CERAZETTE
Professeur
JC COLAU
Les
progestatifs de 3ème génération sont généralement utilisés dans un
but contraceptif, associés à l’éthinyl estradiol par voie orale.
Le 3
keto desogestrel, métabolite actif du desogestrel, vient d’être commercialisé
en pilule progestative pure, et vient de combler un vide thérapeutique, trouvant
sa place spécifique entre les micro-progestatifs (POP) et les macro-progestatifs
oraux. La voie sous-cutanée est commercialisée depuis quelques années, et constitue
une contraception implantable dont l’efficacité est démontrée.
Cette
1ère pilule progestative pure est prescrite en traitement continu,
chaque comprimé comportant 75 µgr de desogestrel.
Nous
étudierons son efficacité et sa tolérance, comparées à celles d’une micro-pilule
contenant 30 µgr de lévonorgestrel.
Exluton
|
Lynestrenol
|
1978
|
NR
|
500µg
|
Microval
|
Levonorgestrel
|
1978
|
R
|
30µg
|
Milligynon
|
Norethisterone
|
1977
|
NR
|
600µg
|
Ogyline
|
Norgestrienone
|
1980
|
NR
|
350µg
|
Tableau 1 : POP commercialisées
en France
Caractéristiques
des POP
Les
publications concernant les POP sont moins nombreuses que celles sur les OP.
Cependant, il ressort une efficacité contraceptive inférieure à celle des stérilets
et des oestro-progestatifs.
Leur mode d’action explique cette différence puisqu’ils inhibent l’ovulation
de façon aléatoire, approximativement dans 1 cycle sur 3, le mécanisme contraceptif
étant essentiellement lié à une inhibition de la glaire cervicale.
Leur mode d’action explique également le risque de grossesse extra-utérine et
le profil hormonal est habituellement une hyper-oestrogénie.
Les macro-progestatifs
COLPRONE
|
Medrogestone
|
5 mg
|
Antigonadotrope
10ml
|
3 F/j
|
DUPHASTON
|
Dydrogestérone
|
10 mg
|
Aucune
activité antigonadotrope
|
|
GESTORAL
|
Medroxy-progestérone
|
10 mg
|
Antigonadotrope
|
2 F/j
|
LUTENYL
|
Nomegestrol
|
5 mg
|
Antigonadotrope
|
4 F/j
|
LUTERAN
5
|
Chlormadinone
|
10 mg
|
antigonadotrope
|
4.8 F/j
|
LUTIONEX
|
Demegestone
|
|
± 2 prises
|
6 F/j
|
ORGAMETRIL
|
Lynestrenol
|
5 mg
|
Contraceptif
|
0.6 F/j
|
PRIMOLUT
NOR
|
Norethisterone
|
10 mg
|
Contraceptif
|
0.7 F/j
|
SURGESTONE
|
promegestone
|
0.500
|
±
|
5.9 F/j
|
Tableau 2 : macro-progestatifs
commercialisés en France
Prescrits
à doses et à durée suffisantes, ils possèdent des propriétés antigonadotropes
reconnues utilisables lorsqu’ils sont prescrits pour une autre indication que
la contraception.
Cependant, leur efficacité contraceptive a été incomplètement étudiée, et, pour
la majorité d’entre eux, n’est pas reconnue par l’AMM ; leur schéma de
prescription, en discontinu, est complexe, et leur utilisation continue peut
entraîner une hypo-oestrogénie et un implact endométrial cause de saignements
irréguliers.
Il était donc logique de proposer une contraception progestative pure à une
dose inhibant l’ovulation.
Etude de l’inhibition
de l’ovulation
RICE
et collaborateurs (1), dans une étude comparant CERAZETTE à MICROVAL a étudié
comme témoins d’ovulation la maturation ovocytaire et la ponte ovulaire en échographie,
ainsi que les taux plasmatiques de progestérone.
Si l’on prend comme témoin de l’ovulation des taux plasmatiques de progestérone
supérieurs à 30 nanomol/l, il retrouve, aux cycles 7 et 12 de traitements pour
CERAZETTE, 0 % des cas contre 38 % au cycle 7 pour MICROVAL, et au cycle 12 :
3 % contre 39 %.
