Introduction Les mastopathies bénignes recouvrent un vaste éventail de lésions qu'il est impossible d'aborder ici dans leur intégralité. Nous nous sommes donc cantonnés ici à leur relation avec le risque ultérieur de survenue de cancer du sein. Elles étaient autrefois regroupées sous le terme de mastose, ou de mastose fibrokystique et c'est le grand mérite de Page [1] et de Carter entre autres que d'avoir décrit et classé ces différentes lésions et d'avoir tenté plus précisément de chiffrer le risque ultérieur de développer un cancer du sein pour les patientes atteintes. Nous verrons que l'attitude thérapeutique à proposer à ces patientes, souvent jeunes, porteuses de lésions diffuses, est très difficile et peut conduire dans de rares cas à proposer une chirurgie mutilante qui contraste avec la relative bénignité de l'affection dont le pronostic, à ce stade, est toujours favorable. Épidémiologie [2] Il est très difficile d'apprécier la fréquence de la pathologie mammaire bénigne et encore plus celle des lésions frontières. Il existe des données grâce aux rapports d'autopsie qui laissent à penser qu'environ une femme sur deux pourra développer au cours de sa vie une dystrophie fibrokystique et une femme sur cinq un fibroadénome, mais si l'on s'intéresse aux études cliniques la prévalence des dystophies mammaires biopsiées avant l'âge de 65 ans est d'environ 8 à 9% et des adénofibromes de 2,2 %. Il n'y a donc environ que 10% de maladies bénignes des seins diagnostiquées histologiquement. Aucune étude épidémiologique n'a retrouvé de corrélation entre l'âge des premières règles et la survenue ultérieure d'une pathologie mammaire bénigne mais elles ne prennent généralement pas en compte l'existence ou non d'une éventuelle hyperplasie, il en est de même pour l'âge de la ménopause certaines études cependant notant d'avantage de dystrophie kystique en cas de ménopause tardive. La nulliparité augmenterait le risque de mastose kystique chez les femmes jeunes, ceci n'est pas retrouvé pour les adénofibromes. Les femmes multipares développeraient moins de kystes mais ceci n'est pas retrouvé par tous et il ne semble pas y avoir de corrélation avec l'âge de la première grossesse. L'allaitement ne semble pas avoir d'effet protecteur. L'existence d'antécédent familial de cancer du sein ne semble pas augmenter le risque de mastose fibrokystique qu'elle soit associée à des lésions atypiques ou non. Il faut noter que Dupont et Page n'ont pas retrouvé de risque ultérieur de cancer du sein majoré par les estrogènes chez des femmes avec hyperplasie atypique et antécedent familial de cancer du sein par rapport aux femmes n'ayant pas pris de THSM [3] . L'obésité semble avoir un effet protecteur important tant par rapport à la survenue de kystes que d'adénofibromes . Ceci est retrouvé dans la quasi-totalité des publications [4] . De nombreuses études retrouvent un rôle protecteur de la contraception orale sur la maladie fibrokystique qui semble corrélé à la durée d'utilisation; cet effet de la durée serait plus important en cas d'atypies. Il n'a jamais été noté dans la littérature d'augmentation du risque. En ce qui concerne le traitement hormonal substitutif de la ménopause on note une élévation du risque de développer une mastose kystique corrélée pour certains à la durée d'utilisation. Il faut noter cependant que Rohan [5] retrouve un risque augmenté de maladies mammaire bénignes proliférantes chez les femmes sous THS pendant plus de huit ans avec un risque relatif de 1,70 (IC : 1,06-2,72). L'intoxication tabagique ne semble pas avoir d'effet sur le risque de mastose quel que soit le degré d'atypie éventuellement associée . Les données concernant les facteurs de l'alimentation sont contradictoires. Il n'a pas montré de corrélation avec la consommation d'alcool y compris en cas d'atypies .Le rôle du café et des méthylxanthines a été évoqué mais non retrouvé ultérieurement . Au total il ne semble donc pas y avoir de facteur exposant plus particulièrement au risque de mastopathie, Tokunaga [6] a cependant retrouvé