LES
FISTULES ANALES A DEVELOPPEMENT ANTERIEUR
Pierre COULOM
Les
fistules anales à développement antérieur (F.A.A.) représentent une entité particulère
au sein des fistules anales puisque loin d’être rares (25 % des fistules) (1)
elles sont souvent des pièges diagnostiques pouvant en imposer pour des pathologies
cutanéo-muqueuses périnéales, ou des affections purement gynécologiques comme
l’infection de la glande de Bartholin, ou des localisations ano-vulvaires ou
recto-vaginales de la maladie de crohn.
Le point
de départ de la fistule anale antérieure est, comme pour toute fistule anale,l’infection
d’une glande de Hermann et Desfosses s’abouchant dans une crypte de la ligne
pectinée (orifice primaire). L’infection de la glande pectinéale fuse à travers
les traversées conjonctives ou ligamentaires des plans sphinctériens pour s’aboucher
à la peau périnéale par un orifice secondaire.
La fistule
anale proprement dite comprend donc un orifice primaire, un trajet et un orifice
secondaire. La difficulté diagnostique vient de la localisation exacte de ces
3 éléments.
La
présentation clinique des F.A.A. est loin d’être univoque que ce soit :
à la phase aigue d’abcès ou
à la phase chronique de la fistule proprement dite.
A
la phase aigue d’abcès,
la douleur domine , elle est continue, non rythmée par les selles.
Elle
s’accompagne de signes urinaires (y penser devant une rétention urinaire), l’examen
est évident devant les risques classiques de l’abcès : dolor, urbor, calor,
mais souvent l’examen clinique parait normal si l’abcès est profond. La palpation
du canal anal provoque une douleur élective au niveau de l’orifice interne,
et le toucher rectal retrouve l’infiltration profonde. L’anuscopie visualise
parfois l’orifice primaire par l’existence d’une sécrétion purulente.
A
la phase chronique de
fistule : l’orifice externe, motif de la consultation est facilement retrouvé
soit unique en peau saine, ou dans un zone cicatricielle ; soit multiples d’un
seul côté de la ligne médiane évoquant un orifice interne unique soit multiples
de part et d’autre de la ligne médiane évoquant une fistule en fer à cheval.
La palpation
retrouve parfois le cordon induré de la fistule ou l’induration d’une suppuration
chronique profonde. La recherche de l’orifice primaire se fait par injection
d’air ou de bleu de méthylène dans l’orifice secondaire. La perception de la
saillie bulleuse et de l’issue liquide bleuté est caractéristique.
La palpation
peut être étayée par l’échographie ou la radiologie.
L’échographie
endo-canalaire permet le diagnostic des localisations d’abcès et par l’artifice
technique l’injection d’eau oxygénée permet de retrouver le trajet et de localiser
l’orifice primaire.
L’IRM
dans les cas difficiles est performante, mais reste réservée compte-tenu de
sa difficulté de réalisation aux cas difficiles ou récidivants.
Le scanner
est sans intérêt.
La fistulographie
reste un examen performant en matière diagnostique, mais est malheureusement
rarement demandée.
Quoiqu’il
en soit, en matière diagnostique, l’imagerie ne peut remplacer l’expérience
de l’examinateur.
Le diagnostic
différentiel est représenté par :
- Les
fistules ano-vulvaires ou recto-vaginales de la maladie de crohn.
- Les
Bartholinites
- Les
sinus pilonidaux antérieurs
- Les
maladies de Verneuil
- Les
endométrioses périnéales ano-vaginales.
Les
fistules recto-vaginales
se produisent soit à la suite d’une infection ou d’un traumatisme, soit après
radiothérapie, tumeur, pathologie inflammatoire digestive.
Selon qu’elles se produisent sur un tissu sain, ou un tissu pathologique la
guérison est ou n’est pas aléatoire.
La solution thérapeutique est le plus souvent chirurgicale (espoir de guérison
des fistules recto-vaginales de la maladie de crohn par l’Infliximab). Le souci
majeur du chirurgien est la conservation ou la restauration de l’appareil sphinctérien.
Le tableau proposé par R. PARC résume les causes des fistules recto-vaginales
(2).
Le traitement de ces fistules se fait par les techniques d’abaissement muqueux
ou par la technique de Musset en deux temps, voire en un temps (3).
Les Bartholinites
sont rarement confondues avec des fistules anales antérieures.
Pourtant, il faut savoir que s’il n’a jamais été rapporté de cas de fistulation
intra anale, ou intra rectale d’une Bartholinite, la fistule anale vraie peut
s’aboucher dans la glande de Bartholin et en imposer pour une pathologie gynécologique
(4). Il n’est pas rare dans la pratique proctologique d’opérer des patientes
multi-opérées de pseudo Bartholinite. IL faut donc identifier le trajet fistuleux
et son origine.
Le
sinus pilonidal
est une suppurration le plus souvent localisée au sillon inter fessier.
Il s’agit d’une cavité pseudo kystique à bords granulomateux, située dans le
tissu sous cutané du sillon inter fessieur, en regard du coccyx et du sacrum.
La cavité communique avec la peau par des orifices ou fossettes où s’abouchent
des conduits épidémisés.
