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La comparaison avec les enquêtes africaines est plus difficile dans la mesure où, dans ces cohortes, un grand nombre d'enfants décèdent avant que le diagnostic d'infection ne soit fait. Il faut toutefois noter que dans les deux enquêtes menées, l'une au Zaïre et l'autre au Rwanda, les dernières estimations publiées sont peu différents de celles de l'Enquête Pédiatrique Française et des enquêtes américaines. Ainsi les variations initiales observées entre les différentes études ont eu tendance à s'atténuer au fur et à mesure que le nombre de sujets augmentait dans chaque enquête et qu'un certain consensus se faisait sur la méthodologie à utiliser. Outre ces aspects descriptifs, l'infection à VIH de la mère et de l'enfant soulève un certain nombre de questions concernant le moment de la transmission, les mécanismes par lesquels elle s'opère et les facteurs de risque qui la gouverne. le moment de la transmissionLa transmission de l'infection VIH de la mère à l'enfant peut intervenir aux périodes pré-, per- et/ou postnatales. Des arguments ont été évoqués dans la littérature pour une contamination possible à chacune de ces étapes. L'hypothèse d'une transmission précoce, in utero, a été soulevée essentiellement après isolement du virus à partir de tissus foetaux (1). Ces analyses sont toutefois soumises à un fort risque de contamination par du sang maternel. La présence d'une charge virale élevée, dès la naissance, chez 10 à 20% des enfants infectés plaide également pour la possibilité d'une réplication virale débutant in utero. D'autre part, l'incapacité de détecter du virus à la naissance par des techniques virologiques extrêmement sensibles chez des enfants qui se révéleront en définitive infectés suggère une transmission tardive (2). L'absence de morbidité périnatale et la normalité des paramètres immunologiques à la naissance chez la plupart des enfants vont dans le même sens. Enfin, une étude réalisée sur des jumeaux(3), où un risque significativement plus élevé pour le premier né que pour le second est observé, semble indiquer une contamination intra-partum. On a pu récemment(4), à partir de données virologiques et sérologiques fines recueillies chez des nouveau-nés, estimer par un modèle mathématique de type markovien la fréquence de la transmission en fonction des différents stades de la grossesse: 65% des enfants seraient ainsi contaminés le jour de leur naissance. Les 35% restants l'auraient été in utero mais pour la majorité d'entre eux (95%) dans les 2 mois précédant l'accouchement. D'autre part, Y. Brossard a réalisé des analyses par PCR sur une centaine de thymus de foetus de femmes séropositives et obtenu aucun résultat positif (5). Pour les contaminations postnatales, il est maintenant admis que la seule voie possible reste l'allaitement maternelle. les facteurs de risqueL'Enquête Pédiatrique Française a été la première (6) à mettre en évidence une augmentation du risque de transmission pour les enfants allaités. Ce résultat depuis a été confirmé par d'autres équipes et par une meta-analyse parue en 1992 (7). La preuve d'une contamination par cette voie a été apportée par quelques cas de femmes séronégatives à l'accouchement qui ont infecté leur enfant après une séroconversion et par une enquête menée au Rwanda (8) où 9 des 16 enfants dont les mères se sont positivées après l'accouchement ont été infectés. Le stade de l'infection, facteur de risque dans les autres modes de transmission a aussi été très tôt suspecté. Les résultats obtenus ont d'abord été contradictoires pour l'ensemble des marqueurs étudiés : état clinique, antigénémie P24 ou nombre de CD4, contradiction en grande partie expliquée par la faiblesse des effectifs inclus dans les différentes études. Dans l'Enquête Pédiatrique Française, la relation est nette avec l'ensemble de ces caractéristiques (9). Le taux de transmission augmente significativement avec la progression de la maladie chez la mère et cette augmentation est déjà sensible entre le stade II et III (classification CDC) de la maladie. Les femmes qui ont