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Titre: Coelioscopie et cancer de l'ovaire Dangers et precautions
Année: 2000
Auteurs: - Madelénat P.
Spécialité: Gynécologie
Theme: cancers de l’ovaire

Cœlioscopie et cancer de l'ovaire
 dangers et précautions

C. Renolleau, E. Daraï, P. Madelenat, J.L. Bénifla

Service de Gynécologie, C.H.U. Bichat - Claude Bernard.

170 boulevard Ney 75018 Paris

RESUME :

Le taux de cancer ovarien découvert au décours d'une cœlioscopie est de 0,043 à 3,70 %, voire 4,8 % si on inclut les tumeurs borderline. Parmi ces tumeurs, 67 % ont un diamètre inférieur à 8 cm, 62 % sont kystiques, 81 % unilatérales et 48 % uniloculaires. La rupture d'une tumeur maligne kystique en per-opératoire semble diminuer la survie à 10 ans des patientes, du fait du délai entre le traitement initial et la reprise chirurgicale. Ce délai moyen semble osciller entre 5 et 8 semaines.

Il faudra suspecter la malignité d'un kyste s'il mesure plus de 10 cm, en présence d'ascite, de végétations intra ou extra-kystiques, de liquide de ponction trouble ou feuille morte, d'une vascularisation anarchique de la corticale ovarienne et d'une paroi épaisse. Les précautions à prendre lors du traitement d'une tumeur ovarienne sont de réaliser si possible une kystectomie à kyste fermé, une extraction protégée et si un doute existe sur la bénignité de recourir à l'examen histologique extemporané, ou à défaut à un examen différé rapide.

INTRODUCTION

La coeliochirurgie est une technique efficace pour traiter les kystes ovariens organiques. Elle a permis d'améliorer la prise en charge des patientes en terme de morbidité post-opératoire, de séquelles adhérentielles et de préjudices esthétiques, tout en diminuant en terme de santé publique son coût.

Malgré l'avènement d'échographe de haute résolution et le dosage plasmatique de marqueurs tumoraux, le diagnostique pré-opératoire de tumeurs malignes ovariennes n'est pas toujours aisé. En effet, l'échographie endovaginale même couplée au Doppler, et aux dosages des CA 125 et CA 19-9, n'ont pas une valeur prédictive positive de 100 %. De ce fait, certaines tumeurs malignes de l'ovaire non reconnues en pré-opératoire sont parfois prises en charge de première intention par cœlioscopie. Pour ces raisons, nous analysons dans ce travail les caractéristiques macroscopiques per-opératoires des tumeurs malignes de l'ovaire et proposons des arbres décisionnels permettant d'établir une attitude pratique lorsqu'une tumeur maligne de l'ovaire est découverte au cours ou au décours d'une chirurgie coelioscopique.

LA DIFFICULTE DU DIAGNOSTIC PER-OPERATOIRE

Aspect macroscopique des cancers et des tumeurs ovariennes à la limite de la malignité (TOLM) dites Borderline

Le taux de cancers de l'ovaire découverts pendant ou au décours de la cœlioscopie varie de 0,04 % à 3,7 % selon les études, et atteint 4,8 % si on prend en compte les TOLM. Les caractéristiques macroscopiques per-opératoires des tumeurs malignes de l'ovaire sont rapportées dans le tableau 1.

Maiman (1) dans un étude rétrospective comportant 42 tumeurs malignes non reconnues en per-opératoire rapportait qu'un tiers de ces tumeurs avaient les 4 critères de bénignité que sont : une taille inférieure à 8 cm, le caractère kystique, unilatéral et uniloculaire. Dans 25 % des cas, ces tumeurs n'avaient que 3 des 4 critères sus-cités. Nicoloso et Blanc (2) dans une étude multicentrique française comportant 5307 cœlioscopies réalisées pour kystes de l'ovaire retrouvaient 78 tumeurs malignes de l'ovaire dont 18 cancers invasifs et 60 TOLM. Sur ces 78 tumeurs, 33 % respectaient les 4 critères de bénignité.

