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1994 > Infertilité > Infertilité masculine  Telecharger le PDF

Les stérilités masculines : jusqu'où peut-on reculer le seuil?

A. Van Steirteghem , P Devroy , I. Liebaers , M. Camus , C Janssenwillen , j Liu et H Joris

La fécondation in vitro (FIV) et le transfert embryonnaire se sont révélés être des techniques fiables comme thérapeutique pour des couples infertiles en cas de pathologie tubaire, idiopathique ou andrologique. Néanmoins, dans un certain nombre de cas d'infécondité masculine sévère la FIV échoue dû au pourcentage restreint d'ovocytes fécondés (0 à 5%) après insémination avec des spermatozoides mobiles. Les paramètres du spermogramme sont parfois tellement altérés (moins de 500.000 spermatozoïdes mobiles dans l'éjaculat) qu'un traitement par FIV classique est impossible. Des travaux récents ont montré que certaines techniques de fécondation assistée peuvent rémédier à ce problème: (1) la dissection de la zona pellucide, "partial zona dissection" (1), (2) l'insémination de quelques spermatozoïdes dans l'espace périvitellin à l'aide d'une micropipette, "subzonal insemination - SUZI- (3-6, 8, 18) et plus récemment (3) l'injection directe d'un seul spermatozoïde dans le cytoplasme de l'ovocyte , "intracytoplasmic sperm injection -ICSI- (2, 9, 10, 16, 17).

Dans la présente communication nous rapportons notre expérience, 750 cycles consécutifs de traitement par SUZI et ICSI, ainsi que le résultat de l'application de l'ICSI en routine dans le cas où les paramètres du spermatogramme sont très altérés.

Criteres d'inclusion pour traitement par ICSI ou SUZI

Au Centre de Médecine de la Reproduction les couples sont traités par fécondation assistée si (1) la FIV a échoué parce que moins de 5% des ovocytes étaient fécondés ou (2) les paramètres du spermogramme étaient trop altérés pour la FIV classique puisque moins de 500.000 spermatozoïdes mobiles étaient présents dans l'éjaculat. Avant d'être inclus dans le programme de fécondation assistée, les couples ont reçu une information détaillée concernant la nouveauté des procédures ICSI et SUZI. Les couples ont accepté de recourir au diagnostique anténatal en cas de grossesse et de participer à une étude prospective du suivi des enfants nés après SUZI et ICSI. Les protocoles de SUZI et ICSI ont été approuvés par le Comité d'Ethique de la Faculté de Médecine et de l'Hôpital Universitaire.

Resultats de 750 cyles de suzi et d'icsi

Les détails de l'insémination sub-zonale et de l'injection intra-cytoplasmique d'un seul spermatozoïde ont été rapportés en détails dans des publications récentes de notre Centre (16, 17). Les patientes ont été stimulées par l'association d'analogues de la GnRH (protocole long) et l'HMG et l'HCG (11, 12). Peu de temps après le recueil ovocytaire, pratiqué par ponction échoguidée, les ovocytes sont délicatement décumulisés et décoronisés à l'aide d'un traitement enzymatique à l'hyaluronidase et d'une action mécanique grâce à une pipette en verre effilée. La sélection des spermatozoïdes comprend une migration sur deux ou trois couches de gradient de Percoll. Les techniques de SUZI et d'ICSI ont été pratiquées sur des ovocytes en métaphase II par des techniques de micromanipulation (micromanipulateurs et microinjecteurs de Narishige montés sur un microscope inversé Diaphot de Nikon) environ 4 à 6 heures après le recueil ovocytaire. Dans le cas de la technique SUZI trois à cinq spermatozoïdes ont été injectés dans l'espace périvitellin. Pour l'ICSI, un seul spermatozoïde est aspiré dans la pipette d'injection (diamètre interne de 5 µm) et injecté dans le cytoplasme de l'ovocyte avec 1 ou 2 pl de milieu de culture.

Le nombre d'ovocytes en métaphase II soumis à la fécondation assistée était de 3.287 pour la SUZI et de 3.944 pour l' ICSI. La moyenne du nombre d'ovocytes en métaphase II par cycle était 9,6. Environ 16 à 18 heures après SUZI et ICSI les ovocytes sont examinés sous le microscope inversé (magnification X400) pour évaluer si les ovocytes ont été abîmés par la procédure d'injection et pour évaluer le nombre de globules polaires et de pronuclei. Le pourcentage d'ovocytes intacts après SUZI (92%) est plus élevé qu'après ICSI (86%). Une diminusion progressive du nombre d'ovocytes abîmés lors de l'ICSI est à noter; ceci en fonction de l'expérience de l'équipe de micromanipulation. Au début, environ un quart des ovocytes étaient abîmés; avec la pratique, le taux d'ovocytes lésés atteint 10 à 15% des ovocytes injectés.