une plus grande prévalence d'hyperplasie atypique chez les patientes ayant été exposées aux irradiations provoquées par l'explosion des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. Nous allons passer en revue les différentes lésions élémentaires qui peuvent être rencontrées, en soulignant que plusieurs anomalies sont fréquemment intriquées, que les foyers hyperplasiques sont fréquemment multiples dans un même sein, voire bilatéraux pour les lésions lobulaires. Pour chaque type de pathologie nous préciserons les éléments pronostiques qui peuvent être dégagés de la littérature en relation avec les autres facteurs de risque de survenue de cancer du sein, en particulier les facteurs familiaux et la présence de calcifications mammographiques. Lésions élémentaires Hyperplasie épithéliale L'hyperplasie consiste en une augmentation du nombre des couches cellulaires bordant la membrane basale. Ces couches normalement au nombre de deux (cellules épithéliales et myo-épithéliales) sont ici supérieures à quatre. L'hyperplasie épithéliale peut être de type canalaire siégeant dans les galactophores de petit calibre inter ou intra-lobulaires où elle réalise des aspects : · de courant cellulaire. · des projections épithéliales en flammèches. · de fausses images en arche de pont. · des aspects fenêstrés ou pseudo-cribriformes. En fonction d'une part des aspects architecturaux de la prolifération intra-luminale et d'autre part de la présence ou de l'absence d'anomalie cytonucléaire, l'hyperplasie est qualifiée d'atypique ou non, ce qui détermine le pronostic de la lésion. L'hyperplasie atypique se caractérise soit par une augmentation du nombre de couche de cellules épithéliales associée à des atypies cytonucléaires, soit par des modifications architecturales et cytologiques analogues à celles du cancer canalaire in situ de bas grade mais de trop petites dimensions pour retenir le diagnostic de cancer [deux canaux pour Page [7] , et deux millimètres pour Tavassoli [8] . L'hyperplasie épithéliale canalaire est dénommée par de nombreux auteurs épithéliose. Aux USA, cette lésion est décrite sous le vocable de " papillomatose " : ce terme de papillomatose prête à confusion avec de véritables lésions papillaires comportant un axe conjonctif revêtu d'une double assise cellulaire. Ces micro-papillomes de siège distal dans la glande mammaire sont fréquemment associés aux lésions d'hyperplasie canalaire et en partage la signification. L'hyperplasie épithéliale peut être lobulaire : ces lésions intéressent les structures distales canaliculaires du lobule dont la lumière est distendue. Elles peuvent s'étendre au canal intra ou sus-lobulaire. Lorsqu'il s'agit d'une hyperplasie simple, les cellules épithéliales se disposent sur 2 ou 3 couches prenant un aspect pseudo-stratifié. L'hyperplasie lobulaire est dite atypique lorsque la lumière des canalicules distendues à un moindre degré que dans le carcinome lobulaire in-situ est occupée par une prolifération de cellules claires, monomorphes, dépourvues d'atypie. Il persiste souvent des petites lumières au sein de la prolifération tumorale. Cette lésion est très proche du carcinome lobulaire in-situ dans lequel les lésions sont plus étendues et où la distension des lumières canaliculaires est plus marquée. De nombreux auteurs ont corrélé l'hyperplasie et l'hyperplasie atypique avec le risque ultérieur de survenue de cancer du sein, y compris en fonction des antécédents familiaux et/ou la présence de microcalcifications sur la mammographie (Tableau I),Tous s'accordent à retrouver un risque augmenté. En cas d'hyperplasie sans atypie ce risque varie de 1,3 à 2 et en cas d'atypies de 2,2 à 13 (2-9). Ma et Boyd [9] ont effectué en 1992 une méta-analyse de 15 études concernant l'hyperplasie atypique et ont retrouvé un risque relatif de 3,67 (IC: 3,16-4,26). Tableau I : Hyperplasies et risque relatif de survenue d'un cancer du sein AUTEURS | Hyperplasies sans atypies (HSA) | Hyperplasies avec atypies (HA) | HA et âge <50> | HA et ATCD fam. Cancer sein | | RR | RR | RR | RR | Dupont (1985) | 1,9 | 5,3 | - | 11 | Carter (1988) | 1,9 | 3 | 5,7/2,3 | 5,4 | London (1992) | 1,6 | 3,7 | 5,9/2,3 | 7,3 | Mc Divitt (1992) | 1,8 | 2,6 | - | - | Palli (1991) | 1,3 | 13 | - | - | Bodian (1993) | 1,6 | 2,2 | | | Dupont retrouve un RR de 11 en cas d'hyperplasie atypique avec antécédent familial et un RR de 8,3 en cas d'hyperplasie atypique avec microcalcifications retrouvées à la mammographie [1] (Tableau II). Tableau II : Risque relatif de cancer du sein chez la femmes ayant une mastopathie proliférante. risque relatif Hyperplasie sans atypie Hyperplasies avec atypies Calcifications | 1,6 4,4 1,8 | Hyperplasies sans atypie et : Cancer familial Pas de cancer familial Calcifications Pas de calcification | 2,1 1,5 1,9 1,5 | Hyperplasies atypiques et : Cancer familial Pas de cancer familial Calcifications Pas de calcification | 8,9 3,5 6,5 4,0 | * D'après Dupont et Page [1] Ce risque varierait également en fonction de l'âge lors de la découverte de l'hyperplasie atypique. Ces différences en fonction de l'âge expliquent peut-être en partie les discordances suivant les populations étudiées par les différents auteurs, de même que les difficultés diagnostiques entre hyperplasie, hyperplasie atypique et cancer in-situ. Il est fort probable que des lésions classées comme hyperplasie atypique par Dupont et Page auraient été classées comme cancer in situ par Bodian [10] ou par Carter [11] . Dans la série de Carter par exemple, on note 8 % d'hyperplasie atypique alors qu'il n'y en a que 4 % dans la série de Dupont et Page. Enfin tous les auteurs n'utilisent pas la même population de référence : patients avec "seins normaux" ou, pour d'autres, patients avec maladie bénigne non proliférative... Bodian par ailleurs a pris en compte dans son analyse à la fois l'hyperplasie lobulaire et canalaire atypique. S'il isole l'hyperplasie canalaire le risque ultérieur de survenue d'un cancer du sein est plus élevé (RR : 3,9). Marshall [12] a également séparé l'hyperplasie canalaire atypique de l'hyperplasie lobulaire atypique, le risque relatif associé à la première est de 2,4 (IC: 1,3- 4,5) et à la seconde de 5,3 (IC: 2,7-10,4). En ce qui concerne l'hyperplasie lobulaire atypique l'élévation du risque était plus importante chez les femmes pré-ménopausées : RR 9,6 (IC: 3,3-27,8) que chez les femmes ménopausées: RR 3,7 (1,3-10,2). Il faut bien sûr également tenir compte du recul pour chaque étude et de l'importance de la population observée. Ce risque varie également en fonction du temps. En effet toujours selon Dupont et Page en cas d'hyperplasie atypique dans les 10 premières années après le diagnostic, le risque relatif est de 9,8 il n'est que de 3,6 après dix ans. Alors qu'en cas d'hyperplasie sans atypie, il sera de 3,8 pendant les dix premières années puis de 1,1 après 10 ans, c'est à dire identique à celui des femmes de la même tranche d'âge [13] . Enfin ces auteurs se sont intéressés à la prise d'estrogènes comme traitement substitutif de la ménopause chez ces patientes avec hyperplasie et n'ont pas retrouvé d'augmentation du risque de faire un cancer du sein accru par les estrogènes y compris en cas d'antécédent familial, ce risque étant même diminué [3] . En 1999 [14] ces mêmes auteurs ont repris une série de plus de 9000 femmes biopsiées pour un problème bénin entre 1952 et 1978 et suivi pendant 20 ans (médiane) et concluent que le THS n'est pas contre indiqué en cas hyperplasie (atypique ou non) ou d'adénofibrome complexe. Associations lésionnelles Mastopathies complexes : Cette dénomination recouvre l'association de plusieurs lésions dystrophiques (fibrose, kystes, adénose). Ces mastopathies complexes peuvent parfois être associées à des lésions proliférantes (hyperplasie épithéliale). L'adénose consiste en une augmentation du nombre des structures ductulaires constituant le lobule. Elle peut prendre une "forme tumorale" et être prise à tort pour un cancer. Histologiquement, l'adénose peut revêtir deux aspects, soit "floride", soit sclérosante. Jensen [15] a retrouvé une