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2002 > Gynécologie > cancers gynécologiques  Telecharger le PDF

Cancer in situ de la vulve - diagnostic et traitement

B. Paniel , B Maiga et B. Blanc

Les carcinomes in situ vulvaires (C.I.S.V.) ou V.I.N. (Vulvar Intraepithelial Neoplasia) de grade 3 ont une remarquable unité histologique sous une grande diversité clinique.

Tous les cancers in situ vulvaires histologiquement confirmés ne deviennent pas invasifs. Pour cette raison, leur traitement n'est pas uniforme. Le C.I.S.V. ou N.I.V. de grade 3 atteint des femmes de plus en plus jeunes. La médiane d'âge est passée de 60 ans entre 1970 et 1974 à 45 ans entre 1975 et 1980 et le rajeunissement ne cesse de s'accentuer (1-2-3).

Histologie

Elle est superposable à celle des dysplasies de haut grade cervicale (CIN 3) et vaginale (VAIN 3). Les C.I.S.V. ou N.I.V. de grade 3 se traduisent par des atypies cellulaires plus ou moins sévères étagées sur toute la hauteur de l'épithélium et ne franchissant pas, par définitition, la membrane basale (4).

Dans un épiderme habituellement recouvert d'une couche cornée épaisse, généralement parakératosique, la maturation normale des kératinocytes est désorganisée. Ces derniers gardent un aspect très basophile sur toute la hauteur du corps muqueux.

Les noyaux sont de forme et de taille inégales, leur chromatine est irrégulièrement répartie et apparaît plus dense que normalement. Il existe de nombreuses mitoses, toutes ces anomalies sont étagées sur toute la hauteur du corps muqueux. Cette lésion histologique caractéristique, stéréotypée, a des expressions cliniques variées que l'on peut schématiser en quatre types.

Clinique

La maladie de Bowen classique

Elle atteint le plus souvent la femme ménopausée (moyenne d'âge 55 ans avec des extrêmes allant de 30 à 80 ans) (5). Le début est insidieux, souvent méconnu car asymptomatique, puis la maladie se manifeste par : - dans 50% des cas, un prurit vulvaire modéré, localisé à la zone atteinte, - des brulûres vulvaires - une dyspareunie plus rarement. L'aspect clinique est assez monomorphe.

La lésion est unifocale dans la majorité des cas (86% des cas), paucifocale parfois. Elle siège sur les petites lèvres, les grandes lèvres, la fourchette ou le vestibule. L'atteinte de la région périanale est beaucoup plus rare. Au début, c'est une petite plaque qui : - sur la muqueuse vestibulaire est rouge, brillante, un peu saillante, érythroplasique - en bordure de la zone muqueuse est souvent plus épaisse, blanche, leucoplasique - plus en dehors vers la peau, prend plutôt un aspect maculopapuleux finement papillomateux, de couleur brunâtre ou bleutée.

A un stade plus évolué, la lésion forme un large placard aux limites précises, parfois polylobées, polymorphe, souvent bigarré : érytholeucoplasique, avec une bordure parfois pigmentée. La surface est un peu irrégulière, vallonnée et tend à se fissurer. Elle est plus épaisse par endroits à la palpation.

La constatation d'une telle lésion impose absolument une biopsie. Le test de Collins au bleu de toluidine peut être utile pour guider la biopsie et rechercher d'autres foyers bowéniens débutants par la persistance des taches bleues après lavage de la vulve et du périnée au sérum physiologique. Ce test est malheureusement peu fiable, donnant des erreurs par excès (parakératose) et par défaut.

Diagnostic différentiel, il est sémeiologique car toutes les lésions doivent être biopsées : . Les autres lésions blanches hyperplasiques, hyperplasie épithéliale, dystrophie hypertrophique. . Le lichen scléreux vulvaire localisé . Le lichen plan . La maladie de Paget : elle peut se traduire par des lésions érythroleucoplasiques plus eczématiques . L 'érythroplasie inflammatoire type Zoon

Evolution

La maladie de Bowen vulvaire n'a aucune tendance à la régression spontanée. L'extension superficielle, en surface, progresse lentement. Elle peut rester muqueuse ou devenir cutanée et atteindre le périnée voire la région périnéale. L'extension en profondeur : la micro-invasion puis l'invasion du derme sous-jacent est toujours à craindre. Sa fréquence est de 4 à 40%. Ce potentiel évolutif apparaît corrélé avec l'âge. Les carcinomes évolutifs étant exceptionnels avant 45 ans. La présence d'une zone nodulaire ou infiltrée à la palpation doit faire craindre cette éventualité.

