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2000 > Gynécologie > Cancer du sein  Telecharger le PDF

Chirurgie oncoplastique du sein

K. Clough

La chirurgie oncoplastique consiste à transférer en chirurgie cancérologique des techniques dérivées de la chirurgie plastique. Cette approche, initialement développée après mammectomie, s’étend depuis une dizaine d’années au traitement conservateur des cancers du sein. L’apport de ces techniques permet :

- en cas de mammectomie, de proposer systématiquement une reconstruction, immédiate ou différée.

- en cas de traitement conservateur :

. de réaliser des résections larges

. de réduire le taux de récidives locales

. d’améliorer les résultats esthétiques

. d’étendre les indications du traitement conservateur à des lésions jusqu’alors traitées par mammectomie.

chirurgie oncoplastique et traitement radical

La reconstruction mammaire a démontré son innocuité : la reconstruction ne modifie pas le pronostic des patientes opérées, en particulier le taux de récidive est identique à celui des patientes non reconstruites (1).

Par contre, les bénéfices de la reconstruction (physiques, fonctionnels, psychiques) sont majeurs : la reconstruction mammaire fait maintenant partie intégrante du traitement du cancer du sein. Initialement réalisée à distance de la mammectomie, elle est de plus en plus fréquemment immédiate, dans le même temps opératoire que celle ci (plus de 50% des reconstructions mammaires réalisées à l’Institut Curie sont des reconstructions mammaires immédiates (R.M.I.). Cette R.M.I. peut être réalisée par une double équipe chirurgicale, associant un chirurgien cancérologue et un chirurgien plasticien. Dans notre conception « oncoplastique » du traitement chirurgical du cancer du sein, c’est le même chirurgien, qualifié en chirurgie oncologique et en chirurgie plastique, qui réalise toute l’intervention.

Les avantages de cette approche sont :

- adaptation du dessin de la mammectomie à la lésion (résection cutanée adaptée) (fig. 1)

- un seul interlocuteur pour la patiente, qui prend en charge non seulement l’intervention, mais les suites à long terme, qu’il s’agisse de problèmes carcinologiques ou liés à la reconstruction

- décision de reconstruction mammaire immédiate prise en fonction d’arguments carcinologiques, mais également morphologiques

- meilleure organisation per-opératoire

Cette attitude nous a permis, dans notre série de R.M.I. par prothèse, d’obtenir un taux de complication extrêmement faible (moins de 1% de dépose de prothèse) avec plus de 75% de bons ou très bons résultats esthétiques (2).

Par ailleurs, notre suivi des prothèses à long terme a confirmé que si les résultats esthétiques sont souvent bons à court terme, ils se dégradent avec le temps (3). Ceci, associé aux complications spécifiques des prothèses (coques, dégonflage) est source de réinterventions itératives dans environ 35% à 50% des cas. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un ensemble de techniques de reconstruction autologue (sans prothèse) qui font appel au transfert d’un lambeau musculo cutané de grand dorsal ou de grand droit.

Ces interventions, plus lourdes intitialement que lorsqu’on utilise une prothèse, ont cependant l’avantage de donner d’excellents résultats esthétiques, stables à long terme (fig. 2). La maîtrise de l’ensemble des techniques de reconstruction est une condition indispensable pour pouvoir proposer à chaque patiente la solution individuelle le plus adaptée à sa présentation clinique et à sa demande.

Chirurgie oncoplastique et traitement conservateur

C’est dans ce domaine que la chirurgie oncoplastique évolue le plus rapidement. Le bénéfice principal a été d’étendre les indications du traitement conservateur à des lésions jusque là traitées par mammectomie.

Tumeurs centrales superficielles

Les cancers rétroaréolaires sont le plus souvent traités par ablation du sein, alors qu’il est maintenant démontré que la conservation du sein pour une tumeur centrale est tout à fait justifiée sur le plan carcinologique, dès lors que l’exérèse de la lésion passe en zone saine (3,4).

Le problème principal est lié à l’envahissement de la plaque aréolo mamelonnaire (P.A.M.) : en cas de tumeur située à moins de 2cm sous l’aréole, le risque d’envahissement de la P.A.M. est de 75% (5). Une exérèse de la P.A.M. est alors indispensable, afin d’assurer un contrôle local optimal et de réduire le risque de récidive.

