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1995 > Gynécologie > Endoscopie opératoire  Telecharger le PDF

Les limites de l'endoscopie opératoire

B. Blanc et L. Boubli

introduction

L'endoscopie est maintenant arrivée à maturité en gynécologie. De nombreuses interventions sont développées, en alternative aux procédures classiques dans presque tous les domaines. Plusieurs points sont à discuter:

- L'approche endoscopique est-elle résolument indispensable ?

- Les techniques proposées sont-elles toutes aisément reproductibles ?

- Le coût de certaines procédures est-il toujours justifié ?

- Le tout endoscopie est-il une mode, un dogme, ou une révolution ?

la laparoscopie

Après quelques années consacrées presque exclusivement au traitement de la grossessse ectopique, puis de la pathologie ovarienne, le champ d'action s'est considérablement étendu.

La discussion sur les limites de la coelioscopie sera limitée à des interventions fréquentes, destinées à traiter une pathologie courante.

L'hystérectomie est maintenant réalisée par voie coelioscopique.

En fait, plusieurs types d'interventions sont réalisables, allant de la simple vérification avant une hystérectomie vaginale à l'hystérectomie élargie. En terme d'hystérectomie, le progrès technique passe par un moindre traumatisme chirurgical, une simplicité des suites, la réduction des durées d'hospitalisation et de convalescence. Ces paramètres sont connus en matière d'hysterectomies abdominale et vaginale, ils sont en cours d'évaluation pour la voie coelioscopiqueÊ:

Au plan technique, plusieurs points sont à analyser :

L'hémostase des pédicules utérins

pose encore des problèmes de reproductibilité, imposant

- soit de réaliser une dissection urétérale, inutile dans la pathologie bénigne

- soit de courir le risque d'une lésion par agraffage ou encore plus insidieuse par coagulation car se manifestant de façon différée.

La colpotomie

est pratiquement obligatoire lors d'une hystérectomie même coelioscopique. Ceci peut faire discuter l'intérêt des temps terminaux menés par endoscopie.

Les complications

Complications de l'hystérectomie coelioscopique

AUTEURS nb hémor. vessie uretére dig. inf. occl.
MAGE 1992 44 - 2,3 - - 4,5 3
LIU 1992 215 0,4 1,8 - 0,8 0,4 0,4
LEROY 1992 64 - 2,4 1,2 - - -
LEE 1992 24 - 4,1 - - - -
MAHER 1992 17 - 0 - 0 - -
REICH 1993 125 1,8 0,8 - 0,8 3,8 -
HOURCABIE 1992 103 - 3,9 - - 2 -
SCHWARTZ 1993 45 4,4 2,2 - - 0 -

L'analyse des résultats des équipes pionnières ne fait pas apparaitre d'augmentation hautement significative des complications graves par coelioscopie.

Pour certains auteurs (C. WOOD, P. MAHER et coll current status of laparoscopical associated hysterectomy Gynaecological Endoscopy 1994, 3,75-84) la voie coelioscopique est moins sujette à complication (13,4%) que la voie vaginale (27% ) et surtout la voie abdominale.

Cependant, cette opinion doit être nuancée :

La laparoscopie n'est pas d'un appoint déterminant chez les patientes présentant un antécédent de césarienne mais cette situation est également génératrice de risque dans toutes les techniques.

La laparoscopie ne constitue pas non plus un appoint majeur en cas de volumineux utérus. Le poids moyen pièce opératoire est de 180± 94,65 g pour Bruhat (M.A. BRUHAT et coll Hystérectomie percoelioscopique Références en Gynécologie Obstétrique 1994 vol 2, 53-67)et de 175g pou LIU (Références en Gynécologie Obstétrique 1994 vol 2,).

J. Hourcabie limite sa technique aux utérus dont le diamètre sus isthmique est inférieur à 9 cmbLa durée opératoire est également importante, même si l'expérience permet de la réduire de façon importante. La voie coelioscopique est par contre intéressante pour l'évaluation et le traitement des annexes et des adhérences périgénitales dont la prise en charge par voie vaginale n'est pas toujours très aisée.

Au total : Il est difficile de prétendre que l'hystérectomie coelioscopique est une intervention de routine utilisable par l'ensemble des opérateurs. Les équipes actuellement engagées dans cette technique doivent continuer à l'évaluer pour préciser ses véritables indications et sa place.

