Les XXIXe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Vol et Hébergement
> Programme social
> Conference AMP Jean Cohen

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

> Authors' race

Rechercher

2002 > Gynécologie > contraception  Telecharger le PDF

Choix de bilan avant contraception orale

C. Jamin

Le bilan avant une prescription, quelle qu'elle soit, vise à anticiper, et l'efficacité du traitement, et d'éventuels effets secondaires, ceux-ci pouvant être aigüs ou survenir à plus long terme. Ce dernier point pourrait être particulièrement vrai pour la contraception orale (CO) qui sera souvent suivie pendant des dizaines d'années. En ce qui concerne l'efficacité du traitement, la réponse est simple puisque la contraception orale est efficace à quasiment 100 % chez toutes les femmes : aucun bilan n'est nécessaire ni d'ailleurs possible dans ce domaine.

En revanche l'utilisation de la contraception orale est entachée d'un certain nombre d'effets secondaires, tous aigüs, et presque tous dans le domaine cardiovasculaire. Il s'agit soit de thromboses veineuses, soit d'accidents artérielles, accidents vasculaires cérébraux ou infarctus du myocarde. Insistons d'emblée sur le fait que ces accidents sont rares.

Les thromboses veineuses surviennent surtout lors des deux premières années d'utilisation ; quant aux accidents artériels, ils peuvent survenir à n'importe quel moment de l'utilisation. S'ils sont le plus souvent peu prévisibles, il existe cependant un certain nombre de circonstances cliniques qui doivent rendre prudent. Le bilan le plus important à pratiquer avant la prescription d'une contraception orale est un bilan clinique basé principalement sur l'interrogatoire.

Le risque veineux

Le risque veineux survient majoritairement la première année d'utilisation avec un risque relatif à 11 par rapport à la population non traitée, puis il diminue ensuite relativement brutalement pour atteindre 2 en début de troisième année. Ce risque veineux vient le plus souvent révéler une thrombophilie sous-jacente, thrombophilie qui peut être acquise ou congénitale. Les thrombophilies acquises rentrent dans le cadre de maladies du système qui sont le plus souvent parlantes cliniquement avant la prescription de la CO.

Un bilan biologique prédictif est alors inutile, en effet l'existence même de la maladie comme le lupus contre-indique l'utilisation des estro-progestatifs. Parfois la phlébite sous pilule est l'épisode inaugural de cette maladie de système, en particulier dans la maladie de Behcet, et là tout bilan avant prescription est aussi inutile, il s'agira toujours d'une mauvaise surprise.

Il est par ailleurs démontré qu'il n'est pas nécessaire de faire un bilan systématique de coagulation chez une femme saine cliniquement avant la prescription d'un CO. Il a été évalué que si l'on faisait cette recherche afin de détecter une anomalie de coagulation, le coût pour trouver un cas de déficit en protéine S serait d'environ 8000 euros, 3700 euros pour un cas de déficit en antithrombine, 1400 euros pour un déficit en protéine C et 400 euros pour dépister un cas de résistance congénitale à la protéine C activée .

Le seul dépistage qui pourrait donc se concevoir serait celui de recherche de résistance à la protéine C activée, mais on a pu calculer qu'il faudrait faire 10 000 dosages pour trouver 400 déficits en résistance à la protéine C activée et éviter un seul accident thromboembolique(8,). Nombreux sont donc les auteurs qui recommandent de ne faire une recherche que chez des femmes qui ont un antécédent personnel ou familial de thrombose veineuse. Ainsi pour ce qui est des thrombophilies héréditaires, l'interrogatoire avant toute prescription de pilule doit rechercher l'existence d'accidents thrombo-emboliques chez les femmes apparentées .

Malgré cette recommandation cette attitude n'est à ce jour pas validée par une évaluation digne de ce nom. Il faut préciser que lorsque l'on décide de lancer un bilan de thrombophilie héréditaire, celui-ci est extrêmement lourd et l'on de doit pas se limiter à quelques dosages en éliminant les autres car on risque de passer à côté d'un nombre considérable de cas(6). Le bilan recherchera en particulier le déficit en protéine C , protéine S, antithrombine, ainsi qu'une augmentation du facteur VIII, une mutation du facteur II, et surtout et principalement une résistance à la protéine C activée (RCPA) qui touche près de 5% de la population en moyenne (20% dans certaine région). Ainsi si ce bilan est très exhaustif on trouvera des facteurs de thrombophilie héréditaire chez 5 à 10% de la population, chiffre qui peut même monter jusqu'à 25% dans certaines régions.