Cette ablation du centre du sein peut laisser une déformation majeure si on ne réalise pas de remodelage glandulaire. Celui ci se fait dans le même temps opératoire, en mobilisant la glande mammaire restante afin de combler le défect et de restaurer un galbe normal.

Le plus souvent, on obtient un sein identique au sein controlatéral, sans aréole. Dans certains cas, le sein remodelé est plus petit, on réalise alors une plastie mammaire controlatérale dans le même temps opératoire. Notre objectif est d’obtenir une bonne symétrie dès le temps opératoire initial, afin d’éviter toute chirurgie ultérieure : la P.A.M. est reconstruite secondairement sous anesthésie locale, à l’issue de la radiothérapie (fig. 3).

Ainsi, tous les cancers centraux, dès lors qu’ils sont accessibles à une tumorectomie, peuvent bénéficier d’un traitement conservateur : avec conservation de la P.A.M. si la tumeur est profonde, avec résection-reconstruction de la P.A.M. si la tumeur est superficielle.

Cancers de plus de 3cm

Le consensus de 1980 réservait le traitement conservateur aux tumeurs de moins de 3 cm de diamètre. Depuis plusieurs études randomisées ont démontré que la conservation du sein était licite jusqu'à 4, voire 5cm de diamètre (6,7). Cependant, le risque de récidive locale est d’autant plus élevé que l’exérèse est incomplète : une exérèse tumorale in sano est le meilleur garant du contrôle local de la maladie, et impose en cas de tumeur volumineuse de réaliser de très larges tumorectomies (8). Enfin, le traitement conservateur du cancer du sein ne se conçoit que s’il laisse un sein sans déformation, d’aspect normal (9).

La principale limite à la conservation du sein en cas de tumeur volumineuse (<5cm) est donc l’aspect post opératoire du sein. Ceci explique l’intérêt des traitements pré opératoires pour ces lésions. L’utilisation de techniques oncoplastiques permet, en cas de réponse tumorale insuffisante aux traitements préopératoires, voire d’emblée, de proposer néanmoins un traitement conservateur à ces patientes.

Remodelage unilatéral.

Il est le plus souvent suffisant. La mobilisation de lambeaux glandulaires, parfois associée à un recentrage de l’aréole, permet d’éviter la plupart des déformations post opératoires.

Remodelage bilatéral.

Dans certains cas, le volume d'éxérèse est tel qu’après remodelage, le sein traité est plus petit qu’initialement. C’est là l’indication d’une plastie mammaire bilatérale, qui restaure dans le même temps opératoire que la tumorectomie la symétrie de la poitrine : dès 1990, nous avions montré qu’en associant à la tumorectomie un remodelage par plastie mammaire, sans utilisation de prothèse ou de lambeaux, on pouvait réaliser de très larges exérèses sans déformation résiduelle (10). Cette technique est particulièrement intéressante pour les cancers localisés dans les quadrants inférieurs.

Plus récemment, nous avons analysé une série de 50 patientes opérées d’une tumeur volumineuse (diamètre moyen 3,2cm, diamètre maximum 6 cm), et traitées par tumorectomie, curage axillaire et plastie mammaire bilatérale (11). Toutes les patientes ont eu une irradiation unilatérale, et 15 une chimiothérapie. Le recul moyen était de 5 ans. Le poids moyen de résection était de 228g (contre 30 à 50 g en cas de tumorectomie traditionnelle). L’exérèse était carcinologiquement satisfaisante dans 48 cas (2 mammectomies pour envahissement des berges d'éxérèse).

Dans aucun cas, on n’a du modifier le protocole thérapeutique par rapport à une chirurgie standard. Le taux de récidive local à 5 ans était de 6% : ce taux, extrêmement faible compte tenu du volume tumoral initial, s’explique probablement par la largeur d'éxérèse qu’autorise cette technique. Les taux de survie étaient identiques à ceux de la population témoin. Enfin, les résultats esthétiques étaient satisfaisants (bons ou très bons) dans 92% des cas lorsque les patientes furent irradiées en post opératoire, dans 67% des cas lorsque l’irradiation fut préopératoire.