De l'analyse de ces 2 études, il apparaît que 67 % des tumeurs mesuraient moins de 8 cm et que 40 % seulement étaient uniloculaires. Ceci démontre la difficulté du diagnostic per-opératoire de tumeurs malignes de l'ovaire. En effet, la cœlioscopie est prise en défaut dans 59 % des cas dans l'étude de Micoloso-Blanc. Crawford (3) retrouve également 59 % de faux négatif lors de la coelioscopie sur 29 tumeurs malignes ou TOLM. L'étude de Daraï (4) portant sur 25 TOLM retrouve 48 % de faux négatifs coelioscopiques redressés par l'analyse histologique définitive.

Nezhat (5) rapporte, sur 1011 masses annexielles opérées par coeliochirurgie, 4 cancers ovariens méconnus et ce malgré le recours à l'échographie, au dosage de CA 125 et de l'examen extemporané.

Histologie des tumeurs malignes de l'ovaire méconnues à la coelioscopie

Elles sont principalement représentées par :

- les cancers épithéliaux invasifs (57 %),

- les TOLM (29 %),

- les tumeurs germinales (10 %)

- et les tumeurs stromales (4 %).

Afin de diminuer le risque de méconnaissance de tumeurs malignes en per-opératoire, certains auteurs préconisent le recours à l'examen extemporané. Si la sensibilité de l'extemporané est proche de 100 % pour les tumeurs bénignes (6), elle est comprise entre 73,7 % et 100 % pour les cancers invasifs (tableau 2). Elle n'est plus que de 44,4 % à 58,6 % pour les TOLM. La difficulté du diagnostic histologique extemporané s'explique par la coexistence de secteurs bénins, borderline et prolifératifs au sein de la même tumeur ainsi que par le volume important de ces tumeurs. L'examen histologique extemporané est donc lui aussi parfois pris en défaut.

LES CONSÉQUENCES DU TRAITEMENT COELIOSCOPIQUE D'UN CANCER OU D'UNE TOLM MECONNUE.

Le retard au diagnostic du cancer ou d'une TOLM de l'ovaire est lourd de conséquences du fait :

- d'une stadification de la maladie non faite ou incomplète,
- d'un geste thérapeutique inadapté,
- du risque de dissémination et de contamination pariétale,
- du retard au traitement curatif.

Stadification de la maladie

La prise en charge chirurgicale d'un cancer de l'ovaire implique quelque soit la voe d'abord chirurgicale : une exploration complète de la cavité péritonéale et en particulier de l'ovaire controlatéral, du péritoine pariétal et viscéral, de tout l'intestin grêle, des coupoles diaphragmatiques, des aires ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques. La coelioscopie ne permet pas toujours, et à fortiori si le diagnostic de tumeur maligne n'est pas fait, une telle exploration. Le risque est donc de sous-stader la maladie.

Le geste thérapeutique

Lorsque le kyste ovarien est jugé bénin, on réalisera le plus souvent une kystectomie, voire une annexectomie s'il s'agit d'une femme en péri-ménopause ou ménopausée, ou encore une simple ponction si le kyste semble être fonctionnel. Maiman (1) et Blanc (2) ont montré que pour ces tumeurs méconnues, le geste était inadapté voire délétère dans 71 à 74,4 % des cas (ponction ou éxérèse partielle de la tumeur). L'éxérèse est complète dans seulement 25, 6 à 29 % des cas.

Daraï (7) lors du congrès international de gynécologie endoscopique de Paris en juin 1996, à partir d'une revue de la littérature colligeant 945 TOLM de stade I, rapportait que le taux de récidive était de :

- 8,3 % en cas de traitement radical (54/651)

- 7,7 % en cas d'annexectomie (16/207)

- 18,4 % en cas de kystectomie (16/87)

Par ailleurs, lors d'une kystectomie, le risque de dissémination parait plus important du fait du taux élevé de ruptures de kyste lors de la dissection. Toutefois, à la décharge de la coelioscopie, la tumeur peut-être également méconnue et traitée de la même façon par laparotomie. De plus, le taux de rupture per-opératoire de tumeurs ovariennes par laparotomie n'est pas nul.

Impact de la rupture per-opératoire.

Il est essentiel de connaître l'impact de la rupture per-opératoire d'un cancer stade Ia méconnu sur la survie des patientes.

