Les XXIIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

1995 > Gynécologie > Contraception orale  Telecharger le PDF

Les bénéfices de la pilule selon leur dosage et leur progestatif

J. Bélaisch

[Signaler un defaut]

introduction

Depuis environ 15 ans, la tendance à accuser la contraception orale de tous les maux s'est franchement amoindrie et l'on assiste au contraire à une campagne qui met l'accent sur ses avantages pour les femmes qui l'utilisent.

Cependant la question se pose aujourd'hui de savoir quels sont les bénéfices à attendre des pilules faiblement dosées en estrogènes et en progestatifs. Leurs risques sont diminués mais certains de leur avantage ne sont-ils pas également réduits? D'un autre côté, trois nouveaux progestatifs sont apparus qui se sont taillés une bonne part du marché. Ont-ils des avantages par rapport aux précédents ? Ont-ils des avantages différentiels l'un par rapport aux autres.

C'est cet aspect de la question que nous voudrions aborder aujourd'hui.

Les bénéfices de la pilule sont de 3 ordres :

Les uns sont liés au confort de la patiente, les autres à une réduction de fréquence immédiate de maladies ou de troubles fonctionnels. Les troisièmes se traduisent par une diminution à long terme de risques sévères, tels que les cancers de l'appareil génital.

Nous suivrons cet ordre dans notre description des bénéfices de la pilule.

les bénéfices en terme de confort de la contraception orale

La dysménorrhée

La disparition de la dysménorrhée observée chez la majorité des patientes est liée à l'anovulation provoquée par la pilule. Quelle que soit la dose et quel que soit le progestatif, l'anovulation sous contraception orale est très généralement démontrée. Il est donc acquis que les pilules faiblement dosées tant en estrogènes qu'en progestatifs ont conservé ce bénéfice par rapport aux pilules anciennes.

La régulation des cycles

Un des avantages également indéniable qui a profondément modifié la condition féminine est la disparition de l'imprévisibilité des règles. Certes, des saignements peuvent survenir en cours de cycles ou bien précéder de quelques jours la date des règles attendues durant la période d'interruption de la prise de la pilule. Mais il s'agit dans la très grande majorité des cas de saignements très modestes tachant à peine le linge et non accompagnés de symptômes pelviens ou généraux.

Les pilules faiblement dosées ont gardé des effets analogues à ceux des pilules à 50 mcg ou plus. Cependant, il est à peu près impossible de dire si les saignements non désirés sont plus fréquents ou plus rares qu'avec les premières pilules.

Comme le font remarquer ROSENBERG et LONG (9) la comparaison est difficile car selon les articles et les pays, les définitions des mots: saignements, spotting, aménorrhée varient; de même les protocoles et les méthodes d'évaluation sont très divers ainsi que les critères d'exclusion, d'inclusion et de séparation entre premier usage et changement de pilules.

Cependant, deux observations générales émergent des innombrables publications. Les pilules au levonorgestrel ont donné un meilleur contrôle du cycle que celles contenant de la norethisterone et deuxième notion, les saignements sont de plus en plus rares au fur et à mesure que l'utilisation se prolonge. Néanmoins, il n'est pas exclu que les chiffres publiés ne soient faussés dans certaines statistiques par l'abandon de la pilule par les femmes incommodées par la fréquence ou l'abondance des saignements.

En ce qui concerne les pilules comportant les progestatifs de 3° génération, ROSENBERG et LONG ont constaté de grandes variations dans la littérature. Ainsi, après 6 mois d'utilisation, la prévalence de spotting allait de 0 à 85%, de saignements intermittents de 0 à 12,2% et d'aménorrhée de 0 à 5,8%. Ils ont observé généralement que les pilules au gestodène avaient de meilleures performances que celle au desogestrel et peut être au levonorgestrel.

Pour ce qui est des femmes se plaignant de l'abondance de leurs règles, JOHANNISSON et BROSSENS (5) suggèrent de choisir les monophasiques fortement dosées et pour celles qui ont une tendance aux règles irrégulières et à l'aménorrhée de préférer les pilules phasiques faiblement dosées. Tandis que les femmes sans anomalies de cycles bénéficieraient des monophasiques à faibles dosages. Mais ils font remarquer que des considérations de tolérance doivent aussi orienter ces choix.

Choix de la date des règles

Les pilules monophasiques permettent aussi de décider de la date de survenue des menstruations. Il suffit de prolonger leur prise jusqu'à la date désirée des règles. Les nouvelles pilules ne sont pas moins efficaces dans ce but que les précédentes.