une antigénémie positive ont trois fois plus de risque de transmettre le virus et le risque de transmission est d'autant plus élevé que le nombre de CD4 est plus bas. Cette augmentation est régulière tout au long de la distribution des CD4. Les sous-populations lymphocytaires CD8+, moins souvent étudiées et dont la variation au décours de l'infection VIH reste un sujet controversé, sont aussi significativement liées au risque de transmission dans cette étude; les mères qui ont transmis le virus ayant un pourcentage plus élevé que celle qui ne l'ont pas transmis. D'autre part, une relation nette avec l'âge maternel est retrouvée. Le risque augmente graduellement avec l'âge ce qui renforce la plausibilité de cette corrélation. Toutefois, les donnés n'ont pas permis de savoir si l'âge était un facteur per se ou s'il n'était que le reflet de l'ancienneté de l'infection chez la mère. L'ensemble de ces résultats figurent au tableau 2. Au fur et à mesure que des données s'accumulaient en faveur de l'hypothèse d'un pourcentage important de contaminations au moment de l'accouchement, l'attention des différents investigateurs s'est portée sur l'étude des facteurs obstétricaux. Le vieux débat sur l'opportunité d'un recours à la césarienne, pour éviter les microtransfusions materno-foetales survenant au moment des contractions utérines du travail ou le contact direct du foetus lors du passage dans les voies génitales, a été relancé. D.Dunn (10) regroupant les données de 11 études (cf. tableau 3) a pu calculer un oddratio global de 0,80 à la limite de la signification, suggérant un rôle protecteur de la césarienne. Toutefois, ce type d'analyse présentait l'inconvénient de ne pas tenir compte d'éventuels facteurs de confusion. D'autre part, les résultats constatés dépendaient largement de ceux obtenus dans les deux enquêtes qui représentaient les deux tiers des effectifs inclus : l'Enquête Européenne et l'Enquête Française. Or dans ces deux enquêtes les résultats sont contradictoires. Dans l'Enquête Européenne, le taux de transmission est deux fois plus élevé dans le cas d'un accouchement par voie basse. Dans l'Enquête Française, il est identique quel que soit le mode d'accouchement. Les résultats restent inchangés dans les 2 enquêtes après prise en compte des autres facteurs. Seul un essai thérapeutique permettrait d'obtenir une réponse assurée. v la prévention de la transmissionEn dépit des difficultés que pourrait rencontrer la réalisation d'un tel essai, il commence à être sérieusement envisagé au niveau européen et peut être même international. D'autres mesures, telles que la désinfection des voies génitales par des produits antiviraux rencontrent aussi des adeptes. Ces mesures devront être évaluées dans le nouveau contexte créé par les récents résultats de l'essai franco-américain ACTG 076/ANRS 024. Cet essai dont le but était de juger de l'efficacité de l'AZT, administré à la femme enceinte et au nouveau-né, pour réduire la transmission a été arrêté après la première analyse intermédiaire; les résultats étaient probants: chez les couples mère-enfant traités, le taux de transmission étaient de 8% contre 25% pour ceux ayant reçu le placebo. Enfin l'immunothérapie passive par immunoglobulines polyclonales ou anticorps monoclonal et/ou d'autres traitements anti-retroviraux pourraient constituer une approche complémentaire. conclusion Au cours des dix années qui ont suivi les premières descriptions de cas de SIDA pédiatrique des connaissances ont été acquises dans le domaine de la transmission foetale du VIH. Des enquêtes épidémiologiques ont permis d'appréhender l'étendue du phénomène en estimant des prévalences chez la femme enceinte et des taux de transmission et en identifiant des facteurs de risque. Des méthodes de diagnostic précoce ont été mises au point qui identifient, dès la naissance, 30 à 40% des enfants infectés et la plupart d'entre eux (95%) à l'âge de 3 mois. La fréquence de la transmission en fonction du moment commence à se préciser. Enfin un pas important a été franchi avec la mise en évidence de l'efficacité de l'AZT dans le domaine de la prévention. En dépit de ces progrès, beaucoup reste encore à faire. L'un des principaux sujets de préoccupations est certainement de trouver les moyens de faire profiter les plus pays défavorisés qui payent le plus lourd tribut à l'épidémie VIH de ces résultats encourageants. RÉSUMÉ L'incidence du VIH chez l'enfant né de mère séropositive dépend
