de surveillance déployés pendant le travail rend vraisemblable le fait que la majorité de séquelles neurologiques n'est pas associée à des événements autour de la naissance ou à l'asphyxie per-partum. Les autres raisons principales sont une origine probablement multifactorielle de l'IMC et une augmentation du nombre d'enfants prématurés et de faible poids de naissance pris en charge à la naissance avec une amélioration de leur survie.

Les études disponibles portent sur des enfants nés à terme car dans les autres cas l'âge gestationnel et le poids de naissance semblent déterminants dans le risque neurologique (Blair & Stanley 1993 ; Gaffney et al. 1994 ; Richmond et al. 1994). Environ 10 % seulement de l'ensemble des IMC seraient dus à l'asphyxie

   QUAND L'ACCOUCHEMENT N'Y EST POUR RIEN : LES LéSIONS CéRéBRALES ...   413

périnatale et cette proportion serait proche de 15 % si l'on considère uniquement la population des enfants nés à terme (Blair & Stanley 2001). Il faut souligner que la relation causale entre l'asphyxie et la paralysie cérébrale est rarement démontrée et que ces pourcentages pourraient être encore plus faibles (Perlman 1997). D'un autre côté, les marqueurs de SF disponibles sont imprécis et ne permettraient d'identifier que 50 % nouveau-nés qui vont développer une paralysie cérébrale d'origine per-partale (Perlman 1997). Ainsi, si le risque de paralysie cérébrale est de 3 ‰, l'origine per-partum de la paralysie cérébrale de 10 % (soit 3 paralysies cérébrales pour 10 000 naissances), les marqueurs de la SF ne pourrait identifier que 3 paralysies cérébrales sur 20 000 naissances.

Ainsi, l'asphyxie per-partum définie par des critères sévères de souffrance fœtale ne contribuerait que pour 9 % de l'ensemble des IMC pour une population d'enfants nés à terme. Si on fait l'hypothèse d'une relation causale, la prévention de l'asphyxie perpartum dans ces cas aurait permis d'éviter l'IMC dans 91 % des cas. Cependant, cela n'implique pas qu'une intervention en cours de travail aurait éviter la paralysie cérébrale. En effet, il est possible que certains cas d'asphyxie perpartum soient une conséquence d'un état pathologique antepartum ce qui limiterait l'efficacité des interventions pendant le travail sur la survenue d'une IMC. Dans une étude cas-témoins portant sur des naissances à terme dont tous les cas présentaient une encéphalopathie néonatale, Badawi et al. (1998) retrouvent des facteurs de risque avant le travail dans 94 % des cas, le nombre de cas avec uniquement des facteurs d'asphyxie per-partum étant rares (4 %).

Par ailleurs, les critères utilisés pour définir l'asphyxie per-partum sont souvent des indicateurs de souffrance périnatale (nécessité d'intubation, transfert en réanimation néonatale...) plus que d'asphyxie per-partum.

La prématurité apparaît comme un facteur de risque plus important que l'asphyxie per-partum puisque 41 % de l'ensemble des IMC seraient liés à la prématurité à partir des données du registre d'Oxford (Annual Report 2000). Dans l'enquête de Newcastle, les auteurs rapportaient un risque relatif de 8 pour la prématurité avec un pourcentage de risque attribuable de 28 % (Richmond et al. 1998). Ainsi, les variations du nombre de grands prématurés (< 32 et même 28 SA) auront une influence plus marquée sur le nombre d'IMC, d'autant que la mortalité néonatale est en constante diminution dans ce groupe d'enfants à très haut risque. Un certain nombre de données montrent d'ailleurs une augmentation du

414   B. CARBONNE, F. GOFFINET

nombre de paralysies cérébrales pour les enfants de poids inférieur à 1.500 grammes (Bréart et Rumeau-Rouquette 1996).

L'action des obstétriciens pour diminuer le risque de paralysie cérébrale dans la population ne se limite pas à la prise en charge de la souffrance fœtale pendant le travail. D'autres facteurs de risque, en particulier antepartum, sont dans leur « champ d'action » comme la prise en charge des grossesses multiples, de la prématurité, de la rupture prématurée des membranes, du RCIU, des malformations congénitales, ou encore de l'hématome rétroplacentaire. Cependant, si l'asphyxie per-partum ne semble pas être la cause principale de paralysie cérébrale, elle est fortement liée à l'IMC et une prise en charge inappropriée en cas de signes de souffrance fœtale ou néonatale l'est également. Ainsi, parmi les causes reconnues de paralysie cérébrale, l'asphyxie fait partie des rares causes potentiellement évitables grâce à une prise en charge adaptée.

En conséquence, dans l'analyse du dossier obstétrical d'un enfant atteint de paralysie cérébrale, si il existait des marqueurs sévères d'asphyxie per-partum ou si la prise en charge de cette souffrance fœtale a été suboptimale, la relation causale est probable.

Bibliographie

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