Le taux de fécondation normale (présence de deux globules polaires et de deux pronuclei) était plus élevé après ICSI qu'après SUZI: 55% des ovocytes intacts étaient normalement fécondés après ICSI par rapport à 17% des ovocytes intacts après SUZI. Après 24 heures de culture in vitro le taux de clivage embryonnaire était légèrement supérieur aprés SUZI (80%) qu'après ICSI (75%). Les embryons étaient considérés comme transférables, si les ovocytes à 2 PN s'étaient divisés au moins une fois et si le pourcentage de fragments anucléés était inférieur à la moitié du volume de l'embryon (13).

Le transfert d'au moins un embryon était possible dans 74% des 750 cycles (556 transferts embryonnaires). Ce taux de transfert peut être considéré comme élevé dans des couples qui n'avaient pas eu de fécondation lors d'un, deux ou plusieurs cycles de FIV classique ou qui ne pouvaient pas être acceptés pour un traitement de FIV standard. Le taux de fécondation normale plus élevé après ICSI et le taux de clivage embryonnaire similaire après les deux procédures avaient comme conséquence un plus grand nombre d'embryons étaient disponibles pour transfert après ICSI qu'après SUZI. Un transfert de trois embryons était possible dans 19% des cycles SUZI et dans 56% des cycles ICSI.

Les résultats des transferts d'embryons obtenus par SUZI, ICSI ou une combinaison de SUZI et ICSI a été résumé dans le tableau 2. Comme les résultats de la fécondation et le clivage embryonnaire le laissaient prévoir, le nombre moyen d'embryons transférés était 1,5 après SUZI, 2,4 après ICSI et 2,2 quand des embryons SUZI et ICSI étaient replacés. Le succès ou l'échec des transferts était évalué en trois étapes: (1) le nombre total des implantations, y compris les avortements précliniques, (2) le nombre de sacs foetaux et (3) le nombre d'implantations avec activité cardiaque foetale.

Le taux d'implantation par embryon transféré était toujours plus élevé pour les embryons obtenus par ICSI que pour les embryons obtenus par SUZI. Le taux d'implantation plus élevé après ICSI peut être expliqué par le plus grand nombre d'embryons disponibles, ce qui permet une meilleure sélection des embryons qui vont être transférés. Le pourcentage de sacs d'implantation avec activité cardiaque foetale est similaire au taux d'implantation observé dans notre programme de FIV classique (14, 15). Le taux de grossesse par transfert embryonnaire était de 15% après transfert d'embryons obtenus après SUZI, 20% après transfert d'un mélange d'embryons obtenus après SUZI et ICSI et de 37% après transfert d'embryons obtenus après ICSI.

Le pourcentage de grossesses cliniques ou le pourcentage d'accouchements était de 9,6% après replacement d'embryons obtenus par SUZI, 16,0% après replacement d'embryons obtensus après SUZI et ICSI et de 27,4% après replacement d'embryons obtenus par ICSI.

Le 15 octobre 1993, le nombre d'enfants nés après SUZI et ICSI était (1) 21 enfants après replacement d'embryons SUZI, (2) 10 enfants après replacement d'un mélange d'embryons SUZI et ICSI et (3) 199 enfants après replacement d'embryons obtenus par ICSI. Jusqu'à présent nous avons obtenus 166 karyotypes normaux après amniocentèse ou ponction de villosités chorioniques. Le suivi des enfants nés au 15 octobre 1993 a révélé la présence de cinq anomalies congénitales majeures: (1) un enfant avec une fente palatine et labiale et une duplication des calyces rénaux, (2) un enfant d'une grossesse triple avec une hydranencéphalie; cet enfant n'était pas vivant au moment de l'accouchement tandis que les deux autres enfants étaient en excellente santé, (3) et (4) deux enfants d'une grossesse gémellaire avec une fente palatine et (5) un enfant avec une hernie inguinale et ombilicale.

Il faudra attendre les résultats du follow-up prospectif de beaucoup plus d'enfants nés après ICSI avant de pouvoir juger l'inocuité de la procédure ICSI.