La papulose bowénoïde.

Elle survient le plus souvent chez la femme jeune en période d'activité génitale (moyenne d'âge 30 ans avec des extrêmes allant de 19 à 66 ans). Quelques cas ont même été décrits chez l'enfant. Le début est insidieux ou au contraire éruptif. Les lésions sont multifocales, multicentriques, dispersées dans plus de 70 % des cas, affectant non seulement la vulve, les plis génito-cruraux, le périnée, la marge anale voire les fesses. Plus rarement, elles sont regroupées en une zone vulvo-périnéale ou forment par confluence des nappes aux limites imprécises, mamelonnées et aux couleurs bigarrées (5-6). Cliniquement, les lésions sont polymorphes : .

Les lésions papuleuses sont saillantes, sans caractère accuminé de couleur variable : grise, rose et surtout pigmentées. . Les lésions exophytiques voire pédiculées sont proches des condylomes mais sans caractère acuminé. Leur coloration est rosée ou pigmentée. Elles peuvent être confondues avec des verrues séborrhéiques . Les lésions leucokératosiques se présentent comme de petites plaques ayant un caractère plus opalin et plus transparent que les lésions leucoplasiques.

Diagnostic différentiel

La papulose bowénoïde doit être distinguée des lésions condylomateuses bénignes. Dans les condylomes les éléments exophytiques prédominent tandis que dans la papulose bowénoïde ce sont les lésions papuleuses, condylomes typiques et papulose bowénoïde peuvent être associés.

Evolution

L'évolution de la papulose bowénoïde est habituellement lente et bénigne. Des régressions spontanées peuvent même s'observer, en particulier après un accouchement. Cette évolution favorable est toutefois rare et ne dispense nullement d'un bilan clinique et para-clinique complet et d'une surveillance régulière. Habituellement cependant l'évolution est moins favorable. Les lésions peuvent rester stables, peu nombreuses ou au contraire s'étendre, devenir diffuses en vastes placards mamelonnés et bigarrés. L'extension en profondeur est exceptionnelle. Quelques rares cas de transformation invasive ont été signalés chez la femme jeune, chez des femmes immunodéprimées.

Forme extensive de N.I.V. de grade 3

La forme extensive de N.I.V. de grade 3 est rare survenant le plus souvent entre 30 et 40 ans, elle est particulièrement diffuse, étendue à toute la vulve, au périnée et à la région péri-anale et comporte des aspects verrucoïdes érythroplasiques et pigmentés. Elle n'a guère tendance à régresser et résiste à des traitements médicaux type 5 Fluoro Uracile, rétinoïde, interféron. Le pronostic semble en effet plus sévère que celui de la papulose bowénoïde à forme multicentrique et le risque d'invasion et d'évolution mortelle est grand. Elle pose donc de délicats problèmes thérapeutiques et ce d'autant plus qu'elle survient souvent sur un terrain d'imunodépression (5).

4. Les formes occultes. Elles sont invisibles à l'examen de la vulve. Elles s'indidualisent après vulvoscopie sous forme de taches blanches limitées parfois congestives, parsemées de points vasculaires. Elles sont plus rarement pigmentées pouvant correspondre à des macules de type bowénoïde. Leur évolution est stable, elles sont mise en évidence lors d'un bilan vulvo-périnéal chez une patiente présentant une infection à HPV.

Bilan clinique et paraclinique

Comme pour les condylomes vulvaires dont elles partagent le caractère viro-associé, maladie de Bowen classique, papulose bowénoïde et formes occultes nécessitent un triple bilan : 1. Un bilan d'entension comportant : - la palpation des aires ganglionnaires inguinales - un examen gynécologique complet clinique avec frottis de dépistage cervico-vaginaux et colposcopie ; des anomalies du col utérin sont observées dans 50% des cas de papulose bowénoïde et seulement dans 15% des cas de maladie de Bowen. - une anuscopie en cas de lésion périnéale. 2. La recherche d'une M.S.T. L'interrogatoire retrouve des antécédents de condylomes acuminés dans 40% des cas de papulose bowénoïde et dans 5% des cas de maladie de Bowen.