augmentation du risque de faire un cancer du sein en cas d'adénose sclérosante ce d'autant qu'il existe une association avec de l'hyperplasie atypique. Le risque est modérément augmenté en cas d'adénose sclérosante isolée (1,5 à 2) il serait de 6,7 en cas d'association. Bodian [16] note également une élévation statistiquement significative du risque à 2,2 (1,2-4) en cas d'adénose isolée. Le centre prolifératif d'Aschoff encore appelé "radial scar" ou cicatrice radiaire : Son diagnostic est tout d'abord évoqué par la mammographie, devant l'existence d'une image stellaire sans opacité associée. Cette image ne correspond souvent à rien de palpable. Une exérèse chirurgicale est cependant nécessaire afin d'avoir un diagnostic histologique ce d'autant qu'il peut y être associé un authentique adénocarcinome . Sur le plan histologique, le centre prolifératif d'Aschoff ne doit pas être confondu avec un cancer infiltrant. Il s'agit d'une lésion stellaire à centre scléreux, riche en substance élascéinique où sont enchâssées des formations glanduliformes (tubulaires) réparties de façon irrégulière. En périphérie, galactophores et lobules siège de lésions d'adénose et d'hyperplasie épithéliale, forment une couronne à disposition radiaire. Des kystes peuvent en outre s'observer. Le pronostic de cette lésion est lié au caractère atypique ou non de l'hyperplasie épithéliale. Il convient de ne pas méconnaître l'association d'une telle lésion avec un carcinome infiltrant à un stade débutant, en particulier de type tubuleux. Jacobs et col. [17] ont effectué une étude cas témoins à partir de l'étude prospective des infirmières nord-américaines et ont montré que le nodule d'Ashoff augmentait le risque de développer un cancer du sein, : RR = 1,8 (IC : 1,1 - 2,9). S'il existait des lésions prolifératives sans atypies, le risque de développer un cancer du sein en cas de cicatrice radiaire associée était de 3 (IC:1,7-5,5) et de 1,5 (IC : 1,1-2,1) en son absence. En présence d'hyperplasie atypique, le risque relatif en cas de nodule d'Aschoff associé s'élevait à 5,8 et était sinon de 3,8 (IC : 2,4-5,9). La cicatrice radiaire semble donc être en elle même un facteur de risque indépendant de survenue ultérieure de cancer du sein. Maladie fibro-kystique La maladie fibro-kystique (MFK) est habituellement définie histologiquement comme une association plus ou moins complexe et en quantité variable de lésions bénignes : kystes et micro-kystes, adénose, fibrose, certains auteurs y incluant les papillomes et les cicatrices radiaires (Centre Prolifératif d'Aschoff). Divers types de cellules les constituent, épithéliales et myo-épithéliales, tapissant canaux, kystes, lobules, entourées de tissu conjonctif. Le revêtement épithélial des kystes peut être en métaplasie idrosadénoïde, c'est à dire prendre un aspect de type sudoral apocrine. Surtout les structures canalaires ou lobulaires peuvent être le siège d'hyperplasie épithéliale sans ou avec atypie. Certains auteurs comme HAAGENSEN [18] distinguent les microkystes (< 3 mm) qui n'auraient pas de signification pathologique et les kystes de plus grande taille, qui seraient associés à une augmentation de fréquence de cancer du sein avec un risque apparaissant multiplié par 3 ou 4. Les études plus récentes de DUPONT et PAGE [21] ne retrouvent pas de corrélation entre l'existence de kyste sans autre lésion associée et la survenue ultérieure de cancer du sein et ceci quelle que soit leur taille. En cas d'antécédent familial de cancer du sein, l'existence de kystes pourrait cependant augmenter légèrement ce risque. Plus récemment DIXON [19] dans une étude prospective, retrouve une augmentation du risque de cancer chez les femmes porteuses de kystes palpables [RR 2,81 (95 % CI: 2,17-3,59)] et le risque est plus élevé chez les femmes âgées de moins de 45 ans, le risque étant par ailleurs plus grand dans la première année qui suit la ponction-évacuation du kyste. Enfin l'existence d'antécédent familial de cancer du sein ne semble pas augmenter le risque de mastose fibrokystique qu'elle