ICSI en tant que procedure de routine de fecondation assistee

Les résultats de ces 750 cycles de traitement de SUZI et ICSI ainsi que les résultats d'une étude controllée comparant SUZI et ICSI nous a incité à adopter, l'ICSI en tant que traitement de routine de fécondation assistée à partir d'août 1992. Le résultat de 801 cycles d'ICSI appliquée chez des couples qui ne pouvaient être traités par la FIV classique.

Au total 7.907 ovocytes au stade de métaphase II ont été soumis à l'injection intracytoplasmique d'un seul spermatozoïde. Le pourcentage d'ovocytes lésés par l'ICSI était de 11,5%; ce pourcentage est moins élevé que dans les premières séries d'ovocytes traités par ICSI dans notre Centre. Environ deux tiers des ovocytes intacts après l'injection (65,0%) étaient normalement fécondés après ICSI. Ce taux de fécondation avec des spermatozoïdes parfois très déficients est comparable au taux de fécondation en FIV classique chez des couples ayant une stérilité d'origine tubaire.

Après 24 heures de culture in vitro plus que trois quarts (76,2%) de ces oeufs normalement fécondés se sont développés en embryons étant jugés transférables (13). Le nombre d'embryons replacés était réduit à deux; chez les couples considérés comme ayant un risque de grossesse multiple si trois embryons étaient replacés (14, 15). Un transfert embryonnaire était possible dans 728 de ces 801 cycles de traitement. Un taux de transfert de 90,8% peut être consideréré comme très élevé dans ce groupe de patients ayant des caractéristiques de sperme très altérées.

Ces couples n'avaient pas eu de fécondation en FIV classique ou ne pouvaient pas être acceptés pour la FIV puisqu'il n'y avait pas assez de spermatozoïdes mobiles dans l'éjaculat pour considérer que la FIV pourrait avoir une chance de succès raisonnable. Le nombre total de grossesses était de 277 ce qui correspond à un taux 35% de grossesse par cycle. Le nombre de grossesses non-évolutives était 23,8% (66/271). Le nombre de grossesses évolutives était 211 correspondant à 26,3% par cycle.

Resultats d'ICSI en presence de sperme tres deficient

Les résultats d'ICSI en présence de spermatogramme très altéré au point de vue de la densité du sperme, la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes présents dans l'éjaculat ont été résumés dans le tableau A.

Tableau A ICSI avec du sperme très déficient

Caractéristiques

du sperme

Cycles

Ovocytes

injectés

Ovocytes

à 2 PN

Embryons

Transferts

Grossesse

par cycle

Nombre

"0"

16

133

69%

92%

14

38%

< 1 x 106

28

281

58%

76%

27

43%

Mobilité

Type A+B+C = 0

22

247

45%

72%

19

23%

Type A + B = 0

28

237

66%

74%

27

54%

Morphologie

0%

23

233

63%

72%

19

52%

1 - 2%

31

275

59%

74%

30

42%

Ces résultats indiquent clairement que l'ICSI peut donner des résultats remarquables même en présence de sperme extrêmement déficient. Les taux de fécondation, de clivage embryonnaire, de transfert embryonnaire et de grossesse par cycle étaient très élevé après ICSI en utilisant des spermatozoïdes provenant de sperme extrêmement altéré.

Conclusion

Des taux élevés de fécondation et de grossesse peuvent être obtenus après injection d'un seul spermatozoïde dans le cytoplasme des ovocytes pour les couples ayant une infertilité masculine sévère qui ne permet pas un traitement par FIV classique. L'ICSI peut être appliquée chez des patients ayant un spermatogramme très altéré au point de vue concentration, mobilité et morphologie. Jusqu'à présent, les résultats des karyotypes foetaux obtenus après diagnostic anténatal et le suivi prospectif des enfants nés après ICSI n'indique pas une augmentatation des anomalies congénitales. Ces résultats doivent être confirmés dans un plus grand nombre d'enfants.

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Remerciements

Ce travail a bénéficié de l'aide de beaucoup de collègues du Centre: Geertrui Bocken, Bart Desmet, An Vankelecom et Heidi Van Ranst du laboratoire de microinjection; le personnel clinique, scientifique, paramédical et technique des Centres de Médecine de la Reproduction et de Génétique Médicale. La dactylographie a été faite par Nadia Fenners et Viviane De Wolf. Le travail bénéficie de subsides du Fonds de la Recherche Scientifique Médicale.

Centre de Médecine de la Reproduction et 1Centre de Génétique, Hôpital Universitaire de l'Université Libre de Bruxelles Néerlandophone (Vrije Universiteit Brussel), Avenue de Laerbeek 101, 1090 Bruxelles, Belgique