Démarche
de Qualité en Colposcopie
C. QUEREUX*,
J. GONDRY**, J.P. BORY*, J.C. BOULANGER**
* Service
de Gynécologie Obstétrique - CHU Reims 45 rue Cognacq Jay - 51092 REIMS Cédex.
** Service de Gynécologie Obstétrique - CHU Amiens 120 rue Camille Desmoulons
- 80000 amiens.
INTRODUCTION
Selon
l’OMS, le contrôle de qualité des soins doit permettre de garantir à chaque
patient les actes médicaux et thérapeutiques qui lui assureront le meilleur
résultat en terme de santé.
Déjà
en 1976, D. Luesley a publié des recommandations de « standard and quality
in colposcopy » précisant la place de la colposcopie comme outil de dépistage,
de traitement et de surveillance post-thérapeutique.
En France,
la Société Française de Colposcopie et de Pathologie cervico-Vaginale a initié
une démarche comparable qui a abouti à des recommandations pour la pratique
de la colposcopie (1). Elles seront suivies par l’évaluation de l’activité colposcopique
en France et une réflexion sur l’assurance de Qualité en colposcopie.
L’ETAT DES
LIEUX
La colposcopie
a pour objectif d’identifier la zone de transformation et de repérer dans cette
zone l’existence d’une lésion suspectée par un frottis anormal. Son degré de
sévérité sera apprécié grâce aux signes colposcopiques apparus sous acide
acétique et lugol. Enfin, la colposcopie guide la biopsie et aide à poser les
indications thérapeutiques.
Sa
sensibilité est très élevée, la plupart des anomalies sont en effet repérées
quand la zone de jonction est visible. Par contre, sa spécificité est médiocre,
inférieure à 50 % : ainsi la colposcopie aurait moins d’une chance sur deux
de prédire avec exactitude une lésion ce qui, dans l’esprit de certains limiterait
son indication à celle d’un examen topographique pour diriger la biopsie.
La littérature
dispose d’articles étudiant :
- la
variabilité intra ou inter observateur dans l’évaluation des lésions.
- la validité de cet examen par rapport aux autres examens (cervicographie,
frottis, biopsie, conisation).
Les principales études
sont résumées dans le document de synthèse de l’ANAES sur les recommandations
pour la pratique clinique (2) :
-
L’étude de HOPMAN a estimé la variabilité intra et inter observateur de « l’impression
colposcopique ». Le test de Kappa permet de mesurer l’intensité
de la concordance qui est d’autant plus élevée que proche de 1.
- Pour la variabilité intra-observateur le kappa est à 0,54 (moyenne) et celle
inter-observateur de 0,41 (moyenne) puis 0,33 (faible) trois mois plus tard.
- Pour le site de la biopsie, la concordance intra-observateur était de 85,3
% et celle entre les observateurs de 77,4 %
-
L’étude de SELLORS a étudié la reconnaissance de colpophotographies chez trois
colposcopistes confirmés à propos de 50 cas cliniques de tous diagnostics.
Quand la jonction est vue, la variabilité intra-observateur est de 0,7 - 0,9
(bonne à excellente), la variabilité inter-observateur nettement moins favorable
(0,37 - 0,79). Si on demande d’apprécier la surface de la zone de transformation
atypique, la variabilité est mauvaise 0,26 - 0,58 (intra-observateur) 0,13
- 0,41 (inter observateur).
-
HIGGINS a comparé devant un frottis anormal une évaluation ultérieure par
frottis répété, colposcopie, biopsie ou électrorésection à l’anse.
La comparaison impression colposcopique-histologie a un Kappa de 0,09 ! Ainsi,
en cas de diagnostic colposcopique de col normal ou de bas grade il y a 20
% de haut grade en histologie.
-
BENEDET dans un programme de qualité en Colombie Britannique a estimé que
la concordance entre colposcopie et biopsie à un degré près était de 86 %.