Les développements seront probablement importants à la fois en termes de techniques et d'instrumentation : l'hystérectomie subtotale avec morcellement de la pièce pourrait connaître un essor chez des patientes au col évalué "sans risque ".

Pour les autres, la solution la plus logique est de réaliser par voie coelioscopique ce qui peut l'être sans difficultés: notamment le traitement des annexes et des adhérences péri génitales et de traiter par voie vaginale ce qui est le plus souvent facile à réaliser à savoir les pédicules utérins et la colpotomie.

Le coût

est également important à considérer en tenant compte, bien sûr, de la réduction des temps d'hospitalisation.

AUTEURS H. ABDO. H. VAG. H. COELIO.
BOIKE 1993 10620 US$ 7881 US$ 12469 US$
POWERS 1993 4891 £ 7905 £
SINGOF 1993 1344,37F 11635,95F

En première analyse, l'hystérectomie coelioscopique est d'un coût plus important que lorsqu'elle est menée par voie abdominale ou vaginale.

En fait, ce surcoût n'est lié qu'à l'utilisation de pinces à sutures automatiques, ce qui permet certains commentaires. L'utilisation de ce type de matériel n'est pas obligatoire en coelioscopie quoique permettant une raccourcissement important de l'acte opératoire.

En fait, ce surcoût est acceptable, s'il va de pair avec une réduction globale des coûts de santé. Pour que cette réduction soit intéressante en terme de santé publique, il faut mettre en place d'autres structures d'hospitalisation (hôpitaux de jour ou de semaine).

Actuellement, cette diminution de durée de séjour ne s'accompagne le plus souvent que d'une réduction des coefficients d'occupation des services, ce qui n'est pas synonyme d'économie de santé.

la pathologie ovarienne

a bénéficié assez rapidement des applications endoscopiques. Le risque majeur était l'erreur d'évaluation de la pathologie et le traitement par endoscopie d'une pathologie néoplasique ovarienne. Ce risque avait été rapporté très tôt par Maiman, rapportant 42 cas de cancers de l'ovaire traités par laparoscopie.

ASPECT DE LA TUMEUR MAIMAN
< 8 CM 67%
KYSTE 62%
UNILOCULAIRE 48%
UNILATERALE 81%
ASPECT BENIN 31%

Dès cette étude, il apparaissait qu'une fois sur trois seulement la sous-évaluation échographique était pratiquement inévitable.

Une enquête du même type a été réalisée en France: sur 5307 patientes traitées par coeliochirurgie, 78 présentaient des lésions néoplasiques avec 60 tumeurs bordre line et 18 cancers invasifs.

Les éléments importants étaient que :

L'expérience n'était pas une garantie de sécurité

GROUPE 1 GROUPE 2
Nombre de praticiens 19 25
Patho ovarienne évaluée par coelioscopie 1334 5788
moyenne par centre 70,2 231,5
Patho ovarienne traitée par coelioscopie 917 (68%) 4390 (75,8%)
moyenne par centre 48 175,6
Durée moyenne d'activité par centre en cÏliochir. 3 ans (1 - 6 ) 4,8 ans (2 - 14)

GROUPE 1: Praticiens n'ayant pas recensé de lésion maligne dans cette enquête.

GROUPE 2: Praticiens ayant recueilli les 78 tumeurs malignes

L'erreur n'était pas toujours une sous estimation.

L'évaluation pré ou per opératoire faisait apparaître les éléments suivants :

Préop bénin Préop bénin Préop suspect Préop suspect
Coelio bénin coelio suspect coelio bénin coelio suspect
17 9 29 23
21,79% 11,54% 37,18% 29,49%

1 fois sur 5 l'évaluation ne permettait pas de suspecter le diagnostic mais dans les autres cas l'évaluation aurait du faire reconsidérer le geste coelioscopique, surtout dans 30% des cas où l'ensemble de l'évaluation était fortement péjorative.

Cela incline à penser que les précautions édictées par les promoteurs de la méthode ne sont pas scrupuleusement observées, dans un contexte de banalisation du traitement endoscopique de la pathologie ovarienne.

Le traitement endoscopique était non seulement insuffisant mais surtout potentiellement dangereux.