Par ailleurs nombre de femmes prendront la pilule en ayant une thrombophilie héréditaire sans jamais faire de thrombose ou en faisant une thrombose très tardivement. Ceci met en évidence la nécessité d'un troisième facteur associé à la prise de pilule et à la thrombophilie, à savoir un facteur déclenchant comme le port d'un plâtre ou une intervention chirurgicale par exemple. Signalons par ailleurs que la recherche d'une thrombophilie par l'interrogatoire visant à identifier une anomalie familiale au premier et même au deuxième degré est d'une piètre sensibilité et spécificité. On passe à côté d'un nombre très important de patients porteurs d'une anomalie En effet la mutation existe souvent dans une famille alors que personne n'a eu l'occasion de faire une thrombose (taille de la famille, absence de concomitance de facteurs…)

Il a été évalué que lorsqu'une femme est porteuse d'une RPCA le risque spontané de survenue d'un TEV est spontanément de 0,16% par an et de 1,8% ; s'il y a prise de CO une femme pourra donc prendre la pilule pendant des années sans faire d'accident(10). La recherche systématique de la RPCA en cas d'atteinte familiale avant prescription d'une CO est donc remise en cause par de nombreux auteurs. L'efficacité d'une telle recherche systématique dans les familles où existe des antécédents n'a pas été prouvée dans une série récente de 324 femmes sans antécédents personnels de thrombose veineuse. 10% d'entre elles présentent une histoire familiale de thrombose veineuse ; parmi ces 34 femmes avec antécédents deux ont une résistance à la protéine C activée et une en déficit en protéine S(3).

Lorsque le bilan est fait systématiquement chez les 324 femmes, un déficit est trouvé chez 19 d'entre elles, comme seulement 3 parmi celles-ci ont une histoire familiale positive l'interrogatoire laisse passer 16 anomalies. On a peut calculer ainsi que la proportion de femmes avec une thrombophilie est similaire dans le groupe avec une histoire familiale positive et dans le groupe avec une histoire négative.

Pour conclure on peut donc affirmer qu'avant la prescription d'une CO il ne faut pas faire une recherche systématique d'anomalies de la coagulation(7). Cette recherche est considérée aujourd'hui comme licite par les RMO lorsqu'il existe un antécédent familial au premier degré(1,2,5,11), mais cela n'est basé sur aucune donnée scientifique.

Le risque artériel.

On sait que les pilules modernes faiblement dosées n'augmentent pas ou peu le risque d'accident artériel(9), qu'il soit cardiaque ou cérébral, lorsqu'il n'existe pas de facteur de risque clinique. Là encore ce sont bien les facteurs cliniques qui sont déterminants, par exemple une hypertension artérielle, un tabagisme en particulier au-delà de 35 ans, l'existence de migraines là encore après 35 ans, une hyperlipémie, des accidents familiaux précoces, un diabète un morphotype androïde sont des facteurs de risque en eux même et qui deviennent majeurs lorsqu'ils sont associés(4). On sait également que tous les accidents artériels sont de type thrombotique, la pilule n'augmentant pas l'athérogénèse.

Il n'existe pas de facteurs biologiques individuels prédictifs du risque de thrombose artérielle, on ne connaît que des facteurs statistiques (HDL, triglycérides, CRP, Lp(a), homocystéine, PAI1…). Histoire naturelle d'une thrombose artérielle. Une thrombose artérielle survient lorsque les plaquettes viennent en contact avec le noyau lipidique d'une lésion athéromateuse, et il a pu être montré que, dans les nécropsies après ces accidents artériels, l'athérome était le plus souvent minime, se limitant à une simple strie lipidique.

L'accident survient lorsqu'il existe une anomalie de la coagulation artérielle. Les anomalies de la coagulation favorisant les accidents artériels sont très mal connues et très probablement liées à des anomalies de la fibrinolyse, qui ne sont pas détectables chez un sujet donné. On sait que ces dernières sont corrélées avec des anomalies d'insulinorésistance ou l'existence de facteurs de risque associés comme en particulier le tabagisme ou le diabète. Ainsi chez une femme saine aucun bilan n'est nécessaire pour la prévention artérielle avant la prescription d'un CO.

L'hypercholestérolémie.

On sait que les contraceptifs oraux peuvent chez certaines femmes augmenter le cholestérol ; il n'existe pas aujourd'hui de preuves que ces modifications du cholestérol s'accompagnent réellement d'une augmentation du risque d'athérome. Ces augmentations du cholestérol surviennent préférentiellement dans des familles à risque et on évoque alors un déficit en récepteurs des LDL. Compte tenu de la fréquence de ces déficits dans la population il est logique de doser le cholestérol 3 mois après la mise sous CO.

Si on met en évidence une hypercholestérolémie on cherchera à la typer afin de savoir s'il s'agit d'une hypercholestérolémie à LDL ou à HDL. Lorsqu'il s'agit d'une hypercholestérolémie à LDL, avec en particulier des LDL supérieurs à 1,90 g/l, il est habituel de demander d'interrompre la contraception orale sachant que pour développer un athérome il faut 10 ans et qu'une prise de quelques mois de CO ne met en aucunement la vie de la patiente en danger.