L’association rupture folliculaire et progestéronémie > à
30 nanomol/l s’observe dans 1.7% des cas contre 28% sous MICROVAL.
Ainsi, aux doses utilisées dans CERAZETTE, le désogestrel possède une activité
antigonadotrope démontrée.
Efficacité :
Dans
une étude multicentrique comparative en double aveugle contre MICROVAL (2),
sur une durée de 1 an, on observe 7 grossesses, 3 d’entre elles sont attribuables
à une mauvaise observance du mode de contraception ; parmi les 4 grossesses
dues à un échec de la méthode contraceptive, 1 seule est retrouvée dans le groupe
CERAZETTE contre 3 dans le groupe MICROVAL, soit une différence d’indice de
Pearl de 0.14 / 1.17. A noter qu’une des grossesses sous MICROVAL était une
grossesse extra-utérine.
Cette
étude avait inclus 405 femmes allaitantes dont les risques de grossesse sont
moindres du fait de la diminution de la fertilité de ces patientes ; l’indice
de Pearl excluant ces femmes allaitantes est de 0.17 pour CERAZETTE contre 1.41
pour MICROVAL
L’étude
des taux plasmatiques d’estradiol dans une étude comparant CERAZETTE à MICROVAL
montre une estradiolémie habituellement retrouvée dans les phases folliculaires,
et des taux très augmentés pour MICROVAL ;
Estradiol
(pmol/l)
|
CERAZETTE
Cycle de traitement
|
LNG
30 µ/l
Cycle de traitement
|
|
0
n=30
|
7
n=30
|
12
n=29
|
0
n=29
|
7
n=29
|
12
n=28
|
Maximum
d’estradiol
|
1372
|
615*
|
487***
|
1310
|
1230
|
1420
|
Estradiol
moyen
|
675
|
333*
|
272*
|
653
|
505
|
539
|
* p<0.003 ; ** p=0.003 ;
*** p=0.001 vs LNG
Tableau 3 : Taux d’estradiol
plasmatique
Tolérance :
Tolérance gynécologique
Le profil
de saignements doit tenir compte de la particularité de ce type de contraception ;
en effet, il s’agit d’un traitement continu, n’entraînant pas, par définition,
d’hémorragie de privation ; cette absence d’hémorragie de privation ne
permet donc plus d’utiliser la notion de pseudo-cycles comme avec les oestro-progestatifs.
Ainsi, l’OMS, dès 1986 (4), a choisi des périodes de 90 jours pour évaluer le
nombre de jours de saignements par période.
On peut donc définir ainsi l’aménorrhée, les saignements peu fréquents = 1 ou
2 épisodes, de saignements ou de « spottings », et les saignements
fréquents = plus de 6 épisodes par périodes de 90 jours. L’épisode prolongé
se définit comme une période de saignements supérieure à 14 jours.
Pour
les calculs, la 1ère période de 90 jours a été volontairement décalée
afin de ne pas tenir compte de la 1ère plaquette, obtenir un steady-state,
et éliminer les saignements « d’adaptation ».
a) Profil
des saignements au cours de la période de référence décalée :
- aménorrhée
10 %
- 1 à 2
épisodes : 3 %
- 3 à 5
épisodes : 52 %
- 6 épisodes
ou + : 20 %
- saignements
prolongés : 15 %
En chiffre
absolu, à titre d’exemple, pour la période de référence décalée, on observe
20.8 jours sur 90 de saignements et « spottings » et seulement 8.4
jours de saignements. Comparativement à MICROVAL, on observe pour la même période :
-
plus d’aménorrhée,
- plus
de patientes présentant 1 ou 2 épisodes,
- plus
de patientes présentant 6 épisodes ou +, ou de saignements prolongés.
b)
Au cours de la 4ème période de référence, on constate une évolution
du profil de saignements :
-
aménorrhée : 20 %
- 1
à 2 épisodes : 33 %
- 3
à 5 épisodes : 44 %
Si
l’on compare le profil de saignements de la 1ère période de référence
et de la 4ème , on observe une évolution vers l’augmentation des
aménorrhées, une diminution du pourcentage de femmes présentant 3 à 5, ou 6
et +, épisodes. De même, on observe une nette diminution du nombre de saignements
prolongés.