Les conclusions de cette étude étaient qu’en cas de lésion volumineuse, on peut réaliser un traitement conservateur par tumorectomie, plastie mammaire et symétrisation dès lors que le volume du sein le permet (fig. 4).

Cette nouvelle approche, initialement appliquée aux cancers des quadrants inférieurs, peut s’étendre aux autres localisations. Elle nous paraît très prometteuse, tant en cas de cancer infiltrant que de cancer intracanalaire étendu.

Elle permet d’ores et déjà de réduire encore les indications de mammectomie, au prix d’une chirurgie parfois bilatérale, et d’une prise en charge par une équipe chirurgicale rompue aux techniques de chirurgie carcinologique et plastique du sein. Cependant, elle ne se conçoit que dans une approche multidisciplinaire afin d’intégrer au mieux la chirurgie dans les différents temps de traitement. La poursuite d’une évaluation portant sur un plus grand nombre de patientes est par ailleurs en cours.

Conclusion

Le traitement chirurgical du cancer du sein a longtemps reposé sur une chirurgie binaire : tumorectomie ou mammectomie. Le transfert, en chirurgie carcinologique des techniques de chirurgie plastique permet de réaliser des exérèses plus larges, de réduire le risque de récidive locale, tout en diminuant les séquelles iatrogènes. Cette approche oncoplastique permet enfin d’étendre les indications du traitement conservateur à des lésions jusque là traitées par mammectomie, dans le strict respect des principes carcinologiques.

Bibliographie

1 - PETIT J.Y, LE M.G., MOURIESSE H., et coll. Breast reconstruction and the risk of subsequent breast carcinoma Engl. J. Med., - 1993,328,9 : 661-2

2 - CLOUGH K.B., BOURGEOIS D., FALCOU M.C. et coll. Immediate breast reconstruction by prosthesis : a safe technique for extensive intraductal and micro invasive carcinomas Ann. Surg. Oncol., 1996,3 :212-18

3 - HAFFTY B., WILSON L., SMITH R. et coll. Subareolar breast cancer : long term results with conservative surgery and radiotherapy Int. J. Radiation Oncology. Biol. Phys., 1995,33 :53-7

4 - BUSSIERE E., GUYON F., THOMAS L., et coll. Conservative treatment in subareolar breast cancer Eur. J. Surg. Oncol., 1996,22 :267-70

5 - MULTON O., BOURGEOIS D., VALIDIRE P., et coll. Cancers du sein à localisation centrale : Traitement conservateur par tumorectomie avec ablation de la plaque aréolo mamelonnaire Presse Med., 1997,26 :988-94

6 - FISHER B., REDMOND C., et coll. Lumpectomy for breast cancer : an update of the NSABP experience Nat. Cancer Inst. Monogr. 1992,11 :7-13

7 - JACOBSON J., DANFORTH D., COWAN K. et coll. Ten year results of a comparison of conservation with mastectomy in the treatment of stage I and II breast cancer Engl. J. Med., 1995,332 :907-11

8 - FOURQUET A., CAMPANA F., ZAFRANI B., et coll. Prognostic factors of breast recurrence in the conservative management of early breast cancer : a 25-year follow-up Int. J. Radiation Oncology Biol. Phys., 1989,17 :719-25

9 - CLOUGH K.B., BARUCH J. La chirurgie plastique et le traitement conservateur du cancer du sein A nn. Chir. Plast. Esthet. 1992,37 :682-92

10 - CLOUGH K.B., SOUSSALINE M., CAMPANA F., et coll. Plastie mammaire associée à une irradiation Ann. Chir. Plast. Esthét. 1990,35 :117-22

11 - NOS C., FITOUSSI A., BOURGEOIS D., et coll. Conservative treatment of lower pole breast cancers by bilateral mammoplasty and radiotherapy Eur. J. Surg. Oncol. 1998,24 :508-14

Service de Chirurgie Générale et Sénologique Institut Curie 26, rue d’Ulm - 75005 PARIS