étroitement du nombre de femmes infectées qui mènent leur grossesse à terme, du taux
de transmission et de la distribution des facteurs de risque chez les femmes qui
accouchent. Différentes estimations de prévalence ont été faites dans les pays
européens et aux Etats-Unis qui se situent entre 0,3 et 1%. Pour l'Afrique
sub-saharienne, elles varient entre 5 et 30% dans les zones urbaines. En France,
on peut estimer, à partir de 4 enquêtes, que chaque année 600 à 700 enfants
naissent de mère infectée par le VIH en France métropolitaine. Plus de la moitié de
ces enfants sont suivis au sein de l'Enquête Pédiatrique Française. Dans cette
enquête, le taux de transmission est resté extrêmement stable de 1986 à 1993 autour de
20%. Des valeurs similaires ont été retrouvées dans différentes enquêtes
menées aux Etats Unis, en Europe et même en Afrique. Les facteurs maternels les plus
étudiés sont le stade clinique de la mère, le taux deÊCD4/mm3, l'existence ou non
d'une antigénémie P24 et l'allaitement et il est maintenant bien établi qu'ils
influencent la transmission périnatale du VIH. Des arguments ont été évoqués
pour une contamination possible aux périodes pré-, per et/ou postnatales. Cependant des
données en faveur d'une prédominance du passage tardif péripartum se sont accumulées
récemment qui ont relancées l'étude des facteurs obstétricaux et le vieux débat sur
le rôle éventuellement protecteur de la césarienne. Ainsi après le premier pas franchi
par l'essai ACTG 076 ANRS 024 démontrant l'efficacité de l'AZT dans le
domaine de la prévention de la transmission, l'évaluation d'une nouvelle mesure
-l'accouchement par césarienne- commence à être envisagée. TABLEAUX
d'après F. DABIS et al. Ghent worshop, Sept 1993 Tableau 2 : Taux de transmission et
caractéristiques maternelles
Tableau 3 : Taux de transmission et mode
d'accouchement
d'après D. DUNN et al. 1994 BIBLIOGRAPHIE 1. SPRECHER S, SOUMENKOFF G, PUISSANT F, DEGUELDRE M. Vertical transmission of HIV in 15 weeks fetus. Lancet 1986;ii:288-89 2. BURGARD M, MAYAUX MJ, BLANCHE S et al. The use of viral culture and P24 antigen testing to diagnose human immunodeficiency virus infection in neonates. N Engl J Med 1992;327(17):1192-97 3. GOEDERT JJ, DULIÈGE AM, AMOSCI et al. High risk of HIV1 infection for first born twins. Lancet, 1991;338:1471-75. 4. ROUZIOUX C, COSTAGLIOLA D, BURGARD M et al. Timing of mother-to-child HIV-1 transmission depends on maternal status. AIDS 1993;7 (suppl 2):S49-S52. 5. BROSSARD Y, BIGNOZZI C, MANDELBROT L et al. PCR prevalence of HIV in 99 fetal thymus at midgestation [Abstract PO-BOJ-1038]. In : Program and abstracts of the IXÊInternational Conference on AIDS, Berlin, Germany, June 1993. 6. BLANCHE S, ROUZIOUX C, GUIHARD-MOSCATO ML et al. A prospective study of infants born to women seropositive for human immunodeficiency virus type 1. N Engl J Med 1989;320(25):1643-48. 7. DUNN DT, NEWELL ML, ADES AE, PECKHAM CS. Risk of human immunodeficiency virus type 1 transmission through breast-feeding. Lancet 1992;340:585-88. 8. VAN DE PERRE P, SIMONO A, MSELLATI P et al. Postnatal transmission of human immunodeficiency virus type 1 from mother-to-infantÊ: a prospective cohort study in Kigali, Rwanda. N Engl J Med 1991;325(9):593-98. 9. MAYAUX MJ, BLANCHE S, ROUZIOUX C et al. Maternal factors associated with perinatal HIV-1 transmission. The French Cohort Study : 7 years of follow up. J Acquir Immune Defic Syndr (in press). 10. DUNN D, NEWELL ML, MAYAUX MJ et al. Mode of delivery and
vertical transmission of HIV-1 : A review of prospective studies. J Acquir Immune
Defic Syndr 1994;7:1064-66. Marie-Jeanne MAYAUX INSERM U292, Les Cabanons, Hôpital Bicêtre 94275 Kremlin Bicêtre Cédex : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995 |