Pour Sjövall (8), la rupture per-opératoire d'un cancer kystique n'aggrave pas la survie des patientes de façon significative (tableau 3) à condition que soit réalisé un lavage abondant de la cavité abdominale et qu'un traitement adapté au type histologique de la tumeur soit effectué. Par contre, la rupture pré-opératoire, la présence de végétations exokystiques et d'une ascite sont associées à une diminution de la survie globale. Pour Saint de la Cuesta (9), sur une série rétrospective de 79 patientes présentant un cancer ovarien de stade Ia, retrouvait une diminution de la survie pour les patientes ayant eu une rupture per-opératoire de la tumeur (p=0,04) (figure 1). De plus, les femmes ayant une rupture per-opératoire avaient une survie équivalente à celle présentant d'emblée un cancer de stade Ic.

Contamination pariétale

Ce risque est propre à la coeliochirurgie. Il s'agit donc de greffe tumorale dans la paroi abdominale antérieure, sur le trajet des orifices de trocards. C'est un phénomène que nous connaissions déjà avec l'endométriose. Dans le cas présent, il faut considérer ces greffes comme de véritables métastases.

Nduka (10) a colligé 18 cas de métastases pariétales sur les orifices de trocart. Pour les adénocarcinomes ovariens, le délai de diagnostic de cette métastase variait de 8 jours à 3 semaines.

Le délai de contamination pariétale semble plus long pour les TOLM. En effet, Shepherd (11) retrouve un délai moyen de 6 semaines. Ces cas de contamination pariétale démontrent bien la nécessité d'extraire les pièces opératoires de façon protégée, soit dans un sac, soit par un trocart de plus grand diamètre.

Le retard au traitement

Si le chirurgien n'est pas alarmé par l'aspect macroscopique du kyste, l'analyse histologique se fera selon la procédure habituelle, sans urgences. C'est pourtant l'anatomo-pathologie qui redressera le diagnostic et permettra d'adapter la thérapeutique chirurgicale aux données histologiques. Les délais de reprises varient sensiblement de 4,8 (1) à 11 (2) semaines entre la cœlioscopie et le 2ème temps chirurgical. Cette perte de temps engendre un retard au traitement chirurgical, mais aussi au démarrage de la chimiothérapie post-opératoire si la tumeur est infiltrante. Toutefois, il convient de souligner que les délais de reprise sont similaires et que la première intervention soit réalisée par cœlioscopie ou par laparotomie.

PRÉCAUTIONS

Le bilan pré-opératoire

Il comprend un dosage sérique de CA 125, CA 19-9 et une échographie pelvienne de bonne qualité.

Le dosage sérique n'est ni sensible, ni spécifique, nous l'avons vu, mais il permettra d'orienter le chirurgien.

L'échographie par voie vaginale permet une meilleure analyse de la structure du kyste en particulier de la paroi kystique, des cloisons et des végétations.

La place du Doppler couleur dans l'étude de la vascularisation du kyste est en cours d'évaluation.

Par contre, le scanner et l'IRM ne semblent pas améliorer la valeur du diagnostic pré-opératoire, par rapport à l'échographie trans-vaginale.

L'exploration per-opératoire de la masse ovarienne

Elle doit être réalisée avec minutie lors du premier temps de la cœlioscopie à la recherche des critères de malignité (tableau 4) faisant suspecter la tumeurs.

Si un de ces 7 critères est présent, il est indispensable de demander un examen extemporané de la tumeur. Si l'examen conclut à une tumeur invasive, il faudra faire une laparotomie et le traitement radical dans le même temps opératoire, par une incision adaptée, ce dont la patiente doit toujours être prévenue.

Précautions lors du traitement coelioscopique des kystes de l'ovaire.

Il faut opérer ces patientes en gardant à l'esprit que tout kyste de l'ovaire est potentiellement malin.

- Pratiquer une cytologie ou à défaut une cytologie lavage péritonéale permettant le cas échéant de connaître la dissémination péritonéale microscopique. Elle doit être faite avant tout geste d'exérèse.

- En cas de kystectomie, il faut la réaliser à kyste fermé, en sachant toutes les difficultés et les écueils que cette technique implique.

- Bien sûr, la pièce d'exérèse doit être extraite de manière protégée dans un sac d'extraction, ou par un trocart de 10 mm si la pièce est de petit volume.

- Une fois la pièce extraite, il faut l'ouvrir pour rechercher des végétations endokystiques.

- Au moindre doute, il faut demander un examen extemporané du kyste. Si cela n'est pas possible, ou peu contributif, il convient d'obtenir une analyse histologique en 48 à 72 heures.