En France, J.C. BOULANGER
a réalisé une étude en 1998 et 1999 testant les compétences de colposcopistes
de différents niveaux.
Cinquante
dossiers colposcopiques (2 clichés par patientes SP + AA + Lugol) ont
été sélectionnés et digitalisés sur un CD Rom.
Aucun renseignement
clinique, ni cytologique n’accompagnait les images.
Trois groupes
de colposcopistes se sont investis dans cette évaluation :
- Groupe
1 :
7 experts en colposcopie participant à l’enseignement de la colposcopie
en France.
-
Groupe 2 :
45 colposcopistes « de terrain » ayant accepté de réaliser ce
test au
décours d’un atelier de colpo. lors d’un congrès.
-
Groupe 3 :
25 « novices » au terme d’une semaine d’initiation à la colposcopie.
Pour
chaque « dossier patient » étaient successivement demandés, le tableau
colposcopique (selon la classification de la SFCPCV) et en cas de biopsie effectuée,
le résultat attendu de l’histologie.
Le pourcentage
exact de classification colposcopique est pour les experts, praticiens et novices
respectivement de 71,5 - 26,1 et 48,2 : il y a de véritables difficultés
à classer le tableau colposcopique et beaucoup de praticiens raisonnent plus
en images unitaires qu’en tableau. Enfin, même parmi les experts, il y a des
divergences illustrant le caractère subjectif de l’interprétation de certaines
images.
Les
résultats attendus de l’histologie selon l’image colposcopique si une biopsie
est effectuée sont consignés dans le tableau N° 1 : le résultat à un degré
près d’erreur est acceptable.
|
Classification
de Richart
|
Classification
de Bethesda
(%)
|
|
Stricte
(%)
|
à 1 degrè
près (%)
|
Experts
|
60.3
|
79.1
|
77.6
|
Praticiens
|
38
|
71.1
|
54.5
|
Novices
|
30.8
|
65.4
|
55.9
|
Tableau
I :
Résultats attendus de l’histologie ; concordance
avec le résultat final
La colposcopie n’est donc pas un parfait outil de diagnostic reproductible :
- la concordance pour un même observateur (intra-observateur) est variable selon
les études et les critères étudiés.
- la variabilité inter-observateur est très importante.
- la concordance avec l’histologie est parfois médiocre.
A
titre systématique, en dehors d’un frottis d’alerte, la colposcopie voit
trop d’anomalies (le col parfait est rare) ce qui conduit à un surcroît de biopsie
et d’inquiétude pour la patiente.
Faite
pour un frottis anormal, elle se révèle normale dans 9 à 23 % selon les
études pour différentes raisons : faux positif de la cytologie, disparition
du CIN, faux négatif de la colposcopie et de l’histologie.
Néanmoins,
la colposcopie reste indispensable pour la prise en charge d’un frottis
anormal et globalement performante si le clinicien s’astreint à décrire précisément
l’emplacement de la zone de jonction, la topographie des lésions, les signes
de gravité.
C’est
le sens de la démarche de qualité entreprise par la Société Française de Colposcopie.
Les
recommandations (1)
Les
recommandations ont pour but de constituer un minimum exigible pour tous mais
doivent évoluer dans le temps en fonction des données scientifiques :
-
La pratique de la colposcopie nécessite un colposcope et du matériel
pour des gestes d’hémostase parfois nécessaires après biopsie. Il faut un archivage
papier ou informatique du compte-rendu avec un schéma des anomalies.
-
La colposcopie de dépistage n’est pas recommandée en raison de sa faible
spécificité. A l’étape diagnostique, la colposcopie est surtout indiquée
en cas de frottis anormal mais peut aussi être réalisée en cas de signe fonctionnel
d’appel (métrorragies, leucorrhées) ou de lésion HPV externe de la femme ou
du conjoint. Lors du traitement, la colposcopie est nécessaire, en per-opératoire
pour les traitements destructeurs et au moins en pré-opératoire immédiat pour
l’exérèse.