soit associée à des lésions atypiques ou non ? [20] L'adénofibrome : Cette lésion bénigne, de taille variable, comporte une double composante épithéliale et conjonctive. La composante épithéliale peut-être hyperplasique et présenter des caractères atypiques. Elle survient essentiellement chez l'adulte jeune et classiquement n'augmente pas le risque ultérieur de faire un cancer du sein. Cependant, plusieurs auteurs dont Mc Divitt ont remis en cause cette donnée notant un risque relatif de 1,7 lié à l'adénofibrome, le risque étant encore augmenté s'il s'associe à l'adénofibrome une hyperplasie épithéliale atypique ou non [21] . Levi [22] a également retrouvé un risque augmenté par 1,6 (IC: 1,1-2,1) en corrélant une importante population de 1461 femmes opérées d'un adénofibrome et le registre des cancers du canton de Vaud en Suisse. Dupont et Page reprenant le suivi d'une série de 1835 patientes [23] ont montré que ce qu'ils définissaient comme fibroadénome " complexe " était un facteur de risque de survenue de cancer du sein à long terme. Le risque relatif est de 3,1 s'il s'agit d'un fibroadénome complexe, de 3,88 lorsque au fibroadénome est associée une mastopathie proliférante de voisinage et de 3,72 s'il existe en outre des antécédents familiaux de cancer du sein. Ciatto [24] a contrario en corrélant 3938 diagnostics cliniques et/ ou histologiques d'adénofibromes au registre toscan des cancers ne retrouve pas de risque augmenté pour les adénofibromes non opérés (SIR = 0,97, IC= 0,7-1,4) et un risque multiplié par 2 (IC = 1,4-2,7) pour les adénofibromes opérés. Ces résultats soulèvent l'ambiguïté du diagnostic clinique d'adénofibrome. Des carcinomes peuvent se développer au sein d'un adénofibrome. Ces cancers peuvent être de tout type, canalaires ou lobulaires, infiltrants ou "in-situ" . Les Papillomes : Ces proliférations papillaires bénignes se développent dans les canaux. La plupart du temps ils siègent dans les canaux lactifères de la région aréolaire mais ils peuvent siéger n'importe où ailleurs dans le sein ; parfois dans un canal dilaté prenant alors la dénomination de cystadénome papillaire intra-galactophorique. Les papillomes solitaires surviennent dans les canaux lactifères et sont révélés dans 70 % des cas par un écoulement mamelonnaire, ou par une masse sous-aréolaire. Le papillome solitaire intra-kystique se présente soit comme une masse palpable périphérique soit comme une opacité à la mammographie. L'âge moyen de survenue est 50 à 60 ans. Carter retrouve pour les papillomes isolés une augmentation du risque ultérieur de faire un cancer du sein [25] , de même que Bodian [16] (RR: 1,7). Page [26] retrouve une élévation du risque multipliée par 4 en cas de papillome avec une hyperplasie atypique en son sein ou à son pourtour et ce risque de survenue serait localisé à l'endroit du papillome. Les papillomes multiples se présentent comme des masses périphériques et ont une propension à la récidive et au développement de cancer soit concomitamment soit ultérieurement. Ils surviennent à un âge plus jeune 40-50 ans. Il existe d'autre part de minuscules papillomes souvent associés aux lésions d'hyperplasie épithéliale canalaire simple ou atypique. Ces micropapillomes souvent multiples rejoignent le risque lié aux hyperplasies épithéliales canalaires. Conduite à tenir L'attitude thérapeutique vis à vis de ces patientes est essentiellement basée sur l'évaluation de risque ultérieur de survenue de cancer du sein. Nous avons vu que ce risque est fonction du diagnostic histologique précis, porté par la biopsie, et de l'association à d'autres facteurs, familiaux en particulier. L'étendue des lésions est bien entendu également à prendre en compte. Un petit foyer de microcalcifications isolé ne sera pas traité de la même façon qu'une large plage de microcalcifications correspondant à des lésions proliférantes présentant des atypies envahissant la totalité de la biopsie. En règle générale, les hyperplasies lobulaires sont plus diffuses, plurifocales (>50 % des cas), voire bilatérales (30 - 