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introduction C'est une évidence que les fonctions de reproduction des couples s'émoussent avec l'âge. Et il est bien documenté que la fertilité féminine diminue régulièrement avec l'âge pour s'arrêter plus ou moins brutalement à la ménopause; la littérature abonde de données à ce sujet. Du coté masculin les choses sont moins claires: il est admis qu'il n'y a pas d'andropause, équivalent de la ménopause, caractérisée par un arrêt brutal de la fertilité, les paternités chez les sexagénaires ou septuagénaires étant observées rarement mais de manière significative; on en connaît même de rarissimes mais démontrées chez des nonagénaires (SEYMOUR, 1935); il est clair par ailleurs qu'avec l'âge le comportement se modifie, que le rythme et la qualité des rapports diminuent, que quelquefois des facteurs de mode de vie ou d'environnement interfèrent avec les paramètres précédents. Au total les études épidémiologiques sont difficiles à réaliser du fait de l'influence de l'âge féminin et de ces paramètres comportementaux et les études biologiques n'ont pas lieu d'être réalisées habituellement chez des hommes âgés. Cependant les données dont on dispose, même si elles sont peu nombreuses et souvent entachées de défauts méthodologiques inévitables, tendent à démontrer qu'il y a bien atteinte de la spermatogenèse avec l'augmentation de l'âge. i arguments épidémiologiques Déjà MAC LEOD en 1953 avait constaté une augmentation du délai pour concevoir en fonction de l'âge masculin, sans toutefois tenir compte de l'âge de la femme. Plus convaincante est l'étude réalisée par ANDERSON (1975) sur une population très ciblée, en Irlande avant 1911. Dans cette population les hommes se mariaient tardivement, ce qui fait que les femmes avaient des époux nettement plus âgés qu'elles; il n'y avait pas non plus de contraception. La fécondité de quatre groupes de femmes âgées en moyenne de 27,5 ans, 32,5 ans, 37,5 ans et 42, 5 ans a été notée en fonction de l'âge des conjoints. Les résultats sont quasi-semblables chez les deux groupes les plus jeunes : la probabilité annuelle de naissance est de 0,4 avec des conjoints de 35 à 40 ans et elle est de 0,3 avec des conjoints de 60 ans et plus. Pour le groupe de femmes de 37,5 ans cette probabilité passe de 0,33 avec des conjoints de 35-40 ans à 0,23 avec des conjoints de 60 ans. Pour le groupe de femmes de 42,5 ans, la différence est moins nette: 0,22 avec des conjoints de 35-40 ans et 0,18 avec les conjoints de 60 ans; dans ce cas l'âge féminin est un facteur limitant. Si dans une telle étude on peut toujours poser la question du changement éventuel de comportement avec l'âge masculin, ce paramètre peut être évacué en procédant à la même étude en PMA. Ceci a été réalisé par plusieurs équipes. ROULIER et GEORGETTI ont mis en évidence une baisse du taux de fécondation et du taux de grossesses en FIV sur des effectifs très importants en fonction de l'äge masculin. MATHIEU et al (1993) ont fait la même constatation en IAC pour indications masculines en prenant deux groupes d'hommes avant et après 35 ans; l'âge masculin est même la 1° variable à apparaître dans cette étude multivariée. Bien que toutes ces études comportent des biais, il est très plausible de soutenir que la fertilité masculine diminue avec l'âge, tout au moins entre 30 et 60 ans. arguments biologiques Le sperme et les cellules de la lignée germinales L'apport des spermogrammes devrait permettre de confirmer cette opinion. Mais une difficulté évidente survient car il n'est pas habituel de pratiquer des spermogrammes au-delà de 50 ans et encore moins après 60 ans. Néanmoins un certain nombre de résultats sont disponibles. Il y a d'abord ceux de BELONOSCHKIN (1954) qui, à partir d'une revue de la littérature concernant la recherche de spermatozoïdes chez des hommes de plus de 60 ans, par exploration post-mortem des voies génitales, soit par massage prostatique: il apparaît qu'il y a azoospermie chez 31% des sexagénaires, 41% des septuagénaires et 52% des octogénaires. BLUM (1936) avait fait des observations identiques, avec aussi 52% d'azoospermie chez les octogénaires. MAC LEOD et al 1953 ont rapporté une diminution de la mobilité. L'étude de SCHWARTZ et al (1983) apporte plus de précisions. Elle a été réalisée sur un effectif de 833 hommes fertiles candidats à la vasectomie ou au don de sperme, dans la tranche d'âge comprise entre 20 et 50 ans. Il n'a pas été mis en évidence de différence en ce