JOURNEES DE TECHNIQUES AVANCEES EN GYNECOLOGIE OBSTETRIQUE ET PERINATALOGIE PMA, Fort
de France 11 - 18 janvier 1996
La fosse postérieure variations anatomiques et malformations au
cours de la période néonatale
A. COUTURE, C. VEYRAC, C. BAUD et J.-L. FERRAN
Découvrir une lésion kystique de la fosse postérieure ou une anomalie morphologique
des structures cérébelleuses aux ultrasons pose toujours un problème aux
radiopédiatres. En effet, si la nature liquidienne peut être affirmée sans difficulté,
il en va tout autrement lorsque l'on s'interroge sur la cause même de la malformation
kystique : s'agit-il d'un syndrome de Dandy-Walker ? Peut-on différencier une
malformation vraie de Dandy-Walker de sa forme variante ? S'agit-il d'une grande
citerne et sa dilatation est-elle pathologique ? Cette malformation peut-elle
évoquer un kyste arachnoïdien rétro cérébelleux ? Peut-on apprécier
l'intégrité ou au contraire l'hypoplasie voire l'agénésie du vermis
cérébelleux ? Enfin, a-t-on les moyens morphologiques d'intégrer une pathologie
kystique de la fosse postérieure à une affection polymalformative familiale dont on
connaît le pronostic souvent péjoratif ?
Ces interrogations reflètent bien la grande complexité embryologique du
développement de la fosse postérieure. Ceci explique que chez le nouveau-né un
diagnostic précis exige parfois des investigations radiologiques importantes et multiples
(en premier lieu la résonance magnétique), mais dans lesquelles l'échographie semble
avoir pris un rôle de premier plan.
1 - Les mensurations de la fosse postérieure
Chez le nouveau-né, l'intégrité de la fosse postérieure peut s'appuyer sur des
critères parfaitement fiables et objectifs. Le vermis cérébelleux, d'échostructure
hyperéchogène et de morphologie ovalaire, représente le marqueur intra-crânien le plus
fiable et le plus facile à repérer sur une coupe sagittale médiane. On sait que la
mesure de sa taille confrontée à l'âge gestationnel, constitue un moyen efficace et
fiable d'apprécier la croissance foetale.
Le vermis, divisé en 3 lobes, présente un aspect trilobé : le lobe antérieur
est séparé du lobe postérieur par la scissure primaire. Le lobe postérieur est
séparé du lobe inférieur par la scissure postéro-latérale. Chacun de ces lobes
contient 3 lobules parfaitement différenciés par l'examen ultrasonore : le lobe
antérieur contient la lingula au contact de la valvule de Vieussens, le lobe central et
le culmen ; le lobe postérieur contient les lobules, déclive, folium et tubaire,
enfin, le lobe inférieur est composé de la pyramide, de la luette et du nodulus.
Ces caractéristiques morphologiques du vermis cérébelleux doivent être présentes
au cours de l'exploration ultrasonore néonatale : la mise en évidence d'une
anomalie (agénésie, hyperplasie ou atrophie) signe l'atteinte du vermis, marqueur
fondamental de la fosse postérieure. Chez le nouveau-né normal, l'appréciation de la
taille de la grande citerne constitue aussi un élément essentiel pour affirmer la
normalité de la fosse postérieure. Si la normalité biométrique de la grande citerne
est difficile à préciser du fait de l'accroissement du volume vermien au cours de la
première année de vie, elle n'excède jamais 8 mm d'après notre expérience .. Cette
biométrie peut parfois être insuffisante et doit être complétée par la mise en
évidence éventuelle d'anomalies des structures qui la limitent (hypoplasie du vermis
inférieur, anomalie de la tente du cervelet), pour évoquer une dilatation pathologique
de la grande citerne.
Enfin, il est fondamental de savoir que l'effacement de la grande citerne représente
le signe malformatif essentiel du nouveau-né myéloméningocèle.
2 - La pathologie kystique de la fosse postérieure
Il est habituellement simple de mettre en évidence une pathologie kystique de la fosse
postérieure, mais à l'inverse extrêmement difficile d'en préciser sa cause exacte.
C'est dire que pour affiner au mieux la stratégie diagnostique, il est indispensable
d'adopter un schéma d'analyse extrêmement rigoureux et l'étude lésionnelle précise de
3 formations anatomiques doit centrer la discussion : quelle est la morphologie du 4e
ventricule ? Les structures cérébelleuses (hémisphères cérébelleux et surtout
vermis cérébelleux) sont-elles intègres, hypoplasiques, agénésiques ou
atrophiques ? Quel est le degré d'expansion liquidienne de la fosse
postérieure ?