40 % des cas), que les hyperplasies canalaires. Pour certains, les hyperplasies lobulaires moins fréquentes que les canalaires pourraient régresser après la ménopause. Les hyperplasies canalaires sont quand à elles parfois multicentriques (environ 30 %, rarement bilatérales (15-20 %). Surveillance ou traitement chirurgical La facilité de surveillance et donc de dépistage précoce d'un petit cancer est à prendre en compte. A une femme ayant compris la nécessité d'une surveillance régulière, facilement examinable et aux seins radiotransparents, on proposera un simple suivi radio-clinique. A une femme aux seins volumineux et dystrophiques, opaques ou remplis de calcifications à la mammographie, on proposera parfois une thérapeutique chirurgicale. Il est nécessaire de tenir compte des choix de la patiente, de son contexte psychologique, de son environnement et des éventuels antécédents familiaux. Une atteinte cancéreuse du sein controlatéral constitue également un facteur de risque. Une mammographie annuelle est recommandée, ainsi qu'un examen clinique bisannuel. Il est nécessaire d'expliquer à la patiente que la surveillance n'empêche pas la survenue du cancer. Son but est de détecter le plus précocement possible un éventuel cancer. A l'inverse chez les femmes atteintes de lésions franchement atypiques éventuellement plurifocales atteignant les limites d'exérèse, associées à des antécédents familiaux, le risque de survenue de cancer du sein devient très élevé. On sera alors amené à proposer parfois un geste chirurgical allant jusqu'à la mastectomie simple avec éventuellement conservation de l'étui cutané et de la plaque aréolomamelonnaire. Une reconstruction, immédiate ou secondaire, est toujours proposée. Un suivi de l'autre sein est indispensable. Les adénofibromes complexes, les centres prolifératifs d'Aschoff bénéficieront d'une exérèse simple emportant la lésion et un peu de parenchyme adjacent . Thérapeutiques médicales Des essais d'hormonothérapie sont en cours, eu égard à l'éventuelle hormonodépendance de ces lésions. Les récepteurs hormonaux aux estrogènes et à la progestérone ont en effet été retrouvés élevés surtout en cas de lésions lobulaires. Les progestatifs n'ont jamais pu faire montre d'une quelconque efficacité . Les analogues de la LH-RH ont été essayés par plusieurs auteurs mais la preuve de leur effet thérapeutique se heurte à des difficultés méthodologiques et n'est pas encore établie, il se pose de plus le problème de leur tolérance au long cours. Le Tamoxifène (20 mg par jour) est en cours d'évaluation dans la prévention de la survenue du cancer du sein chez les femmes à haut risque. L'essai du NSABP a été arrêté de manière précoce en raison d'une réduction significative de la survenue de cancer chez les femmes traitées par rapport au groupe témoin (45% de réduction). Cependant il est possible que cette molécule ne fasse que retarder la survenue du cancer et on ne sait pas exactement pour quelle catégorie de femmes cette thérapeutique est adaptée. La toxicité à long terme n'est pas connue, même si les auteurs ont rapporté un surcroît de cancer de l'endomètre et d'accidents thrombo-emboliques mortels chez les femmes traitées. Il est impossible de conclure sur une éventuelle réduction de mortalité -but d'un essai de prévention-. Les essais britannique et italien se poursuivent et répondront peut-être à ces questions. Conclusion Les mastopathies bénignes n'augmentent pas dans leur grande majorité le risque de survenue de cancer du sein, ce sont essentiellement les lésions qui s'accompagnent d'une hyperplasie ce d'autant qu'elle est atypique qui nécessitent toute notre attention ce d'autant qu'il n'y a actuellement aucun examen paraclinique qui permette de distinguer avec certitude l'hyperplasie atypique du cancer in situ, ni de prédire l'évolution éventuelle de l'un vers l'autre. [1] Dupont WD and Page DL, Risk factors for breast cancer in women with proliferative breast disease, N. Engl. J. Med., 1985, 312 : 146-151. 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