Le sinus pilonidal peut se présenter sous forme aigue d’abcès ou par un écoulement
chronique. Il représente 15 % des suppurations anales et 68 % des suppurations
indépendantes de l’ano-rectrum.
En France, le traitement le plus utilisé est l’exérèse en bloc de toute la cavité
avec plaie laissée ouverte et cicatrisation dirigée (5). Une forme à laquelle
il faut savoir penser est la localisation antérieure périnéale du sinus pilonidal
avec le risque de confusion avec la fistule anale antérieure. En effet, le cathétérisme
forcé à la recherche d’un trajet fistuleux peut créer des faux trajets, sources
de complication secondaire.
La
maladie de Verneuil
est une affection rare (2 % de l‘ensemble des suppurations ano-rectales) atteint
préférentiellement la région inguino-scroto-pubienne (90 % des cas).
Il s’agit classiquement d’une infection des glandes apocrines de la peau. En
réalité, il ne s’agit pas d’une maladie infectieuse, par contre elle est androgéno
dépendante et transmissible génétiquement.
Le nodule hypodermique du début peut être unique ou multiple et alors donner
des lésions en placards. C’est cette forme de début qui peut être confondue
avec la fistule anale car ensuite les successions de poussées infectieuses et
de cicatrisation déformantes donnent un aspect en "pâte de crabe"
caractéristique.
Le traitement est chirurgical avec exérèse de la peau et du tissu cellulaire
sous jacent.
L’endométriose
périnéale
est citée ici à type anecdotique car le classique noyau bleuté d’une endométriose
dans une cicatrice d’épisiotomie est rarement confondu avec un abcès ou une
fistule de la marge anale.
Ici encore il faut se méfier des pathologies iatrogènes et de la création d’une
fistule anale par recherche agressive d’un hypothétique trajet.
La difficulté de diagnostic d’une fistule anale antérieure tient à la proximitié
de l’appareil génital et à l’existence de la barrière sphinctérienne.
Le traitement de la fistule est toujours chirurgical. La qualité de l’acte chirurgical
dépend de l’inventaire complet des lésions qui s’appuiera éventuellement sur
les techniques modernes d’imagerie (fistulographie échographie endo-anale et
I.R.M.)
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CAUSES
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FISTULES
ENTERO- COLOGENITALES
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FISTULES
RECTO-VAGINALES
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Obstétricales
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-Épisiotomie,
épisioproctotomie,
-Déchirure périnéale,
-Accouchement long, difficile (lésion méconnue, mal traitée ou suppurration
secondaire)
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TRAUMATIQUES
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Chirurgicales
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Chirurgie pelvienne ou périnéale :
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Chirurgie pelvienne ou périnéale :
|
-Endométriose,
lésion infectieuse,
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-Hystérectomie
par voie basse
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-Suppuration
post-opératoire,
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-Chirurgie
du rectum sous péritonéal (surtout si hystérectomie totale associée).
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-Drainage
inapproprié
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-Périnéorraphie
postérieure.
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-Péritonisation
traumatique.
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Anecdotiques
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-Violences sexuelles,
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-Traumatisme
périnéal,
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-Corps étranger
(pessaire), chimique.
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SPONTANEES
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Néoplasiques
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-Tumeur du
sigmoïde,
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-Tumeur rectale
ou gynécologique (primitive, récidivée, métastasique).
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-Carcinose
de Douglas,
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Infectieuses
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-Abcès périsigmoïdien d'une diverticulose,
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-Abcès glandulaire et fistule anale,
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-Abcès de
Douglas (appendicite),
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-Bartholinite
suppurée.
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-Tuberculose,
actinomycose, péritonéale...
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Maladies
inflammatoires de l'intestin
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-Crohn colique
ou iléal (lésions histologiques spécifiques)
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-Crohn : siège
(tiers inférieur et moyen) et lésions histologiques non spécifiques
(incidence : 10-23 %).
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-RCH (incidence
: 3,6 %).
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Postradiques
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-Curiethérpaie
+ radiothérapie pour lésion gynécologique,
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-Incidence
décroissante chriffrée entre 0,3-5,3 % favorisée par la chirurgie
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Rares
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-Leucémie,
agranulocytose, endométriose, condylomes...
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Sans causes
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-Non exceptionnels.
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BIBLIOGRAPHIE
(1) DENIS J, DUBOIS
N, DU PUY-MONTBRUN F, GANANSIA R, LEMARCHAND N.
Une classication des fistules anales. Ann. Gastro enterol, 1983, . 19 : 393-397.
(2) PARC R, BORIE
H.
Fistules digestives et appareil. E.M.C. gynécologie. 6 eme édition-1989.
(3) ROTHENBERGE D,
CHRISTENSON C, BALCOS G, SCHOTTLER J, NEMER F, NIVATUONGS S, GOLDBERG S.
Endrectal avancement flap for treatment of simple recto vaginal fustula. Dis.
Cl. rectum. May June 1982 vol 25 n° 4 - 297-300.
(4) CRIPPS NPS, NORTHOVER
JMA.
Anovestibular fistula to Bartholin’s gland. Brit of Surg. 1998, 85-659-661.
(5) ARNOUS J, DENIS
, DUBOIS N.
L’exérèse à ciel ouvert des kystes pilonidaux. Gastro entérol. Clin. Biol. 1977,
1, 945.
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