Traitement BL K Total %
Ponction isolée 12 6 18 23,08%
KIP 19 1 20 25,64%
KTP 16 4 20 25,64%
AIP 5 1 6 7,69%
OIP 3 2 5 6,41%
OTP 5 4 9 11,54%
TOTAL 60 18 78

Traitement coelioscopique du kyste ovarien. KIP: kystectomie intrapéritonéale. KTP: kystectomie transpariétale. OIP: ovariectomie intrapéritonéale. OTP: ovariectomie transpariétale. AIP: annexectomie intrapéritonéale.

Ces gestes sont totalement inadaptés à la gestion de pathologie néoplasique, d'autant que les précautions actuellement conseillées (ensachage, extraction protégée des pièces) n'étaient, pour la plupart, pas pratiqués par les opérateurs au moment des interventions.

Enfin et probablement plus grave en terme de conséquence oncologique, seulement 25 patientes ont été opérées dans un délai d'un mois. Ces constatations rejoignent celle de Maiman qui observait une moyenne de durée de réintervention de 36 jours.

La durée moyenne du suivi est de 14,6 mois pour 66 femmes régulièrement suivies. 56,1% d'entre elles ont un suivi inférieure ou égal à un an. 3 sont décédées dont 2 à cause de la tumeur. 59 patientes, soit 75,6% sont vivantes, suivies, et indemnes de complications.

Au total, la banalisation de la coeliochirurgie ovarienne expose au risque de traitement incorrect et surtout à celui de l'ensemencement péritonéal ou pariétal.

Certains protocoles de recherche se proposent d'évaluer l'intérêt de la coelioscopie dans le traitement des cancers ovariens.

Le suivi à long terme est une condition fondamentale en oncologie et ces indications ne sont pas encore validées et surtout ne doivent pas conduire à une extrapolation abusive en pratique quotidienne.

les troubles de la statique pelvienne

Les cures d'incontinence sont actuellement proposées par coelioscopie ou retzius copie.

L'intérêt majeur de ces techniques est la réduction de la durée d'hospitalisation.

Le prix à payer est celui d'une courbe d'apprentissage avec essentiellement des plaies de vessie et la modification de techniques, voire d'indications évaluées comme efficaces par d'autres voies.

En fait, l'efficacité de ces techniques ne peut se juger sur des résultats immédiats même évalués au plan urodynamique : l'enjeu est une amélioration à long terme des résultats obtenus par les techniques classiques, à un moindre coût. Cela suppose là aussi un suivi suffisamment prolongé des patientes.

les limites de l'hystéroscopie opératoire

Les techniques d'hystéroscopie opératoires sont moins nombreuses que celles développées par coelioscopie.

Les premières indications étaient très restrictives: pathologie strictement endocavitaire polype, fibrome pédiculé, puis les indications se sont étendues avec notamment la résection de fibromes intramuraux et l'endométrectomie.

Le but final est la limitation des processus chirurgicaux plus agressifs mais au prix de plusieurs risques :

La résection de fibromes non strictement intracavitaires

suppose une évaluation précise de la topographie et du volume des fibromes.

La procédure est plus difficile que celle utilisée pour le traitement des lésions strictement intracavitaires et comporte le risque d'allongement de la durée opératoire et d'augmentation de l'incidence des complications: dans notre expérience, le traitement de fibromes de stade 1 ou 2 représente seulement 17% des hystéroscopies opératoires des myomes avec 27,2% de chirurgie itérative (contre 14,9%) et surtout 4,5% de complications plus sévères que les 3,1% des myomes de stade 0 qui étaient elles survenues en début de pratique.

Actuellement, la résection de fibromes non intracavitaires ne peut donc se proposer que dans les myomes de diamètre inférieur à 4 cm, éloignés de la séreuse et en ayant éliminé tout autre cause de symptômes (essentiellement hémorragiques), la patiente devant etre prévenue de la possibilité de chirurgie itérative.

Dans ces localisations la règle de limitation de durée opératoire à 60 mn doit être absolument respectée pour prévenir les complications

L'endométrectomie

est venue enrichir l'arsenal thérapeutique hystéroscopique.

Elle suppose une évaluation complète à la fois hystéroscopique et histologique. les premiers résultats étaient très prometteurs avec plus de 90% de succès.

