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1995 > Obstétrique > Programmation de l'accouchement  Telecharger le PDF

Programmation de l'accouchement

F. Teurnier

Introduction

Qu'est-ce que la programmation de l'accouchement ?

En première intention, je propose comme définition :

- choisir la date de l'accouchement avec mise en route de celui-ci par un déclenchement du travail; la notion importante c'est le choix du moment, le déclenchement n'étant que le moyen technique.

Il s'agit ici de parler de la programmation de la grossesse normale, personne ne discutant l'indication du déclenchement dans certaines pathologies, comme l'HTA, le diabète, le RCIU...

Aspect médical

Pour que la programmation soit possible il faut que la grossesse réponde à plusieurs critères :

- début de grossesse connu avec précision, (écho)

- pas de contre-indication à la voie basse,

- maturation cervicale correcte : les critères de maturation sont appréciés à l'examen clinique et sont notés généralement par le score de Bishop : égal ou supérieur à 6, la plupart des auteurs considère que le col est mûr, c'est-à-dire déclenchable. De plus en plus quand le col est défavorable, on propose une maturation cervicale par prostaglandines (PREPIDIL intra-cervical ou gel vaginal de PROSTINE).

Reste une condition essentielle l'accord de la patiente et éventuellement de son mari, accord qui doit être le résultat d'une concertation entre les parents et l'équipe obstétricale, mais nous reviendrons sur ce point plus loin.

Au niveau technique, le déclenchement reste le plus souvent classique :

- entrée soit la veille au soir, soit le matin même, suivant les établissements

- être à jeun

pour le déclenchement proprement dit :

- monitoring

- perfusion de syntocinon sous débit contrôlé (pompe ou seringue électrique)

- rupture artificielle précoce des membranes,

- la péridurale est largement pratiquée, la perfusion de SYNTOCINON donnant des contractions utérines plus intenses et rapprochées.

De nombreux articles ont montré qu'avec de bonnes conditions obstétricales (col mûr et terme) il n'y a pas plus de souffrance foetale aiguë et de césarienne que dans les déclenchements spontanés. Pour des équipes de plus en plus nombreuses la grossesse gémellaire est une bonne indication. Par contre il n'y a pas de consensus pour la présentation du siège.

Les autres avantages invoqués sont:

- sécurité du travail : accouchement suivi du début à la fin avec correction quand apparaît une anomalie,

- présence d'un anesthésiste pour la péridurale,

- présence de l'accoucheur choisi par la patiente pour le secteur privé.

Dans certains cas, le déclenchement n'est pas possible :

- quand l'accouchement a lieu avant la date choisie,

- quand le col est défavorable,

- quand il y a refus de la patiente.

Parfois apparaît un problème pendant le déroulement du déclenchement (ex: stagnation) on parle alors "d'échec" du déclenchement: je laisse ce terme à votre méditation!

La programmation pour qui ?

Dans certains cas, ce sera une demande de la femme, les raisons les plus souvent invoquées étant :

- l'absence du mari : femme de VRP, de marin ou d'autres professions nécessitant de nombreux déplacements et qui ont l'envie bien légitime de la présence du père de l'enfant,

- la garde des aînés : s'organiser pour faire venir une grand-mère qui habite loin et qui travaille encore,

- l'éloignement géographique: la fermeture des petites maternités fait que les femmes ont parfois plusieurs dizaines de kilomètres à parcourir et on peut comprendre que 50 kms de nuit avec des contractions n'est pas une idée très réjouissante.

A ces raisons bien compréhensibles et qui méritent d'être prises en compte, les femmes en invoquent parfois d'autres beaucoup moins rationnelles :

- une nécessité de maîtrise des événements, le besoin de s'organiser, de ne pas être pris au dépourvu, en fait une façon d'essayer de répondre à l'angoisse de l'accouchement en le cadrant le plus possible. A la maternité où je travaille on voit de temps en temps des "superwoman" voulant absolument faire entrer leur grossesse dans leur filofax et demandant où elles pourront brancher leur portable durant leur séjour.

- l'exigence d'accoucher un jour précis pour pouvoir partir en vacances à temps ou pour ne pas rater un événement familial important.

On peut tout-à-fait s'interroger sur la pertinence de répondre aux exigences et/ou aux angoisses de ces femmes par une programmation.

Parfois, arrivent des demandes carrément fantaisistes :

- le choix du signe du zodiaque,

- l'accouchement avant le 31/12 pour les impôts.

Mais répondre à ces demandes pour convenances personnelles, ce n'est pas vraiment de la programmation.