Cette évolution favorable ne s’observe pas sous MICROVAL.
Comparativement
à MICROVAL, on observe plus d’aménorrhée et de femmes présentant 1 ou 2 épisodes
de saignements, et une nette diminution du nombre de patientes présentant des
saignements fréquents.
En revanche, les saignements prolongés se voient plus fréquemment qu’avec MICROVAL.
Ainsi,
l’évolution des saignements se fait vers une réduction du nombre d’épisodes
avec le temps, et une augmentation du pourcentage de patientes en aménorrhée.
Ces
effets doivent être expliqués aux patientes.
Effets secondaires subjectifs
Ils
ressortent de l’étude CSG (collaborative study group). Ils sont comparables
à ceux observés avec MICROVAL :
-
céphalées : 7.5 %
- mastodynies :
4 %
- acné :
3.1 %
Le
taux d’interruptions thérapeutiques pour effets indésirables dans l’étude CSG
est de 10.5 %
Tolérance :
Prise de poids
Dans l’étude comparative avec MICROVAL, il n’a pas été observé de différence
statistiquement significative dans les prises de poids.
Paramètres métaboliques
Les effets sur l’hémostase ont été étudiés par WINKLER ; ils montrent
une diminution du facteur VII et du plasminogène. Ces effets sont minimes ;
ils vont plutôt dans le sens d’une réduction de la coagulabilité.
Etude
des lipides : on observe, dans l’étude BARKFELDT une diminution des
triglycérides et du HDL cholestérol, et une très discrète diminution du LDL ;
ces perturbations minimes sont comparables à celles observées avec MICROVAL.
Il
n’ a pas été observé de retentissement sur le métabolisme glucidique.
Effet sur la lactation
BJARNADOTTIR (5) a effectué une étude comparative CERAZETTE versus stérilet
chez les femmes allaitantes.
L’étude quantitative et qualitative du lait n’a montré aucune diminution du
volume, et les concentrations en triglycérines, en protéines et en lactose n’ont
pas variées.
En parallèle, il n’a pas été montré d’effet de CERAZETTTE sur la croissance
du nouveau-né.
EN CONCLUSION
CERAZETTE
constitue la 1ère pilule progestative pure inhibant l’ovulation par
ses propriétés antigonadotropes. Ce mécanisme est responsable d’une grande efficacité
contraceptive.
La secrétion oestrogénique résiduelle ne montre pas d’hyperoestrogénie, et le
risque de grossesse extra-utérine est donc comparable à celui des oestro-progestatifs.
La tolérance gynécologique reste le problème majeur d’observance, avec cependant
une évolution favorable avec le temps.
Compte
tenu de l’efficacité contraceptive, en cas d’aménorrhée, il n’est pas nécessaire
d’entreprendre un bilan en dehors d’un diagnostic de grossesse de « sécurité ».
Les effets sur les paramètres métaboliques sont bien connus pour ce progestatif
de 3ème génération – ils sont négligeables.
Ainsi,
les utilisatrices préférentielles de CERAZETTE peuvent être les patientes présentant
une contre-indication ou une intolérance à l’éthinyl estradiol , le post-partum
avec ou sans allaitement maternel, les patientes relevant des propriétés antigonadotropes
des macro-progestatifs.
Bibliographie :
1) RICE CF
coll. 1996 ; Ovarian activity and vaginal bleeding pattern with a desogestrel
only preparation three differents doses. Hum. Repr. 11 ; 4 ;737-740
2) Collaborative study group on the desogestrel containing progestogene
only pill. 1998. Am. Journal Contr. Repr. Health care 3/169 – 178
3) RICE RC coll 1999. A comparaison of the inhbition of ovulation achieved
by desogestrel 75 µg and levonorgestrel 30 µg daily. Hum. Repr. 14 ; 4 ;
982-985
4) BELSEY EM 1986 . Analysis of vaginal bleeding patterns induced by
fertility regulating methods. Contraception 34 ; 253-260
5) BJARNADOTIR RI 1997 . Open randomised comparative study on the effects
of desogestrel. Arch. Abst. Gyn. Scand. 76 suppl. 167- : 53
|