qui concerne la concentration en spermatozoïdes ni le volume de l'éjaculat, donc la numération totale. Mais il a été constaté une diminution du % de spermatozoïdes mobiles et de formes normales; en fait il y a une augmentation de ces paramètres entre 20 et 30 ans et une baisse ensuite; le % de formes normales passe de 62 à 56, celui du % de mobiles de 72 à 62; et il en est de même pour la mobilité après décongélation. Cette diminution n'est pas spectaculaire, mais elle est significative. On ignore toutefois ce qui se passe après 50 ans. Une autre étude menée par JOUANNET (1983) sur de faibles efffectifs, 64 hommes de plus de 50 ans comparés à un effectif très importants d'hommes de moins de 50 ans, montre les mêmes différences dans le % de spermatozoïdes mobiles (55% avant 50 ans contre 32% appris 50 ans), dans le % de formes normales (47% contre 31%), mais aussi dans la concentration (70 millions contre 46 millions), différences qui sont également significatives. MURRAY et al (1992) ainsi que MANIERI et al (1993) font les mêmes observations. Les tests de fécondance confirment ces observations: différences en fonction de l'âge en ce qui concerne le test de Hamster (ZENZES et al, 1991); cependant NIESCHLAG et al (1982) avaient rapporté des résultats contradictoires. SOSNIK (1993) après une étude faite post-mortem sur 462 hommes décédés entre 17 et 91 ans ne trouve pas de corrélation entre l'âge et la tératospermie. PANIAGUA et al (1993) montre au contraire que sur des biopsies de testicules d'hommes agés, la tératospermie est augmentée, tandis que l'activité spermatogénétique diminue. JANCZEWSKI et al (1992) font la même observation. AMANN (1981) avait fait chez des sujets morts accidentellement les mêmes observations. Dans la mesure ou on peut comparer utilement les différentes espèces, on peut rappeler que des observations identiques ont eté réalisées chez différentes espèces animales: chez le Rat (WANG et al, 1991), le Singe (BASKERVILLE et al, 1992), le Cheval (JOHNSON et al, 1991), la Souris (TANEMURA, 1993). Les cellules de la lignée germinales De manière plus pointue, des modifications cytologiques de la lignée spermatogénétique ont été rapportées comme étant corrélées avec l'âge: multinucléation des cellules germinales, dégénerescence de ces cellules et activté phagocytaire augmentée des cellules de Sertoli chez l'homme (PANIAGUA et al, 1991); spermatocytes multinucléés (MIETHING, 1993); dégénerescence d'abord des spermatides, puis des spermatocytes et enfin des spermatogonies en fonction de l'âge (PANIAGUA et al, 1991). L'histologie de la glande génitale et du tractus Les modifications histologiques des compartiments exocrines ou endocrines du testicule sont flagrantes: chez le Rat (WANG et al, 1993: diminution de la longueur et du diamètre des tubes séminifères ; chez l'Homme diminution du nombre de cellules de Sertoli et de Leydig, sclérose des tubes séminifères, épaississement de la membrane propre des tubes séminifères, dédifférenciation des cellules de Sertoli et des cellules de Leydig, fibrose interlobulaires (PANIAGUA et al 1991). Modifications des gap junctions entre les divers types cellulaires (RISLEY et al, 1992); sclérose artériolaire après 50 ans (HONORE, 1978), présence d'infiltrats inflammatoires et lésions d'athérosclérose (REGADERA, 1985), qui pourraient bien être la cause des anomalies précédentes, quand on sait la sensibilité des tubes séminifères à l'ischémie. A cela s'ajoutent des altérations du tractus (HONORE,1978): dilatation du rete testis, des cônes efférents et de l'épididyme; accumulation de lipofushines et de vacuoles dans les cellules de l'épididyme. conclusion Chez l'homme les fonctions de reproduction s'émoussent avec l'âge, en partie par suite d'une réduction de l'activité sexuelle, mais aussi du fait d'une diminution de la fertilité et en définitive d'une altération de la spermatogenèse. Celle-ci est très progressive, contrairement à la ménopause, et elle n'est vraiment visible qu'à partir de la cinquantaine; il y a en outre de nombreuses variantes individuelles. Il semble qu'elle ne soit qu'une des composantes de la sénescence touchant progressivement les divers tissus et organes; tous les signes histologiques plaident en faveur de cette explication. Il n'y a pas comme chez la femme une programmation spécifique de l'arrêt de la gamétogenèse bien avant l'apparition des signes flagrants de vieillissement. Bibliographie 1. R.P. 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