Actuellement, la programmation de l'accouchement va être la politique délibérée d'une équipe médicale qui va la proposer systématiquement aux femmes suivies chez elle.

Dans le cadre de cette politique, le travail d'équipe va être primordial. L'obstétricien, la sage femme, aux consultations et aux cours de préparation vont donner toute information concernant la programmation, ses avantages, ses inconvénients et son déroulement. C'est un véritable dialogue qui doit s'instaurer pour que la patiente décide en toute connaissance de cause et donne ou non son accord. Bien sûr tout cela va dépendre des personnalités en présence et de la conviction avec laquelle les arguments seront donnés.

A tous ces arguments qui parlent de la sécurité et du bien être de la mère et de l'enfant, s'ajoute un autre argument qui concerne cette fois l'équipe médicale: l'organisation de la salle de travail et la disponibilité du personnel médical (surtout les sages-femmes) vont en être facilitées. Il s'agit "d'optimiser l'organisation de la naissance" comme le dit le Docteur J. PETER. Mais ne s'agit-il pas également d'obtenir une vie mieux réglée et plus reposante ? Une politique de programmation bien menée va permettre une nouvelle répartition des accouchements dans la journée et dans la semaine. La qualité de vie des médecins et des sages-femmes, moins souvent debout la nuit, va en être améliorée et c'est sûrement un argument à prendre en compte.

A la vue de tout ceci, on devine que dans une équipe pratiquant la programmation, la juste mesure de l'argumentation, l'assurance que la femme va choisir en toute connaissance de cause, l'absence de toute pression, de bonne foi et en toute honnêteté va être bien difficile. Est-on sûr que la femme peut garder son libre arbitre?

Et la sage-femme, que devient-elle?

Dans son livre sur l'accouchement programme, J. PETER écrit :

"il est certain qu'une politique de programmation modifie le rôle de la sage-femme vis-à-vis de la parturiente. Le poids de sa responsabilité est moindre dans la mesure où elle est mieux encadrée et n'a bien souvent plus à prendre de décisions concernant les événements de début de travail. Son rôle va être celui de l'accueil des femmes, de la surveillance du travail, et de la gestion de l'accouchement. Cela n'est pas négligeable et paraît à beaucoup d'entre elles plus rassurant en supprimant tous les stress liés aux admissions en urgence."

Voilà la sage-femme transformée en gentille hôtesse d'accueil, bien encadrée et moins stressée. Cela me semble une vue bien réductrice de son rôle. Dans un accouchement programmé, la femme entrant en salle d'accouchement avant tout début de travail va rester plusieurs heures en salle, d'où un rôle d'accompagnement accru pour la sage-femme. Celle-ci va avoir à suivre, expliquer, rassurer la femme dans les différentes étapes de son accouchement. Monitoring, perfusion et généralement péridurale vont faire partie de l'environnement médical.

Toutes ces techniques, si elles sont nécessaires, doivent être parfaitement maîtrisées pour devenir légères et non iatrogènes. Cela nécessite beaucoup d'expérience et de doigté de la part de la sage-femme : vigilance, attention et rigueur ne devront pas la quitter, mais n'est-ce pas là son lot quotidien?

Conclusion

Si la programmation de l'accouchement représente dans certains cas un progrès nécessaire, un gain de sécurité, une véritable demande de la part des femmes, une attente bien compréhensible de l'équipe médicale, est-ce la bonne solution pour l'accouchement du futur?

Le siècle prochain ne verra-t-il plus que des césariennes et des déclenchements, la femme arrivant spontanément en travail devenant une exception ?

La programmation doit restée bien utilisée, mais en aucun cas devenir systématique. D'ailleurs il persistera toujours une angoisse face à l'accouchement, à son déroulement, à la découverte de ce bébé à venir, à cette séparation à faire, à cette aventure la fois violente et douce.

Bibliographie

1. AUDRA Ph, "En l'absence d'indication médicale sérieuse, faut-il programmer l'accouchement ?", Lettre du Gynécologue, 1994 ; N° 194 : 9 - 10

2. BOISSELIER Ph, PETER J, TROUSLARD D, "La programmation de l'accouchement, Bilan de 5 années d'activité et 1752 déclenchements du travail", J. Gyn. Obst. Biol. Rep. 1991 ; 20 : 1131-40.

3. BREART G, GOUJARD J, MAILLARD et Coll, "Comparaison de deux attitudes obstétricales vis-à-vis du déclenchement artificiel, du travail à terme. Essai randomisé.", J. Gyn Obstet. Biol. Rep. 1982 ; 11 : 107 -12.

4. PETER J, L'accouchement programmé : questions réponses, éditions PSR, 1993

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