2.1. La malformation vraie de Dandy-Walker représente un diagnostic ultrasonore simple
Cette malformation dont le tableau clinique est sans spécificité (macrocéphalie), se
définit anatomiquement comme une dilatation kystique du 4e ventricule, associée à une
agénésie totale ou partielle des structures cérébelleuses. La surélévation du
torcular et de la tente du cervelet est fréquemment présente. L'hydrocéphalie est
fréquente mais d'importance variable. De ces constatations malformatives découlent des
signes échographiques bien maîtrisés et le diagnostic néonatal repose sur deux
points :
- la présence d'une volumineuse cavité kystique totalement anéchogène occupant la
fosse postérieure. Cette cavité triangulaire sur une coupe frontale postérieure est à
base occipitale et cette image liquidienne siège en lieu et place du 4e ventricule dont
la morphologie habituelle a disparu ;
- la confirmation d'une atteinte des structures cérébelleuses : c'est
l'élément malformatif essentiel du syndrome de Dandy-Walker. Le vermis cérébelleux
parfois totalement absent est le plus souvent le siège d'une hypoplasie majeure.
L'atteinte des structures cérébelleuses ne se limite pas au vermis et les hémisphères
cérébelleux sont constamment lésés : ils sont hypoplasiques, fréquemment
asymétriques et refoulés en avant et en dehors par la masse kystique de la fosse
postérieure ;- la présence d'une hydrocéphalie parfois considérable est
responsable d'un important amincissement parenchymateux. Cette dilatation très fréquente
mais non constante peut être nettement plus modérée. De type tétraventriculaire,
l'intensité de cette ventriculomégalie est habituellement sans corrélation avec la
taille du kyste de la fosse postérieure et avec le degré d'hypoplasie vermienne. Le
pronostic de la malformation de Dandy-Walker est considéré comme médiocre et dépend
essentiellement des malformations associées. En effet toutes les publications insistent
sur la très grande fréquence des lésions malformatives associées qui sont dominées
par les malformations cérébrales : agénésie du corps calleux, kyste
inter-hémisphérique, troubles de la migration (hétérotopie, agyrie, polymicrogyrie,
macrogyrie). D'autres associations sont plus rares, mais de caractère très
péjoratif : microcéphalie, holoprosencéphalie. Il existe également de très
diverses malformations viscérales dans la malformation de Dandy-Walker : il s'agit
essentiellement d'atteintes osseuses, d'atteintes faciales, de lésions rénales et
également de cardiopathie. Enfin, ce syndrome malformatif peut être associé à des
aberrations chromosomiques. La mise en évidence en période foetale de ces associations
malformatives pose le problème d'une interruption médicale de grossesse : l'examen
échographique doit être l'exploration de première intention, mais il apparaît de plus
en plus évident que cette technique d'examen doit être complétée par une imagerie en
résonance magnétique : ces deux explorations se justifient aussi bien en période
néonatale qu'en période anténatale de façon à s'approcher au plus près de la
véritable identité malformative.
2.2. Les difficultés diagnostiques sont évidentes pour différencier un syndrome de
Dandy-Walker variant d'un kyste arachnoïdien-rétro-cérébelleux ou d'une méga-grande
citerne
Si le diagnostic de nature est souvent difficile à poser, le bilan malformatif
anatomique et les données échographiques de ces entités mettent néanmoins en évidence
un certain nombre de différences lésionnelles :
- la malformation de Dandy-Walker variant correspond à une évagination postérieure
de la toile choroïdienne du 4e ventricule, associée à une agénésie partielle du
vermis et réalisant ainsi un tableau analogue à celui du Dandy-Walker vrai, mais avec un
4e ventricule mieux formé et moins dilaté. Le diagnostic ultrasonore est difficile à
différencier du syndrome de Dandy-Walker vrai et repose sur la dilatation kystique de la
fosse postérieure, sur l'agénésie partielle du vermis cérébelleux et surtout sur
l'existence d'un 4e ventricule mieux formé et moins dilaté que dans la malformation
vraie de Dandy-Walker ;
- le kyste arachnoïdien rétro-cérébelleux est caractérisé par la présence
d'anomalies malformatives de deux types : le premier type, de loin le plus fréquent,
correspond à une poche rétro-cérébelleuse communiquant librement avec le 4e ventricule
et les espaces sous-arachnoïdiens ; le second type est représenté par une poche
enclose, sous pression, ne communiquant pas avec les espaces sous-arachnoïdiens. Il
s'agit donc d'un kyste totalement fermé, sans communication avec le 4e ventricule et
souvent responsable d'une compression du vermis cérébelleux et d'une soufflure de
l'écaille occipitale.
Dans ces deux types il existe une intégrité du vermis cérébelleux et du 4e
ventricule. Le volume kystique parfois considérable est fréquemment responsable d'une
ventriculomégalie ce qui explique que la macrocéphalie soit le signe clinique le plus
fréquemment retrouvé.