Le syndrome prémenstruel est également réduit par les pilules combinées monophasiques. La suppression du plateau progestéronique contribue à un nivellement ou à un écrêtement des troubles.

les bénéfices immédiats de la pilule en matière de pathologie

Un des avantages les plus évidents de la pilule concerne la réduction de fréquence des kystes fonctionnels de l'ovaire.

Dans l'étude de l'Oxford/Family Planing Association, une réduction de 49% des kystes folliculaires et de 78% de kystes de corps jaune a été observée (VESSEY (17).

Cependant cette publication date de 1987 et l'on sait que depuis des doutes ont été émis sur la fréquence des kystes fonctionnels estroprogestatifs triphasiques (SERFATY (13)).

Néanmoins, dans leur ensemble les publications parues après 1980, continuent à insister sur ce bénéfice qui, d'après les excellents freinages de la fonction ovarienne observés après utilisation de pilules comportant les trois derniers progestatifs, devrait exister également au moins avec les formulations monophasiques les contenant.

Les dystrophies bénignes du sein

posent exactement les mêmes questions. Qu'il s'agisse de fibroadénomes ou de mastoses sclérokystiques, l'ensemble des publications considérées fait apparaître une diminution de risque d'environ 25%.

Cependant, les deux revues générales traitant de ce sujet, c'est à dire le rapport d'un groupe scientifique de l'OMS, concernant le thème "Contraception orale et tumeurs" en 1992, et le chapitre écrit par FK BELLER (1), dans le traité "Pharmacology of the contraception steroids" en 1994, ne font pas une claire allusion à l'effet des pilules faiblement dosées. Tous deux insistaient sur le fait que ce sont les pilules les plus fortement dosées en progestatif qui assurent la plus grande protection. Il est à noter que dans l'étude de ORY (7) la réduction du risque de fibroadénome intervenait après 2 ans seulement d'utilisation de la contraception orale.

Cependant, on peut prendre en compte le travail de ROHAN en 1992 (8) qui observe une réduction de 60% du risque de lésion histologique à la biopsie chez les utilisatrices actives, la réduction s'accroissant avec la durée de la contraception. La date de la publication suggère que les pilules faiblement dosées ont elles aussi un effet bénéfique sur les lésions bénignes du sein.

D'après CANNY (2) le bénéfice serait prolongé après la fin de la contraception orale pour les fibro adénomes comme cela était affirmé pour la mastose fibrokystique.

Les fibromes utérins

ROSS et col. rapportant les résultats de l'Oxford Family Planning Association (10) ont observé une réduction du risque de fibromes se manifestant d'autant plus que la contraception était prolongée.

R.R1,O4O,8O O,79 O,73O,54
mois1-24 25-4849-96 97-144 145 et +

Le fait même de cette réduction progressive et la date de parution : 1986, font penser que les pilules fortement dosées ont un effet protecteur qui n'est pas aussi certain pour les pilules récentes. Cependant, le mécanisme évoqué de l'effet bénéfique de la réduction de la sécrétion estrogénique du au freinage ovarien, est en faveur d'une activité des pilules nouvelles quoique celles-ci ont, d'après les taux de SHBG qu'elles induisent, une activité estrogénique dominante.

La nécessité de travaux épidémiologiques récents établissant les différences entre pilules à 30 mcg ou moins et les autres, ainsi que pilules contenant les progestatifs de 3è génération par rapport aux pilules précédentes apparaît donc manifeste. Elle a d'ailleurs été soulignée dans les "recommandations" qui clôturent le rapport technique des scientifiques experts de l'OMS.

Rappelons seulement que la réduction du risque est de 17% pour chaque 5 ans d'utilisation de contraceptifs oraux.

L'endométriose

Bien qu'il n'y ait pas à proprement parler de protection contre l'endométriose, les pilules, même très faiblement dosées (2O ou 3O mcg de Ethinyl Estradiol et 15O mcg de desogestrel) ont un effet favorable sur les douleurs pelviennes et la dysménorrhée VERCELLINI (16) mais dès l'interruption de la pilule, dans la majorité des cas, les symptômes réapparaissent.