Lorsque l'on trouve une augmentation du HDL cholestérol il est admis aujourd'hui mais non prouvé que ceci n'est pas délétère, bien que les conceptions actuelles du métabolisme du cholestérol ne soient pas tout à fait concordantes avec cet optimisme. En effet l'élévation du HDL cholestérol dans ce cas particulier peut être liée à une anomalie du retour du cholestérol, ce qui ne serait pas anodin comme on l'a cru pendant très longtemps.

Les triglycérides.

L'hypertriglycéridémie est un facteur de risque de thrombose artérielle mais il s'agit d'une hypertriglycéridémie spontanée rentrant dans le cadre d'une insulinorésistance. Il est probable que l'hypertriglycéridémie induite par les estroprogestatifs n'a pas les mêmes conséquences sur les risques de thrombose, bien que ceci ne soit pas prouvé. Il est malgré tout souhaitable de faire un dosage de triglycérides quelques mois après avoir commencé la CO. En revanche il paraît nécessaire de faire un bilan de triglycérides et métabolique en général chez une femme qui présente des facteurs cliniques d'insulinorésistance, à savoir une obésité androïde. Il faudra alors pratiquer le bilan avant la prescription de CO avec un dosage de triglycérides mais aussi un dosage de HDL cholestérol, ce qui n'est pas prévu dans les RMO.

Le deuxième accident lié aux hypertriglycéridémies est la pancréatite : on sait qu'un accident de ce type peut apparaître pour des taux de triglycérides très élevés. Un bilan des triglycérides est nécessaire lorsqu'on a connaissance d'une hypertriglycéridémie familiale, l'insulinorésistance pouvant aussi favoriser des taux de triglycérides très élevés amenant à une pancréatite. Dans ces deux cas le dosage de triglycérides doit se faire avant la prescription de CO.

La glycémie.

Il faut prescrire des CO avec prudence chez les diabétiques. Doit-on éliminer un diabète avant de prescrire une CO ? Le diabète insulino-dépendant n'est jamais découvert par hasard et s'accompagne toujours de signes cliniques : le dosage de glycémie chez une femme en pleine santé n'est donc pas nécessaire avant la prescription d'une CO.

Le diabète de type II s'accompagne toujours d'une anomalie clinique comme l'obésité et donc un dosage de glycémie sera nécessaire avant la prescription d'une CO lorsqu'il existe une obésité, en particulier androïde. Reste le rare diabète intermédiaire : dans ce cas la prescription d'une CO ne risque pas d'entraîner d'accidents aigüs ni de décompensation et ce diabète sera dépisté par le dosage de glycémie au troisième mois.

Ainsi chez une femme saine, cliniquement normale, il n'est pas nécessaire de faire un bilan avant la prescription d'une CO ; en revanche dès qu'existent des antécédents familiaux de thrombose veineuse et d'hypertriglycéridémie un bilan s'impose. Lorsqu'il existe des anomalies cliniques en particulier à type d'obésité, le bilan s'impose avant la prescription. On peut conclure que le bilan le plus important avant la prescription d'une pilule est un bon interrogatoire et un examen clinique général succint.

Bibliographie

1 – ANAES : Surveillance biologique de la contraception orale estroprogestative. Texte des recommandations Rev Fr Gynécol Obstét, 1999, 94, 2, 149-151

2 – Basdevant A, Conard J, Pierre F, Quereux C : A propos du suivi de la contraception Prat Med Therapeutiques, 2000, 1, 35

3 – Cosmi B, Legnani C, Bernardi F et al : Value of family history in identifying women at risk of venous thromboembolism during oral contraception : observational study. BMJ, 2001, 322, 1024-5

4 – Creatsas G, Pitsavos C, Amy JJ et al: A multicenter european survey of the attitudes to contraception in women at high risk or with established cardiovascular disease. Eur J Contracept Reprod Health Care, 1996, 267-73

5 – Doat B: La consultation de contraception Gyn Obs, 2001, 436-37, 25-6

6 – Drouet L : Quand faut-il chercher un déficit en antithrombinelll avant de précrire une pilule combinée Concours médical, 1996, 118-31, 2089-90

7 – Guillebaud J : Advising women on which pill to take BMJ, 1995, 311, 1111-2

8 – Middeldorp S, Meinardi J, Koopman M et al: A prospective study of asymptomatic carriers of the factor V Leiden mutation to determine the incidence of venous thromboembolism Ann Intern Med, 2001, 135, 322-27

9 – Mills AM, Wilkinson CL, Brohmam D et al: Guidelines for prescribing combined oral contraceptives BMJ, 1996, 312, 121-2

10 – Palaretti G, Legnani C, Frascaro M et al: Screening for activated protein C resistance before oral contraceptive treatment: a pilot study.

Contraception 1999, 59, 293-99 11 – Quereux C: Nouvelle surveillance biologique de la pilule Rev Prat Gynecol Obstet 1999, 35, 32-3