-
Le médecin prescripteur ou le colposcopiste doivent informer la patiente
de la nature de l’examen et de son déroulement. Pour être pleinement efficace,
des renseignements doivent être connus du colposcopiste : cyto et histologie
ayant motivé l’examen mais aussi notion de grossesse, nature de la contraception,
antécédents généraux (allergie à l’iode ou au latex, anomalie de la coagulation).
-
La colposcopie peut être réalisée à tout moment, sauf pendant les règles et
comporte trois temps, tous importants :
-
sans préparation (leucoplasie, vascularisation)
- acide
acétique à 3 % (acidophilie)
- lugol
fort.
-
Si des biopsies sont effectuées dans le même temps, l’histologiste doit disposer
d’un minimum de renseignements concernant :
-
le statut hormonal (grossesse, contraception, THS),
- antécédent
de pathologie cervicale,
- les
données de la cytologie
- l’impression
colposcopique.
- Toute
colposcopie doit comporter un compte-rendu, un schéma et une conclusion.
-
un compte-rendu où figure :
. la localisation de la zone de jonction,
. le caractère satisfaisant ou non de la vision,
. l’impression colposcopique avec utilisation d’une classification.
-
un schéma comportant les limites interne et externe de la zone de transformation
et l’emplacement des biopsies.
- une
conclusion comportant la conduite à tenir.
- La
gestion du résultat de cet examen comporte l’envoi du compte-rendu au médecin
prescripteur.
A réception de l’histologie, le médecin prescripteur doit être averti, tout
comme la patiente des conclusions et de la conduite à tenir.
Il est nécessaire, afin de limiter les « perdues de vue », de mettre
en uvre tous les moyens pour s’assurer que les histologies ont été réceptionnées
et utilisées à bon escient par médecins et patientes.
-
Une formation à la colposcopie est nécessaire :
-
Initiale, elle comprend un enseignement théorique uniformisé, sur différents
sites possibles et des stages dans des centres publiques ou privés avec participation
à 10 demi-journées de consultations ainsi que la pratique personnelle de 10
colposcopies avec biopsie monitées par un senior. Un contrôle de connaissance
comprenant des questions sur la pathologie cervicale et la reconnaissance
d’images colposcopiques valide cet enseignement.
- Continue
triennale, à l’occasion de congrès, journées de perfectionnement ... Elle
doit comporter dans l’idéal une auto-évaluation.
ASSURANCE DE QUALITE
Les
recommandations seront à priori suivies d’une évaluation de l’activité colposcopique
en France et comportera un aspect quantitatif, mesurant la quantité de ressources
consommées et un aspect qualitatif visant à déterminer si ces ressources ont
été utilisées à bon escient.
Les
items d’évaluation individuelle sont :
- les
nombres de :
. colposcopies par an,
. nouvelles patientes pour pathologie cervico-vaginale par an,
. colposcopies avec biopsie,
. patientes avec une biopsie normale,
. patientes avec une lésion,
. patientes « perdues de vue ».
- les
concordances :
. colpo et histologique pour les CIN de haut grade et les cancers,
. entre la biopsie et la pièce d’éxérèse
Les
résultats de cette évaluation constitueront la base de départ d’une réflexion
sur l’assurance de qualité en colposcopie, l’objectif étant de dégager un
savoir minimum exigible pour tous les colposcopistes, à confronter dans
la mesure du possible aux pratiques européennes.
BIBLIOGRAPHIE
1. BALDAUF J.J.,
BARRASSO R., BENMOURA D., HUYNH B., MERGUI J.L.,
BEURET T., BLANC B., BLONDON J.
Recommandations pour la pratique de la colposcopie.
Gynecol. Obstet. Fertil. 2000, 28, 667-71
2. ANAES : Conduite
à tenir devant un frottis anormal du col de l’utérus -
ANAES Edit. Sept. 1998, 89-100.
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