La diminution de fréquence des maladies inflammatoires du pelvis

est citée régulièrement parmi les bénéfices de la pilule depuis l'article de SENNAYAKE (12) paru en 1980

Le mécanisme d'action est dominé par la réduction de la sécrétion cervicale sous pilule combinée. Mais ce bénéfice ne devrait plus être comptabilisé pour deux raisons:

- la première est l'extraordinaire disparition des formes aiguës de salpingite, en France,

- la deuxième beaucoup plus importante tient au SIDA dont la transmission n'est en rien diminuée par la contraception orale.

les bénéfices à long terme

sont dominés par la réduction de fréquence de cancer de l'ovaire. En effet, ce cancer heureusement rare, est grevé d'une mortalité très importante et toute réduction de ce risque peut être considérée comme particulièrement bénéfique. Lors d'une conférence publique, GOLDZIEHER (4) a affirmé que le seul avantage de la contraception orale justifierait que toute jeune fille soit soumise à 6 mois de pilule même si elle ne souhaite pas de protection contre la grossesse.

Le bénéfice de la réduction de risque de cancer de l'endomètre ne parait pas avoir une ampleur comparable.

La réduction du risque de cancer de l'ovaire

Cette réduction est de 0,6 pour les cancers épithéliaux et elle a été observée dès que les femmes ont pris 3 à 6 mois de pilule. Elle se prolongeait durant les 15 ans qui suivaient la fin de la contraception orale.

On a déjà pu constater que les pilules à 30 mcg d' EE avec 300 mcg de Norgestrel et celles à 35 mcg d'EE avec 500 mcg de norethisterone ont un effet protecteur (0,7 et 0,4 respectivement), d'après le très vaste travail des Centres de Disease Control paru en 1987 (14).

Enfin, la durée de prise de pilule augmente la protection comme CASAGRANDE et al (3) ainsi que ROSENBERG et al (9) l'avaient déjà observé.

La réduction du risque de cancer de l'endomètre

a été rapportée par la même équipe, mais cette fois dans le JAMA (15)

La réduction est à 0,6. Elle est obtenue après au moins 12 mois de prise. Elle dure 15 ans au moins, après la fin de la prise.

Dans ce cas, seule est signalée parmi les pilules faiblement dosées, celle associant 35mcg d'EE et 500 de norethisterone.

Cependant, cette publication n'est pas absolument convaincante malgré l'affirmation d'une protection contre les 3 risques de cancer endométrial : adénocarcinome, adénoacanthome et cancer adénosquameux. En effet, les cas de cancer se retrouvaient essentiellement parmi les femmes:

- très obèses (index d'adiposité > 2,74 : 35,6% contre 13,9%)

- hypertendues (31,6% contre 15,8)

- diabétiques (6,9 contre 2,8)

- infertiles (6,5 contre 4,4)

Or ces catégories de femmes sont pour la majorité des médecins exclues de la prise de pilule. Il n'est donc pas surprenant que chez les femmes atteintes on ait trouvé une proportion bien plus grande de femmes n'ayant pas été soumises à une contraception orale. Et il se pourrait bien qu'il existe là un biais qui n'a pas été discuté par les auteurs.

Quant au mécanisme de la protection, il demeure mal compris, car la reprise des sécrétions estrogéniques après fin de la pilule devrait rendre à tout carcinogène leur possibilité d'agir alors que, pour le cancer de l'ovaire, la réduction du nombre total d'ovulations peut mieux expliquer la diminution d'incidence des cancers épithéliaux.

Le dernier bénéfice qui avait été évoqué, mais qui ne semble plus être retenu, est celui de la réduction de la fréquence de l'arthrite rhumatoïde. Elle est donc citée ici pour mémoire quoique certains auteurs, insistant sur les effets bénéfiques des estrogènes dans cette population, continuent à admettre une possibilité d'action favorable de la pilule.

En revanche il est désormais tout à fait certain que la prise de pilules et même de pilules faiblement dosées protège contre la déperdition osseuse. Cette protection est d'une réelle utilité chez les jeunes femmes spanioménorrhéiques ou celles qui souffrent en période préménopausique de troubles du cycle témoins d'une carence estrogénique incipiens. Ce bénéfice naguère négligé fait l'objet de multiples publications récentes (MAIS (6)).

la contraception progestative normodosée

Dans le cadre conventionnel des articles traitant des effets de la contraception orale, il n'est généralement fait mention que des estrogestatifs combinés. Il est cependant logique de lui faire une place en France où la contraception progestative normodosée a pris une grande extension quoiqu'elle ne soit pas admise parmi les indications des progestatifs.

Les deux bénéfices que l'on peut leur attribuer sans réserve sont la réduction du développement des fibromes et celle des troubles fonctionnels liés à l'endométriose péritonéale active. Il est également très probable qu'une protection contre les cancers de l'ovaire et de l'endomètre soit obtenue.