AUTEURS Type d'intervention NB BON (NB) BON %
GOLDRATH LASER 216 206 95
VANCAILLIE RESECT 171 151 88
LOFFER LASER 109 101 93
HAMOU RESECT 96 85 88
GIMPELSON LASER 70 68 97
SHIRK LASER 48 46 96
BROOKS RESECT 19 17 89
BERTRAND LASER 22 21 95
DANIEL LASER 18 14 78
NEZHAT LASER-RESECT 18 11 60
MAC LUCAS LASER 10 10 100
LOMANO LASER 10 8 80
TOTAL 807 738 91

Une étude un peu plus détaillée fait apparaître une discrète supériorité du laser, ce qui suppose un investissement plus important

En fait, en observation prospective, le taux d'échec est plus élevé que dans les autres procédures d'hystéroscopie opératoire.

Dans ces interventions, l'élément chronologique est également déterminant, les résultats de l'endométrectomie se dégradent rapidement en cas d'adénomyose.

Cet élément pronostic est d'autant plus péjoratif que l'utérus est volumineux, la limite d'hystérométrie étant de 10 cm.

L'ablation endométriale ne peut donc être considérée comme le remède miracle de la pathologie utérine

Elle est assez efficace pour la prise en charge de la pathologie "superficielle" de l'endomètre, mais elle pose alors le problème de la surveillance ultérieure de ces patientes, du fait du décalage de deux décennies entre l'age moyen auquel est pratiquée cette intervention et celui du diagnostic de cancer de l'endomètre.

Ce point incitera donc à sélectionner les indications et à continuer à surveiller ces patientes en sachant que l'endométrectomie n'est que rarement complète et qu'il faudra éviter si possible les synéchies isthmiques.

HSS HISTOLOGIE
100% > 50% < 50% 0
< 50 % 14 % 40% 36 % 10%
0 - 14% 29% 57%

O. ISTRE et coll, The second look appearance of the uterine cavity after resection of the endometrium, Gynaecological Endoscopy 1993 2, 159-163.

Actuellement, l'adénomyose importante ne constitue pas une bonne indication de l'hystéroscopie opératoire, d'autant que la symptomatologie est souvent mixte, douloureuse et hémorragique et que les associations à d'autres pathologies sont possibles.

Les protocoles de traitement plus profond, ou de résection itérative ou de complément thérapeutique médical ne sont pas encore évalués avec un recul suffisant pour être proposables en routine

conclusion

L'endoscopie est venue introduire un champ d'action très large d'abord en gynécologie puis dans d'autres spécialités chirurgicales. Après une première phase de développement sauvage, et un deuxième temps d'innovation technique, nous entrons dans l'ère de la maturité de de l'évaluation de l'apport de ces techniques.

Plusieurs points doivent être discutés :

Le but premier de la médecine est de soigner des patientes en leur offrant des moyens, diagnostiques et thérapeutiques adaptés : l'évaluation objective permettra de répondre à cet impératif.

Pour cette raison, il serait dangereux d'extrapoler en pratique courante à partir des résultats préliminaires de techniques développées par des structures de recherche.

La première condition d'une technique fiable, destinée à une pathologie fréquente est sa reproductibilité, ce qui n'est pas encore le cas de la totalité des actes d'endoscopie.

Le deuxième point est lié à l'effet mode et à la grande médiatisation de ces techniques. Cela a pu amener certains praticiens à un abandon de procédures validées et aux aléas d'un apprentissage solitaire. Cette médiatisation pourrait se retourner contre l'endoscopie si les accidents de "courbe d'apprentissage " étaient trop fréquents.

Le troisième point est que la supériorité indéniable de l'endoscopie est une réduction significative des durées d'hospitalisation. Les structures d'hospitalisation doivent se réorganiser pour tirer un intérêt objectif de cette diminution de durée de séjour.

L'endoscopie est un outil séduisant mais ce n'est qu'un outil, dont le rendement doit être évalué parmi l'ensemble des praticiens et non pas exclusivement au sein d'équipes rodées.

La volonté du tout endoscopique, tout de suite, pour tout le monde, n'est probablement la meilleure promotion de cette technique.

Hôpital de la conception 13005 Marseille   Maternité de la Belle de Mai 13003 Marseille