La séméiologie ultrasonore et la difficulté diagnostique d'un kyste arachnoïdien
rétrocérébelleux néonatal varient en fonction de la taille, de la situation et du
caractère communiquant ou non de l'anomalie de la fosse postérieure. Lorsque le kyste
est de petite taille et fermé, le diagnostic est simple. Il se manifeste par une cavité
anéchogène, le plus souvent arrondie et habituellement excentrée par rapport à la
ligne médiane. Le diagnostic est assuré par la taille et l'échostructure normale du 4e
ventricule et de la grande citerne. Par ailleurs, fait essentiel, il existe un cervelet
échographiquement de morphologie intacte. Lorsque le kyste est volumineux et communicant,
le diagnostic, souvent difficile, repose, d'une part sur l'existence d'une cavité
anéchogène volumineuse rétro-cérébelleuse, remontant parfois très haut jusqu'à la
face supérieure du vermis cérébelleux ; d'autre part sur la présence d'un 4e
ventricule de morphologie strictement normale ; enfin, sur l'intégrité écho
anatomique de l'ensemble du cervelet.
Même si elle prête à beaucoup de discussions sur sa signification pathologique, la
méga-grande citerne correspond anatomiquement à une augmentation de volume de la grande
citerne cérébello-bulbaire. Le caractère anormal de cette expansion
sous-arachnoïdienne reste cependant très difficile à affirmer, du fait du caractère
très imprécis des dimensions normales de la grande citerne, en particulier chez le
nouveau-né. Sur le plan anatomique, la méga-grande citerne correspond à une collection
de liquide céphalo-rachidien, communicant avec le 4e ventricule et responsable d'une
expansion de la fosse postérieure. Le diagnostic échographique d'une grande citerne de
volume anormal représente une éventualité toujours très difficile à affirmer car la
variabilité de taille de la citerne basale est grande d'un nouveau-né à l'autre et ses
modifications morphologiques posent toujours le problème d'une anomalie véritable. Dans
certains cas, l'aspect morphologique est évocateur : il existe une expansion
localisée, liquidienne, au-dessous du vermis, et la grande citerne baigne latéralement
les structures cérébelleuses. Dans d'autres cas, il est souvent difficile, sinon
impossible de différencier une méga-grande citerne d'un kyste arachnoïdien
rétro-cérébelleux médian et de volume modéré. Enfin, le diagnostic d'une atrophie
vermienne, fréquemment associé à une expansion liquidienne de la fosse postérieure,
n'est pas du domaine des ultrasons et repose sur la réalisation d'une imagerie par
résonance magnétique.
3 - Les potentialités foetales de cette séméiologie néonatale découle plusieurs
éléments fondamentaux dans le cas de la pathologie fatale :
- l'absolue nécessité de réaliser, devant une pathologie kystique de la fosse
postérieure, une coupe foetale transfontanellaire. Celle-ci doit permettre dans l'avenir
de faire le diagnostic différentiel entre un kyste arachnoïdien et une malformation de
Dandy-Walker. Il est également fondamental de penser que cette exploration échographique
doit être couplée, en cas de moindre doute, à la réalisation d'une IRM foetale ;
- s'il est difficile de répondre sur la nature précise d'une expansion liquidienne de
la fosse postérieure du nouveau-né, le problème est encore plus aigu chez le
foetus ;
- en fait, la potentialité la plus évidente et la plus riche d'enseignement découle
et découlera de l'étude du vermis cérébelleux. On conçoit toute l'importance de cette
structure de la fosse postérieure pour permettre d'éliminer les difficultés
diagnostiques qui se posent dans la période néonatale ;
- le problème de l'agénésie ou de l'hypoplasie vermienne ne se résume pas
uniquement au diagnostic de la malformation de Dandy-Walker. L'atteinte des structures
cérébelleuses et en particulier du vermis peut en effet s'intégrer dans le cadre de
nombreux syndromes polymalformatifs dont le pronostic est souvent très péjoratif.
L'importance d'un diagnostic précis paraît fondamental car l'immense majorité de ces
syndromes malformatifs avec atteinte du vermis cérébelleux obéit à une transmission
héréditaire de type le plus fréquemment autosomique récessif : c'est souligner
l'importance du bilan malformatif anténatal ou néonatal, pour orienter au mieux le
conseil génétique.
Parmi les syndromes génétiques comportant constamment une atteinte cérébelleuse, il
faut en citer essentiellement trois : le syndrome de Joubert, le Syndrome de
Walker-Warburg et le syndrome de Débakan. Dans d'autres circonstances, l'agénésie ou
l'hypoplasie vermienne peut n'être qu'un élément malformatif retrouvé de façon
occasionnelle. Enfin la malformation cérébelleuse peut être le trait commun de
nombreuses anomalies malformatives : anencéphalie, spina-bifida, microcéphalie,
encéphalocèle, aberration chromosomique.
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A. COUTURE, C. VEYRAC, C. BAUD et J.-L. FERRAN Service de radiologie
pédiatrique, Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 371, av. du Doyen-Gaston-Giraud, 34295
Montpellier Cedex 5.
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