L'examen clinique constate la présence de condylomes acuminés coexistants dans 30% des cas de papulose bowénoïde et dans 11% des cas de maladie de Bowen. 3. L'examen du ou des partenaires retrouve une atteinte à type de condylome ou de papulose bowénoïde dans 30 % de papulose bowénoïde e et dans moins de 5% des cas de maladie de Bowen. Les papillomas virus humains (P.V.H.) sont retrouvés dans 80 à 85% des C.I.S.V. (7-8-9-10-11). - P.V.H. bénins type 6-11 - P.V.H. oncogènes type 16-18-33-39 que ce soit dans la maladie de Bowen qui a une évolution maligne dans 25 à 30 % des cas ou dans la papulose bowénoïde qui dégénère exceptionnellement et s'observe chez des femmes volontiers grande fumeuse (90% des cas), or le tabac est également un facteur carcinogène.

Traitement

1. Le laser CO2 procure de bons résultats mais il dispense de tout contrôle histologique et peut méconnaître une invasion. La radiothérapie classique est contre-indiquée sur la vulve ou le périnée, car elle expose aux risques de radiodermite.

Le traitement de la maladie de Bowen est donc essentiellement chirurgical. Il est indispensable que toute la lésion soit l'objet d'un examen histologique complet pour contrôler les limites de l'exérèse et surtout pour ne pas méconnaître une invasion. (12). Il comporte un temps d'éxérèse et un temps de réparation. L'exérèse doit être complète mais limitée.

Elle n'a pas besoin d'être profonde puisque en principe la lésion n'a pas franchi la membrane basale. Le trait de section doit passer en tissu sain, à 5 millimètres environ des lésions histologiques. Il convient donc avant l'intervention de définir parfaitement la topographie du ou des foyers par la loupe, le colposcope, le test au bleu de toluidine. Le traitement consiste, suivant la topographie et l'importance des lésions, à pratiquer une excision locale large, une hémivulvectomie superficielle, exceptionnellement une vulvectomie subtotale ou totale superficielle. Le second temps de réparation s'efforce de minimiser les séquelles fonctionnelles et esthétiques. La suture primitive permet de rétablir la continuité du revêtement cutanéo-muqueux.

Elle est souvent suivie de désunion et la cicatrisation secondaire peut être hypertrophique et scléreuse, source de disgrâce et de dyspareunie. Pour prévenir la désunion, il faut avoir recours aux autoplasties locales : - lambeau d'avancement vaginal - lambeau d'échange : lambeau en L - lambeau de translation, aux greffes cutanées minces ou de peau totale.

Les récidives s'observent dans 10% des cas lorsque la résection a été faite in sano, dans 50% des cas lorsque les berges sont pathologiques. 2. Le traitement de la papulose bowénoïde doit être encore moins agressif : il comporte soit l'exérèse simple, la vaporisation au laser CO2, un traitement médical, le 5--Fluoro-Uracile à 5% (EFUDIXr). La vaporisation au laser CO2. se fait sur une profondeur de 1 mm en zone non pileuse et de 2MM en zone pileuse par rapport à l'épithélium normal adjacent. Récidives dans 20 à 30 % des cas : elles peuvent être observées 10 ans ou plus après le traitement (13).

Les vulvectomies superficielles totales ne doivent plus être pratiquées chez ces femmes jeunes. Elles seront uniquement réservées aux formes graves de la papulose bowénoïde.

3. Les formes graves relèvent d'un traitement chirurgical : hémivulvectomie ou vulvectomie superficielle pour réaliser une étude biologique précise à la recherche d'une micro invasion associée à une vaporisation au laser CO2 deslésions périphériques.

4. Les formes occultes : doivent bénéficier d'un traitement par vaporisation au laser CO2

Bibliographie

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3. PELISSE M. Cancers vulvaires. Concours Médical, 30, 5, 1987 : 109-21 : 1940-1944.

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