En revanche, les troubles de cycles sont fréquents et ne peuvent être comptabilisés dans les bénéfices de ces "pilules".

en conclusion

Les bénéfices contraceptifs, c'est à dire la réduction des risques de grossesses extra-utérines ou de celui de la mortalité liée aux grossesses évolutives ou aux avortements provoqués, ne font pas l'objet de cette revue, mais il faut remarquer que tous les progestatifs et toutes les pilules faiblement ou normodosées possèdent les mêmes avantages étant donné leur très grande efficacité.

Il n'en est évidemment pas de même des micropilules progestatives qui ne sont pas considérées comme offrant une protection satisfaisante contre les grossesses extra-utérines.

En revanche toutes les formes de contraception orale contribuent à l'amélioration de la santé des femmes qui y ont recours en raison de la surveillance plus étroite exercée sur elles à l'occasion de la prescription des pilules. Et il serait regrettable qu'une plus grande sécurité attribuée à juste titre aux nouvelles pilules conduise à un affaiblissement de cette surveillance et à une réduction de ces avantages.

Bibliographie

1. BELLER FK, The female breast, Pharmacology of contraceptive Steroids, Raven Press 1994, 199-210

2. CANNY PF., BERKOWITZ GS., KELSEY JL, Fibroadenoma and the use of exogenous hormones : a case, control study, Am J Epidemiol 127 : 454, 1988

3. CASAGRANDE JT et al, "Incessant ovulation" and ovarian cancer, Lancet 2 : 17O-173, 1979

4. GOLDZIEHER JW, Sixty years of hormonal contraception : a historical perspective, Advances in Contraception 7 : 3-8, 1991

5. JOHANNISSON E., BROSENS I, The lower reproductive tract, Pharmacology of the Contraceptives Steroids, Raven Press 211-232, 1994

6. MAIS V., FRUZETTI F., AJOSSA S., PAOLETTI AM., GUERRIERO S. and MELIS GB., Bone metabolism in young women taking a monophasic pill, containing 20 mcg ethinylestradiol : a prospective study, Contraception 48 : 445-451, 1993

7. ORY HW.MAC MAHON B., HOOVER R., oral contraceptives and reduced risk of benign breast diseases, N Engl J Med 294 : 419, 1976

8. ROHAN TE, L'ABBEE KA., COOK MG, Oral contraceptives and risk of benign proliferative epithelial disorders of the breast, Int J Cancer 50 : 891-894, 1992

9. ROSENBERG MJ., LONG SC., Oral contraceptives and cycle control :a critical review of the literature, Advances contraception 8 : 35-45, 1992

1O. ROSS RK., VESSEY MP., BULL D., YEATES D., CASAGRANDE JT., Risk factors for uterine fibroids : reduced risk associated with oral contraceptives, Br Med J 293 : 359-362, 1986

11. ROYAL COLLEGE OF GENERAL PRACTIONERS' ORAL CONTRACEPTION STUDY, reduction in incidence of rheumatoid arthritis associated with oral contraceptives, Lancet 1 : 569-577, 1978

12. SENANAYAKE P., KRAMER DG., Contraception and the etiology of PID : New Perspectives, Am J Obstet Gynecol 138 : 852-86O, 198O

13. SERFATY D., GABRIEL R., NETTER A., Kystes ovariens sous contraception hormonale, Actualités Gynécologiques, 20 série, 203-217, 1989, Masson

14. US DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES, The cancer and steroid hormone study of the Centers for Disease control and the national Institute of Child Health and Human development, The reduction in risk of ovarian cancer associated with oral contraceptive use, N Engl J Med 316 : 65O-655, 1987

15. US DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES, Combination oral contraceptive use and the risk of endometrial cancer, JAMA 257 : 796-800, 1987

16. VERCELLINI P., TRSPIDI L., COLOMBO A., VENDOLA N., MARCHINI M., CROSIGNANI PG., A gonadotropin releasing hormone agonist versus a low dose oral contraceptive for pelvic pain associated with endometriosis, Fertil Steril 60 : 75­79, 1993

17. VESSEY M., METCALFE A., WELLS C., McPHERSON K., WESTHOFF C., YEATES D., Ovarian neoplasms; functional ovarian cysts and oral contraceptives, Br Med J. 294 : 1518-152O, 1987

Travail de la Maternité de l'Hôpital Saint Vincent de Paul, Service du Professeur J. CHAVINIÉ 75O14 PARIS