Ceci implique certes un traitement différé en cas de positivité mais dans des délais acceptables, ne dépassant pas une semaine.

Canis (12) propose une conduite à tenir (figure 2) sans recours à l'examen extemporané. Seuls les critères macroscopiques participent à la décision de poursuivre le traitement coelioscopique ou de laparoconvertir. Le risque d'un tel arbre décisionnel est d'engendrer des kystes finalement bénins. Pour notre part, nous préconisons une attitude thérapeutique tenant compte de l'âge de la patiente et des données histologiques. La figure 3 résume l'attitude que nous proposons quand le diagnostic de cancer de l'ovaire stade Ia est fait en post-opératoire. Si la patiente a plus de 40 ans : le traitement radical est préconisé : hystérectomie totale non conservatrice, omentectomie voire curage pelvien et lombo-aortique, sans omettre la résection des orifices de trocard.

La figure 4 résume la conduite à tenir que nous adoptons en cas de découverte post-opératoire d'une TOLM. Chez les femmes jeunes, désireuses de grossesse, nous ne réaliserons qu'une annexectomie associée à une cytologie et des biopsies péritonéales, une éxérèse des orifices de trocard. Ce traitement conservateur ne peut être préconisé que si une surveillance peut être envisageable.

CONCLUSION

La coeliochirurgie a prouvé son efficacité dans la prise en charge des tumeurs annexielles. Toutefois, elle ne saurait éliminer le risque de prise en charge de tumeurs malignes non reconnues en per-opératoire. Le "Primum non macere" ne sera respecté qu'au prix de la méfiance à chaque étape du diagnostic et du traitement coelioscopique des tumeurs ovariennes.

REFERENCES

1 - Maiman M, Seltzer V, Boyce J :

Laparoscopic excision of ovarian neoplasms subsequently found to be malignant. Obstet. Gynecol. 77, 563-565, 1991.

2 - Nicoloso E, d'Ercole C, Boubli L, Blanc B :

Tumeurs borderline et cancers de l'ovaire : évaluation coelio-chirurgicale. La Presse Médicale, 31, 1421-1424, 1995.

3 - Crawford RAF, Gore ME, Shepherd JH :

Ovarian cancers related to minimal access surgery. British Journal of Obstetrics and Gynaecology, 102, 726-730, 1995.

4 - Daraï E, Teboul J , Walker F, Benifla JL, Meneux E, Guglielmina JN, Pennehouat G, Renolleau C, Sebban E, Madelenat P :

Epithelial ovarian carcinoma of low malignant potential. European Journal of Obstetrics and Gynecology and Reproductive Biology, 66, 141-145, 1996.

5 - Nezhat F, Nezhat C, Charles E, Welander Benigno B :

Four ovarian cancers diagnosed during laparoscopic management of 1011 women with adnexal masses. Am. J. Obstet. Gynecol. 167, 790-797, 1992.

6 - Rose PG, Rubin RB, Nelson BE, Hunter RE, Reale FR :

Accuracy of frozen-section (intraoperative consultation) diagnosis of ovarian tumor. Am. J. Obstet. Gynecol. 171, 823-826, 1994.

7 - Daraï E, Madelenat P :

Unexpected findings during and after laparoscopic traitment of ovary cancer. Management International Congress of Gynecological Endoscopy. Paris, June 7-8, 1996.

8 - Sjövall K, Nilsson B, Einhorn N :

Different types ot rupture of the tumor capsule and the impact on survival in early ovarian carcinoma. Int. J. Gynecol Cancer. 4, 333-336, 1994.

9 - Sainz de la Cuesta R et coll. :

Pronostic importance of intraoperative rupture of malignant ovarian epithelial neoplasms. Obstet. Gynecol. 84, 1, 1-1, 1994.

10 - Nduka CC, Monson JRT, Menzies-Gow N, Darzi A :

Abdominal wall metastases following laparoscopy. British Journal of Surgery, 81, 648-652, 1994.

11 - Shepherd JH, Carter PG :

Wound recurrence by implantation of a borderline ovarian tumor following laparoscopic removal. Br. J. Obstet. Gynecol. 101, 265-266, 1994.

12 - Canis M, Mage G, Pouly JL, Wattiez A, Manhes H, Bruhat MA :

Laparoscopic diagnosis of adnexal cystic masses : a 12 year experience with long-term follow-up. Obstet. Gynecol. 83, 707-712, 1994.